Fin de partie romantique de l’affaire Julian Assange? 1ère partie

Objections, analyses et actions de Wikijustice – 1ère Partie

Monika Karbowska

Lorsque nous avons commencé, avec Wikijustice Julian Assange, à analyser, il y a 9 mois, la totalité de l’histoire de « Wikileaks » et Julian Assange, nous avons été frappés par les morts suspectes qui jalonnent l’historique de toute la lutte pour la libération de ce prisonnier politique en Occident : Seth Rich, John Johns, Michaël Ratner, Adrian Lamo, Arjen Kamphuis … Que de décès subits de personnes qui ont été impliquées dans les révélations des secrets d’Etat par Julian Assange ou qui avaient voulu sincèrement l’aider ! Il y a aussi des personnes qui nous ont demandé si nous ne sommes pas en danger en nous intéressant de trop près à l’affaire. Naturellement, la lutte contre le système est une prise de risque. Je le sais mieux que quiconque ayant perdu mon pays, mes meilleurs amis, en opposition au capitalisme en Pologne dès 1991, où lorsque j’ai été menacée par la sanguinaire extrême droite ukrainienne lors de mon soutien aux familles des victimes du massacre d’Odessa du 2 mai 2014. Mais nous nous sommes dit alors : nous ne sommes pas isolés, nous faisons partie du puissant mouvement social des Gilets Jaunes. Pour nous faire taire il faudrait faire taire un pays entier qui se lève contre l’oligarchie locale, européenne et mondiale.

Gilets Jaunes en route vers la Révolution en Grande Bretagne

A voir la violence de la crise que nous traversons en Europe continentale et particulièrement en France, nous pourrions nous dire, à trois mois de la fin de la première phase du procès à la Woolwich Court de fin février dernier, que nous ne sommes pas loin de ce scénario…. Interdiction de sortir de chez soi sous peine d’amende policière et de poursuites, arrêt de l’économie et des liens sociaux, fermeture de tous les lieux de sociabilité, peur collective de mourir par une maladie inconnue face à laquelle rien n’a été préparé par les gouvernants…

Nécessité de débrouille et autogestion là où on soigne encore les gens, dans les hôpitaux et certains systèmes de santé locaux, sauve qui peut général des communes, départements et régions face à un Etat déliquescent et capable uniquement de répression… Je vous fais grâce de la litanie, vous l’avez vécu comme moi depuis mi-mars.

Même le langage utilisé pour nous est le même que pour la torture subie par Julian Assange. Son « solitary confinement » dans un appartement correspond à notre « confinement » collectif dans nos logements…

Les dernières audiences du procès de Julian Assange sans le regard des militants

Dans cette débâcle de mon pays, il nous a été impossible d’assister aux quatre procès de Julian Assange depuis fin février, le 25 mars, le 7 avril, le 27 avril et le 4 mai. Il est certes possible de se déplacer de France en Grande Bretagne car Eurostar met tous les jours des billets en vente et aussi de réserver un Paris-Londres sur le site liligo.fr, mais c’est sortir de sa maison qui était devenu difficile en France.

Les informations que j’ai pu obtenir m’ont été fournies par les compte rendus détaillés des audiences que rédige le seul journaliste que j’estime faire un travail de fond, Marty Silk de l’Australian Associated Press (que son travail soit salué au passage). Ayant pu le voir travailler et assister à sa prise de notes plusieurs fois, je sais au moins qu’il décrit le déroulé de l’audience de façon plutôt précise. C’est ainsi que j’ai pu apprendre des deux audiences du 25 mars et du 7 avril qu’une demande de libération sous caution a enfin été déposée par les avocats Fitzgerald et Summers, après tant de mois de tergiversation, et qu’elle avait été rejetée par la juge Baraitser le 25 mars. L’essentiel des audiences du 25 mars et du 7 avril a consisté néanmoins, non dans une argumentation autour de cette libération, mais en débats interminables sur la révélation de l’identité d’une nouvelle « compagne » de Julian Assange et de ses deux enfants. Selon Marty Silk, ce sont plutôt les avocats qui ont mis incessamment le sujet sur le tapis dans une dramaturgie digne de Paris Match, Gala ou Voici alors que la juge et l’accusation observaient une neutralité évidente. Evidente parce que dans une procédure judiciaire seule l’identité du justiciable est connue du public qui assiste au procès. Le nom de l’époux/épouse est connu de l’institution judiciaire puisqu’il s’agit de l’état civil du justiciable et de ses obligations familiales qui font partie de sa situation sociale, mais il n’a pas à être livré au public. Et à fortiori, ne sera jamais dévoilé publiquement par le juge le nom des enfants du justiciable car cette information est logiquement protégée par les lois de protection des enfants, de la vie privée des personnes et de la protection des données.

Le récit coloré des « paparazzis qui risquent de poursuivre la pauvre femme si son nom venait à être divulgué au public » et la crainte « d’un enlèvement par les services secrets américains » me laissait incrédule comme souvent les éléments bizarres de ce dossier. Comme déjà en 2019, je répétais aux militants que « si cette femme vit en Grande Bretagne, les services secrets britanniques la connaissent parfaitement et s’ils la connaissent, les services secrets américains la connaissent aussi ». Il est peu probable que la CIA prenne le risque d’assassiner ou enlever une femme et des enfants britanniques sur le sol britannique. Malgré tout le dégoût que cette institution peut nous inspirer, elle n’a jamais encore commis ce genre de crime sur le sol de son plus proche allié vis-à-vis de ressortissants britanniques car le faire serait diplomatiquement très risqué pour le gouvernement états-unien. De toute manière, j’étais plutôt partie pour trouver la compagne de Julian Assange en France. Suite aux nombreuses déclarations publiques de Juan Branco et de celle de Eric Dupont Moretti à la conférence de presse du 20 février 2020 à Paris[1] ,selon lesquelles Julian Assange était père d’un enfant français, des militants nous posaient régulièrement cette question « savez-vous qui est la femme française de Julian Assange ? ». Non, je ne le savais pas, mais je gardais une option sur cette probabilité, sachant qu’il était crédible qu’un informaticien militant comme Julian Assange ait pu rencontrer une compagne en France dans les années 2005 à 2009 et qu’il aurait été utile pour nous, militants, d’avoir son soutien ouvert dans la lutte que nous menions pour l’asile politique de Julian Assange en France.

Stella Morris devant le « Daily Mail »

Après avoir voulu à tout prix protéger pendant des années son identité et y avoir efficacement réussi malgré les « paparazzis », voici que Stella Morris alias Sara Gonzales Devant ou Stella Smith Robertson[2] se met en scène avec ses enfants à visage découvert face aux journalistes du tabloid le « Daily Mail »[3] – je découvre  l’article au soir du 11 avril dernier. Le journal publie quelques photos, un texte romancé et une vidéo de Stella Morris avec un chat et deux enfants dans un décor qui ressemble à celui d’un atelier informatique (matériel dans des cartons sur des étagères…) dans lequel on aurait disposé des jouets d’enfants.

Cette nouvelle me pousse à écrire ici quelques réflexions sur la nature du militantisme que j’ai effectué ces derniers mois et pour lequel j’ai pris beaucoup de risques et vécu des moments de grande violence, comme je l’ai décrit dans tous mes articles, sur le procès de Julian Assange. J’ai en effet assisté à toutes les audiences du procès de Julian Assange depuis septembre 2019 : le 20 septembre, le 11 octobre, le 21 octobre 2019, le 18 novembre, le 13 décembre, le 19 et 20 décembre 2019, le 13 janvier 2020, le 23 janvier 2020, le 19 février 2020, le 24, 24, 26 et 27 février 2020. Après avoir fourni autant d’effort, je me sens légitimée pour formuler quelques remarques.

Il est dommage que les médias mettent en scène Stella Morris ou Sara Gonzales Devant ou Stella Smith Robertson comme « avocate » alors qu’elle n’est pas inscrite au barreau britannique, ni au « Bar council »[4] ni à la « Law society »[5] sous aucun de ses trois noms. Elle n’est pas la seule : Jennifer Robinson et Geoffrey Robertson ne sont pas non plus inscrits au barreau britannique mais les mots sont importants, dire conseillère ou collaboratrice juridique serait plus exact. Parmi la nombreuse troupe des « avocats » de Julian Assange, seuls Jean Gareth Peirce et Alaistar James Lloyd Lyon sont inscrits à la « Law society » et Edward Hamilton Fitzgerald et Mark John Summers au « Bar Council ».

De même, il est dommage qu’aucun journaliste ne s’interroge et n’engage le public à réfléchir sur la crédibilité d’une personne qui a pu changer trois fois de nom et de prénom dans sa vie et qui affirme faire un métier alors qu’aucune preuve n’existe qu’elle est en mesure de l’exercer. Dans les système juridique occidentaux, il est très difficile de changer de nom et encore plus de prénom sauf en cas de mariage ou de naturalisation. Une procédure spéciale exigeant des arguments valables est alors nécessaire. Si Sara Gonzales Devant, spécialiste de l’histoire du Timor Oriental, est la même personne que Stella Morris conseillère juridique, alors il est nécessaire de mentionner que « Stella Morris » est un pseudonyme et d’être exact dans le récit pour ne pas tromper le public et les militants.

De plus, alors que Stella Morris présente Julian Assange comme son client et son compagnon à la fois, les journalistes auraient pu aussi en conclure que Stella Morris ne respecte pas le code de déontologie de sa profession lorsqu’elle se trouve dans la salle d’audience alors qu’elle partage sa vie intime avec l’accusé. Si elle est bien la compagne de l’accusé, sa présence est un vice de procédure qui aurait dû faire annuler les audiences. « Défendre » en tant qu’avocat est défendre selon des règles et un code de déontologie qui interdit dans la plupart des pays à un avocat d’avoir des liens personnel étroits avec son client. D’ailleurs, deuxième vice de procédure, si Julian Assange est bien le compagnon de Stella Morris, elle peut d’autant moins rester son avocate puisqu’en respectant les règles elle ne pourrait plaider et donc le représenter correctement. Julian Assange se retrouverait à nouveau démuni du fait d’un imbroglio personnel et juridique qui ne pourrait encore une fois que lui porter préjudice.

Lors de toutes les audiences du 19 décembre 2019 au 27 février 2010 nous avons noté la présence incongrue de très jeunes gens qui n’ont manifestement pas de diplôme d’avocat et ne sont naturellement pas inscrits au « Bar council » ni à la « Law Society ». Le 19 décembre, 13 et 23 janvier et 19 février 2020, ce fut le jeune hacker MC McGrath[6] qui jouait ainsi aux apprentis avocats assis sur le banc de la défense à la cour Westminter Magistrate. Les 24, 25, 26 et 27 février 2020, il était présent à côté de Stella Morris ainsi qu’une ribambelle d’adolescentes qui visiblement s’ennuyaient pendant les longues heures du « procès du siècle » et pianotaient sur leurs portable ou sur leurs ordinateurs roses. Je sais qu’il faut le voir pour le croire et comme je l’ai vu, ayant assisté à toutes ces audiences, j’encourage ceux qui ne me croient pas à faire, la prochaine fois, la queue à partir de 5 heure du matin pour assister à ce qui est un étrange spectacle très éloigné de ce qu’on attend d’un procès politique sérieux. De la galerie du public, j’avais parfois l’impression de regarder la répétition générale d’un tournage de film ou d’une pièce de théâtre avec de jeunes figurants, ou à un exercice «in situ » pour de jeunes acteurs stagiaires.

Stella Morris en tant que Sara Gonzalez Devant

Sara Gonzalez Devant est donc apparemment diplômée en sciences politiques (Departement du Développement International[7]) à l’Université d’Oxford, spécialiste de la question des réfugiés au Timor Oriental[8]. Elle aurait séjourné au Timor Oriental en 2005-2006 et aurait rédigé un mémoire pour cette faculté : ce document est cité dans deux livres universitaires sur le sujet [9]. Un de ces ouvrages universitaires, sous la direction de Jacqueline Aquino Sapiano, la présente comme boursière de la « Agencia Espanola de Coopération y Desarolla AECID » organisme gouvernemental espagnol pour la coopération internationale. Le site d’une association britannique d’aide aux réfugiés (Refugee Legal Aid Information) précise qu’elle aurait été consultante au Timor Oriental pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés[10] et aurait travaillé en 2010-2011 sur la question de la pauvreté transgénérationnelle pour l’Institut du Développement de l’Outre-Mer (Oversea Developement Institut), un grand think thank international travaillant sur les thèmes des migrations, du développement durable et du changement climatique et financé par les agences gouvernementales britanniques, américaines, suédoises et françaises ainsi que par des grandes entreprises[11].

Elle a été financée aussi par la fondation canadienne publique Jeanne Sauvé « pour le leadership féminin»[12] mais il est impossible de trouver des précisions sur son travail ou sa recherche. Sara Gonzalez Devant a écrit deux articles sur le Timor Oriental et un sur le Bostwana sur le site spécialisé « New Internationalist »[13] et a participé à une newsletter sur le thème des droits des réfugiés[14].

C’est un parcours professionnel tout à fait honorable, mais très éloigné du droit suédois sur les violences sexuelles ou du droit britannique concernant les extraditions, connaissances qu’elle prétend utiliser pour aider Julian Assange en tant que Stella Morris. En tant que Sara Gonzalez Devant son parcours professionnel semble également s’arrêter à l’année 2012.

Que s’est-il réellement passé 3 rue Hans Crescent pendant 7 ans ?

Ayant connu Madame Gonzalez Devant sous le nom de « Stella Morris » je continuerai à utiliser ce pseudonyme. Son récit, dans le premier article du Daily Mail, le 11 avril 2010, m’inspire les réflexions suivantes.

Avoir des enfants dans un couple hétérosexuel suppose d’avoir des relations sexuelles. Il est possible, bien sûr, de faire des enfants dans des relations sexuelles non consenties mais Stella Morris nous présente dans son film la relation pleine d’amour qu’elle dit avoir développée avec Julian Assange. Avoir des relations affectives et sexuelles amoureuses suppose d’avoir un espace à soi ou cette intimité peut s’épanouir dans la confiance. Il est nécessaire aussi d’avoir un espace mental libre et protégé pour pouvoir créer une relation suivie et se concentrer sur la création de cette relation.

Ce qu’on nous a raconté, depuis 2012, sur la vie de Julian Assange dans l’appartement du 3 rue Hans Crescent appartenant à l’Etat de l’Equateur est incompatible avec les conditions nécessaires à l’épanouissement d’une vie intime et familiale. Julian Assange aurait été sous surveillance constante des caméras de la société UC Global placées dès 2015 dans tous les espaces, y compris dans la salle de bain et dans les toilettes, comme le montre Andy Müller Maguhn président du Conseil d’Administration de la Fondation Wau Holland[15] dans le film projeté le 27 décembre 2019 au Chaos Computer Congress et composé de ces images intrusives volées de la vie privée de Julian Assange[16]. Selon la narrative officielle tant de fois reprise par les médias et par des « proches », Julian Assange aurait passé 7 ans confiné dans 5 mètres carrés et demi d’une chambre et d’un espace encore plus petit dans lequel aurait été placé son lit, auparavent des toilettes[17]. Pas vraiment des conditions idéales pour développer une vie amoureuse alors que Stella Morris affirme lui avoir rendu visite tous les jours de 2015 jusqu’au 11 avril 2019.

Mais peut-être nous a-t-on tout simplement menti et la vie de Julian Assange dans l’espace équatorien était très différente de ce qu’on nous a présenté ?

La réalité des lieux au 3 rue Hans Crescent

Selon le cadastre, l’immeuble du 3 rue Hans Crescent appartient en propriété absolue (Freehold) à la compagnie Hans Crescent Freehold limited (Document LN62660), sise dans un paradis fiscal et propriété de Mohammed bin Khalifa Al Nahyan, fils du Président des Émirats Arabes Unis[18]. L’Equateur possède de son côté en « Leasehold » (sorte de bail à très long terme) l’appartement 3B au rez de chaussée depuis le 25 décembre 1976 auquel est adossé un « storage room », un lieu de stockage, au sous-sol (Document NGL333924)[19]. Cet appartement est situé sur l’angle gauche de l’immeuble lorsqu’on se tient devant l’entrée du numéro 3. On remarque que seules 3 fenêtres (dont le fameux balcon ou Julian Assange apparaissait parfois et était filmé par les médias et les militants) donnent sur la rue Hans Crescent. Le reste de l’appartement, 5 fenêtres, donne sur une petite impasse, la Landon Square. L’appartement de l’Equateur dispose d’une grande issue de secours donnant immédiatement sur l’impasse, peut-être d’une deuxième à partir du « storage room » puisque deux portes se trouvent sous l’appartement au fond de l’impasse Landon Square permettant de sortir du « sous-sol » (plutôt un « basement » – un local à ras le sol) du bâtiment et de gagner la rue ou de rentrer dans le parking du Harrods qui fait face.

Justement, en face de l’appartement, intégrée au même complexe d’immeubles, se trouve l’imposante entrée du parking et du tunnel de livraison du Harrods (voir photos)[20]. Cette entrée située au 1 rue Hans Crescent relie ce parking et le tunnel de livraison par le sous-sol du bâtiment au magasin Harrods située à droite du complexe immobilier du 3 rue Hans Crescent, côté Basil Street. Le parking de Harrods s’étend donc en dessous du complexe immobilier du 3 Hans Crescent Street et il est possible d’en ressortir par une deuxième entrée, de l’autre côté du bâtiment, à côté de la pizzeria de luxe faisant face au Harrods, seul restaurant du quartier. Ces entrées et ces tunnels situés sous le bâtiment du 3 rue Hans Crescent sont mentionnés dans le cadastre.[21]

L’appartement loué par l’Equateur en « Leasehold » avec les fenêtres donnant sur l’impasse Landon Place. Vue sur les deux sorties de secours donnant dans l’impasse
Sortie de secours de l’appartement equatorien dans l’impasse Landon Place – cette porte peut donner sur le « storage room » situé dans le basement, le ras le sol, qui appartient aussi à l’appartement équatorien et figure sur le cadastre
Sortie de secours principale de l’appartement équatorien donnant sur l’impasse Landon Place
Le fameux balcon ou Julian Assange était mis en scène. Au fond l’immeuble de Harrods
Entrée de l’immeuble du 3 Hans Crescent Street
les appartements de la rue Hans Crescent Street. L’ambassade de Colombie mitoyenne de l’Equateur sur le même palier est bien la
Excellente vue sur le balcon et l’appartement equatorien, le tunnel de livraison de Harrods juste en face et l’immeuble de Harrods situé au fond de l’impasse Landon Place. Le tunnel de livraison de Harrods passe derrière et sous l’immeuble de Hans Crescent Street
Tunnel de livraison de Harrods sur lequel donnent les fenêtres de l’appartement equatorien

Ce n’est pas étonnant. Les connaisseurs de Londres savent que le quartier est truffé de souterrains ayant servi pendant la seconde guerre mondiale[22]. Les parkings souterrains composaient, dès les années 30, la première partie des souterrains refuges de civils pendant les bombardements des nazis sur Londres. A une encablure de la rue Hans Crescent se trouve même le fameux « 206 Brompton road », l’ancienne station de métro sous laquelle se trouvait, pendant la guerre, le quartier général de la défense anti-aérienne de Londres ! Propriété du ministère de la défense britannique qui a conservé le bunker souterrain en l’état, le lieu fut vendu à l’oligarque ukrainien Dimitri Fyrtach au moment de l’apogée de la guerre de l’Ukraine contre le Donbass en 2014[23]. En tant qu’un des oligarques les plus riche et puissant de ce pays, propriétaire exclusif des systèmes d’acheminement du gaz russe vers l’Ukraine, d’usines chimiques et d’entreprises d’importation de titane, Fyrtach est aussi très lié aux élites britanniques et américaines. Lors de la guerre en Ukraine il fut accusé d’avoir été trop proche du président Yanukovitsch que les puissances occidentales ont poussé au départ avec le putsch du 21 février 2014. Depuis, Fyrtach est poursuivi pour corruption mais il reste propriétaire des murs du bâtiment historique alors que le ministre de la défense britannique conserve la propriété et le contrôle des vastes souterrains aménagés[24]. Lors de la mise en vente de l’ancien bunker, des passionnés d’histoire ont pu filmer ce qui est le point d’entrée d’un entrelacs de souterrains dans ce quartier chargé d’une histoire dure et héroïque[25]. Ces précisions sont données pour démontrer qu’il est possible de rentrer dans les bâtiments de ce quartier historique, de descendre au sous-sol à l’intérieur et de ressortir du bâtiment par une autre entrée, parfois située dans un autre immeuble.

Lorsqu’il est enlevé de force des locaux du 3 rue Hans Crescent le 11 avril 2019, Julian Assange brandit face aux caméras un livre de Gore Vidal. Fait curieux, l’écrivain américain a vécu dans sa propriété au 31 Egerton Crescent à 500 mètres à peine du complexe immobilier de Hans Crescent, comme il le mentionne dans son livre autobiographique « Palimpseste ».

On sait aussi que les services de l’ambassade ont déménagé, en 2015, lorsque le bâtiment aux doubles entrées au 6 James Sessions Square et au 12 Buckle Street à Whitechapel a été achevé. C’est ici que travaillent, très probablement dès 2015, les diplomates équatoriens à coté de leurs collègues du Consulat, comme le montre la page Facebook officielle de l’Etat de l’Equateur à Londres, il n’y a pas d’autre site internet[26]. L’appartement de 3 rue Hans Crescent est peut-être resté couvert par l’immunité diplomatique et depuis sert de lieux de stockage, de salle de réunion et de réception, ou tout simplement de logement pour les diplomates ou pour les visiteurs de la mission.

Nouveaux locaux de l’ambassade de l’Equateur depuis 2015, 12 Bucklestreet à Whitechapel
6 James Sessions Square, véritable locaux diplomatiques equatorien, consulat situé derrière le 12 Bucklestreet
Entrée des locaux diplomatiques de l’Equateur, côté consulat, 6 James Session Square, Whitechapel

Du reste, si l’histoire de caméras installées par le responsable de la sécurité de la mission diplomatique était vraie, il n’est pas dans les usages des diplomates de travailler avec des caméras de surveillance installées dans leur poste de travail (et dans les toilettes de leur lieu de travail), des caméras zoomant sur des documents secret défense… Aucun diplomate véritable n’accepterait cela, ne serait-ce qu’à cause du danger que ces images pourraient être volées. En outre, il n’y a pas besoin d’espionner des diplomates dans leur travail, ces personnes ont déjà été choisies pour leur fidélité au gouvernement en place. Aujourd’hui l’appartement est vide et l’agent de sécurité posté dans le vestibule contrôle les entrées vers les deux appartements, celui de la Colombie et celui de l’Equateur. Les curieux de l’Equateur sont systématiquement orientés vers le 12 Buckle street.

Justement, une autre ambassade, que jamais aucun médias ne montre, l’ambassade de la Colombie se trouve sur le même palier du rez-de-chaussée de l’immeuble. Les deux missions sont donc mitoyennes, elles partagent la même entrée principale, le même escalier et le même étroit vestibule. Cette proximité étonne beaucoup quand on sait l’hostilité profonde du régime colombien, étroitement associé à la domination des Etats Unis sur toute l’Amérique Latine, à tout gouvernement de gauche dans n’importe quel pays du continent, dont à celui de Correa. Observant ces deux drapeaux, au demeurant fort ressemblants, de la Colombie sur le balcon de l’appartement de droite, celui de l’Equateur sur le balcon de l’appartement de gauche, le visiteur se demande toujours comment diable Julian Assange aurait pu se sentir en sécurité dans un appartement aux fenêtres les unes exposées sur une place, les autres coincées au fond d’une impasse et situé de surcroit sur le même palier que le quartier général de ses pires ennemis.

Ambassade de Colombie au 3 Hans Crescent Street – même palier que les locaux equatoriens, mais de l’autre coté du batiment en face de Harrods. vue sur Basil Street
Drapeau colombien sur le balcon du 3 Hans Crescent Street en face de Harrods
Zoom sur le drapeau de la Colombie sur le balcon jumeau de l’Equateur
Vue de l’ambassade colombienne et de la rue Hans Crescent de chez Harrods
Entrée de l’immeuble et vue sur la première fenêtre à gauche de l’entrée – l’appartement équatorien
A l’opposé, vue de la rue côté colombien. on remarque les multiples sorties de secours et sorties vers les parking des « basements », ou sous sol sous la mission colombienne au 3 rue Hans Crescent Street

Pour conclure sur les incohérences de la fable de la méchante UC Global espionnant la mission diplomatique équatorienne, il faut souligner qu’un agent de sécurité officiant dans le vestibule mitoyen ne peut pas filtrer les entrées vers l’appartement de l’Equateur sans que la Colombie ne donne également son accord. Le cas contraire donnerait lieu à de graves frictions diplomatiques entre deux pays dont les gouvernements sont idéologiquement hostiles de 2007 à 2017. Il est évident aussi que l’Equateur, propriétaire uniquement de l’appartement 3B, n’avait pas ainsi le droit de contrôler les entrées des habitants des autres logements du bâtiment de 5 étages. Pour cela, il faut l’accord de la Hans Crescent Freehold limited, propriétaire de tout l’immeuble. Soit ce filtrage avec contrôle des passeports était décidé par l’ensemble des propriétaires, soit cette histoire est un faux destiné à faire monter la tension du spectacle médiatique.

Le storytelling à l’épreuve des usages et réalités diplomatiques

Guillaume Long, ancien ministre des affaires étrangères de Rafaël Correa nous a précisé, lors de la conférence à la Sorbonne le 25 septembre 2019, que l’Equateur a toujours respecté les actions juridiques suédoises contre Assange et a toujours négocié avec le Royaume Uni pendant ces 7 années de séjour de Julian Assange dans ses murs[27]. En disant cela, il confirmé les doutes que nous avions sur l’image de « l’ambassade assiégée par les forces de police britanniques, à tel point que l’ambassadeur ne peut pas faire son travail». Le film « Risk » de Laura Poitras monte cette dramatisation à l’extrême. Pourtant, Fidel Narvaez, consul et responsable de la sécurité du lieu,  est filmé en train de parler (probablement) à des autorités britanniques, en juin 2012 alors que Julian Assange a franchi la porte de l’appartement du 3 Hans Crescent Street, mais s’il se plaint d’un nombre de policiers « disproportionné », il ne se plaint pas de « l’assiègement » et encore moins d’un état de guerre[28]

Guillaume Long le 25 septembre 2019 à la Sorbonne

Il faut bien comprendre que dans l’histoire assiéger une mission diplomatique a été toujours un acte de guerre qui se résolvait donc rapidement par une guerre entre les parties (souvent après évacuation express du personnel). Le cas le plus emblématique, au 20ème siècle, est la prise d’otage des diplomates américains dans leur mission à Téhéran, en 1979, dans le cadre de la révolution islamique en Iran. Depuis 1979, on peut dire que les relations entre les deux pays s’apparentent à une tension hostile à la limite de la guerre. On n’a pas eu d’exemple au 20ème siècle ni même avant d’ambassade assiégée par le pays d’accueil pendant 7 ans. Aucun diplomate de métier ne croit à l’histoire racontée par les médias de l’ambassadeur empêché de travailler dans sa mission et encerclé par les forces du pays d’accueil pendant 7 ans en temps de paix.

Comme je l’ai expliqué dans un article précédent[29], la Convention de Vienne du 18 avril 1961 pose le principe de l’immunité diplomatique sur la base du principe de réciprocité. C’est par ce principe de réciprocité et par crainte de représailles sur ses propres diplomates que le pays d’accueil, même en cas de dégradation des relations, s’abstient d’actes hostiles vis-à-vis de la mission étrangère sur son sol. Le principe de l’immunité, qui veut que toute intervention du pays d’accueil dans la mission ne se fasse que sur l’accord des plus hautes autorités du pays concerné, c’est-à-dire du ministre des affaires étrangères, pose la condition d’une coopération entre les deux pays pour résoudre tout conflit entre eux. En clair, il est impossible que les policiers britanniques aient « encerclé » l’ambassade de l’Equateur sans l’accord de l’Equateur. Il s’agissait plutôt d’une surveillance-protection accordée justement du fait de la Convention de Vienne à l’Equateur par le gouvernement de la Grande Bretagne, à la demande de l’Equateur, peut-être pour tenir éloignés les curieux qui voudraient s’approcher de trop près de l’appartement 3 rue Hans Crescent pour observer la réalité de la vie de Julian Assange dans celui-ci.

Vue sur l’appartement équatorien au fond de la rue, 3 Hans Crescent, un lieu tout sauf sécurisé
Meme vue de la rue et de l’immeuble, à droite au fond on distingue le drapeau de la Colombie sur le balcon de la mission colombienne en face de Harrods

Si l’Equateur avait été réellement « encerclé » et le travail de ses diplomates avait été empêché, l’Equateur aurait été en droit de faire exactement la même chose aux diplomates britanniques en poste à Quito. Or, Raphaël Correa s’est bien gardé de faire jouer le principe de réciprocité contre l’ambassade britannique chez lui. Au contraire, les relations équatoro-britanniques ont certes connus quelques difficultés avec la question Assange, mais les négociations n’ont jamais cessé pendant cette période[30]. L’impasse a été attribuée à l’incompétence de l’ambassadrice Ada Alban en poste de 2010 à 2013, une proche de Raphaël Correa mais pas une diplomate de métier. L’homme qui décide pour le séjour de Julian Assange depuis avril 2012 est Fidel Narvaez[31], consul depuis le début de la présidence de Correa, très lié politiquement au président, et très probablement, comme souvent le cas avec les postes de consul ou vice-consul pas bien définis, son chef de la sécurité. Fait curieux, Fidel Narvaez, présenté comme ami proche de Julian Assange, aurait dû, selon les usages du milieu, être persona non grata et immédiatement prié de rentrer chez lui après expiration de son immunité diplomatique, s’il avait été responsable de l’état de tension entre son pays et la Grande Bretagne. Au contraire, aujourd’hui Fidel Narvaez vit en Grande Bretagne ou il a une carte de résident. L’ayant croisé plusieurs fois dans les couloir de la cour Westminster Magistrate et ayant pu lui parler, je n’ai pas eu l’impression qu’il est très inquiet par sa situation de « fauteur de trouble » vis-à-vis de la Grande Bretagne. Au contraire, il a assisté aux audiences de Julian Assange depuis le 19 décembre 2019 puis au procès du 24 au 27 février 2020 à la Woolwich Crown Court, dans la galerie du public dans la rangée réservée à la « famille » du prisonnier. Les autorités britanniques n’ont pas l’air de lui en vouloir d’avoir été à l’origine d’une situation coûteuse pour eux médiatiquement, politiquement et financièrement et ayant généré des problèmes diplomatiques lourds. Au contraire les autorités britanniques lui ont accordé un droit de rester sur leur sol après la fin de son statut de diplomate équatorien. Un argument de plus en faveur de l’hypothèse que « l’assiégement » était un spectacle à l’attention des âmes sensibles.

Storytelling contre géopolitique réelle

Non seulement, pendant ces 7 ans, l’Equateur de Correa n’a pas été en guerre contre la Grande Bretagne mais il a continué à développer des relations très profitables avec l’Union Européenne et ses pays pendant toute cette période, notamment avec l’Allemagne. Pourtant, la Grande Bretagne était membre à cette période de plein exercice de l’Union Européenne, et quand on sait le rôle que les Allemands ont joué dans le projet « Wikileaks » (la fondation Wau Holland en tant que propriétaire et financeur du projet et employeur de Julian Assange en 2010 -2012[32]) on peut s’étonner qu’à aucun moment le gouvernement allemand n’ait joué les bons offices, comme cela se fait habituellement dans le monde de la diplomatie, pour résoudre le « brûlant conflit Assange » entre l’Equateur, son nouvel ami en Amérique Latine[33], et la Grande Bretagne, la troisième plus forte puissance de l’Union Européenne. Le gouvernement de Rafael Correa entretient en effet des relations privilégiées avec l’Allemagne via la Fondation Friedrich Ebert spécialisée dans les relations entre le Parti Socialiste Allemand SPD et les réseaux et organisations socialistes dans le monde entier[34].

Tout se passe comme si le « cas Assange » n’était brûlant que pour les médias qui racontent l’histoire dramatisée avec force zooms sur le balcon avec le drapeau équatorien en retirant du champ de vision les autres éléments du décor: fourgons rentrant dans le parking de Harrods en face de l’appartement, ambassade de Colombie sur le palier, absence de tout diplomate équatorien dans tout le quartier, de tout Equatorien quel qu’il fut comme me l’ont ironiquement reporté les travailleurs du quartier.

Dans un restaurant du quartier Basil Street -jamais personne n’y a vu d’Equatoriens, mais les Colombiens si

Dans les canaux diplomatiques sérieux, l’affaire Assange n’existe pas ou est un épiphénomène médiatique marginal. Je suis certaine que lorsque dans 30 ans nous ouvrirons les archives du Foreign Office il n’y aura pas de dossier sur le violent conflit équatoro-britannique autour de la présence de Julian Assange au 3 Hans Crescent Street. Absence de conflit ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de négociations autour du sort de « l’hôte » comme l’appelaient les fonctionnaires de UC Global espionnant Assange pour le compte de Correa puis de Moreno. Julian Assange évoque lui-même son statut d’otage dans les négociations entre trois pays, l’Equateur, la Grande Bretagne et les Etats Unis lors de son dernier discours sur le balcon, le 19 mai 2017. Il y apparait triste et défait évoquant les violations de droits dans l’Union Européenne alors que les Britanniques viennent de choisir le Brexit par réferendum. Il mentionne alors le chantage que subirait l’Equateur de la part de l’Union Européenne qui pénaliserait les « exportateurs équatoriens » à cause de son cas[35].  Nous Européens expérimentons dans notre vie à quel point c’est l’Allemagne qui décide de la quasi-totalité de la politique de l’Union Européenne et du sort de ses citoyens. Julian Assange pense-t-il à l’Allemagne comme partie prenante du conflit le pénalisant sans pouvoir l’exprimer clairement ? Aucun journaliste n’a jamais analysé son discours sous cet angle politique pourtant indispensable pour comprendre la situation. Nous n’en saurons pas plus, le gouvernement de gauche de Correa se gardant bien de prendre l’opinion publique à témoin et ne dévoilant jamais la véritable nature de sa relation avec les puissances anglo-saxonnes et avec l’Union Européenne dans le cas « Julian Assange ».

Aucun journaliste ni analyste ne s’est penché non plus sur les intérêts que pourrait représenter pour l’Allemagne en tant qu’Etat les publications de Wikileaks (comme la publication de dossiers sur la surveillance mondiale Vault 7 qu’évoque Julian Assange dans ce discours de 10 minutes) dans ses relations avec les Etats Unis alors que le gouvernement de Merkel avait été très en colère de l’espionnage du portable de la chancelière par la CIA. Une hypothèse serait que les dévoilements de « Wikileaks » servent à l’Allemagne de levier pour faire pression sur les Etats Unis et raffermir leur indépendance face aux puissant allié états-unien.

En réalité, sur le sol européen, il n’y a eu, depuis la signature de la Convention de Vienne, aucun cas de violation flagrante de l’immunité diplomatique malgré les conflits et tensions qui secouent notre continent. Le seul précédent ressemblant à celui de Julian Assange au 3 rue Hans Crescent serait celui du Cardinal Mindszenty réfugié dans l’ambassade américaine à Budapest après avoir été relâché de prison par le gouvernement communiste en 1956. Mais si Mindszenty, militant anti-communiste, a passé 15 ans dans le spacieux immeuble états-unien de Budapest, c’est parce qu’il refusait de quitter la Hongrie pour les Etats Unis ou les Hongrois communistes aurait préféré l’expédier pour l’empêcher de continuer son action politique contre eux. Plus près de nous, l’immonde assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat de son pays a terrifié les milieux diplomatiques pour lesquels une mission est un sanctuaire. Mais il faut souligner que cet ignoble crime a été facilité par l’attitude permissive du pays d’accueil, la Turquie… Ici encore la coopération entre les pays basée sur la réciprocité a joué à plein, au détriment des droits de l’hommes les plus élémentaires.

On peut en déduire que la Grande Bretagne et l’Equateur ont pratiqué pendant 7 ans une forme d’entente au sujet de Julian Assange et que Julian Assange a été seul otage de cette négociation. L’Allemagne a aussi joué un rôle aussi secret qu’important qu’il conviendrait d’analyser.

L’identité de Julian Assange

Julian Assange a-t-il jamais eu la nationalité et l’asile politique équatoriens ? La question est loin d’être absurde. Pour ce qui est de la nationalité, Guillaume Long, ancien ministre des affaires étrangère sous Rafael Correa de mars 2016 à mai 2017, a répondu à notre question sur le sujet lors de la conférence à la Sorbonne le 25 septembre 2019. Selon lui, Maria Fernanda Espinoza, qui dirige ce ministère après lui, n’avait pas le droit de signer le document de naturalisation équatorienne de Julian Assange. Cette prérogative était réservée au président de la République, Lénine Moreno, qui n’a jamais approuvé cette décision[36]. Guillaume Long considère donc cette nationalité comme fausse et donc légalement révocable. Le document n’a pas été publié.

Pire, Julian Assange n’a jamais pu montrer, en vidéo ou en live, le document lui garantissant l’asile politique en Equateur- carte de séjour équatorienne ou autre. Or, les articles 27 et 28 de la Convention de Genève exigent que le réfugié puisse bénéficier d’un document d’identité lui permettant de voyager et établissant avec certitude son identité, en mentionnant son nom exact, sa date et lieu de naissance, son adresse[37]. Le seul document publié par les médias, le «Documento de Identitad de persono que ostendo proteccion international » porte la photo de Julian Assange mais aucune autre donnée nécessaire selon la Convention de Genève n’y figure et pas non plus sa signature [38]. Ce document a été établi le 30 novembre 2016 par José Luis Jacome, vice-ministre de la mobilité humaine sous la responsabilité de Guillaume Long. Jacome restera en poste après l’élection de Lénine Moreno en février 2017 alors que Maria Fernanda Espinoza, nouvelle ministre des affaires étrangères, déclare en décembre 2018 avoir accordé la nationalité équatorienne à Julian Assange. Cette fidélité du haut fonctionnaire équatorien au dirigeant qui révoque la nationalité et l’asile à un réfugié politique, au mépris de la Convention de Genève et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, met en doute la réalité de son soutien à Julian Assange sous la présidence de Correa.

Par ailleurs, Guillaume Long a également déclaré le 25 septembre 2019 qu’il est possible que l’asile équatorien n’ait été garanti en 2012 que sur la base de la Convention Interaméricaine relatives aux droits de l’Homme, (article 22.7 et 22.8)[39] pas de la Convention de Genève de l’ONU relative aux Réfugiés, ce qui expliquerait pourquoi la Grande Bretagne ne reconnait pas l’asile de Julian Assange. Nous voyons bien qu’un flou important règne en ce qui concerne l’asile politique équatorien de Julian Assange et que ces contradictions lui sont préjudiciables.

De plus, le 15 et 16 novembre 2016, lors de l’audition avec la procureure suédoise Ingrid Isgren Julian Assange affirme qu’il est citoyen australien, que son passeport a été pris par les autorités britannique et qu’il ne peut pas prouver son identité. On en déduit qu’il ne possède aucun document[40]. Personne n’a relevé la vraie signification de ces paroles dramatiques et aucun journaliste n’a demandé des explications. Premièrement, lorsque la cour britannique lui a accordé la liberté sous caution en décembre 2010, elle aurait dû lui restituer son passeport après sa sortie du centre de détention provisoire Wandsworth. La confiscation de ce passeport est, en tout point du droit international, illégale, et les avocats si chevronnés auraient dû en premier se battre pour que leur client ne soit pas de facto apatride, en plus d’être déjà un « sans-papiers » (la carte de résidence est obligatoire pour les citoyens australiens après plus de 6 mois de séjour en Grande Bretagne). Qu’une telle action contre l’Etat britannique n’ait pas été entreprise pendant 6 ans, jusqu’à la rencontre de Julian Assange avec cette procureure suédoise, en dit long sur l’inefficacité des avocats que nous avons déjà dénoncée.

Deuxièmement, il est surprenant que Julian Assange « ne soit pas en mesure de prouver son identité formelle » alors qu’en tant que réfugié sous la protection de la Convention de Genève il devrait posséder un document délivré par l’Equateur, prouvant son identité, son droit à la protection de l’Etat de l’Equateur et son droit de voyager (comme stipulé dans les articles 27 et 28 de la Convention). La Charte des Nations Unis interdit de révoquer la nationalité de naissance d’un citoyen et de fabriquer des apatrides. Comment se fait-il que la haute fonctionnaire de la Suède n’ait pas relevé ces violations flagrantes de droit sur la personne de Julian Assange, violations commises par les autorités britanniques, par les autorités australiennes qui doivent protéger leurs citoyens et par l’Equateur qui ne lui a pas assuré un document d’identité selon les obligations de la Convention de Genève ? Julian Assange en faisant cette déclaration a clairement appelé au secours cette personne mandatée légalement par un Etat et susceptible de comprendre la séquestration dont il est victime.

Quelle valeur peut bien avoir le travail de la « chef procureure » Ingrid Isgren alors qu’elle ne peut consigner sur le rapport d’audition le nom, prénom, lieu et date de naissance, l’adresse, le numéro de passeport et les dates, le lieu et l’autorité de délivrance et d’expiration du document légal d’identité de Julian Assange ? Pourquoi ne lui a-t-elle pas demandé des précisions sur les documents équatoriens d’identité dont il devrait disposer ? Pourquoi accepte-elle l’illégalité dont est victime la personne qu’elle auditionne, illégalité qu’elle ne dénonce pas ?

Comment se fait-il d’ailleurs que personne ne remarque qu’il manque ces données essentielles dans le dossier suédois? Les protagonistes des accusations suédoises, plaignantes et témoins ne semblent d’ailleurs jamais avoir présenté le moindre document d’identité à la police et à la justice car ces documents sont vierges de tout numéro identifiant[41].

A l’époque, le ministre des affaires étrangères est Guillaume Long et le président de l’Equateur Rafael Correa. Ils sont tous autant responsables de la situation inextricable de Julian Assange que Lénine Moreno qu’il est si commode de désigner comme le « méchant » de l’histoire. Cette technique de storytelling permet de blanchir les personnalités au pouvoir pendant 7 ans et de contribuer à renforcer la passivité du citoyen sur le thème du « on ne peut rien contre la fatalité, les méchants, Moreno et les Américains sont trop puissants ». Cette attitude de fatalité est ce que nous combattons le plus avec Wikijustice.

L’attitude de fatalité nous est étrangère car nous sommes des militants contre le système capitaliste néolibéral corrompu et dictatorial. Mais plus nous avançons dans l’analyse, plus nous découvrons, dans le cas de Julian Assange, que des élites politiques, juridiques, journalistiques qui sont censés le soutenir ne le font que mollement, à la dernière minute, sans se mouiller ou sont carrément absentes et silencieuses. Comment accepter la fatalité d’un procès joué d’avance alors qu’en théorie Julian Assange devrait bénéficier du support du puissant réseau des relations de son avocat principal le célèbrissime ancien juge Baltazar Garzon ? Baltazar Garzon a fréquenté le 3 Hans Crescent Street car il est filmé en train de danser dans une soirée dans l’appartement – cette scène est immortalisée dans le film montré par Andy Müller Maguhn au Chaos Computer Congress le 27 décembre de l’année dernière[42]. Or, Maitre Garzon a brillé par son absence depuis la mise au secret de Julian Assange le 11 avril 2019. Il ne répondait pas aux courriers de militants européens et ne fréquentait pas les audiences d’extradition auxquels j’ai assisté à Londres depuis le 20 septembre 2019. Certes, fin février 2020, il a été présent à la Woolwich Crown Court et il a été le seul avocat à serrer la main de Julian Assange et à lui parler. Mais il n’est resté au procès qu’un jour et demi, le 24 février et la matinée du 25. Il n’a pas davantage mobilisé de politiques ou militants espagnols pour la cause de son client. Or, Baltazar Garzon est très proche des milieux de Reporters Sans Frontières dont il fut un soutien actif du temps de la présidence de Robert Ménard, notamment en étant le président d’honneur de l’organisation interne de soutien juridique Damoclès de RSF « chargée d’ester en justice afin de défendre la liberté des journalistes »[43]. RSF était absente de la lutte pour la libération de Julian Assange en 2019 et ne s’est réveillée que pour le procès de février 2020. Christophe Deloire, secrétaire général de RSF France, Christian Mihr pour l’Allemagne ne sont restés cependant qu’une journée au procès déléguant la tâche de représentation à Rebecca Vincent.

On remarque souvent les présents, rarement les absents. Or, l’absence de personnalités aux seuls moment où nous avons pu constater la torture que Julian Assange subit, lors des audiences, participe au renforcement du sentiment d’impuissance face à la fatalité des violations de droits. Impuissance que le système dominant veut nous inculquer de gré ou de force.

Les enfants présumés de Julian Assange avant Stella Morris

Revenant au témoignage de Stella Morris sur la relation intime qu’elle affirme avoir développée avec Julian Assange à partir de 2015, il est étonnant que Julian Assange dans son entretien avec les médecins mandatés par le Groupe de Travail sur la détention arbitraire du Haut Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et daté de novembre 2015, parle déjà de ses enfants qu’il ne peut voir grandir. Il ne s’agit donc pas des enfants que Stella Morris montre sur les photos du Daily Mail. Le médecin auteur du rapport « sur le traumatisme et la situation psycho-sociale de M. Julian Assange » mentionne plusieurs entretiens menés de juin 2014 à juillet 2015. Ce médecin parle au contraire de « jeunes enfants en France ainsi que d’autres en Australie avec qui M. Assange ne peut entretenir de relation affective dans l’ambassade »[44]. Par ailleurs, le rapport décrit tous les traumatismes que provoque un « confinement » prolongé dans un lieu sans lumière, sans possibilité de sortir, sans exercice, et entouré d’un milieu hostile, (quelque chose que nous commençons à comprendre avec la violence sanitaire qui nous a été récemment infligée en France à grande échelle): insomnie, anxiété, dépression, perte de la faculté d’utiliser ses sens…

Ce « confinement » a été décrit comme une torture par Nils Melzer, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture dans son célèbre rapport sur la situation de Julian Assange. Le roman à l’eau de rose déroulé par Stella Morris actuellement dans les médias décrédibilise le rapport de Nils Melzer et met Julian Assange en danger. Car comment un prisonnier peut à la fois être torturé et père heureux d’une famille aimante ?

Finalement, poussé à s’extasier devant les images montrées par Stella Morris, le public est amené à oublier ce que Julian Assange a dit lui-même sur ses enfants en France et ceux en Australie. Les citoyens ne sauront rien de la mère de ces derniers, qui n’est pas présente pour soutenir le père de ses enfants. Pourtant, pour les défenseurs des droits humains, se pose la question de savoir si les avocats et la justice ont tout fait pour protéger leurs intérêts tant du point de vue de la légitimité de leur filiation que du point de vue patrimonial. En effet, ces enfants sont héritiers, au même titre que les enfants de Stella Morris, des dividendes par les actions que Julian Assange possède dans l’entreprise islandaise Sunshine Press Production[45]. La question préoccupante « qui gère le patrimoine de Julian Assange » doit être posée par les militants pour que Julian Assange ne soit pas spolié de ses biens au cours des longues années de captivité qu’il subit. Daniel Assange, présenté par des médias comme son fils australien, âgé aujourd’hui de 31 ans, n’est jamais venu aux audiences et n’a jamais pris la défense de son père ni devant les caméras ni au cours d’une conférence de presse. Il n’est jamais allé voir son père à Belmarsh. Il est dorénavant normal qu’on puisse douter de son existence. En 2010, ce fils twittait encore sur son père, depuis il a disparu[46]. Aucun des journalistes qui poursuivent en meute John Shipton ne s’est posé la question du fils présent dans la vie de son père en 2010 et absent en 2020.

Par ailleurs, si cette relation a débuté en 2015 alors que la santé de Julian Assange était préoccupante, pourquoi Stella Morris n’a-t-elle pas déjà sonné l’alerte pour sauver son compagnon ? Pourquoi est-elle restée silencieuse sur la torture dont il est victime, comme l’a démontré le rapport de Nils Melzer et les trois rapports médicaux de Wikijustice datés du 29 décembre 2019, du 8 février et du 29 février 2020 ?[47]

Qui ne dénonce pas le crime, la torture, est coupable de non-assistance à personne en danger.

L’article premier de la Convention de l’ONU contre la torture est très clair : celui qui consent à la torture, tacitemen[1]t alors qu’il en a connaissance, est complice du crime :

Article premier de la Convention contre la torture

https://www.cncdh.fr/sites/default/files/cat_protocole_1.pdf

« 1. Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles »



[1]             https://www.lepoint.fr/monde/dupond-moretti-veut-demander-l-asile-politique-pour-assange-a-emmanuel-macron-20-02-2020-2363736_24.php

[2]             Un article d’un média australien qui mentionne l’identité Smith Robertson : https://www.sbs.com.au/news/julian-assange-s-fiancee-publicly-joins-the-campaign-for-his-release

[3]             https://www.dailymail.co.uk/news/article-8210957/WikiLeaks-boss-Julian-Assange-fathered-two-children-inside-Ecuadorian-embassy-lawyer.html

[4]             https://www.directaccessportal.co.uk/search/1/barrister

[5]             https://solicitors.lawsociety.org.uk/

[6]             https://theintercept.com/staff/m-c-mcgrath/

[7]             https://www.qeh.ox.ac.uk

[8]             https://www.devex.com/people/sara-g-494301

[9]             Sara Gonzalez Devant, « Displacement in the 2006 Dili conflict, dynamics of ongoing crise », Refugee Studies Centrer Working Paper 45, 2008, Université of Oxford. In Jacquline Aquino Sapiano, « East Timor, How to build a nationa in Southeast Asia in the 21 century », Actes du Congrès de Naples en 2006, Institut de Recherche sur l’Asie du Sud est contemporaine, 2018 et in Vandra Harris, Andrew Goldsmith, « Security, Développement and Nation Building in Timor Leste »  Routledge, 2012.

[10]            http://refugeelegalaidinformation.org/former-editors

[11]            https://www.odi.org/sites/odi.org.uk/files/odi_funders_2017-18.pdf – le nom de Sara Gonzalez Devant ou de Stella Morris ne figure pas néanmoins dans les documents visibles sur le site.

[12]            https://www.facebook.com/fondationjeannesauve/,

https://www.google.fr/search?q=Jeanne+Sauv%C3%A9+foundation+Sara+gonzalez+devant&sxsrf=ALeKk02l_RYDGsYftXnWNL5Dsd5LnzKnQ:1587493438654&tbm=isch&source=iu&ictx=1&fir=qQ3SzNEc7cVGGM%253A%252C0jcLFerXhBC25M%252C_&vet=1&usg=AI4_-kSNOVT9k5UN9Xm70eQ_WdruEeIrEw&sa=X&ved=2ahUKEwjJ5_nzkfroAhUE1xoKHQ13AawQ9QEwA3oECAoQBw#imgrc=qQ3SzNEc7cVGGM:

[13] https://newint.org/author/Sara%20Gonzalez%20Devant

 [14]https://rightsinexile.tumblr.com/post/16854265845/a-monthly-forum-for-news-and-discussion-on-refugee

[15] http://www.wauland.de/media/2016-12-31_jahresbericht.pdf

[16] https://media.ccc.de/v/36c3-11247-technical_aspects_of_the_surveillance_in_and_around_the_ecuadorian_embassy_in_london

[17] https://www.lemonde.fr/idees/article/2015/07/03/julian-assange-monsieur-hollande-accueillez-moi-en-france_4668919_3232.html

www.slate.fr/story/126902/assange-colocation-equateur-ambass

[18]            https://blogs.mediapart.fr/edition/liberez-assange-ethiques-et-medias/article/121219/assange-regression-feodale-au-royaume-uni

[19]            Documents disponibles sur https://eservices.landregistry.gov.uk/eservices/FindAProperty/view/MapEnquiryInformationRequest.do

[20] https://www.facebook.com/media/set/?set=a.3154590997940931&type=3

https://www.facebook.com/photo?fbid=3156560737743957&set=a.3154590997940931
https://www.facebook.com/photo?fbid=3154566154610082&set=a.3154590997940931

[21]            Document de HM Land Regiester : RegisterBGL5852 – 87-135 Brompton Road (SW1X 7XL) – Freehold », soit le cadastre pour le magasin Harrods

[22]            Voir Joshua Levine, « The secret history of the Blitz », Simon and Shuster UK, 2016,

Nick Cooper, « London Underground at war », Amberley Publishing 2014.

http://www.nickcooper.org.uk/subterra/lu/tuaw.htm

https://underground-history.co.uk/brompton.php

[23]            https://en.wikipedia.org/wiki/Brompton_Road_tube_station

https://www.standard.co.uk/news/london/disused-brompton-road-tube-station-sold-to-wealthy-ukranian-for-53m-9162296.html

[24]            Land Register LN43910

[25]            https://www.youtube.com/watch?v=JEqKJDR7L0w

[26]            https://www.facebook.com/ceculondres/

               Avant 2015 le consulat de l’Equateur se trouvait au 144, 146 Kings Cross road

https://www.facebook.com/events/144-146-kings-cross-road-esquina-de-lorenzo-street-wc1x-9du/casa-ecuatoriana-de-londres/380564388708992/

[27]            Ministre des affaires étrangères de 2016 jusqu’à l’élection de Lénine Moreno, Guillaume Long, qui possède aussi la nationalité française et britannique, a été celui qui en octobre 2016 a coupé internet à Julian Assange comme suite aux publications par « Wikileaks » des mails de John Podesta, le directeur de campagne de Hillary Clinton.

[28]            https://www.youtube.com/watch?v=u68nLqjm9TM, minute 54 :20

[29]            http://www.defenddemocracy.press/monika-karbowska-faire-la-lumiere-pour-gagner-la-bataille-qui-sont-les-proches-de-julian-assange/

https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19610070/index.html – la Convention de Vienne

[30]              Articles sur les négociations Equateur – UK :

https://www.bbc.com/news/uk-22928276

https://www.bbc.com/news/uk-22816226

[31] https://www.bbc.com/news/uk-22928276

[32] http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf

[33]            Visite de Raphaël Correa en Allemagne en avril 2013 :

https://archiv.bundesregierung.de/archiv-de/dokumente/pressestatements-von-bundeskanzlerin-merkel-und-des-praesidenten-der-republik-ecuador-correa-delgado-849028

https://www.kas.de/de/laenderberichte/detail/-/content/ecuador-land-der-unbegrenzten-investitions-moeglichkeiten-1

[34] https://amerika21.de/2013/03/81799/correa-besuch-deutschland

https://www.dw.com/de/correas-tipps-für-die-europäer/a-16752246

https://www.fes.de/referat-lateinamerika-und-karibik/suedamerika/ecuador

[35]https://www.youtube.com/watch?v=Kkx9_jf3FXw&t=117s ; 3 :40 minute

[36]                https://www.numerama.com/politique/320190-lequateur-voudrait-bien-que-julian-assange-parte-de-son-ambassade.html

               Notons que dans cet article du 10 janvier 2018 Maria Fernanda Espinoza évoque les négociations menées avec la Grande Bretagne pour une solution ordonnée de la question Assange

[37]            https://www.unhcr.org/excom/scip/3ae68cce4/identity-documents-refugees.html

[38]            http://www.talkmedianews.com/the-world-in-2/2019/04/11/why-julian-assanges-impending-us-legal-battle-is-scaring-reporters/

               « Document d’identité d’une personne à qui la protection Internationale est garantie »

[39]            https://www.cidh.oas.org/Basicos/French/c.convention.htm

[40]            « I, Julian Assange, an Australian citizen, have had my passport taken by British authorities and so cannot provide formal identification »

https://justice4assange.com/IMG/html/assange-statement-2016.html

[41]            Voici les originaux publiés par le journaliste Al Burke sur le site Nordic News Network. On remarquera les cases vides dédiées aux numéro des pièces d’identité. C’est-à-dire qu’aucun protocole d’audition ne comporte ces données essentiels alors qu’elles auraient du être marquées et éventuellement cachées par l’éditeur.

http://www.nnn.se/nordic/assange/docs/memoria.pdf

[42]            https://media.ccc.de/v/36c3-11247-technical_aspects_of_the_surveillance_in_and_around_the_ecuadorian_embassy_in_london

[43]            Page 77, Maxime Vivas, « La face cachée de Reporters Sans Frontières. De la CIA aux faucons du Pentagone ». Editions Aden, Bruxelles 2007

[44]            « Mr Assange has a young family in France, as well as children in Australia to whom he has been unable to have an affective relationship whilst in the Embassy; the uncertainty as to whether reunion can ever be accomplished, and whether the development of those relationships can be restored, creates a further uncertainty »

https://file.wikileaks.org/file/cms/Psychosocial%20Medical%20Report%20December%202015.pdf

[45]            Site du fisc islandais : https://www.rsk.is/fyrirtaekjaskra/leit/kennitala/6110100280

[46]            https://www.theatlantic.com/international/archive/2010/12/what-julian-assange-s-son-is-tweeting-about-his-dad/342931/

https://www.smh.com.au/technology/driven-to-dissent–like-father-like-son-20101204-18kpr.html

Twitt de Daniel Assange en 2010 : « Our final battle has begun, dad. We don’t cry, we don’t regret, and we never, ever give up. I love you more than anything and anyone in this world. I couldn’t ask for a better father, mentor, and role model in life. Thank you for everything.  We fight to win. See you soon »

[47]            http://newsnet.fr/167829

https://www.facebook.com/notes/wikijustice-julian-assange/rapport-médical-du-prisonnier-politique-julian-paul-assange-fait-par-un-docteur-/474495453186774

https://www.facebook.com/notes/wikijustice-julian-assange/wjja-second-rapport-médical-du-prisonnier-julian-paul-assange-08022020/489253121711007

https://m.facebook.com/notes/wikijustice-julian-assange/wjja-troisième-rapport-médical-attestant-de-la-torture-dont-est-victime-julian-a/508066593162993/

SOS ...---...

Révolte à la Woolwich Court le 26 et 27 février 2020

Planning de la court salle 2; le 26 février 2020: Julian Assange n’existe pas dans le planning de la cour. Pourquoi?

Monika Karbowska

Mercredi 26 février 2020. Troisième jour du procès d’extradition de Julian Assange dans le bâtiment de la Woolwich Crown Court.

Julian Assange le 19 mai 2017 – sa dernière apparition publique en vraie

Trois jours intenses de combats, de violence et d’émotions. Le premier jour, lecture de l’acte d’accusation, plaidoirie de Edward Fitzgerald sur l’histoire des faits, dans la galerie du public, seules 18 personnes ont pu prendre place. La clameur des Gilets Jaunes nous parvient du dehors, étouffée mais bien présente. Des dizaines de journalistes occupent un espace de la salle et l’annexe de la cour. Julian Assange comparait enfin physiquement et nous pouvons le voir pendant plusieurs heures, même s’il n’a pas le droit de parler, et qu’il a l’air affaibli et triste. Le lendemain nous assistons à la plaidoirie de Mark Summers réfutant les arguments de l’accusation. Julian Assange est visiblement beaucoup plus faible, il assiste aux événements immobile et prostré. Mercredi 26 février Edward Fitzgerald présente les arguments invalidant l’extradition, puisque le traité bilatéral d’extradition entre la Grande Bretagne et les Etats Unis de 2003 interdit l’extradition pour motifs politiques. L’ambiance est tendue, tout le monde est fatigué. Julian Assange est au plus mal. Il fait de grands efforts pour rester droit assis sur le banc, son teint est très pâle et l’après-midi il est livide. Sa souffrance est palpable, nous le sentons malgré deux vitres et 20 mètres de distance. L’expression de son visage est figée, il est prostré. Nous sommes 5 femmes assises ensemble à gauche du box du public. Nous l’encourageons par notre regard et notre mental, tout geste nous étant interdit par le règlement du tribunal.

A 15h l’extraordinaire se produit : alors que le procureur est bloqué dans sa lancée par un document égaré, Julian Assange se lève et parle. C’est la stupeur, il a enfreint les règles, il se révolte, il insiste. Le juge Baraitser le coupe et lui dit « ce que vous demandez n’est pas dans les habitudes, vous devez parler par la voix de votre avocat ». Mais Julian Assange, épuisé, reprend la parole, cette voix étouffée depuis de si longs mois. Les avocats s’affolent. Gareth Peirce se déplace vers lui, mais ne l’interrompt pas. Les autres s’interrogent. La juge le coupe une seconde fois, il insiste une troisième fois, il parle quelques minutes, nous le voyons faire des gestes de désespoir et d’exaspération. Les personnes qui sont assises au premier rang entendent un peu, alors qu’en général dans le box du public nous n’entendons que ce qui est dit dans les micros. Dans cet espace confiné, les 18 personnes présentes se lèvent, gesticulent dans l’émotion. En discutant nous avons reconstitué ce que Julian Assange a dit : il s’est plaint de sa condition, du fait d’être entouré d’un garde de chaque côté (je pense que c’est surtout le gardien de la sécurité privé de Mitie qui lui était hostile, plus que celui de la prison de Belmarsh assis à l’autre extrémité du banc). Il dit qu’il est épuisé et ne peut pas se concentrer… En fait, on sait que c’est pire. Il est au bord du malaise. La juge Baraitser le sait, car elle le voit de face alors dans la configuration de la salle ses avocats lui tournent le dos.

Impressionnée par la révolte du prisonnier, Baraitser suspend l’audience. Julian est emmené par les gardiens hors du box. Gareth Peirce, Mark Summers et Edward Fitzgerald sortent dans le couloir se concerter. C’est l’agitation et la stupeur parmi les journalistes et les avocats d’accusation. Dans notre box notre gardien, effrayé, se sauve pour aller chercher des consignes qui n’arrivent pas. Nous sommes seuls et nous avons enfin le droit de rester dans la salle pour la pause, nous discutons et nous agitons. Lorsque 5 minutes plus tard Baraitser revient, Julian est ramené dans le box mais refuse de se rassoir. C’est debout face à la salle qu’il écoute son avocat Fitzgerald demander à la juge de reporter la suite de l’audience à demain « pour qu’il puisse se consulter avec son client dans les murs de la cour, ici même ».

Extrait du rapport medical de Wikijustice Julian Assange du 26 février 2020

Alors il se produit la deuxième chose extraordinaire : La juge Baraitser lui suggère de plutôt « faire une application for bail, une demande de libération sous caution » ! Cela fait 9 mois que nous luttons, certes pas pour une libération sous caution, mais une libération pleine et entière, mais, selon moi, cette proposition est enfin une porte qui s’ouvre ! L’idée que Julian Assange pourrait retrouver sa liberté et accéder aux soins dont il a besoin guide notre, mon action, depuis 6 mois. Wikijustice a déposé 4 demandes de libération prête à l’emploi et voici que la sévère juge juge elle-même qu’il vaudrait mieux que le prisonnier politique de l’Angleterre ne meurt pas devant elle au cours du procès suite aux mauvais traitements et à la torture très probablement subie, mais qu’il puisse avoir la vie sauve et se soigner. Je veux croire à ce miracle, ce retournement de situation !

https://www.linkedin.com/pulse/wjja-third-medical-report-julian-assange-being-véronique/

Fitzgerald prend alors les devants et pour la première fois depuis le procès il s’approche de Julian Assange et lui demande quelque chose avec douceur. Probablement il lui demande un accord formel pour faire cette requête puisqu’il répond aussi à la juge qu’il en a besoin. Il s’excuse aussi « avec tout son respect » auprès du procureur dont le discours loghorrhée a été interrompu.

Cependant Baraitser décide malgré tout de laisser le procureur finir sa thèse. Cela dure encore une heure. Plus personne n’écoute le procureur. Dans notre box tout le monde est excédé et le maudit à voix haute. Julian Assange s’endort presque, agrippé au dossier du banc. Dans notre espace d’autres personnes présentes dorment aussi. Le procureur doit sentir que tout le monde attend qu’il finisse et qu’on s’en aille. On est tous marqué par cette magnifique nouvelle d’une possibilité de libération. L’effet politique de l’accusation « de complot avec Chelsea Manning, d’intrusion informatique en vue de commettre en réunion un vol de documents classifiés » a disparu. L’accusation américaine et ses complices sur le sol britannique se sont heurté à une révolte. Je dis à une de mes collègues du public « Ce pays a besoin d’une petite révolution ». Elle me répond « d’une petite  seulement» ?

La révolte a été brève mais intense, mais il faut exploiter ses effets et nous escomptons bien être certains que les avocats vont déposer la demande de libération demain à 9h30 comme la juge les y a invités.

Demain sera un jour charnière.

Une libération ratée – Dernier jour du procès de Julian Assange à Westminster-Woolwich

le procès de Julian Assange est un procès fantôme – la Woolwich Court ne le connait pas. ici le planning du 27 février 2020. La salle 2 est vide, ou louée à des entreprises privées?

Jeudi 27 février 2020, nous sommes à la fois stressés par les événements dramatiques de la veille et excités à l’idée d’une issue positive – la demande de libération sous caution que la juge Baraitser a proposé aux avocats et que ceux-ci doivent déposer avant 9h30 pour que la juge puisse l’examiner avant le début de l’audience. Dans la nuit nous avons envoyé la cinquième demande de libération écrite par l’association Wikijustice Julian Assange pour pousser la cour à agir. Malgré le peu de sommeil, nous nous levons tôt pour arriver à 6h devant la grille de la Woolwich Crown Court. Il y a déjà 5 personnes et c’est parti pour trois heures d’attente sous une pluie battante pour gagner sa place dans le box du public. Ce jour-là, comme pour mardi et mercredi, il y a surtout des Allemands et des Américains dans la file, contrairement au lundi ou il y avait de nombreux Français et francophones. Sevim Dadgelen, présidente du groupe parlementaire de die Linke et Heike Hänsel, députée de die Linke au Bundestag entrent avec des cartes de presse avant le public. Nous les retrouverons comme depuis mardi dans le sas qui sert de salle d’attente avant que l’agent de sécurité ne déverrouille la sortie de secours qui sert de porte d’accès à la galerie du public.

A 9h30, nous sommes enfin dans ce sas étouffant de 15 mètres carrés entre deux portes coupe-feu, avec 25 autres personnes. Les agents de sécurité ont fait entrer les 18 personnes autorisées mais comme il y a les deux députées et quelques journalistes, plus de personnes donc que de places, il faudra se battre contre les resquilleurs pour ne pas être éjecté de la queue. L’ambiance ne peut être donc que tendue et inamicale dans ce réduit surchauffé, mais nous n’avons pas le choix, nous voulons voir Julian Assange et assister à sa possible libération. Depuis mardi Kristinn Hrafnsson, Fidel Narvaez, Craig Murray et John Shipton sont assis sur les sièges réservés à la famille dans l’espace du public. Le cinquième homme assis avec les membres de la famille est probablement le producteur de spectacle Hamish Hamilton. A 10 heures, je suis enfin dans le box du public, épuisée par cette bataille depuis 4 jours pour juste garder ma place dans ce balcon vitré surplombant la salle de l’audience. A 10 heure, l’audience n’a pas encore commencé mais c’est normal puisque la juge a promis d’examiner la demande de libération sous caution avant 10h30. L’agent de sécurité qui nous surveille en permanence exige immédiatement que nous éteignons nos portables.

Ce dernier jour, plusieurs jeunes avocats sont assis au dernier rang à coté de Mc McGrath, de Stella Morris, de Jennifer Robinson revenue après une journée d’absence et de Renata Avila qui apparait pour la première fois. Comme les jours précédents, Gareth Peirce est assise au deuxième rang avec ses assistantes, Mark Summers et Edward Fitzgerald au premier. A leur droite se tient le procureur Lewis et le staff de l’accusation que malheureusement nous ne voyons pas depuis la galerie vitrée. Nous ne pouvons qu’écouter ce qu’il dit lorsque le micro fonctionne correctement. La juge Baraitser entrera sur une estrade, Julian Assange sera enfermé dans le box des accusés pile en face d’elle au fond de la salle. Près de la porte, pas moins de 26 journalistes sont triés sur le volet, les autres restent dans une annexe ou ils doivent se contenter d’un écran.

Justement, nous nous levons rapidement de nos sièges sur un signe de notre surveillant. La juge est arrivée et au même moment Julian Assange entre avec le gardien vêtu de l’uniforme de Belmarsh par la porte de derrière dans le box des accusés. Immédiatement la juge Baraitser commence la séance par une solution pratique : comme Julian Assange avait fait savoir qu’il n’entendait rien dans ce box, l’huissière en cheffe de la Westminster Court, que nous cotoyons depuis 6 mois, lui apporte des écouteurs. Julian Assange les prend, dit quelque chose, les met, puis les essaye. Mais on sent qu’il ne veut pas, qu’il boycotte cette situation. Il enlève sa veste grise et reste en chemise blanche, s’assied sur le banc. Enfin, il enlève les écouteurs et les pose. Qu’à cela tienne, l’audience commencera, qu’il entende ou pas. Son teint est toujours aussi blafard, il a les traités tirés, je le sens irrité, tendu, crispé sur le siège, mais pas prêt à s’effondrer comme la veille.

A ma grande surprise et déception il n’est question d’aucune requête de libération, malgré ce que la juge avait décidé la veille. On enchaine immédiatement avec ce qui avait été interrompu la veille à cause de l’état de santé de Julian Assange : la définition de « political offense » selon l’accusation américaine. Le procureur Lewis reprend son monologue comme s’il ne s’était rien passé et comme si une soirée et une nuit ne s’étaient pas écoulés entre temps. Je suis sans voix. Comment peut-on à ce point violer les procédures ? Si une cour de justice décide d’un acte il doit être exécuter. Si les avocats ne déposent pas la demande de libération, ils doivent le dire à haute voix devant la cour et le juge doit acter et justifier son refus de la requête à formellement. Mais la rien de tel ne se passe. Toute le salle fait comme s’il ne s’était rien passé la veille, comme si rien n’avait été dit. La proposition de Baraitser est passée à la trappe, comme dans des oubliettes médiatiques. Comme si elle n’avait jamais prononcé ces mots que j’avais reportés dans mon article écrit cette nuit même et comme si Fitzgerald n’avait pas discuté avec Julian Assange devant nous de cette éventualité. Il n’est pas possible qu’un homme mourant n’ait pas envie d’être libéré. Julian Assange a certainement approuvé formellement le dépôt de cette requête (Application for bail, formulaire IS 91R., formulaire très simple à remplir selon les guides conseillant les migrants polonais, les détenus peuvent les faire eux même sans avocats[1]). Alors, que s’est-il donc passé ?

Je le saurai pas. Il n’y aura pas de demande de libération et donc de libération. Et il n’y aura aucune explication de la part des avocats. Julian Assange a l’air d’avoir mal au dos, son visage est crispé, il essaye de trouver une place à peu très confortable sur le banc entre les deux gardiens. Après une heure de logorrhée accusatrice, il baille plusieurs fois, épuisé. Nous aussi nous en avons marre depuis une semaine et certains dans le public dorment déjà. A 11h30 nous avons droit à la petite pause de dix minutes mais nous devons rester stockés dans le sas face à la sortie de secours-entrée du public pour ne pas perdre notre place. L’agent de sécurité m’interdit même d’aller aux toilettes proches de la galerie. Le reste de la matinée l’avocat Edward Fitzgerald expose les différentes législation britanniques, common law, européenne, afin de prouver que le traité bilatéral d’extradition de 2003 interdit bien les extraditions pour opinion politique contrairement au traité de 1870. Julian Assange écrit quelque chose tout au long de la plaidoirie, il fait parvenir trois papiers écrits de sa main à Summers. Je me dis qu’il a l’air d’aller mieux, mais c’est vraiment dommage que les avocats n’aient pas saisi la perche tendue par la juge pour le faire libérer sous caution. Certes, une caution voudrait dire devoir verser une somme d’argent et prouver qu’il possède un revenu, mais tout est faisable. Après tout de nombreux artistes sont venus le soutenir, il doit être possible de réunir une certaine somme d’argent et Julian Assange en tant qu’actionnaire majoritaire de la Sunshine Press Production, entreprise islandaise, pourra disposer enfin des bénéfices de son entreprise.

Avant la pause de midi, la juge et les avocats discutent déjà de l’organisation du prochain procès au mois de mai. Il est question de décider comment préserver l’anonymat des personnes qui ont fait fuiter les videos de surveillance de UC Global et qui sont témoins et dans la procédure instruite par l’Etat espagnol. Lorsque j’entends la juge prononcer la phrase « nous allons débattre des problèmes qui se sont posés la veille », je garde l’espoir de voir la demande de libération apparaitre l’ordre du jour.

Nous devons passer hélas la pause dans l’étrange sas, coincés entre le RIA dans sa boite et les deux portes coupe-feu. J’amène des cafés et un croissant achetés dans la petite cafétéria du tribunal ou je croise les usagers de l’aide droite du bâtiment, mécontents de la queue inhabituelle qu’ils doivent faire pour pouvoir déjeuner. Les journalistes, les avocats, les procureurs et le public du procès de Julian Assange mangent en effet tous dans ce même lieu. A vrai dire, j’ai hâte d’en finir mais j’ai aussi envie de revoir Julian Assange, de comprendre sa situation, son état de santé. A 14h00, l’agent de sécurité nous fait entrer dans l’escalier de secours puis dans la galerie du haut. Le gardien fait entrer Julian Assange qui s’assied recroquevillé les genoux serrés. C’est Mark Summers qui mène les opérations. Il pose la problématique de la séance : Assange n’entend pas même avec les écouteurs et du fait de sa « situation psychiatrique » il ne devrait pas se trouver dans ce box. Summers argumente que même en Russie on ne maintient pas les accusés dans une cage de verre mais on leur permet de se trouver avec leurs conseils pour pouvoir communiquer. Baraitser répond qu’ils peuvent très bien communiquer ensemble via le système des petits papiers qu’Assange écrit et transmet aux barrister ou qu’ils peuvent interrompre la séance pour qu’ils puissent lui parler. Summer objecte que cela leur fera interrompre la séance toutes les 20 minutes pour 3 minutes de discussion. Baraitser lui enjoint de ne pas exagérer. Alors que j’attends toujours avec espoir que la demande de libération apparaisse, Summers, Lewis et Baraitser discutent de la légalité de la cabine de verre dans laquelle Assange est enfermé. Un peu avant 15 heures, Baraitser coupe court et affirme son autorité : bien sûr, elle est garante pour le « fair trial » de Monsieur Assange. Alors elle décide qu’il est capable de participer à son procès, que les avocats n’ont aucune difficulté d’accéder à lui, que s’il n’entend pas et qu’il y a du bruit c’est la faute des perturbateurs qui manifestent dehors (les Gilets Jaunes sont visés !) et qu’il n’a qu’à lever la main et on interrompra la séance pour répéter. Elle n’est pas responsable de la « psychiatric vulnéralibity » de Julian Assange. Brusquement Baraitser se lève et ordonne une pause de 5 minutes. Nous avons le droit de rester dans notre box.

Je comprends que « l’application for bail » ne sera pas faite. Baraitser revient, fixe les dates des prochaines audiences, discute de formalités avec Fitzgerald : le 25 mars prochain audience de prolongation de détention à la Westminster et audience de management le 7 avril à Woolwich. Il est 15 heures, la fin est un peu chaotique. Julian Assange se lève, les jeunes avocats se tournent vers lui, Joseph Farell apparait, il était présent à l’intérieur de la salle alors qu’il n’est pas avocat et n’était pas parmi les journalistes. L’agent de sécurité privé a envie de finir son travail et nous vire rapidement.

Nous sortons par la grille d’entrée sur laquelle figure le panneau « Her Majesty Courts Services ». Je suis triste. Julian Assange est resté enfermé. Le premier round est fini. Nous continuons.


[1] http://www.prisonreformtrust.org.uk/Portals/0/Documents/pibs/10003E57Polish_pib_08_male.pdf, p.19

Procès de Wikileaks ou procès de Julian Assange? Mardi 25 février 2020 – Violences en réunion

Mardi 25 février 2020 – Violences en réunion

Photo volée fuitée faite le 24 ou 25 février 2020

Monika Karbowska

Le deuxième jour du procès il fait froid, mais ma chambre n’est à qu’à 10 minutes de marche dans le lotissement en face de la prison, j’arrive donc devant la grille du tribunal à 5h45. Je suis la sixième personne dans la file, derrière Patrick Henningsen et un homme et une femme Américains. L’homme est volubile, il tente d’égayer l’atmosphère alors que le jour se lève et nous grelotons emmitouflés dans nos doudounes, manteaux, chapeaux et bonnets. Il chante des airs ironiques à l’attention des policiers et des agents de sécurité. J’apprends plus tard qu’il s’appelle Randy Credico. La conversation s’engage alors cordialement, et je veux alors croire que nous sommes tous ensemble dans le même but : la libération de Julian Assange. C’est une collègue qui me signale la présence de Angela Richter qui munie d’une béquille passe devant nous et parvient à se faire ouvrir la grille. Encore une bonne heure d’attente et nous nous retrouverons devant la porte du bâtiment avant d’être admis à travers les portiques de sécurité. Le deuxième jour il y a nettement moins de monde : les journalistes ont déjà déserté les lieux ce matin et les cars de Gilets Jaunes n’étaient prévus par leur organisateurs que pour une journée. Je pense donc ne pas avoir à subir les bagarres de la veille, même lorsqu’arrivée dans le fameux « sas d’attente » je constate que je suis troisième derrière Henningsen et Richter déjà appuyée sur sa béquille devant la porte de l’escalier de secours. Le sas est vite rempli par notre file et nous patientons encore jusqu’à 9h50. Je suis rassurée également par le fait que Randy Credico, parti chercher un café, reprend naturellement sa place à l’avant même si je vois à l’expression de son visage que la nécessité de se battre pour conserver cette place ne l’enchante guère.

Devant la Woolwich court dans le froid le 25 février 2020

Ma surprise est donc grande lorsque, ayant justement entrevu l’agent de sécurité chargé de déverrouiller la porte, je vois Patrick Henningsen fondre sur moi, me prendre par les épaules, et approcher son visage menaçant tout près du mien. « Tu ne dois pas être là, tu dois partir d’ici » dit-il en substance. Avant que je n’aies le temps de réagir, un autre événement se produit : Sevim Dagdelen, la députée de die Linke entrée avant nous avec une carte de presse, arrive en trombe dans le sas. Elle crie que Kristinn Hrafnsson a été arrêté par la sécurité à l’entrée car il ne faisait pas partie des 18 premières personnes et qu’il faut « donc » que quelqu’un lui cède sa place. C’est alors que tous les regards de l’hostile assistance se tournent vers moi, comme si j’étais la gêneuse dont il faut se débarrasser à tout prix. Sous le choc, je ne trouve pas d’autres mots que mes arguments habituels « j’ai le droit d’être là comme vous, nous sommes tous égaux » mais le ton de la députée se fait agressif.

Sevim Dagdelen, députée de die Linke et mon agresseure du 25 février 2020

Brusquement ce sont trois personnes qui me somment de déguerpir comme si elles avaient un droit naturel à décider de ce que je peux faire et de ce qui me serait interdit. Rebecca Vincent emboite le pas à Sevim Dagdelen : elle crie « tu ne fais pas partie des soutiens de Wikileaks tu n’as pas ta place ici » !  J’avais remarqué qu’elle ne me portait aucune sympathie mais je n’imaginais pas une seconde que des personnalités ayant des positions sociales aussi honorables (députée au Bundestag, journaliste…) puissent sonner une espèce d’hallali contre la citoyenne lambda que je suis. On dirait une ambiance de secte ou seuls les initiés ont le droit de passer la porte du saint des saints. Or, c’est un tribunal, un lieu public et je ne suis pas obligée de « soutenir Wikileaks » pour avoir le droit d’être là, n’importe qui peut venir ici comme simple observateur. Je suis réellement effrayée mais j’essaye de leur rappeler qu’une association de défense des droits de l’homme, telle que Wikijustice, n’a vocation à défendre que des êtres humains, pas des organisations, en l’occurrence un homme, Julian Assange, pour la défense duquel je suis ici. Les deux personnalités féminines se font menaçantes et dans l’étroitesse de l’espace du sas je crains pour ma sécurité physique : « vous avez vu, elle ne soutient pas Wikileaks » ! crient-elles. Devant moi Angela Richter a l’air d’être de leur côté, les autres baissent la tête. Alors, je fais face à mon premier assaillant et je hausse le ton également. Cela attire enfin l’agent de sécurité qui cesse de se planquer dans les recoins et fait venir deux hommes habillés d’uniformes de police. Troisième surprise, les deux hommes me rendent responsable de la situation et menacent de m’expulser des lieux alors même que je me tais et que Patrick Hennigsen continue de m’insulter tranquillement devant eux. La scène est surréaliste. C’est la manageuse Rosie Sylvester qui me sauve du lynchage qui se prépare : elle apparait dans le sas, calme le jeu, donne des ordres à l’agent de sécurité. Les policiers s’en vont. Je reste silencieuse au milieu de la pièce, incapable de bouger.

Sevim Dagdelen et Heike Hänsel, députées de die Linke, hostiles et agressives vis à vis de moi le 25 février 2020 au procès de Julian Assange

Je crois malgré tout que la tension va se calmer et que nous allons bientôt entrer dans l’escalier. D’ailleurs, la raison du conflit a disparu car Kristinn Hrafnsson traverse le sas suivi par Jennifer Robinson, en robe verte et saluant les présents, et par les avocats Summers, Fitzgerald, Peirce et Lyon. Tous se dirigent vers la salle d’audience. Mais c’était sans compter avec les furies déclenchées : voilà que Rebecca Vincent resquille toute la file pour se planter devant Rosie Sylvester. Elle me désigne du doigt, lui dit à quel point je suis indésirable et d’autres horreurs que j’essaye d’oublier depuis. Je n’en crois pas mes oreilles, je n’ai pas vécu pareil harcèlement direct et absurde depuis que j’ai quitté l’école… Je dois défendre mon honneur et l’image de mon organisation. Toujours immobile au milieu du sas, entourée d’ennemis, je supplie Madame Sylvester de ne pas écouter ces propos diffamatoires… Elle me fait un signe mêlé de compréhension et d’impuissance. Néanmoins elle commence à préparer le passage vers la galerie et demande à « la famille » de se tenir prête à entrer. John Shipton, son frère, Gabriel Shipton et un autre jeune homme fendent la foule pour s’approcher d’elle et tout le monde les laisse passer. Mais alors encore un coup de théâtre a lieu : l’agent de sécurité préposé à notre surveillance dans la galerie apparait dans le sas et crie à tout va : «Monsieur Kristinn Hrafnsson est interdit d’entrer dans le public sur ordre du tribunal ! ». Les exclamations d’indignation fusent alors que Kristinn Hrafnsson revient de la salle d’audience dans le sas. Il exprime sa colère et son incompréhension. Alors John Shipton dit qu’il va annoncer aux médias que la famille boycottera l’audience. Aussitôt dit, aussitôt fait. Entre temps, l’agent de sécurité a enfin déverrouillé la porte menant à l’escalier de secours et je cours m’assoir dans la galerie. Curieusement j’accède à une des meilleures places pour voir Julian le plus près possible : le deuxième fauteuil du premier rang. Je ne suis pas inquiète pour Kristinn Hrafnsson et j’ai raison : à peine tous les spectateurs assis, il revient avec les trois membres des Shipton s’installer triomphalement sur les sièges réservés à la famille, suivi de Fidel Narvaez et de Craig Murray. L’audience se met en place laborieusement, la juge Baraitser n’est pas là et Julian Assange est absent du box. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. D’ailleurs, les députées allemandes Heike Hänsel et Sevim Dagdelen continuent de twitter sur l’incident sans que cela ne gêne notre surveillant alors qu’il est 10 heures passées.

Rebecca Vincent qui m’a agressée dans la Woolwich Court le 25 février 2020

Le public se lève enfin pour la juge Baraitser. Le troisième jour, Kristinn Hrafnsson décidera que nous devons nous lever pour l’arrivée de Julian Assange ce qui est fait de bonne grâce. Mais ce mardi, avant son arrivée, je vois la manageuse discuter avec la juge et Baraitser lève un regard interrogateur et courroucé vers le public. C’est l’une des rares fois où on la voit nous scruter. Peu après Julian Assange arrive dans le box avec les deux gardiens. Il s’assied au milieu du banc et je le vois de beaucoup plus près, cinq à six mètres en dessous du balcon de la galerie. Il porte le même costume gris que la veille et dans les mains non pas le volumineux classeur, mais un cahier A4. Il n’a plus de lunettes, et fait tout de suite signe en portant sa main à son oreille qu’il n’entend pas. Il a l’air très abattu et il ne salue ni ne regarde personne. Je vois son visage marqué, ses yeux paraissent enfoncés dans les orbites. Il a l’air de souffrir intérieurement, et son immobilité pendant la journée confirmera cette première impression.

photo fuitée de la salle d’audience. Zoom sur l’espace des journalistes. Assange est invisible au fond à gauche

Edward Hamilton Fitzgerald s’engage d’abord dans un dialogue avec la juge concernant la transcription des débats. Alors qu’il objecte que c’est une entreprise privée qui effectue ce compte-rendu, la juge Baraitser lui répond que cela ne fait pas de différence. Pour l’avocat c’est une question de coûts qui devraient être partagés par les deux parties. Il n’a pas tord : nous avons fait établir un devis pour la transcription de l’audience du 23 janvier et il s’élevait à plus de 100 livres pour 45 minutes de procès, je n’ose imaginer combien le public devrait payer pour bénéficier de l’intégralité des actes qui devraient être gratuits et accessibles, la justice en démocratie devant demeurer un service public…La présence la veille de manifestants français aguerris dans les luttes contre les privatisation du service public prend alors tout son sens. D’ailleurs, ils ont galvanisé les manifestants anglais dont on entend ce matin les slogans et les chants dans cette salle même.

Ensuite Hamilton Fitzgerald aborde la question des violences auxquelles les gardiens auraient soumis Julian la veille : menottes et fouilles au corps répétées. Je sais que le dernier rapport d’inspection de la prison Belmarsh stipule pourtant que les personnes en détention provisoire ne doivent pas être menottées et surtout le scanner corporel dont la prison est équipée rend désormais inutiles et interdites les fouilles au corps, ces pratiques sadiques d’un autre âge[1]. Je suis surprise que la juge Baraitser renvoie l’avocat à « d’autres autorités » alors qu’elle est juge et garante du « fair trial », du procès équitable. Elle rajoute cependant qu’il « doit être bien traité » comme si c’était une faveur et non pas un droit essentiel dans un Etat de droit. L’avocat bégaye « qu’il espère aussi que l’autorité va se pencher sur le problème ». Julian Assange reste immobile et on ne sait s’il entend ce qui est dit. Ses gestes répétitifs de douleurs reprennent : il frotte ses doigts, bascule la tête vers le plafond en clignant des yeux… On sent encore plus fort qu’il cherche à s’évader de cet endroit et qu’il ne peut le faire qu’en quittant son corps dans une forme de dissociation. Quelques minutes plus tard, alors que Mark Summers commence sa plaidoirie, Julian Assange balance imperceptiblement son corps d’avant en arrière. Il ne se lèvera même pas pour prendre le dossier que lui tend Gareth Peirce lorsque Summers aborde le vif du sujet.


[1] https://www.justiceinspectorates.gov.uk/hmiprisons/wp-content/uploads/sites/4/2018/06/Belmarsh-Web-2018.pdf

https://s3-eu-west-2.amazonaws.com/imb-prod-storage-1ocod6bqky0vo/uploads/2018/11/Belmarsh-2017-18.pdf

Points d’orgues et zones d’ombres de la plaidoirie – qui est le responsable pour « Wikileaks »

Mark John Summers annonce d’une voix forte qu’il va prouver que les trois accusations portées par le procureur contre Julian Assange sont fausses : la première concerne le hacking du mot de passe avec Chelsea Manning, la deuxième d’avoir sollicité Manning pour la livraison de 4 bases de données, la troisième d’avoir prétendument mis des personnes en danger par les publications. Summers dit s’appuyer sur l’analyse du professeur Grotov qui a décortiqué les dépositions de Chelsea Manning lors de son procès. Il apparait selon ces dépositions, que Manning aurait eu accès aux documents incriminés via un « Protocoll SIPA », c’est-à-dire une base de données accessible à au moins 1000 analystes militaires sans qu’il lui soit nécessaire de forcer le moindre mot de passe. L’avocat insiste que c’est une preuve d’innocence de Manning connue du gouvernement états-unien car confirmée par l’attorney (procureur). Concernant le fait que Julian Assange aurait «sollicité » Manning pour lui fournir les documents, Summers explique à la juge que Wikikeaks fonctionne sur le même principe collaboratif que Wikipedia et que n’importe qui peut « à tout moment collaborer en fournissant des documents ». Ce n’est pas tout à fait exact, parce que du fait du système de cryptage mis en place pour les documents soumis, le site « Wikileaks.org » fonctionne plutôt comme un portail que comme une plateforme. Dans une plateforme celui qui propose un service ou un bien en reste propriétaire et garde le contrôle de ce qui est publié alors que dans un portail l’envoyeur de données se dessaisit du contrôle et de la propriété de ses documents au profit du propriétaire du site. Il est clair qu’une fois les documents envoyés à Wikileaks, le lanceur d’alerte ne décide plus de ce qui en sera fait. Je crains que cette description non pertinente du fonctionnement du site de « Wikileaks » par son avocat ne porte préjudice à Julian Assange. Il aurait été plus judicieux de démontrer que Julian Assange n’est pas responsable des publications sur le site car ce n’est pas lui mais John Shipton qui est propriétaire du nom de domaine du site. Par ailleurs il aurait été possible de rappeler, sur la base du rapport d’activité de la Wau Holland Stiftung, que Julian Assange avait signé le 21 décembre 2010 avec cette structure un contrat de coordinateur de projet assez léonin qui lui liait les mains et ne lui donnait aucune latitude sur le choix des documents à publier. Pis, dans la période incriminée, selon les rapports mêmes de la fondation, il est littéralement pressuré par ses donneurs d’ordre, les chefs de la Wau Holland, pour publier le plus rapidement tous les documents fuités. Il ne maitrise ni le rythme du travail de publication, ni le budget du projet ni même le choix de l’embauche de ses collaborateurs[1]. Dans son rapport d’activité de 2010 la Fondation Wau Holland assume clairement la pleine responsabilité du projet Wikileaks : « Es ist das bisher größte Projekt der Stiftung und stellt damit neue Anforderungen an die Abwicklung und das Controlling »[2] (« C’est jusqu’à présent le plus grand projet de la Fondation et ainsi il nous pose de nouveaux défis en terme d’implémentation et de contrôle de la réalisation »).

Andy Müller Maghun, le président de la Wau Holland Stiftung, le vrai boss de Wikileaks. Absent au procès.

Pour Summers, ce qui compte est le fait que les documents de Manning ne figuraient pas sur une liste précise de publications « Wikileaks » et ainsi il n’y aurait pas de preuve des sollicitations pour les obtenir, d’autant plus que l’analyste a toujours affirmé les avoir téléchargés de son propre chef. Pendant que l’avocat récuse l’appellation de « matériel sensible » puisque de nombreux salariés de l’armée américaine auraient eu accès aux documents, Julian Assange a l’air d’aller de plus en plus mal. Il prend sa tête entre ses mains, croise les bras et serre ses mains sous ses aisselles, s’agite doucement sur le banc, frotte encore ses doigts d’un contre l’autre… C’est comme une protestation muette.

Son menton est figé, ses traits crispés. Il prend son étui à lunettes, le repose, son avocat réfute alors l’accusation de « mise en danger d’autrui » en expliquant le partenariat que « Wikileaks » avait signé avec des « organisations sérieuses », les grands médias comme le New York Times, le Guardian, El Pais et Le Monde afin que ceux-ci notifient à « Wikileaks » les documents problématiques pour en expurger les noms. John Goetz est notamment cité comme témoin qui certifiera comme journaliste du « Spiegel » que « Wikileaks protégeaient les noms » alors que le professeur Grotov fournit la preuve que le comportement de l’organisation n’est pas coupable de « recklessness », d’indifférence face aux conséquences. Pour moi, la lecture des comptes rendus annuels de la Wau Holland Stiftung montre que Julian Assange n’avait pas un plein pouvoir de décision sur la façon dont les documents étaient réécrits par l’équipe de 11 à 25 personnes qui ont été salariés sur le projet « 04 Wikileaks Informationsfreiheit verteidigen» (« Projet 04 Wikileaks, défendre la liberté d’expression ») de décembre 2010 à décembre 2011 (journalistes-rédacteurs, chef de projet médias, production de vidéos, traduction, chefs de projet, assistant de direction, organisation événémentielle, développement informatique, préparation technique et mise en ligne des documents, chef de projets…)[3] mais le véritable responsable du projet, Andy Müller Maguhn, délégué du CA de la fondation pour un suivi plutôt tatillon du projet. Par ailleurs, une analyse détaillée des tâches sur chaque poste prouverait à coup sûr que le travail de réécriture des documents a effectivement été très important. Il devrait même être possible de prouver par quel processus et par quel salarié de la fondation Wau Holland chaque nom incriminé par l’accusation a été expurgé de la publication finale.

Andy Müller Maguhn contrôle le travail de Julian Assange en 2011

Il est dommage que l’avocat de Julian Assange laisse dans l’ombre tant de pistes importantes pour l’innocentement de son client. Mais hélas comme aucune collaboration entre l’équipe d’avocat et les soutiens militants n’est prévue, mon avis ne sera pas entendu. Vers 11h45 la juge Baraitser interrompt la plaidoirie pour la pause de 10 minutes. Je suis forcée de redescendre dans le sas ou je crains désormais les débordements agressifs des personnalités. Je reste debout dans la partie centrale du sas, craignant qu’on me pousse dehors si je reste derrière. Cependant je glisse doucement en Allemand à Madame Dagdelen quelque mots sur l’égalité, une notion qu’elle devrait s’approprier en tant que députée du peuple allemand et élue sur les listes du parti héritier de toutes les traditions historiques de la gauche allemande. J’aurais aimé aussi lui dire que je ne reconnais pas dans son comportement vis-à-vis de moi le parti dont j’ai été membre de 2007 à 2012. J’y ai milité au sein de la section femmes LISA ou j’ai œuvré à l’élaboration du programme « pour un service public de la petite enfance » en coopération avec les féministes françaises et l’écrivaine Frigga Haugg, j’ai participé aux réunions avec Lothar Bisky pour inclure ce document dans le programme général du parti. J’ai aussi beaucoup coopéré avec ma collègue Christiane Reymann à la création de relations avec les féministes polonaises et les partis de gauche en Pologne. Je me demande ce qui est arrivé depuis pour que j’ai à vivre des scènes aussi terribles qu’absurdes de la part de l’élue d’un parti où je garde des amitiés. Un seul incident dédramatise mes tristes constats: une collègue me désigne Angela Richter qui délestée de sa béquille qu’elle a utilisée pour entrer la première comme « handicapée », se dégourdit les jambes tranquillement. Nous sourions de concert : être actrice est un métier utile en toutes circonstances !


[1] http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf, rapport d’activité 2011

https://www.facebook.com/notes/wikijustice-julian-assange/conférence-de-presse-du-20022020-deux-infos-capitales-two-major-news/493132691323050/

[2] Rapport d’activité 2010, http://www.wauland.de/media/2010_Jahresbericht.pdf, page 2

[3] document « Projekt 04: Informationsfreiheit verteidigen » Vorläufiger Transparenzbericht 2010 » – « Projet 04, défendre la liberté d’expression, bilan de transparence 2010 provisoire »,

Page 4 https://www.wauland.de/media/2010_Transparenzbericht-Projekt04_de.pdf

Et document « Jahresbericht 2011 », rapport d’activité de 2011, page 1, https://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf

Heureusement que la pause ne dure pas longtemps. Je me précipite dans la galerie dès que je peux, j’y ai perdu ma bonne place mais je suis soulagée de voir qu’avant que les débats ne reprennent Julian Assange a l’air un peu moins en souffrance. Il est vrai que Baltzar Garzon vient lui serrer la main avec empathie et qu’il peut échanger quelques mots avec les avocats espagnols. De plus, ma place plus lointaine ne m’empêche pas de remarquer que peu après il me regarde droit dans les yeux. Je lui souris et je fais un signe de la main tout en prenant soin de ne pas me faire trop remarquer du surveillant.

Pendant ce temps Summers narre la cyberattaque dont le site Wikileaks avait été victime et raconte la scène du film « Risk » dans laquelle Julian Assange téléphone à Hillary Clinton en compagnie de Sarah Harrison, salariée de « Wikileaks ». Puis il cite les médias et sites qui ont rediffusé les mêmes documents (dont le Spiegel et Cryptome) et aucun n’a été accusé par la justice états-unienne. Il conclut que la demande d’extradition n’est pas « fair, raisonnable, correcte» puisqu’elle discrimine un des acteurs de la même action. La plaidoirie continue mais certains ne tiennent plus en place dans le public. Gabriel Shipton prend congé des personnalités qu’il connait et quitte la pièce. Les personnalités assises devant moi partagent une tablette de chocolat et discutent entre elles comme au spectacle. L’avocat donne quelques précisions pour réfuter l’accusation d’intrusion informatique. Assange écrit quelque chose dans le cahier et passe le petit mot à Stella Morris. Summers aborde le téléchargement par Manning des « rules of engagement », « le droit d’engager » c’est-à-dire le permis de tuer par les soldats américains, directement lié, selon lui, au film « Collateral murder ». Manning aurait téléchargé cette video du meurtre de civils irakiens et de journalistes de Reuters juste après avoir pris connaissance des «règles de tuer » et aurait décidé seul de sa publication immédiatement après. C’est un peu dommage que Summers fasse l’impasse sur le travail des techniciens, journalistes et députés islandais qui ont «réécrit », ou « re-monté » la vidéo[1], qui figurent au générique du film et qui logiquement sont autant responsables pour sa publication que les Allemands de la Wau Holland pour leur « projet Wikileaks 04» en général[2]. Mais cette omission me parait pour l’heure moins grave du moment que Julian Assange n’est pas poursuivi pour cette production, même si dans la bouche de l’avocat l’homme accusé disparait encore une fois au profit de « l’entité inconnue Wikileaks ». Baraitser finit la séance en reconnaissant que le « gouvernement aurait effectivement dû mettre les publications dans leur contexte ». L’avocat parait avoir gagné la bataille. Enfin. On aurait presque eu envie de l’applaudir. Il est 13 heures, le juge Baraitser décide de la pause. Julian Assange s’anime, se lève. Il salue Garzon, appelle Summers et lui dit quelque chose en affichant un air mécontent. Je reste pour le voir partir entre deux gardes et je reconnais à sa démarche hésitante qu’il est fatigué, puis je suis sommée de quitter les lieux.

Julian Assange en juillet 2010 – il n’y a plus aucune photo de lui nette et de près en 2019 ni 2020

Baraitser a déjà commencé à écourter les débats : de 45 minutes le lundi, la pause midi rallonge à une heure mardi et jusqu’à une heure et demie le dernier jour. Cela m’arrange car je peux quitter le sas étouffant et rempli d’agressivité pour m’acheter un en-cas et un café à la petite cafétéria du tribunal. Je fais mon compte rendu des agressions subies en téléphonant à la direction de Wikijustice et j’observe par la baie vitrée du premier étage Baltazar Garzon quitter le bâtiment définitivement avec son staff. Je remarque le personnel judiciaire de la Woolwich Crown Court habillés de costumes noirs et de perruques sortir de l’aile droite du bâtiment pour passer leur pause dans le hall, la cafeteria ou le jardin. Puis je n’ai pas d’autre choix que de retourner dans le sas pour ne pas être éjectée de la file. Les « personnalités » occupent déjà la première place, elles discutent entre elles de problèmes familiaux et domestiques. Randy Credico, toujours un peu dépassé par l’étrange atmosphère, tente de détendre l’ambiance par des blagues. Des journalistes venus de leur annexe ou ils disent avoir du mal à entendre le procès, se sont précipités pour occuper notre espace public si réduit. Le risque d’être éliminée revient, je dois être donc présente. Je remarque alors que les trois quarts des présents dans ce sas sont des Allemands. C’est curieux. La tension avec les « personnalités » de die Linke semble s’être calmée mais je ne peux éviter une légère altercation avec un jeune homme allemand qui me pousse sans ménagement vers l’arrière. Il est surpris que je lui réponde en Allemand. Lorsque l’heure tourne et que les avocats rentrent de pause, Angela Richter nous annonce qu’elle a réussi à obtenir une place dans la salle d’audience parmi les journalistes. Elle exprime sa joie, reprend sa béquille-outil de lutte et sort du sas en clopinant.

Angela Richter, une des militantes agressives avec moi le 25 février 2020

Cette fois l’agent de sécurité demande leur pièce d’identité à la « famille ». John Shipton sort un passeport bleu marine neuf, mais je n’ai pas le souvenir que Kristinn Hrafnsson ait dû présenter le sien. Le frère et le fils de Shipton sont partis, il y aura des places libres dans la pièce en général, je presse mes amis restés dehors de tenter d’entrer, mais les agents postés devant le bâtiment les en empêchent. D’ailleurs, malgré quelques sièges vides, je ne peux récupérer dans la galerie qu’une place assez éloignée de Julian Assange.

Quand Julian Assange entre dans le box, il ne salue pas ni ne regarde le public. Il s’assied à la même place, jambes jointes et mains sur les cuisses. J’ai l’impression qu’il a l’air intimidé cette fois ci. Et je me demande si dans la pause on lui donne à manger, car il n’a toujours pas de bouteille d’eau dans le box que je devine inconfortable. Dès que la juge arrive, Mark Summers reprend son argumentation: prouver que Chelsea Manning n’avait pas besoin de craquer un mot de passe pour accéder aux documents classifiés. En ce qui concerne les « war diaries », les « journaux de guerre », il existait un réseau d’échange de données interne à l’armée, « Sydney I » pour l’Irak et « Sydney A » pour Afghanistan. Il était possible d’accéder à ces bases par un métalien pour les télécharger et c’est ce que Manning a fait, car « selon sa conscience il était nécessaire que le public connaisse le nombre de victimes civiles et les assassinats par drone ». Pour l’avocat, Julian Assange n’a donc pas sollicité de posséder ce matériel et le procès n’est donc pas « juste équitable et raisonnable ». Quant à la récurrente question des « noms sensibles » contenus dans les documents, Summers explique que Manning n’a jamais voulu garder les noms de code SIGAD (indicateur alphanumérique qui identifie les stations d’écoute des USA) et que 20% des documents sur l’Afghanistan n’ont pas été publiés précisément à cause des noms afghans y figurant.

Julian Assange en tant que coordinateur du projet 04 Wikileaks pour la fondation allemande Wau Holland – extrait du rapport d’activité de la fondation 2011

Julian Assange est resté immobile accoudé au dossier du banc pendant toute la tirade. A ce moment précis, John Shipton ne lève et quitte la galerie du public, son téléphone à la main. C’est alors qu’Assange regarde vers nous et je peux croiser son regard. Il reste un moment dans cette position, le visage tendu vers le haut, comme lorsqu’on fait pour se relaxer les épaules tendues. Mark Summers prend alors de la hauteur pour «expliquer l’approche de Wikileaks » à la juge. En fait il cite des conversations entre deux journalistes du « Spiegel », Schmitt et Goetz, qui décrivent « l’assistance technique » dont « Wikileaks » aurait besoin pour que son « équipe réécrive les mauvais endroits ». Finalement selon eux « Wikileaks » aurait demandé plus de temps et a fini par être critiqué pour avoir « over-redacted » (modifié trop largement) les documents. Nous savons que ce n’est pas pour rien que des acteurs allemands sont cités dans le dossier, puisque c’est la Wau Holland Stiftung, fondation allemande, qui sous la houlette de Andy Müller Maguhn, délégué du CA pour la supervision du projet 04 Wikileaks qui a dirigé l’équipe chargé de re-rédiger les documents. Les rapports d’activités de 2010, 2011 et 2012 de la fondation nous apprennent même que plusieurs journalistes étaient payés par la fondation pour ce travail et qu’en 2011 ils ont touché pour ce faire[3] 58 578 Euros. Malheureusement l’avocat ne cite pas la Wau Holland comme témoin clé voire acteur du processus de rédaction.


[1]

[2] Conseil d’Administration de la Wau Holland Stiftung 28.12.2009, http://www.wauland.de/media/2009-12-28_Protokoll.pdf

Rapport d’activité 2009, http://www.wauland.de/media/2009_Jahresbericht.pdf

Rapport d’activité 2010, http://www.wauland.de/media/2010_Jahresbericht.pdf

« Rapport de Transparence – projet 04, défendre la liberté d’expression 2010 », http://www.wauland.de/media/2010_Transparenzbericht-Projekt04_de.pdf

Rapport d’activité 2011, http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf

« Rapport de Transparence – projet 04, défendre la liberté d’expression 2011»,

http://www.wauland.de/media/2011_Transparenzbericht-Projekt04_de.pdf

« Rapport de transparence projet 04, défendre la liberté d’expression 2012 -rapport pour les 6 premiers mois de 2012 »

http://www.wauland.de/media/2012_Transparenzbericht-Projekt04_de.pdf

« Rapport de transparence projet 04, défendre la liberté d’expression 2012 »

http://www.wauland.de/media/2012-1_Transparenzbericht-Projekt04_de.pdf

[3] « 5.8 Journalistische Aufbereitung Zur journalistischen Aufbereitung, insbesondere der Kontextualisierung zugegangenen Materials und der erklärenden Beleuchtung von Hintergründen und Zusammenhängen, wurden verschiedene Journalisten engagiert und ihr Aufwand entsprechend vergütet. Im Jahr 2011 waren damit insgesamt 6 Journalisten als Hilfskräfte in diesem Aufgabenbereich tätig. »,( « Pour la mise en forme journalistique, en particulier la mise en contexte des documents et l’explication du contexte historique et des relations, différents journalistes ont été engagés et leurs efforts indemnisés en conséquence. En 2011 en tout 6 journalistes ont été actifs comme « personnel aidant » dans ce domaine »)

Page 5, https://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf

Wikileaks, l’Allemagne, et la Wau Holland Stiftung

Sur ce la juge Baraitser décide d’une pause de 10 minutes. Je suis fatiguée car je ne me repose absolument pas dans l’ambiance hostile du sas. Mais l’après-midi avance et l’attrait du procès s’émousse visiblement. En effet, les députées de die Linke ne reviennent plus ni dans le sas ni dans la galerie. Je sympathise avec Volker, un des militants allemands qui a témoin de l’agression du matin qui l’a visiblement choqué. Nous discutons un peu de l’état de Julian Assange et de ce que nous voyons en partageant dans la pause un café et une barre de céréales. Il trouve intéressante ma façon de prendre des notes. L’ambiance s’adoucit même si le public reste étrangement à plus de 80% composé d’Allemands et de germanophones. Il en sera ainsi les jours suivants, le 26 et 27 février.

A notre retour, Summers décrit la messagerie Jabber que les soldats américains utilisaient pour leurs loisirs et cite des supérieurs hiérarchiques de Manning qui auraient certifié qu’il était courant pour les soldats de jouer à cracker mutuellement leurs mots de passe. Manning était même tellement douée qu’elle en aurait fait une activité commerciale, validée par une de ses chefs qui lui aurait demandé carrément d’installer un logiciel interdit. Conclusion : Manning n’avait pas besoin des compétences informatiques d’Assange pour s’introduire dans des bases interdites. A cette évocation visiblement douloureuse, Julian Assange se balance légèrement d’avant en arrière puis revient dans sa prostration initiale. L’avocat conclut que les accusations n’ont pas pris en compte le contexte et sont donc abusives. Pour le prouver, il abandonne la jurisprudence états-unienne qui était sa référence jusqu’alors (toute l’analyse du comportement de Manning étant contenu dans son dossier juridique selon le droit américain), mais détaille la jurisprudence européenne en se servant des cas Castillo, Murua et le Polonais Sekrewski. Les deux plaignants auraient gagné à la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg contre une demande d’extradition en prouvant les abus de procédures. Je vérifie sur les jugements dans la base de données HUDOC de la Cour de Strasbourg : seul le jugement de Algar Castillo est répertorié[1]. Pendant que l’avocat invoque le droit européen pour juger un Australien poursuivi par les Etats Unis, Assange regarde les 25 journalistes assis derrière des pupitres à sa gauche. Ses gestes nerveux reviennent. Il n’y a aucun signe de connivence avec ceux qui devraient être ses confrères de métier.

Rapport d’activité de la fondation allemande Wau Holland en 2009 – les projets TOR, Jabber et Wikileaks sont décidés

Baraitser interrompt alors l’avocat pour lui demander si Manning avait été déclarée coupable. Oui, doit admettre Summers, mais le procès a été contesté, reprend-il. Mais il n’argumente pas que les aveux de Manning ont été arrachés après torture ce qui les rend en réalité non recevables… du fait justement de la torture. Il reprend son discours sur la jurisprudence européenne et rappelle la déjà longue histoire des abus juridiques que subit Julian Assange : les « accusations suédoises », l’impossibilité de quitter les locaux de l’Equateur… Face à l’historique connu qui l’agace peut-être, Baraitser questionne l’avocat sur les faits : oui ou non la page internet Wikileaks sollicitait elle le public pour lui envoyer des documents secrets ? Le procureur intervient alors: pour lui les sollicitations sont clairement exprimés sur la page internet « Wikileaks ». Dans un vrai procès, il est d’usage de produire devant le public les passages discutés : le grand écran qui trône dans la salle aurait pu servir à voir le site incriminé, mais il reste éteint et le juge ne demande pas au procureur de prouver ses dires. De même l’avocat ne se sert pas du fait que le propriétaire du site n’est pas Julian Assange mais John Shipton pour invalider l’accusation de « sollicitation actives », alors même que John Shipton ne risque rien puisqu’qu’il a déjà gagné en février 2009 en Californie le procès contre la banque Julius Baer. Le jugement du tribunal californien a bien invoqué le premier Amendement, le« droit de recevoir des informations » pour débouter Julius Baer de sa demande de fermeture du site Wikileaks appartenant à John Shipton après publication de ses listings bancaires[2]. Le jugement californien est valide alors même que Wikileaks y est qualifiée « d’entité inconnue », ne possédant donc ni siège social ni structure. Julian Assange ne devrait donc pas être condamné pour la même chose pour laquelle son père a été relaxé. Hélas, en ne posant pas ces arguments, j’ai le sentiment que Mark Summers donne quartier libre au procureur qui affirme que Julian Assange aurait dit à Manning « je suis curieux de voir tous les documents », là encore sans amener la moindre preuve matérielle (une retranscription des conversations sur Jabber par exemple). Le procureur martèle que le sort de Julian Assange doit être déterminé aux Etats Unis car « Julian Assange décidait de publier sur le site internet Wikileaks ». Le rôle des Allemands de la Wau Holland Stiftung est passé ainsi à la trappe. On comprend que l’accusation américaine ne veut pas brusquer son plus précieux allié en Europe, l’Allemagne, en l’impliquant dans un procès gênant. Mais j’avoue que je comprends moins la stratégie des avocats de plutôt sauver Andy Müller Maghun et les autres membres du CA de la Wau Holland Stiftung que Julian Assange qui est leur client.

John Shipton comme propriétaire de l’entité inconnu Wikileaks

Pendant la tirade du procureur, alors qu’il paraissait très fatigué, Julian Assange se lève et appelle Gareth Peirce. Elle met un certain temps à l’entendre et à venir vers lui, puis elle se rassied. Assange parle alors à Jennifer Robinson qui a pris le siège laissé par Garzon. Jennifer Robinson incite Peirce à sortir de sa réticence et revenir écouter son client même si elle ne le regarde toujours pas lorsqu’elle s’adresse à lui. Enfin, lorsque Summers a fini son argumentation, Edward Hamilton reprend l’organisation de la défense. Il propose à la juge de déposer un « sommaire des vices de procédures » le lendemain. Hélas, en l’absence de micro on n’entend pas ce que dit Julian Assange à ses conseils. Il est 16 heures, Baraitser se lève. Nous sommes tous très fatigués et la cérémonie du départ est réduite. Mais demain, je serais fidèle à mon poste ici.

Pour la Woolwich Court, le procès Assange n’existe pas. Le planning ne prévoit pas d’audience salle 2 pour le 25 février 2020

[1] https://hudoc.echr.coe.int/eng#{« fulltext »:[« Castillo »], »documentcollectionid2″:[« GRANDCHAMBER », »CHAMBER »]}

[2] http://www.dmlp.org/sites/citmedialaw.org/files/2008-02-26-Brief%20of%20Intervenors%20to%20Dismiss%20for%20Lack%20of%20Subject%20Matter%20Jurisdiction.pdf

http://www.dmlp.org/sites/citmedialaw.org/files/2008-02-28-Notice%20by%20John%20Shipton%20of%20Intent%20to%20Appear%20and%20Joinder%20in%20Motions%20and%20Oppositions%20of%20Amici-Intervenors.pdf

https://www.facebook.com/notes/wikijustice-julian-assange/conférence-de-presse-du-20022020-deux-infos-capitales-two-major-news/493132691323050/

https://www.courtlistener.com/opinion/1737559/bank-julius-baer-co-ltd-v-wikileaks/?fbclid=IwAR3hpvyy6MfaKv84HnVWNeR1oMu6wvJosyK9gBhFcUGyFrlxGQSBmlYpYas

Procès de Wikileaks ou procès de Julian Assange? Lundi 24 février 2020 – le tribunal du « Qui le plus fort gagne »

Julian Assange jugé du 24 au 27 février 2020

Monika Karbowska

Salle 2 Woolwich Court photo originale du 24 février 2020

Lundi 24 février 2020

Le Tribunal du « Que le plus fort gagne »

Julian Assange sous surveillance, 2011

Introduction : cet article a été fini juste avant les événements actuels. Il ne contient donc aucune allusion, sauf involontaire, à la crise que nous vivons. J’ai décidé de le publier car le système répressif n’est pas suspendu : ceux dont les droits sont violés ont plus que jamais besoin de nous. Comme il est interdit de prendre les photos à l’intérieur du tribunal, j’ai réalisé les dessins pour montrer les lieux.

Fidel Narvaez, Patrick Henningsen, Greekemmy, Christian Mihr, Rebecca Vincent, Christophe Deloire et moi meme… devant l’entrée de la Woolwich Court le 24 février 2020

Pour l’association Wikijustice, depuis sa création, il n’y a pas d’audience « non importante » en contraste avec une « procès important ». C’est pour cela que nous ne nous sommes pas focalisés sur ces jours de fin février annoncée en grande pompe par les médias comme « le procès d’extradition du siècle ». Au contraire, depuis 6 mois nous avons déployé tous les efforts nécessaires pour être présents à toutes les audiences de la Westminter Magistrate Court, ce qui n’était pas évident – obtenir les informations fiables à temps, franchir les obstacles pour assister aux audiences du 181 avenue Marylbone. Chaque brève rencontre avec Julian Assange, direct ou en vidéo, était pour nous une preuve de vie et l’occasion de témoigner sur son état de santé et sa situation. Après ce travail intense depuis août dernier, soulagée de le savoir vivant, j’étais également heureuse de savoir que j’allais pouvoir le voir 4 jours durant, lui apporter notre soutien et notre sympathie et peut être pouvoir communiquer avec lui et transmettre un message de sa part. Tous nos efforts sont tendus pour sa libération pleine et entière, nous aimerions tellement qu’il le sache et qu’il soit prêt pour ce moment dont nous ne doutons pas de l’imminence.

J’ai donc pu assister pendant 4 jours au procès dans les locaux du tribunal jouxtant la prison Belmarsh, dans la localité de Thamesmead dans la banlieue de Londres et j’ai pu voir Julian Assange 5 à 6 heures chaque jour.

Entrée de la Woolwich Court le 24 février 2020

Lundi 24 février 2020

Le Tribunal du « Que le plus fort gagne »

Christophe Deloire secrétaire général de Reporters Sans Frontières

Mais d’abord il a fallu entrer dans les locaux. Je n’ai pu prendre le métro et le bus de banlieue de Londres qu’à 5h30 du matin et arriver sur place qu’à 6h45. D’emblée j’ai remarqué le camping de tentes dans le petit parc attenant à la grille de la prison et de la cour. Jamais une police n’aurait permis en France à des militants de camper devant les murs d’une prison. L’Angleterre n’en finit pas de m’étonner avec son système laxiste sur certains points, tolérant des passe droits, des discriminations, des violences et encourageant le viol des règles, des procédures et des droits dans d’autres circonstances. Justement la règle du « premier arrivé premier servi » pour laquelle nous avions tant lutté à la Westminster court est en passe d’être violée une nouvelle fois : Il y a 14 personnes devant la file d’attente devant la grille et Greekemmy a déjà crée une liste illégale sur laquelle elle inscrit les gens après leur avoir dument arraché leur nom sous la menace de ne pas pouvoir entrer malgré avoir attendu. Juste devant moi se tiennent Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières, Christian Mihr, son homologue de la filiale en Allemagne et Rebecca Vincent, responsable du bureau de RSF en Grande Bretagne. Je proteste à haute voix contre l’apparition de la liste. Je sais d’expérience que de nouvelles personnes arrivées plus tard y seront inscrites et que du fait de cette resquille je ne pourrai pas entrer. Greekemmy fonce vers moi, élève le ton, me menace d’être expulsée du tribunal. Je prends Christophe Deloire à témoin, en Français. Il a l’air de soutenir la liste de Greekemmy alors que je lui dis qu’il ne tolérerait certainement pas ce genre de situation en France, qu’une personne lambda prenne le nom de gens dans l’espace public et décide de qui a le droit d’entrer dans un tribunal, alors pourquoi accepte – t-il cela dans le cadre du procès de Julian Assange. Il ne me répond pas, mais lorsque d’autres personnes arrivées plus tard passent devant nous, une Américaine vivant en France, qui se tient derrière nous décide elle aussi de ne plus se laisser faire. Nous restons ainsi une heure à discuter sur les aspects culturels de notre aventure alors qu’arrivent l’avocat Edward Hamilton Fitzgerald, Gareth Peirce, mais surtout de très nombreux journalistes et caméramans qui entrent directement dans le bâtiment après présentation d’une carte de presse aux agents de sécurité. Cependant, toutes les cartes de presse ne se valent pas car les membres de Wikijustice qui montrent la leur sont refoulés. Des policiers, probablement municipaux arrivent aussi et saluent Greekemmy et ses proches d’un air débonnaire. Ils demandent juste à un jeune homme derrière nous d’enlever son masque d’Anonymous et signalent qu’il n’y aura que 18 places pour le public.

Cohue violente devant la Woolwich Court sous l’oeil impassible et moqueur des policiers et des agents de sécurité

L’ambiance se tend néanmoins lorsque les agents de sécurité nous font entrer dans le jardin et nous stockent devant la porte du bâtiment entre deux rangées de barrières de sécurité. Nous sommes déjà 30 dans la file alors que des supposés journalistes fendent notre groupe pour se retrouver devant. Les journalistes entrent également facilement par la file de droite délimitée par deux autres barrières de sécurité. Il y aura plus de 100 journalistes entrant et sortant en permanence du tribunal, 26 auront une place directement dans la salle d’audience. C’est le moment que choisit Greekemmy pour m’agresser une nouvelle fois avec force insultes tout en me filmant avec son portable alors que je proteste contre son comportement. Je vois surtout qu’elle se donne pour mission de détourner l’attention de la resquille d’une toute jeune fille qui arrive de derrière et pousse brutalement mes camarades pour se mettre devant nous. Nous protestons mais lorsque je lui touche le bras pour l’inciter à arrêter elle se met à hurler « don’t touch me » avec une arrogance cynique qui nous plonge dans la stupeur. Elle est secondée par son compagnon, le garçon au masque d’Anonymous pendant que Greekemmy continue de m’agresser verbalement. Le ton et la violence monte dans la file, les agents de sécurité ne font rien pour désamorcer le conflit mais lorsque je me tourne vers les policiers qui nous regardent à 1 mètre de là, pour qu’ils ramènent un peu d’ordre, je suis stupéfaite de constater que voir des gens se battre pour entrer dans un tribunal les fait rire. Ils ont l’air d’attendre que le plus fort gagne. Décidemment le système anglais n’en finira plus de m’agacer. J’explique à mes compagnes d’infortune que lorsqu’on commence par trouver normal les passe droits et violences dans une file d’attente devant la cour, il ne faut pas s’étonner qu’on finisse par s’habituer aux viols de droits et aux vices de procédures par la même cour dont Julian Assange est victime depuis plusieurs années.

L’organisation du tribunal est également on ne peut plus étrange. Le panneau suspendu sur la grille d’entrée signale « HMCS », « Her Majesty Court Services », soit l’administration des tribunaux. Sur un panneau en métal devant le bâtiment avant les barrières de sécurité il est indiqué « Woolwich Crown Court », mais lorsque je me trouve devant la porte de gauche ou nous orientent les agents de sécurité, je vois une simple feuille A4 collée dessus avec une flèche vers la gauche et une inscription « Belmarsh Magistrate Court ». Sur la porte de droite, par laquelle entre d’autres usagers, une feuille similaire indique « Woolwich Crown court ».  Pendant que le procès de Julian Assange a lieu dans l’aile de gauche, la vie continue donc dans l’aile droite du bâtiment ou travaille la vraie Woolwich Crown Court. De plus, dans l’aile gauche du bâtiment nous retrouverons presque tous le personnel que nous connaissons de la Westminster Magistrate Court. Alors, ou nous trouvons nous vraiment ? La « Belmarsh Magistrate Court » n’a l’air d’avoir qu’une existence très formelle : le site du ministère de la justice britannique lui donne comme adresse le 1 London Road à Bromley[1], dans la banlieue sud de Londres alors que le site the Law pages donne 4 Belmarsh road à Thamesmead[2]. Cependant sur le plan de Thamesmead le 4 Belmarsh Road est introuvable, le numéro 2 étant l’adresse de la Woolwich Court, c’est-à-dire le bâtiment devant lequel nous nous trouvons alors qu’à 1 London Road à Bromley se trouve en réalité la Bromley Magistrate Court[3].

Pas de procès Assange salle 2 dans la planning de la Woolwich Court. Pourquoi?

Nous sommes épuisés lorsqu’enfin un jeune agent de sécurité, affolé et débordé, déverrouille la porte et nous pousse pour empêcher la foule qui nous appuie par derrière de se précipiter à l’intérieur. Il exige de nous des pièces d’identité et ne fait entrer que 6 personnes à la fois. En effet, lorsque je suis venue les deux fois précédentes pour information, la Woolwich Crown Court ne disposait que d’un seul portique de détection de métaux, visiblement suffisant pour l’activité assez clairsemée de l’institution. Aujourd’hui un autre portique est installé pour les usagers de la Woolwich Crown Court à droite de l’entrée tandis que des tables sont disposées à gauche pour gérer de façon plutôt artisanale le contrôle des visiteurs du procès de Julian Assange. Sur les tables se trouvent des petits casiers en plastique dans lesquels il faut mettre l’ordinateur, les manteaux et les écharpes, les ceintures, les chaussures… cela fait très « aéroport». Dans tous les débordements, les deux jeunes resquilleurs de derrière se retrouvent évidemment devant nous. Je cours le plus vite possible à l’étage, renseignement pris auprès de deux agents de sécurité, car le procès Assange n’est indiqué nulle part, ni sur l’écran qui affiche les audiences du jour, ni sur le panneau d’information à gauche du hall.

L’entrée du complexe de tribunaux de la Woolwich Court. Impossible de déterminer dans quel tribunal a lieu le procès de Julian Assange

[1] https://courttribunalfinder.service.gov.uk/courts/belmarsh-magistrates-court

[2] https://www.thelawpages.com/magistrates-county-crown-court/Belmarsh-Magistrates-Court-106.html

[3]https://searchapplications.bromley.gov.uk/onlineapplications/propertyDetails.do?activeTab=summary&keyVal=L5YN3SBT06500

Je m’engouffre dans un couloir, puis dans un espace équipé de fauteuils comme une salle d’attente, puis dans un espèce d’étroit boyau-couloir, j’arrive dans une autre antichambre et là je vois la porte de la salle d’audience. J’entre, et j’aurais pu y rester car personne ne me demande rien, mais comme je ne suis pas sûre que j’ai le droit de rester, je préfère chercher mes camarades et attendre avec le public pour ne pas perdre la précieuse place. L’endroit où quelqu’un leur a dit d’attendre s’avère ce minuscule boyau entre deux couloirs, ou nous sommes bientôt serrées les uns contre les autres devant une porte verrouillée et un petit panneau en plastique marqué « public gallery » avec une flèche. La resquille violente continue car nous sommes 25, les agents de sécurité ont laisser entrer bien plus que les 18 places prévues. Pire, lorsqu’un agent de très petit gabarit tentera d’amadouer la foule, il faudra qu’il crie fort pour annoncer que 6 places doivent être réservées à la famille…

Dessin du sas dans lequel le public est stocké avant de passer à l’envers en montant un escalier de secours dont la porte est vérouillée – que de règles de sécurité incendie violées lors du procès de Julian Assange!

La tension est telle que je ne remarque que deux jours plus tard que le « boyau » ou nous allons passer beaucoup de temps d’attente est en fait un sas, que les 25 personnes stockées dedans empêchent donc le dégagement des CHC (Circulation Horizontale Commune[1]) et leur présence bloque le RIA (Robinet d’Incendie Armé) enfermé dans une gaine –cette situation viole les normes de sécurité incendie communément admises, en Grande Bretagne comme en France. Pire, je remarque bientôt que la porte verrouillée devant laquelle nous attendons est une… sortie de secours ! Une sortie de secours donnant sur un escalier de de secours ne doit jamais être verrouillée car en cas d’incendie nous ne pourrons pas évacuer et nous pouvons tout simplement mourir. Justement, peu avant 10 heures, l’agent de sécurité déverrouille la sortie de secours et nous fait entrer dans un escalier qui est visiblement un escalier de secours. Nous devons monter par là pour arriver sur un palier ou nous passons une porte coupe-feu, nous nous trouvons dans une antichambre ou se trouve des toilettes femmes à droite et homme à gauche, et d’où deux couloirs mènent à droite à la « court 3 » et à gauche à la « court 2 ». La notre est la salle 2, il faut encore entrer dans un autre espace ou se trouvent deux portes qui probablement sont les accès vers la galerie en temps normal. Un autre agent de sécurité, grand rouquin sévère, ouvre une troisième porte et nous indique les sièges à occuper. Derrière une baie vitrée, surplombant la salle d’audience de 10 mètres au moins, se trouve la galerie du public avec 18 sièges disposés en deux rangées. Au fond se trouve encore une porte verrouillée.

Patrick Henningsen, journaliste à RT International, mon agresseur du 24 février 2020. Photo de 2019 devant la Westminster Court

Je n’ai pas le loisir de réfléchir à l’étrange disposition des lieux ce premier jour du procès : au moment ou l’agent ouvre la sortie de secours, un homme de type méditerranéen, corpulent, qui se trouvait en première place de la file avec Greekemmy m’arrête en me prenant le bras et me somme de laisser ma place « à la Courage Foundation » qui vient d’arriver. Stupéfaite, je réponds sans hésitation « non » et lorsque l’homme, sur un ton menaçant me dit « comment j’ose refuser ma place à la fameuse et célèbre Courage Foundation », je réponds que j’ai aussi le droit à être là. Puis je cours dans l’escalier sans demander mon reste et arrivée dans la galerie, je ne peux m’installer qu’à une place centrale du deuxième rang d’où je ne verrai Julian Assange que d’assez loin. Cependant les deux membres de la Courage Corp, un jeune homme roux barbu, peut être Nathan Fuller, le gérant de l’entreprise new yorkaise comme on peut le vérifier sur le site du du NYS Departement of State Division of Corporation[2], et une femme de 60 ans, ont pris place juste à gauche de notre groupe. La femme fera plusieurs photos de Julian sans que l’agent de sécurité ne l’inquiète. De même la jeune arrogante qui a poussé tout le monde ce matin prend une place à côté de son compagnon, mais elle s’éclipsera de la salle pendant toute la matinée et l’après midi elle prendra plusieurs photos de Julian. L’agent de sécurité l’expulsera enfin après la quatrième photo.

Aujourd’hui je ne suis pas encore revenue de ma surprise ayant constaté que l’homme qui voulait me chasser de la cour était Patrick Henningsen, journaliste à Russia Today International. L’hostilité déclaré de ce journaliste à ma personne me surprend d’autant plus que je le vois pour la première fois et que des membres de Wikijustice travaillent sans problème avec Russia Today, un des journalistes de RT France doit m’interviewer ici même tout à l’heure.


[1] Espace qui doit être rester dégagé en permanence pour permettre l’évacuation du public dans un Etablissement recevant le public.

https://www.securinorme.com/prevention-au-travail/238-issues-de-secours-et-degagement-sur-les-lieux-de-travail-quelle-est-la-reglementation-

[2]

Les meilleures places du premier rang sont occupées par les représentants de RSF assis à côté de Kristinn Hrafnsson et Fidel Narvaez. Après la pause, les députés du parti de gauche allemand die Linke Sevim Dagdelen et Heike Hänsel arriveront et deux jeunes leurs céderont leur place. Angela Richter, la femme de théâtre allemande, sera assise sur la 5 place du premier rang en partant de la gauche. A droite au premier rang on nous annonce la famille de Julian Assange : John Shipton, son fils Gabriel Shipton, un homme âgé, grand et bien bâti, une femme de 55 ans aux longs cheveux châtains bouclés et un jeune homme brun au nez pointu. Je me renseigne – il parait qu’il s’agit du frère de John Shipton, de la femme du frère et de leur fils. Tout au bout à droite Craig Murray est assis avec la famille. Ce qui m’a frappé est que pendant toute l’audience aucune de ces personnes n’a montré la moindre émotion, sauf peut-être un peu Murray. Julian n’a pas salué ces gens qui se disent « sa famille », il n’a eu aucun signe de connivence avec eux, aucun geste, pas même avec Shipton. Quand Julian Assange tournait la tête vers cette partie de la galerie, on aurait dit qu’il voyait des étrangers. Il y avait dans leur comportement des aspects « je regarde un spectacle » assez déplaisants. Certains membres de la famille ne pouvaient s’empêcher d’êtres sur leur téléphone malgré l’interdiction formelle énoncée par le surveillant.

En contrebas je retrouve du regard tout le personnel de la Westminster Court telle qu’on l’a connue depuis septembre. Je vois Rosie Sylvester, la manageure, un des greffiers que j’ai déjà vu. Je vois le procureur Lewis mais l’équipe « d’Américains » et Clair Dobbin sont par le balcon de la galerie car ils sont assis tout au bout de leur banc à droite, au premier rang. Sur le coté gauche de ce banc prennent place Edward Hamilton Fitzgerald et Mark Summers. Gareth Peirce est assise derrière eux avec ses deux assistantes et Alistar Lyon. Enfin, surprise car je ne savais pas qu’un avocat d’un autre barreau européen pouvait participer à un procès en Grande Bretagne (quelle directive européenne rend elle cela possible ?), je constate la présence de Baltazar Garzon dans la rangée de derrière, à ses cotés Jimenez Martinez, Stella Morris et le jeune Mc McGrath. Jennifer Robinson est assise avec trois hommes sur un banc perpendiculaire aux avocats, juste devant les rangées ou prennent place les 26 journalistes qui ont la chance d’avoir été admis dans la salle. Le long box des accusés avec sa baie vitrée se trouve donc juste derrière Baltazar Garzon qui sera le seul avocat à saluer Julian Assange deux fois, à lui serrer la main dans la jointure des vitres. De même, lorsque Julian Assange essaiera de communiquer avec Gareth Peirce, il fera passer d’abord des petits papiers écrits de sa main à Baltazar Garzon pour que celui-ci les donne à l’avocate. L’ancien juge paraitra nerveux pendant la lecture de l’acte d’accusation et sortira plusieurs fois de la salle. La juge Baraitser trônera derrière une longue table sur une estrade faisant face à la salle. De lourds dossiers de documents se retrouveront éparpillés sur les pupitres au fur et à mesure que les audiences avancent, à côté de stabilos et d’ordinateurs, des documents tomberont par terre, mais certains avocats passeront aussi du temps sur leur téléphone portable, ce qui se voit très bien d’en haut.

Mon dessin de la salle 2

L’émotion est palpable lorsque Julian Assange entre par la porte du fond du box. Il est encadré par deux gardes, un homme noir en uniforme de Mitie (tous les agents de sécurité présents sont salariés de l’entreprise Mitie) et un autre, blanc et costaud en chemise blanche et pantalon noir. Ce dernier jette des coups d’œil suspicieux au public dans la galerie et sera celui qui avertira son collègue lorsqu’une de mes collègues s’aventurera à faire une photo de Julian Assange. Il semble au premier abord plutôt correct avec son prisonnier. Julian Assange porte un costume gris, avec un pull gris et une chemise blanche. Ses cheveux sont coupés court, il est rasé et porte deux paires de lunettes- une sur son front et l’autre il la tiendra à la main pour s’en servir lorsque parfois il consultera l’énorme dossier qu’il pose à coté de lui sur le banc. Comme il s’assied au milieu du banc, j’arrive à le voir de ma place. J’aperçois qu’il a du mal à se mouvoir, même à rester assis, il doit s’agripper au dossier du banc. De même, lorsqu’il met sa jambe gauche sur son genoux droit il me semble que c’est pour pouvoir tenir en équilibre le gros dossier sur ses genoux. Le plus souvent il reste les mains jointes, les doigts croisés, dans une attitude de prostration et de résignation. Je vois son visage triste, surtout lorsqu’il lève les yeux vers le plafond, le ciel qu’il ne voit pas, dans l’attitude de celui qui veut s’échapper à tout prix d’ici… Il cligne des yeux en renversant la tête en arrière, répète ce tic toutes les 10 minutes environ. Lorsque son regard balaye alors la première rangée de la galerie, je crois déceler dans son regard une expression de colère, de dégout, un sentiment de trahison peut être. Parfois je vois dans ses traits quelque chose de plus négatif encore, un rictus de douleur, peut-être de la haine, et de la peur. Alors il se frottent nerveusement les doigts d’un contre l’autre, les mêmes gestes répétitifs que nous avons pu observer auparavant et que le médecin de Wikijustice a dument analysé comme symptômes de souffrance dus à la torture.

L’acte d’accusation justifiant l’extradition – la question de la responsabilité juridique

D’emblée la juge Baraitser donne la parole au procureur et nous assisterons toute la matinée à la présentation de l’acte d’accusation. C’est important de l’entendre enfin, tant de rumeurs ont circulé à son sujet. Néanmoins il est douloureux d’entendre proclamer avec tant de dureté des assertions qui nous paraissent monstrueuses. En effet immédiatement le procureur détaille les deux chefs d’accusation : Julian Assange est accusé de « computer misuse » et de « conspiracy » avec Chelsea Manning en vue de voler des documents classifiés puis de dissémination de ses mêmes documents avec mise en évidence des noms, ce qui a conduit à la mise en danger de ces personnes, collaborateurs de l’armée américaine en Irak et Afghanistan qui risquaient ainsi la mort ou la torture. En clair, intrusion informatique et vol en réunion… il est très perturbant d’entendre cela. De plus, le procureur s’appuie curieusement sur les « preuves » données par les médias : il cite des articles de journaux (El Pais, Le Monde, Guardian…) qui à l’époque en 2010 avait accusé « Wikileaks » de publier des milliers de documents « unredacted », « non expurgés ». Cette partie de l’acte d’accusation s’entend déjà comme un procès de la presse, puisqu’on s’appuie sur la presse pour fournir les preuves d’une accusation, sans que cependant le procureur n’explicite le rôle exact de Julian Assange dans la structure ou organisation « Wikileaks ». Le lien entre « Julian Assange, homme physiquement présent ici et « Wikileaks », dont le procureur ne précise pas « ce que c’est » (association ? entreprise ? Site internet ? Selon les lois de quel pays ?), n’est pas prouvé autrement que par les assertions du procureur : Julian Assange serait « Wikileaks founders » ou « the puppet master » (le marionnettiste).

Pour nous qui savons depuis un certain temps que John Shipton est propriétaire des noms de domaines de Wikileaks au sein de la société californienne Dynadot[1] et que Julian Assange n’était que salarié de la Fondation Wau Holland qui pilotait le projet « 04 Wikileaks » d’Allemagne[2], il apparait que ce n’est pas Julian Assange qui est responsable juridiquement des agissements de « Wikileaks » mais justement John Shipton et les dirigeants de la Wau Holland Stiftung comme Andy Müller Maguhn, Bernd Fix, Jens Ohlig, Winfried Motzus et Hendrik Fulda. Le procureur enfonce le clou en citant des points de son documents… 15, 16 et 17, Julian Assange n’aurait rien de moins que facilité la vengeance des talibans après avoir hacké des ordinateurs et volé les documents d’Etat en association de malfaiteurs. Il ne serait donc pas journaliste. Curieusement cependant, il n’est « chargé » que des documents publiés de septembre 2010 à novembre 2011. Il n’est pas accusé pour le film « collateral murder » ni pour les « Spy files », ces fameux documents d’espionnage généralisé qui ont tant énervé la chancelière Merkel lorsqu’elle a découvert par eux que son portable personnel était écouté par la CIA. Ces documents étaient si importants pour les dirigeants de la Wau Holland Siftung qu’ils ont été trois à se déplacer à Londres pour préparer la conférence de presse de lancement de ces publications du 1 décembre 2011[3]. Le procureur finit la tirade en moquant les médias écrivant sur les « 175 ans de prison ». Selon lui la jurisprudence montrerait que les peines pour ce type de délit ne vont que de 48 à 65 mois de prison. Mais juste après que nous reprenons espoir, il assène que dans ce procès, nul besoin de preuves, puisque c’est un procès d’extradition. Les preuves seraient présentées aux Etats Unis quand Julian Assange y sera.

On a l’impression d’assister à une levée de rideau d’un spectacle d’horreur. Baraitser se lève, nous sommes chassés de la salle. Julian Assange parait résigné mais pourtant il lève le poing, sans toutefois regarder le public. L’agent de sécurité nous chasse de l’escalier de secours et nous nous retrouvons dans le sas, avec toute la foule. Je comprends vite qu’il n’est pas question de profiter de notre pause de 10 minutes car nous perdrons notre place chèrement acquise. Je reste donc devant la porte de secours, à essayer de raisonner avec mes camarades la jeune resquilleuse qui continue son comportement asocial et perturbateur : elle nous pousse du coude, crie qu’elle est la plus importante et doit le rester, répond fièrement qu’elle a 23 ans lorsque nous lui demandons médusés ce qui lui donne à penser qu’elle a droit à tant de privilèges. Elle parait comme sous emprise de substances et c’est déroutant de voir quelqu’un se comporter ainsi dans un tribunal et d’assister à la passivité totale de l’agent chargé de l’ordre, qui la laisse même revenir devant tout le monde dans la galerie. Privilégiée, absolument. Pourquoi, nous ne le savons alors pas.

Assurément privilégiée, la jeune resquilleuse violente du 24 février est peut être la fille de Alicia Castro, ancienne ambassadrice de l’Argentine à Londres. Ici photo d’avant 2019

[1]

[2] http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf, rapport d’activité 2011

[3] Op. cit, page 5

L’audience reprend dès que Julian Assange revient, porteur du classeur et d’un cahier dans lequel il essaiera d’écrire ses petits mots. Son visage prend un air accusateur lorsqu’il lève les yeux vers la première rangée du public. Le procureur continue sa charge : les milliers de documents fuités sont détaillés, Julian Assange est accusé d’avoir encouragé Manning à voler les documents en l’aidant à craquer un mot de passe pour accéder à un intranet de l’armée. Il voulait donc attenter à la sécurité des Etats Unis, surtout que « Wikileaks » sur son site internet « sollicite le public à lui livrer des documents secrets ». Pour appuyer ses dires et amener un semblant de liens entre Julian Assange et « Wikileaks » le procureur cite la conférence du Chaos Computer Congress à Berlin de fin décembre 2009 lors de laquelle Assange aurait présenté ce projet comme « le service de renseignement du peuple ». La Wau Holland Sitftung n’apparait curieusement pas dans la tirade du procureur, alors qu’elle s’assume comme pleinement responsable du projet Wikileaks dans ses propres rapports d’activités de 2006 à 2014, comme si l’Etat britannique voulait épargner une institution allemande, en pleine négociations avec l’Allemagne autour du Brexit. Manning aurait donc répondu aux sollicitations de Julian Assange et aurait alors téléchargé les documents cryptés de de février jusqu’à son arrestation le 27 mai 2010. Le lien entre Manning et Assange serait fourni par leur communication sur la messagerie Jabber de novembre 2009 à avril 2010. Je suis surprise d’entendre parler de la relation entre Julian Assange et Chelsea Manning. J’étais restée sur les dénégations de Julian Assange qui avait toujours affirmé ne pas avoir été en contact avec le soldat Manning et j’avais cru que Manning avait lâché ses informations en discutant avec le hacker Adrian Lamo[1], assassiné mystérieusement en 2016 et c’est ainsi que l’armée avait pu trouver son identité. La messagerie Jabber a aussi été un projet de la fondation Wau Holland depuis 2008[2]. Il va falloir que le procureur fournisse les preuves techniques des conversations sur Jabber, des relevés issus des fournisseurs d’accès internet, et non pas des aveux de Manning arrachés après torture.

Malgré la situation dramatique, le frère de John Shipton s’endort alors sur son siège. Julian Assange regarde Kristinn Hrafnsson d’un air résigné mais rempli de colère. Les hommes de RSF partent. Garzon a l’air énervé. Alors le procureur passe à l’étape supérieure : des Talibans au Pakistan se seraient servis des documents publiés pour commettre des crimes, Julian Assange aurait donc donné des « informations utiles pour l’ennemi », il savait qu’il mettait ses sources en danger. C’est très différent de la première phase des publications qui ne ciblaient que les Chinois et les Syriens. Bref, si Julian Assange a sciemment donné des informations à l’ennemi il peut être accusé « d’intelligence avec l’ennemi », donc d’espionnage. On entend la clameur des Gilets Jaunes monter en puissance. Julian Assange l’entend sûrement aussi… C’est fort.

Il s’agite sur son banc, cherche une position, écrit quelque chose, ne peut pas se départir de ce tic qui lui fait cligner des yeux et chercher la lumière en levant le visage vers le haut, vers nous. Maintenant le procureur va prouver pendant 1 heure que la loi sur la « conspiration » est la même en Grande Bretagne qu’aux Etats Unis, et réfuter déjà les arguments de la défense sur le « abuse of authorities », abus de pouvoir, c’est-à-dire les vices de procédure. Julian Assange semble aller mieux – il écrit un petit papier à l’attention de Garzon. Baraitser est bien obligée de demander des débuts de preuves au procureur. Celui-ci explique que si les journaux ont aidé à la dissémination de l’information à l’ennemi, alors oui, ils pourront aussi être inculpés. En clair dans « certaines circonstances », le traité d’extradition permet bien l’extradition pour raisons politiques, toute personne, qu’elle soit de nationalité britannique ou non.

C’est alors que je vois Julian Assange lever la tête et poser son regard sur Angela Richter, assise au milieu du premier rang. Il lui fait un geste de main comme quand on veut chasser quelqu’un, lui signifier qu’il faut qu’il parte. Il lui désigne clairement la porte. J’ai l’impression que Richter est gênée, elle regarde autour d’elle pour voir si quelqu’un d’autre a compris ce qui se passe. Le procureur déclare qu’il n’a pas besoin de soumettre des preuves, ce qu’il dit est « selfsufficient », se suffit à soi-même, curieuse catégorie du droit tout de même. A ce moment-là Julian Assange parait très fatigué. Il n’a même pas un verre d’eau devant lui, contrairement aux avocats et aux journalistes. Il croise et décroise les doigts, regarde les journalistes… puis il veut parler ! Il se lève, se tient les mains jointes devant la vitre et parle. Baraitser veut le couper lui enjoignant de parler à travers ses avocats. Mais lui insiste et veut parler lui-même. Nous n’entendons pas ce qu’il dit, car il n’y a pas de micro et nous n’entendons que ce qui est dit directement dans les micros. En se concentrant sur sa voix étouffée par les barrières, on croit l’entendre se plaindre de ne pas entendre. Et ce n’est surement pas les slogans décidés des Gilets Jaunes qui le gênent, contrairement à ce que soutiendra Baraitser. On ne le laisse pas continuer à parler. Un carton est posé sous le micro de Fitzgerald pour augmenter le volume… Enfin, à 13 heures passées Fitzgerald a le droit de commencer la défense. 20 minutes plus tard Baraitser suspend la séance pour la pause de déjeuner. Nous sommes sommés de quitter les lieux par l’escalier de secours.

le 24 février 2020 la relation de Julian Assange avec Angela Richter n’est plus ce qu’elle était: il lui signifie de partir d’un geste de main

Nous n’avons que 45 minutes, la cafétéria est minuscule et la queue vite énorme. Je suis épuisée et je prends un café au distributeur avant de regagner le sas. Mon amie qui a fait la photo lorsque Julian Assange a parlé a été immédiatement expulsée du bâtiment, elle n’insiste pas. J’essaye d’en savoir plus sur ce que Julian a dit en le demandant à Fitzgerald dans un couloir du tribunal. Peine perdue, il reste évasif. Je me dépêche de regagner le sas, car même s’il y a moins de monde l’après-midi, c’était prévisible que certains soient plus intéressés par leurs relations publiques que par le procès, Greekemmy veille au grain pour introduire les siens.


[1] https://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/wikileaks/interviews/adrian-lamo.html

https://www.npr.org/2019/09/19/760317486/the-mysterious-death-of-the-hacker-who-turned-in-chelsea-manning

[2] http://www.wauland.de/media/2009_Jahresbericht.pdf

Qu’est ce exactement que Wikileaks ?  Plaidoirie de Me Hamilton Fitzgerald

Je réussis sans trop de dommage à revenir dans la galerie après attente dans le sas et le passage par l’escalier de secours, malgré ma peur de nouveau subir des pressions de la part des présents pour céder ma place à quelqu’un de « haut placé ». Les sièges libérés sont remplis rapidement : Sevim Dagdelen et Heike Hänsel sont assises à coté d’Angela Richter. Le copain de la jeune resquilleuse cligne des yeux assis derrière moi. Julian Assange entre à 14 heures dans le box. Il est toujours aussi triste, assis les mains jointes, il ne regarde pas la famille, ne sourit à personne… Hamilton Fitzegerald reprend son discours : il veut s’appuyer sur l’article 10 du traité d’extradition, présenter les « abuse of procedures », vices de procédures et prouver « sur la base de la jurisprudence Castillo et Murua » (probablement Adgar Castillo contre l’Espagne – jugement de la Cour Européenne des Droits de l’homme en 1998) que Julian Assange avait dans son action des opinions politiques, qu’il est donc poursuivi pour ces opinions et que par conséquent le traité d’extradition serait violé si l’extradition venait à s’appliquer à son cas. Par ailleurs, son extradition risquerait de l’exposer à des traitements inhumains et dégradants, au risque de suicide, et au risque de la peine de mort. Par la suite l’avocat cite les témoins qui vont comparaitre : des universitaires et journalistes spécialisés dans les questions d’espionnage et de fuites de données informatiques, Jamil Jabber de l’université de Columbia, Michael Tigar, attorney et professeur américain, et aussi le très célèbre Noam Chomsky. Puis l’avocat refait le récit des publications « Wikileaks » : il raconte comment Bradley Manning a déclaré avoir de lui-même téléchargé les documents, contacté le Washington Post, puis décidé en février 2010 de tout donner au site internet « Wikileaks », notamment le film de « l’attaque aérienne sur des civils innocents en Irak » et, le 8 mars 2010, les documents relatifs au bagne de Guantanamo, guidé par l’idée qu’il était « dans l’intérêt du public » de les éditer. Passant rapidement sur le fait que ce fut l’administration Obama qui a initié les hostilités contre Julian Assange, l’avocat charge le président Trump en rappelant ses tirades violentes contre la profession de journaliste. Gareth Peirce va alors vers Julian Assange et lui tend un document. Il se lève difficilement pour le prendre, se rassied et regarde fixement devant lui sans bouger.

Edward Hamilton brosse alors de quelques phrases flatteuses la « saga Wikileaks » qui a duré quelques mois, un an maximum en 2010 et 2011. Dans sa bouche Julian Assange se mélange à « Wikileaks » sans qu’on sache trop qui décide de quoi. Il crédite même le site de « catalyseur des révolutions arabes en exposant la corruption du clan Ben Ali en Tunisie» ce qui me fait sourire un peu jaune. Par les amis de l’UGET, de Redeyef, du Parti Patriote Démocrate que j’ai soutenus dès 2011, je sais bien que les Tunisiens n’avaient pas besoin d’Occidentaux pour se rendre compte de la violence et de la corruption de la dictature dans laquelle ils vivaient. Je sais aussi que la vraie Révolution de décembre 2010 est bien partie de manifestations lancées par les militants de l’UGET, l’une des plus vieilles organisations syndicales de l’Afrique, de même que le mouvement de la « Kasbah 1 » en février 2011 a été initié par deux jeunes filles désespérées par la répression, Zahra et Hawra Khammassi, Zahra étant responsable du syndicat UGET à la Faculté du 9 avril. J’espère un jour pouvoir faire rencontrer à Julian Assange les vrais protagonistes de cette histoire, mais pour cela il faut le sortir de cette taule. Pendant que l’avocat continue d’exposer le déroulé de l’affaire, je vois enfin que Julian Assange me regarde fermement, je répond immédiatement en soutenant son regard. Puis il parait plus fatigué et les gestes auto-centrés et répétitifs réapparaissent : il se frotte les doigts et de nouveau lève la tête vers le plafond comme quand on a mal au dos. Mais je vois alors encore mieux son regard qui dit sa souffrance.

Les vrais révolutionnaires de Tunisie: Ramy Sghayer, militant de l’UGET et un des leader de la Kasbah 1, janvier 2011

Fitzgerald fait alors le procès de l’entreprise UnderCover Global, de l’espionnage qu’elle a exercé sur les avocats comme Gareth Peirce qui sera d’ailleurs témoin, comment elle a « empoisonné » les relations dans les locaux du 3 rue Hans Crescent en abusant de la bonne foi de Fidel Narvaez, responsable sécurité de la diplomatie équatorienne. C’est dans ce contexte que Fitzgerald place l’histoire qu’il raconte alors : celle de Dana Rohrabacher, sénateur proche de Trump venu en 2016 promettre à Julian Assange de le laisser sortir de sa captivité en échange d’informations prétendument donnés par les Russes. Fitzgerald condamne encore une fois l’administration de Trump comme pratiquant le chantage politique, cherchant à extorquer des bénéfices sur le dos de son client. Je pense que le récit politique s’égare un peu : pour ma part j’aurais aimé en savoir davantage sur les motivations de la Wau Holland Stiftung lorsqu’elle a décidé en décembre 2006 de « fördern », c’est-à-dire à la fois soutenir et faire exécuter, le projet 04 Wikileaks[1].

Pour ce qui est de l’Allemagne, les journalistes du Spiegel joueront un rôle important comme témoins de la défense – Fitzgerald cite John Goetz et même Jacob Augstein, le fils de Rudolf Augstein, le fondateur du magazine comme témoins ayant toujours affirmé que Julian Assange protégeait ses sources et n’avait jamais participé au hacking des documents classifiés. Malheureusement alors que l’avocat fait le portrait d’un homme politiquement engagé, champion de la transparence et de la lutte anti impérialiste, multimédaillé, l’éloge flatteur n’a pas d’effet sur le moral de Julian Assange qui parait immobile, enfermé dans sa souffrance. Je commence moi aussi à me sentir mal d’assister à sa souffrance et ce ne sont pas les mots de Fitzgerald citant une charge de Chomsky sur Trump qui vont me donner me redonner confiance, Obama étant largement aussi responsable de la « chasse à l’homme Julian Assange ». Enfin, l’avocat aborde le plus dur mais le plus évident : l’extradition mènera Julian Assange à subir « des traitements dégradants et inhumains », le risque d’une condamnation à la prison à vie est évoqué, et les conditions de l’emprisonnement aux Etats Unis détaillés. Enfin, Fitzgerald expose que les conditions de vie de son client, le fait « d’être exposé avec sa famille en tant que cible », d’être « exposé à l’isolement » a mené son client, selon deux médecins cités, Dr Crosby et Prof. Malon, à une « clinical depression ». L’extradition va aggraver « son état de santé fragile » (« fragile state fo health ») et le mener au suicide.

Le rideau tombe. Baraitser lève sa séance. Julian Assange lève le poing mais parait épuisé. Je refuse de sortir de notre box tant que lui n’a pas quitté le sien. J’observe sa démarche, ses gestes, j’observe les gardiens. J’ai néanmoins pu croiser son regard une dernière fois. Lorsque je sors du bâtiment, une centaine de journalistes, certains agenouillés, recueillent religieusement la parole de John Shipton. Je reconnais et salue certains amis Gilets Jaunes. Il faut se débriefer et se reposer, comprendre ce qui se passe. Demain je reviendrai.

Julian Assange, vu en vrai le 13 janvier 2020, salle 1 de la Westminster Magistrate Court.

[1] http://www.wauland.de/media/2009-12-28_Protokoll.pdf, Compte rendu de réunion du CA du 28 decembre 2008

Trial of Wikileaks or trial of Julian Assange? Monday, February 24, 2020, the court of who is the strongest wins

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Woolwich Court, courtroom 2. Original picture taken the 24 of February 2020

Julian Assange on trial from 24 to 27 February 2020

Monika Karbowska

Introduction: this article was finished just before the current events. Therefore, it does not contain any allusion, except unintentional, to the crisis we are experiencing. I decided to publish it because the repressive system is not suspended: those whose rights are violated need us more than ever. As it is forbidden to take pictures inside the court, I made the drawings to show the place.

For the Wikijustice association, since its creation, there is no « unimportant » hearing in contrast with an « important trial ». That’s why we didn’t focus on these days of the end of February announced with great pomp by the media as « the extradition trial of the century ». On the contrary, for the past six months we have been making every effort to be present at all the Westminter Magistrate Court hearings, which was not easy – getting reliable information in time, overcoming obstacles to attend the hearings at 181 Marylbone Avenue. Every brief encounter with Julian Assange, live or on video, was a proof of life for us and an opportunity to testify about his health and situation. After all this hard work since last August, I was relieved to know that he was alive, but I was also happy to know that I would be able to see him for 4 days, to give him our support and sympathy and maybe to communicate with him and transmit a message from him. All our efforts are aimed at his full and complete liberation, we would so much like him to know it and to be ready for this moment which we do not doubt is imminent.

So I was able to attend the trial for 4 days in the courtroom next to Belmarsh prison, in the London suburb of Thamesmead, and I was able to see Julian Assange for 5 to 6 hours each day.

Rare happy days: Julian Assange journalist for RT, 2012

But first I had to get into the premises. I could only take the subway and the bus from the London suburbs at 5:30 am and arrive on site at 6:45 am. Right away I noticed the camping of tents in the small park adjacent to the prison gate and yard. In France, the police would never have allowed activists to camp in front of the walls of a prison. England never ceases to amaze me with its lax system on certain points, tolerating passes, discrimination, violence and encouraging the violation of rules, procedures and rights in other circumstances. Precisely the « first come first served » rule for which we fought so hard at the Westminster court is about to be violated again: There are 14 people in the queue in front of the gate and Greekemmy has already created an illegal list on which she registers people after having duly torn off their names under the threat of not being able to get in despite waiting. Right in front of me are Christophe Deloire, secretary general of Reporters Without Borders, Christian Mihr, his counterpart from the German branch and Rebecca Vincent, head of the RSF office in Great Britain. I protest loudly against the appearance of the list. I know from experience that new people who arrived later will be added to the list and that I will not be able to enter because of this free ride. Greekemmy rushes towards me, raises his voice, threatens me with expulsion from the court. I take Christophe Deloire as a witness, in French. He seems to support Greekemmy’s list while I tell him that he would certainly not tolerate this kind of situation in France, that an ordinary person takes the names of people in the public space and decides who has the right to enter a court, so why does he accept this in the context of Julian Assange’s trial. He doesn’t answer me, but when other people who arrived later pass by us, an American woman living in France, who is standing behind us, also decides not to let herself be taken in. We stayed for an hour discussing the cultural aspects of our adventure while Edward Hamilton Fitzgerald, Gareth Peirce, and many journalists and cameramen arrived and entered the building after presenting a press card to the security guards. However, not all press cards are equal, as Wikijustice members who show theirs are turned away. Police officers, probably municipal ones, also arrive and greet Greekemmy and his relatives with a relaxed look. They just ask a young man behind us to remove his Anonymous mask and point out that there will only be 18 seats for the public.

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Fidel Narvaez, Patrick Henningsen, Greekemmy, Christian Mihr, Rebecca Vincent, Christophe Deloire and myself… in front of the Woolwich Court entrance on February 24, 2020

The atmosphere becomes tense, however, when the security guards take us into the garden and park us in front of the building’s door between two rows of security barriers. There are already 30 of us in line as supposed journalists break through our group to get to the front. Journalists also enter easily through the right-hand line delimited by two other security barriers. There will be more than 100 journalists entering and leaving the court at any given time, 26 will have a seat directly in the courtroom. This is the moment that Greekemmy chooses to attack me again with insults while filming me with her cell phone while I protest against her behavior. I see especially that she gives herself for mission to divert the attention of the free ride of a very young girl who arrives from behind and brutally pushes my comrades to put herself in front of us. We protest but when I touch her arm to incite her to stop she starts to shout « don’t touch me » with a cynical arrogance which plunges us into stupor. She is seconded by her companion, the boy in the Anonymous mask, while Greekemmy continues to verbally assault me. The tone and violence rises in the line, the security guards do nothing to defuse the conflict but when I turn to the policemen who are watching us from 1 meter away, so that they bring some order, I am amazed to see that seeing people fighting to enter a court makes them laugh. They seem to be waiting for the strongest to win. Obviously the English system will never stop annoying me. I explain to my companions in misfortune that when one starts by finding normal the rights and violence in a queue in front of the court, one should not be surprised that one ends up getting used to the violations of rights and the defects of procedures by the same court of which Julian Assange is victim since several years.

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Violent mob in front of Woolwich Court under the impassive and mocking eye of police and security guards
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Julian Assange’s name does not appear on the Woolwich Court work schedule and room 2 appears to be unoccupied. Why?

The organization of the court could not be stranger either. The sign hanging over the entrance gate reads « HMCS », « Her Majesty Court Services ». On a metal sign in front of the building before the security gates it says « Woolwich Crown Court », but when I stand in front of the door on the left where the security guards are directing us, I see a simple A4 sheet of paper stuck on it with an arrow to the left and the words « Belmarsh Magistrate Court. On the right door, through which other users enter, a similar sheet of paper reads « Woolwich Crow court ».  While the trial of Julian Assange is taking place in the left wing, life goes on in the right wing of the building where the real Woolwich Crown Court works. Moreover, in the left wing of the building we will find almost all the staff we know from the Westminster Magistrate Court. So where are we really? The « Belmarsh Magistrate Court » seems to have only a very formal existence: the website of the British Ministry of Justice gives its address as 1 London Road in Bromley[1], a suburb of South London, while the Law pages gives it as 4 Belmarsh road in Thamesmead[2]. However on the map of Thamesmead 4 Belmarsh Road is not found, the number 2 being the address of the Woolwich Court, that is to say the building in front of which we are, whereas at 1 London Road in Bromley is in fact the Bromley Magistrate Cour[3]t.

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The entrance to the Woolwich Court complex. Impossible to determine in which court Julian Assange’s trial is taking place

We are exhausted when finally a young security guard, distraught and overwhelmed, unlocks the door and pushes us to prevent the crowd behind us from rushing in. He demands IDs from us and only lets 6 people in at a time. Indeed, when I came the two previous times for information, the Woolwich Crown Court had only one metal detector, obviously sufficient for the rather sparse activity of the institution. Today, another metal detector is installed for the users of the Woolwich Crown Court on the right side of the entrance, while tables are set up on the left side to manage the control of the visitors of Julian Assange’s trial in a rather artisanal way. On the tables are small plastic lockers in which to put the computer, coats and scarves, belts, shoes … it looks very « airport ». In all the overflow, the two young free riders from behind are obviously in front of us. I run as fast as I can to the floor, I get information from two security guards, because the Assange trial is not indicated anywhere, neither on the screen that displays the hearings of the day, nor on the information panel on the left of the hall.

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file in the front of the Woolwich Crown Court, 24 february 2020

I rush into a corridor, then into a space equipped with armchairs like a waiting room, then into a kind of narrow corridor, I arrive in another antechamber and there I see the door of the courtroom. I enter, and I could have stayed there because nobody asks me anything, but as I am not sure that I have the right to stay, I prefer to look for my comrades and to wait with the public not to lose the precious place. The place where someone told them to wait turns out to be this tiny hallway between two corridors, where we are soon squeezed together in front of a locked door and a small plastic sign marked « public gallery » with an arrow. The violent free-riding continues because there are 25 of us, the security guards have let in far more than the 18 places provided. Worse, when a very small agent tries to coax the crowd, he will have to shout loudly to announce that 6 places must be reserved for the family…

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Drawing of the airlock in which the public is stored before going backwards up a fire escape whose door is locked – what fire safety rules violated during the trial of Julian Assange!

The tension is such that I only notice two days later that the « hose » where we are going to spend a lot of time waiting is in fact an airlock, that the 25 people stored inside prevent the release of the CHC (Common Horizontal Circulation) and their presence blocks the RIA (Armed Fire Faucet) locked in a shaft – this situation violates the fire safety standards commonly accepted, in Great Britain as in France. Worse, I soon noticed that the locked door we were waiting in front of was a… fire exit! An emergency exit leading to a fire escape should never be locked because in case of fire we will not be able to evacuate and we may simply die[4]. Just before 10 o’clock, the security guard unlocks the emergency exit and makes us enter a staircase which is obviously a fire escape. We have to go up this way to get to a landing where we pass a fire door, we find ourselves in an anteroom where there are women’s toilets on the right and men’s toilets on the left, and from where two corridors lead on the right to « courtroom 3 » and on the left to « courtroom 2 ». Ours is Courtroom 2, we have to enter another space where there are two doors that are probably the accesses to the gallery in normal time. Another security guard, a tall, severe redhead, opens a third door and shows us the seats to occupy. Behind a glass window, overlooking the courtroom by at least 10 meters, is the public gallery with 18 seats arranged in two rows. At the back is another locked door.

I don’t have time to think about the strange layout of the place on this first day of the trial: just as the agent opens the emergency exit, a portly Mediterranean man who was in the front of the line with Greekemmy stops me by taking my arm and tells me to leave my seat « to the Courage Foundation » which has just arrived. Stunned, I answer without hesitation « no » and when the man, in a threatening tone, says to me « how dare I refuse my place to the famous Courage Foundation », I answer that I also have the right to be there. Then I run up the stairs without asking for anything else and when I arrive in the gallery, I can only sit in a central place in the second row from where I can only see Julian Assange from a distance. However, the two members of the Courage Corp, a young man with red hair and a beard, perhaps Nathan Fuller, the manager of the New York company as can be verified on the NYS Department of State Division of Corporation website[5], and a 60 year old woman, took their seats just to the left of our group. The woman will take several pictures of Julian without the security guard worrying her. Similarly, the arrogant young woman who pushed everyone this morning took a seat next to her companion, but she slipped out of the room all morning and in the afternoon she took several pictures of Julian. The security guard finally kicked her out after the fourth photo.

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Today I am still surprised that the man who wanted to kick me out of the court was Patrick Henningsen, a journalist from Russia Today International. The declared hostility of this journalist to my person surprises me all the more as I am seeing him for the first time and members of Wikijustice are working without problems with Russia Today, one of the journalists of RT France is going to interview me here later.

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Patrick Henningsen, journalist at RT International, my attacker on February 24, 2020. Photo from 2019 in front of Westminster Court

The best seats in the front row are occupied by the representatives of RSF sitting next to Kristinn Hrafnsson and Fidel Narvaez. After the break, the members of the German left-wing party die Linke Sevim Dagdelen and Heike Hänsel will arrive and two young people will give up their seats. Angela Richter, the German theater woman, will be seated in the 5th place in the front row from the left. On the right in the front row we are told that Julian Assange’s family is present: John Shipton, his son Gabriel Shipton, a tall, well-built older man, a 55-year-old woman with long, curly brown hair, and a young, dark-haired man with a pointed nose. I ask around – I hear it’s John Shipton’s brother, the brother’s wife and their son. At the far right Craig Murray is sitting with the family. What struck me was that throughout the hearing none of these people showed any emotion, except maybe a little Murray. Julian did not greet these people who call themselves « his family », he had no sign of collusion with them, no gesture, not even with Shipton. When Julian Assange turned his head toward this part of the gallery, it was as if he were seeing strangers. There were some rather unpleasant « I’m watching a show » aspects to their behavior. Some members of the family could not help but be on their phone despite the formal prohibition stated by the supervisor.

Below, I see the entire staff of the Westminster Court as we have known it since September. I see Rosie Sylvester, the manager, one of the clerks I’ve seen before. I see Prosecutor Lewis but the team of « Americans » and Clair Dobbin are by the gallery balcony as they sit at the far end of their bench on the right, in the front row. On the left side of this bench sit Edward Hamilton Fitzgerald and Mark Summers. Gareth Peirce is sitting behind them with his two assistants and Alistar Lyon. Finally, as a surprise because I did not know that a lawyer from another European bar could participate in a trial in Great Britain (what European directive makes this possible?), I note the presence of Baltazar Garzon in the back row, next to him Jimenez Martinez, Stella Morris and the young Mc McGrath. Jennifer Robinson is sitting with three men on a bench perpendicular to the lawyers, just in front of the rows where the 26 journalists who are lucky enough to have been admitted to the courtroom are seated. The long dock with its bay window is just behind Baltazar Garzon, who will be the only lawyer to greet Julian Assange twice, to shake his hand in the joint of the windows. Similarly, when Julian Assange tries to communicate with Gareth Peirce, he will first pass small handwritten papers to Baltazar Garzon for him to give to the lawyer. The former judge will appear nervous during the reading of the indictment and will leave the room several times. Baraitser will be seated behind a long table on a platform facing the room. Heavy files of documents will be scattered on the desks as the hearings progress, next to stabilizers and computers, documents will fall to the floor, but some lawyers will also spend time on their cell phones, which can be seen very well from above.

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My drawing of the courtroom 2

The emotion is palpable when Julian Assange enters through the back door of the box. He is flanked by two guards, a black man in a Mitie uniform (all the security guards present are employees of the Mitie company) and another, a stout white man in a white shirt and black pants. The latter glances suspiciously at the public in the gallery and will be the one to warn his colleague when one of my colleagues ventures to take a picture of Julian Assange. At first glance, he seems to be quite decent with his prisoner. Julian Assange is wearing a gray suit, with a gray sweater and a white shirt. His hair is cut short, he is clean-shaven and wears two pairs of glasses – one on his forehead and the other he will hold in his hand to use when sometimes he consults the huge file he is placing next to him on the bench. As he sits in the middle of the bench, I can see him from my seat. I can see that he has difficulty moving, even sitting still, because he has to hold on to the back of the bench. Also, when he puts his left leg on his right knee, it seems to me that it is to be able to balance the big file on his knees. Most of the time he remains with his hands clasped, fingers crossed, in an attitude of prostration and resignation. I see his sad face, especially when he looks up at the ceiling, the sky he cannot see, in the attitude of one who wants to escape from here at all costs… He blinks while tilting his head back, repeating this tic every 10 minutes or so. When his gaze sweeps the first row of the gallery, I think I detect in his eyes an expression of anger, disgust, a feeling of betrayal perhaps. Sometimes I see in his features something even more negative, a rictus of pain, perhaps hatred, and fear. Then he nervously rubs his fingers together, the same repetitive gestures that we have seen before and that the Wikijustice doctor has duly analyzed as symptoms of suffering due to torture.

The indictment justifying the extradition – the question of legal responsibility

From the outset Baraitser gave the floor to the prosecutor, and we will be watching the presentation of the indictment all morning. It is important to hear it at last, so many rumors have been circulating about it. Nevertheless, it is painful to hear such harsh assertions that seem monstrous to us. Indeed, the prosecutor immediately details the two charges: Julian Assange is accused of « computer misuse » and « conspiracy » with Chelsea Manning in order to steal classified documents, and then of disseminating these same documents with the names of the people involved, which led to the endangerment of these people, collaborators of the American army in Iraq and Afghanistan, who thus risked death or torture. Clearly, computer intrusion and theft in a meeting… it is very disturbing to hear this. Moreover, the prosecutor curiously relies on the « evidence » given by the media: he cites newspaper articles (El Pais, Le Monde, Guardian…) which at the time in 2010 had accused « Wikileaks » of publishing thousands of « unredacted » documents. This part of the indictment can already be understood as a trial of the press, since it relies on the press to provide evidence for an accusation, without the prosecutor however making explicit the exact role of Julian Assange in the structure or organization « Wikileaks ». The link between « Julian Assange, a man physically present here, and « Wikileaks », which the prosecutor does not specify « what it is » (NGO? company? website? according to the laws of which country?), is not proven other than by the prosecutor’s assertions: Julian Assange would be « Wikileaks founders » or « the puppet master ».

For those of us who have known for some time that John Shipton is the owner of the Wikileaks domain names within the Californian company Dynadot[6] and that Julian Assange was only an employee of the Wau Holland Foundation, which piloted the « 04 Wikileaks » project in Germany, It appears that it is not Julian Assange who is legally responsible for the actions of « Wikileaks » but John Shipton and the leaders of the Wau Holland Foundation such as Andy Müller Maguhn, Bernd Fix, Jens Ohlig, Winfried Motzus and Hendrik Fulda[7]. The prosecutor makes the point by quoting points from his documents… 15, 16 and 17, Julian Assange would have nothing less than facilitated the revenge of the Taliban after having hacked computers and stolen state documents in criminal association. He would therefore not be a journalist. Curiously, however, he is only « charged » with the documents published from September 2010 to November 2011. He is not charged for the film « collateral murder » nor for the « Spy files », those famous documents of widespread spying that so upset Chancellor Merkel when she discovered through them that her personal cell phone was listened to by the CIA.

These documents were so important to the leaders of Wau Holland Siftung that three of them traveled to London to prepare the press conference for the launch of these publications on December 1, 2011[1]. The prosecutor ends the tirade by mocking the media writing about the « 175 years in prison ». According to him the case law would show that the sentences for this type of crime only range from 48 to 65 months in prison. But just after we regain hope, he asserts that in this trial, there is no need for evidence, since it is an extradition trial. The evidence will be presented in the United States when Julian Assange is there.


[1] http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf, page 5

We feel like we are witnessing the curtain rising on a horror show. Baraitser raises it, we are chased out of the room. Julian Assange looks resigned but nevertheless raises his fist, without looking at the audience. The security guard chases us out of the fire escape and we find ourselves in the airlock, with the whole crowd. I quickly understand that there is no question of taking advantage of our 10-minute break because we will lose our hard-won seat. So I stay in front of the emergency door, trying to reason with my comrades the young free-rider who continues her asocial and disruptive behavior: she pushes us with her elbow, shouts that she is the most important and must remain so, proudly answers that she is 23 years old when we ask her what makes her think that she is entitled to so many privileges. She seems to be under the influence of substances and it is disconcerting to see someone behave like this in a court of law and to witness the total passivity of the officer in charge of order, who even lets her back in front of everyone in the gallery. Privileged, absolutely. Why, we don’t know then.

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Surely privileged, the young violent free rider of February 24 may be the daughter of Alicia Castro, former ambassador of Argentina in London. Here photo from before 2019

The hearing resumes as soon as Julian Assange returns, carrying the binder and a notebook in which he will try to write his little words. His face takes on an accusing look when he looks up at the first row of the audience. The prosecutor continues his charge: the thousands of leaked documents are detailed, Julian Assange is accused of having encouraged Manning to steal the documents by helping him to crack a password to access an army intranet. He wanted to undermine the security of the United States, especially since « Wikileaks » on its website « solicits the public to deliver secret documents. To support his claims and to bring a semblance of links between Julian Assange and « Wikileaks » the prosecutor cites the conference of the Chaos Computer Congress in Berlin in late December 2009, where Assange would have presented this project as « the intelligence service of the people ». The Wau Holland Sitftung curiously does not appear in the prosecutor’s tirade, even though it assumes full responsibility for the Wikileaks project in its own activity reports from 2006 to 2014, as if the British state wanted to spare a German institution, in the midst of negotiations with Germany over the Brexit. Manning would have responded to Julian Assange’s requests and would have downloaded the encrypted documents from February until his arrest on 27 May 2010. The link between Manning and Assange would be provided by their communication on the Jabber messenger from November 2009 to April 2010. I am surprised to hear about the relationship between Julian Assange and Chelsea Manning. I had been left with Julian Assange’s denials that he had ever been in contact with Private Manning and I had believed that Manning had dropped his information by talking to hacker Adrian Lamo[9] , who was mysteriously murdered in 2016 and that is how the military was able to find his identity. Jabber messaging was also a project of the Wau Holland Foundation since 2008[10] . It will be necessary for the prosecutor to provide technical evidence of the conversations on Jabber, records from Internet service providers, and not Manning’s confessions extracted after torture.

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Site of the Wau Holland Stiftung, the real Directeur of Wikileaks

Despite the dramatic situation, John Shipton’s brother falls asleep in his seat. Julian Assange looks at Kristinn Hrafnsson with a resigned but angry expression. The RSF men leave. Garzon looks annoyed. Then the prosecutor moves on: the Taliban in Pakistan would have used the published documents to commit crimes, Julian Assange would have given « useful information to the enemy », he knew he was putting his sources in danger. This is very different from the first phase of the publications which targeted only the Chinese and the Syrians. In short, if Julian Assange knowingly gave information to the enemy, he can be accused of « intelligence with the enemy », thus of espionage. We hear the clamor of the Gilets Jaunes rising. Julian Assange surely hears it too… It’s loud.

He is fidgeting on his bench, looking for a position, writing something, can’t get rid of this tic that makes him blink and look for the light by raising his face upwards, towards us. Now the prosecutor will prove for an hour that the law on « conspiracy » is the same in Great Britain as in the United States, and already refute the arguments of the defense on the « abuse of authorities », i.e. the procedural flaws. Julian Assange seems to be doing better – he writes a short paper to Garzon. Baraitser was obliged to ask the prosecutor for the beginnings of evidence. He explains that if the newspapers helped to disseminate information to the enemy, then yes, they can also be charged. Clearly in « certain circumstances » the extradition treaty does allow for extradition on political grounds, anyone, British or otherwise.

Then I see Julian Assange raise his head and look at Angela Richter, sitting in the middle of the front row. He gestures to her with his hand, as if he wanted to chase someone away, indicating that he should leave. He clearly points to the door. I get the impression that Richter is embarrassed, she looks around to see if anyone else has figured out what is going on. The prosecutor says he doesn’t need to submit evidence, what he says is « self-sufficient », a curious category of law all the same. At this point Julian Assange looks very tired. He does not even have a glass of water in front of him, unlike the lawyers and journalists. He crosses and uncrosses his fingers, looks at the journalists… then he wants to speak! He stands up, holds his hands together in front of the glass and speaks. Baraitser wants to cut him off, telling him to speak through his lawyers. But he insists and wants to speak himself. We can’t hear what he says, because there is no microphone and we can only hear what is said directly into the microphones. Focusing on his voice muffled by the barriers, we think we hear him complaining about not hearing. And it is certainly not the decided slogans of the Yellow Vests that bother him, contrary to what Baraitser will argue. We do not let him continue to speak. A cardboard box is placed under Fitzgerald’s microphone to increase the volume… Finally, at 1pm Fitzgerald is allowed to start the defense. 20 minutes later Baraitser suspends the session for the lunch break. We are asked to leave the premises via the fire escape.

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February 24, 2020 Julian Assange’s relationship with Angela Richter is not what it used to be: he tells her to leave with a hand gesture

We only have 45 minutes, the cafeteria is tiny and the line is quickly huge. I am exhausted and I take a coffee at the vending machine before going back to the airlock. My friend who took the picture when Julian Assange spoke was immediately expelled from the building, she does not insist. I try to find out more about what Julian said by asking Fitzgerald in a corridor of the court. I can’t, he remains evasive. I hurry back to the airlock, because even if there are less people in the afternoon, it was predictable that some of them are more interested in their public relations than in the trial, Greekemmy is watching over them to introduce his own.

What exactly is Wikileaks?  Plea of Me Hamilton Fitzgerald

I managed to get back into the gallery without too much damage after waiting in the airlock and going up the fire escape, despite my fear of being pressured again by those present to give up my seat to someone « high up ». The vacated seats were quickly filled: Sevim Dagdelen and Heike Hänsel were seated next to Angela Richter. The young free-rider’s boyfriend blinks from behind me. Julian Assange enters the box at 2 pm. He is as sad as ever, sitting with his hands clasped, not looking at the family, not smiling at anyone… Hamilton Fitzegerald resumes his speech: he wants to rely on Article 10 of the extradition treaty, to present the « abuse of procedures », procedural flaws and to prove « on the basis of the Castillo and Murua jurisprudence » (probably Adgar Castillo against Spain – judgment of the European Court of Human Rights in 1998) that Julian Assange had in his action political opinions, that he is therefore being prosecuted for these opinions and that therefore the extradition treaty would be violated if extradition were to apply to his case. Furthermore, his extradition would expose him to inhuman and degrading treatment, the risk of suicide, and the risk of the death penalty. Then the lawyer quotes the witnesses who will appear: academics and journalists specialized in espionage and computer data leaks, Jamil Jabber from Columbia University, Michael Tigar, American attorney and professor, and also the very famous Noam Chomsky. Then the lawyer recounts the story of the « Wikileaks » publications: he tells how Bradley Manning said he downloaded the documents himself, contacted the Washington Post, and then decided in February 2010 to give everything to the « Wikileaks » website, including the film of the « air attack on innocent civilians in Iraq » and, on March 8, 2010, the documents relating to the Guantanamo Bay prison, guided by the idea that it was « in the public interest » to publish them. Passing quickly over the fact that it was the Obama administration that initiated the hostilities against Julian Assange, the lawyer charges President Trump by recalling his violent tirades against the journalistic profession. Gareth Peirce then goes to Julian Assange and hands him a document. He gets up with difficulty to take it, sits down and stares in front of him without moving.

Edward Hamilton then paints with a few flattering phrases the « Wikileaks saga » that lasted a few months, a year maximum in 2010 and 2011. In his mouth Julian Assange is mixed with « Wikileaks » without it being clear who decides what. He even credits the site as « catalyst of the Arab revolutions by exposing the corruption of the Ben Ali clan in Tunisia » which makes me smile a little. Through friends of UGET, Redeyef, the Patriotic Democratic Party that I supported in 2011, I know that Tunisians did not need Westerners to realize the violence and corruption of the dictatorship in which they lived. I also know that the real Revolution of December 2010 started from demonstrations launched by activists of the UGET, one of the oldest trade union organizations in Africa, just as the « Kasbah 1 » movement in February 2011 was initiated by two young girls desperate for repression, Zahra and Hawra Khammassi, Zahra being in charge of the UGET union at the Faculty of April 9. I hope one day to be able to get Julian Assange to meet the real protagonists of this story, but for that to happen, he has to get out of this jail. While the lawyer continues to explain the case, I finally see that Julian Assange looks at me firmly, I immediately respond by supporting his gaze. Then he looks more tired and the self-centered and repetitive gestures reappear: he rubs his fingers and again raises his head towards the ceiling as if he had a backache. But then I see even more clearly the look in his eyes that says he is suffering.

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The real revolutionaries of Tunisia: Ramy Sghayer, UGET activist and one of the leaders of Kasbah 1, January 2011

Fitzgerald then makes the trial of the company UnderCover Global, of the spying that it exercised on lawyers like Gareth Peirce, who will also be a witness, how it « poisoned » the relations in the premises of 3 Hans Crescent Street by abusing the good faith of Fidel Narvaez, head of security of the Ecuadorian diplomacy. It is in this context that Fitzgerald places the story he tells: that of Dana Rohrabacher, a senator close to Trump who came in 2016 to promise Julian Assange to let him out of his captivity in exchange for information allegedly given by the Russians. Fitzgerald again condemns the Trump administration as practicing political blackmail, seeking to extort benefits on the back of his client. I think the political narrative is getting a bit off track: for my part I would have liked to know more about the motivations of the Wau Holland Stiftung when it decided in December 2006 to « fördern », i.e. both support and execute, the 04 Wikileaks project[11].

As for Germany, journalists from Spiegel will play an important role as defense witnesses – Fitzgerald cites John Goetz and even Jacob Augstein, the son of Rudolf Augstein, the magazine’s founder, as witnesses who have always claimed that Julian Assange protected his sources and was never involved in hacking classified documents. Unfortunately, while the lawyer portrays a politically committed man, a champion of transparency and anti-imperialist struggle, the flattering praise has no effect on the morale of Julian Assange who seems immobile, locked in his suffering. I too am beginning to feel bad about witnessing his suffering, and it is not Fitzgerald’s words quoting a Chomsky charge about Trump that will give me confidence, as Obama is largely responsible for the « Julian Assange manhunt » as well. Finally, the lawyer addresses the hardest but most obvious: extradition will lead Julian Assange to undergo « degrading and inhumane treatment », the risk of a life sentence is evoked, and the conditions of imprisonment in the United States detailed. Finally, Fitzgerald exposes that his client’s living conditions, the fact of « being exposed with his family as a target », of being « exposed to isolation » has led his client, according to two doctors quoted, Dr. Crosby and Prof. Malon, to a « clinical depression ». Extradition will worsen his « fragile state of health » and lead him to suicide.

The curtain falls. Baraitser adjourns. Julian Assange raises his fist but looks exhausted. I refuse to leave our box until he leaves his. I observe his walk, his gestures, I observe the guards. Nevertheless, I could meet his eyes one last time. When I leave the building, a hundred journalists, some kneeling, are religiously listening to John Shipton. I recognize and greet some of my Yellow Vest friends. It is necessary to debrief and rest, to understand what is happening. Tomorrow I will come back.

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Julian Assange, as I saw him in real life on January 13, 2020, room 1 of the Westminster Magistrate Court.

[1] https://courttribunalfinder.service.gov.uk/courts/belmarsh-magistrates-court

[2] https://www.thelawpages.com/magistrates-county-crown-court/Belmarsh-Magistrates-Court-106.html

[3] https://searchapplications.bromley.gov.uk/online-applications/propertyDetails.do?activeTab=summary&keyVal=L5YN3SBT06500

[4]

https://www.securinorme.com/prevention-au-travail/238-issues-de-secours-et-degagement-sur-les-lieux-de-travail-quelle-est-la-reglementation-

[5] https://appext20.dos.ny.gov/corp_public/CORPSEARCH.ENTITY_INFORMATION?p_token=72B2BC88F1ABEC29FC17342ED048F90C2CD3180F91B4ABC04CC549D1FF9DBC78DEDF372F0216B3421318E1E20D7C94DF&p_nameid=783838A9DC6C9F54&p_corpid=0DFAEC3F1D70B519&p_captcha=14488&p_captcha_check=72B2BC88F1ABEC29FC17342ED048F90C2CD3180F91B4ABC04CC549D1FF9DBC78250B421436A200E165E9DFBDDBEDCDA1&p_entity_name=%43%6F%75%72%61%67%65%20%43%6F%72%70&p_name_type=%41&p_search_type=%43%4F%4E%54%41%49%4E%53&p_srch_results_page=0

6.

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[7] http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf, report 2011

[8] http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf, page 5

[9] https://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/wikileaks/interviews/adrian-lamo.html

https://www.npr.org/2019/09/19/760317486/the-mysterious-death-of-the-hacker-who-turned-in-chelsea-manning

[10] http://www.wauland.de/media/2009_Jahresbericht.pdf

[11] http://www.wauland.de/media/2009-12-28_Protokoll.pdf, Report of the Board of Administration of the Wau Holland, 28 december 2009

Julian Assange on 19 February 2020 in the Westminster Magistrate Court – the Storytelling against the real life in the court

Julian Assange – undated photo, probably 2008, or 2009 or 2010

Monika Karbowska

My tenth trip to London to attend a pre-trial hearing of Julian Assange. Some people told me that since the « big trial » starts with a lot of media coverage next Monday, it’s not worth exhausting myself on these express trips. Indeed, tired I may be by this incessant battle to organise and finance the trip and the stay, sleeping in the uncomfortable Flixbus without forgetting the perpetual uncertainty of not knowing if I will have access to the courtroom as a public. But each hearing is the only opportunity to see Julian Assange, to testify tirelessly about his condition, to mark by our presence the refusal to see him walled up in the dungeons of indifference. Nothing is better than facing the raw reality of the courtroom to make me aware of the illusions of media storytelling, ever more implausible with regard to Julian Assange’s situation.


This time it’s even worse: my bus is 4 hours late. Without any plausible explanation other than a beaded strike, several ferries of the Calais-Dover line are cancelled in the night of 18 to 19 February. When our bus finally crosses the channel and heads for London, I already know that I will be too late for court. Arriving around 7am in the suburbs, the bus gets lost in the morning traffic jams of the capital. I am nervous but resigned to letting go because I know that in this case anything can happen. Indeed, surprise: at 7.30 a.m., my friend John gives me the news on the phone: since the day before the rumour has been going around that the court would have postponed Julian Assange’s hearing until the afternoon. But as nobody trusts the court’s announcements any more, the activists are waiting. It’s a pity that the lawyers didn’t take the trouble to warn us of this change of schedule. As soon as I get out of Victoria Station, I run to the metro. It is 9.30am when I arrive at Westminster Court, the door is already open. Julian Assange’s name is, as usual, at the top of the list of 25 names of Poles and Romanians to be extradited today.

I find the activists and journalists scattered in the waiting room. I greet friends and acquaintances. Finally, at the end of these long months spent here, we form a sort of « family of hearts » of Julian Assange present here in the heart of the turmoil against all odds, despite our differences. The atmosphere is warmer when there is no official « jail guard » to control our conversations. We exchange sceptical remarks about the court decision. What is the real reason? An elderly man is upset because he has travelled from the north of England at night to attend the hearing and will not be able to stay in the afternoon. John comforts him. I am answering questions from a Sputnik journalist about Wikijustice’s strategy. We are also discussing the threat to us that the Belmarsh Magistrate Court will not allow the public free access next week at the full extradition hearing. When at 10.00 am the secretary comes out of room 3 and announces that the hearing of Mr Julian Assange is postponed to 3.15 pm nobody believes him. Everyone waits, we take turns at the information desk or the annoyed employee refuses to answer us. The secretary has to go over it several times to convince us that he is telling the truth.

Naomi Colvin and Mc McGrath as journalists at the Center for Investigative Journalism in 2017

After 10.30 am, we resign ourselves to go and wait at the « café des avocats » and we stay there for several hours. A little before 1 p.m. I decide to return to the waiting room of the court. I don’t want to lose my place in the queue after a 12-hour journey. Around 2 p.m. the space fills up. The journalists are back, I notice the presence of Naomi Colvin as well as the absence of « Greekeemmy ». I know the importance of the press conference in Paris the next day, I tell myself that the « official relatives » are preparing it. In the end, 14 journalists will be present at the door and 11 will be able to enter with an accreditation card. Most of them are the same as at the previous hearings. In front of the door are two English men whom I thought were journalists, and who will finally be the first to take their place among the public. At their pace and their political conversations, I understand that they may be left-wing activists. We form a tight line in front of the door behind which the hearings of the last 4 accused on the list, Slovakian, Polish and Lithuanian, are taking place. The court will be empty when the case of Julian Assange is discussed.

Shortly before 3 pm, Gareth Peirce and Edward Fitzgerald arrive. I see the young MC MacGrath similarly, all dressed in black, joining them. On the accusation side, I notice Clair Dobbin’s collaborator, but not the latter. Mitie’s security guards are accompanied by a tall, stern-looking woman wearing a police uniform. She will check that our mobile phones are switched off at the entrance to the hall and will watch us in the box. Is it the effect of our emotional outbursts on the end of hearings or our criticism of the passes that Mitie gives to some « officials » at the expense of others? Perhaps both. However, it is always Mitie’s manager who manages the admissions. At 3.10 pm we meet in the public box. I am forced to sit too far in the back which will prevent me from seeing Julian on the right screen. But I can’t do otherwise.


The lawyers are quickly in place, but Mc McGrath is given the name « scholar » by the secretary and has to sit in the back row. The prosecution is represented by a young, red-haired man, different from the prosecutor of 19 December. At 3.12 pm, when the judge is not yet there, the secretary takes the remote control and calls « officer, Belmarsh please ». The screen lights up in a room with dark walls, in the centre two armchairs, also dark, black or purple. Behind the armchairs is a large ‘HMP Belmarsh’ panel and at the back is a door. For a moment we see a strong guard in a black uniform. The secretary tells him to bring « Mr. Assange ». The man goes out and then we see the silhouette of Julian Assange appear in the doorway. As always, I am seized by emotion and so I don’t notice that the guard follows him into the stall.


Julian Assange is wearing black jogging trousers, a beige jumper and a white shirt with the collar out over the jumper. His hair is properly cut and styled, he has shaved his. He wears glasses that he puts on his head as a headband. I have the impression that he is less slimmed down than he was a month ago but maybe the jogging is hiding his real stoutness. His face looks less emaciated, rounder, and his features less hollowed out, but maybe it’s just the effect of the camera filming him more closely. I can make out his sad expression, an absent look, but I can’t say more because I’m too far from the screen. On the other hand, I’m sure I can see his gait not very confident. He looks like he limps as he enters the box, especially as he carries a large binder full of white paper in both hands. When he sits down, he first puts the file on his lap with his hands flat on it and doesn’t move. He then places his left leg on his right knee, leaning slightly to the left. Then he puts his left leg on his right knee, bends a little to the left, holds the heavy file on his knees, opens it slowly and starts to read the left page. He stays at least 5 minutes this way, he doesn’t raise his head, doesn’t look at the court, nor at his lawyers, nor at the judge when she comes in. His lawyers don’t greet him either, which will never cease to amaze me, whereas the official storytelling, particularly at the press conference in Paris on Thursday 20 February, mentions the fighting of an « international team » of French, Spanish, English and Belgian bar leaders that he is supposed to lead.

Press conference on Julian Assange in Paris on 20 February 2020: Baltazar Garzon, Christophe Deloire and lawyer Dupont Moretti in the middle. Left sites: John Shipton. He never answered the question of Wikijustice: why is he the owner of the Wikileaks.org domain name and he is not prosecuted instead of Assange?

It has to be said that sometimes the contradictions in the storytelling take on surrealist overtones. For example, all autumn and winter long, I’ve heard Gareth Peirce here complain that he never gets to see his client. In Paris, on February 20, I learned that the talented French Dupont Moretti managed in a flash what the poor British woman could not manage to get: while he was never Julian Assange’s lawyer, and is not one of his close friends, he was able to make a 3-hour visit to Belmarsh prison, having barely waited 2 weeks to book it! I could push a nationalist « cock-a-doodle-doo » if I wasn’t so sceptical about the contradictions in the discourse. In the same way, Dupont Moretti now describes in the media the hard fight he is waging to obtain the right of asylum on the basis that Julian Assange would have stayed in France from 2007 to 2010. France requires all non-EU nationals to have an employment contract in order to obtain a work permit, a residence permit and social security. Julian Assange must therefore have benefited from all this if his stay was « legal ». If this is true, then there is no need to embark on complicated asylum application procedures, a simple renewal of the residence permit is enough!

Veronique Pidancet Barrière from Wikijustice speaks about the hearing of the 23 January and the press conference in Paris

Far from Paris, the reality of the London court shows me a man who discovers his file on the eve of his trial. And again, I don’t have the impression that he is reading, but rather that he is looking at it distractedly, as if he were indifferent to all this hullabaloo around him. I watch carefully to note when he turns the pages and try to determine whether he is reading or whether he is perhaps obliged to participate in a staging designed to make us believe that he finally has access to his documents. In 45 minutes, Julian Assange turns 4 pages and raises his head 3 or 4 times to look at the courtyard before returning to the binder. When he lowers his head towards the filing cabinet, he puts his glasses back on, to see the room, he takes them off. These will be all his gestures. Only once, when the prosecutor speaks loudly, Julian Assange rubs his fingers and hands together with a nervous gesture. The rest of the time, he remains motionless, as if absent. And that doesn’t shock anyone in the audience.

John Shipton the owner of the Web site www.wikileaks.org in California
Credits of the movie « Collateral Murder » – Julian Assange is the creative producer and creative direction of a fiction movie


Judge Baraitser enters at 3.25 pm, we get up but Julian Assange remains seated behind the camera. She immediately asks him to confirm « your full name ». He answers her in a clear and more assertive voice than the last times: « my name is Julian Assange 3 July 1971 ». But maybe it’s also because they have turned up the sound… That’s all he will say. Once again the hearing takes place without his participation. The hearing will consist of a dialogue between the young prosecutor, lawyer Fitzgerald and Judge Baraitser. The subject is the organisation of next week’s trial. It is therefore a case management hearing which we are attending. As on previous occasions, I cannot understand everything, so I am paying attention to certain expressions that come up in the conversation and which I could supplement with my post-hearing debriefing with friends and acquaintances.

Ingi Ragnar Ingason, the icelandic creator of the fiction movie « Collateral murder ». Today he is the Director of the Sunshine Production Press compagny, the islandic company subcontracted by the Wau Holland foundation to lead the « Wikileaks 04 Project ». Julian Assange is only a employee of the Wau Holland Stiftung


Lawyer Fitzgerald begins by thanking the judge for the reply to one of his emails. There is then talk of a « preliminary decision » which will not be made next week. Then the judge talks to the prosecutor about the filing of « evidence ». Julian Assange is still reading the first page of the file, he puts his glasses back on, he is now leaning to the right. I don’t have the impression that he is listening or hearing the court. I wonder then, a little desperate, what evidence does the prosecution have at its disposal? After all, there is no crime. Moreover, after watching the long version of « Collateral Murder » I don’t feel like I’m looking at a leaked video since many technicians worked on its design. Julian Assange is credited as « producer, creative director ». If there is a  » creative director « , it is because there is creation. The film’s credits also include a host of technicians from RUV, Iceland’s public television. Gudmundur Ragnar Gudmundsson, chief operator of this television station is responsible for online content, Borgnyr Thoroddsen is sound technician, Kristinn Hrafnsson is story developer and Ingi Ragnar Ingason is visual editor. Icelandic MP Birgita Jondsottir is the scriptwriter for the film while her colleague and founder of the Pirate Party, Samari Mac Carthy, is co-producer of the film with former hacker and head of the Chaos Computer Club, Rop Ronggrijp. When historians of the future look at this document, they will certainly not be able to consider it as a primary source of knowledge on the US war on Iraqi soil in the years 2003 to 2010. Rather, they will treat it as a fictional image, a particular vision produced by Westerners who are opposed to this war.

The credits of the fictional movie « Collateral Murder » – people who created the movie a from Island, France and Germany. Where is the original movie given by Chelsea Manning?

However, if today this film is the « crime » that is being judged today, then these Icelandic technicians should be considered at least as responsible as Julian Assange and Chelsea Manning. Moreover, I think that nobody has seen the original film transmitted by Manning. I also think that we have not seen any evidence, other than her confessions extracted under torture, that she transmitted anything to Julian Assange, neither the « Afghan Logs » nor the « Iraq Files » which may, however, be the subject of the accusation. In a modern legal system, confessions, unlike justice in the Middle Ages, have less weight than material evidence and confessions under torture are only evidence of torture. Moreover, in the 8 months since the trial, we have not yet been able to attend the reading of the indictment. Will it finally take place on Monday 24 February?

I think I hear Baraitser saying that she « would not make a decision next week ». This allows Edward Fitzgerald to say, at 3.30 pm, how much he « respects her proposal » and that he agrees to study the « abuses » in the first few days. The « abuses » would be procedural flaws, including the fact that the 2003 extradition treaty prohibits extradition for political reasons. I am very pleased that the defence is finally getting to the heart of the matter. On the other hand, I am worried by the fact that Julian Assange seems even more passive and absent, he is now reading the second page of the file. I also notice that Mitie’s manager is still present in the room. Fitzgerald explains at length that he will file a chronological document retracing the « abuses », the judge urges him to conclude by next week. At 3.34 p.m., Julian Assange raises his glasses and looks at the court, then he lowers his head towards his file. Baraitser is conciliatory to the lawyer’s speech. She assures that she will « hear his critical remarks ». Afterwards, however, something embarrassed Fitzgerald and he speaks in a hesitant and barely audible voice. When the judge asked him if he was the « spanish witnesses », the witnesses in the Spanish proceedings, Assange took off his glasses and listened. It is 3:37 p.m. The prosecutor then launches an offensive and demands by Monday « the complete documents including the arguments on procedural flaws ». It is then that Julian Assange rubs his hands in a nervous gesture. Baraitser urges the lawyer to file next week a summary of his defence case. Fitzgerald stammers more and more, ends up saying that he will « discuss with his client » and then bring « a chronological summary in relation to the procedural flaws ». At 3.43 p.m., the question of witnesses is reviewed. Fitzgerald spoke at length about the difficulty of obtaining testimony, and dwelt on the case of Chelsea Manning, whose testimony before the military commission was classified. At this point, Julian Assange listens, leaning to the left. I understand that the witnesses will not actually take the stand but will send documents. However, although bringing witnesses is complicated, it is often necessary and it is sometimes easier for a person to speak than to write.

The prosecutor and the lawyer then consult a document together. The prosecutor’s lawyer moves around and whispers something in the ear of the prosecutor. Baraitser admits that there is « a lot of bundles » in the file. I understand this word to mean ‘many ramifications’ or ‘bundles’. We don’t know if Julian Assange understands what is going on. He’s becoming more and more invisible as we talk about him. The judge invites the parties to « conclude ». It is then that Fitzgerald mentions three additional witnesses. To everyone’s surprise, he cites Jennifer Robinson as a witness, as well as a certain Durkin and Rohrabacher, the politician close to Trump, who will be widely covered in the media the next day. For my part, I wondered how Jennifer Robinson could appear at the Paris press conference as Julian Assange’s lawyer while being a witness. The question was resolved by her absence at this event. Because what legitimacy can the testimony of a lawyer who is supposed to be in charge of the case have? Normally, no lawyer, with regard to the rule of confidentiality, testifies in a case for which he is in charge. Yet another procedural flaw? The hearing is concluded by a discussion between judge, lawyer and prosecutor about the deadlines for filing documents.

At 3.55 pm, the judge Baraitser finally turns to Julian Assange and tells him that he will physically appear in court on Monday. She concludes her layus with a « do you hear ». Assange looks at her without answering, obviously he didn’t hear or understand. Then, to everyone’s surprise, the prison guard’s arm appears on the screen. He waves his hand in front of Julian Assange as if he wants to wake him up or check if he can see in front of him. It is only at this moment that I realise the presence of the guard, who is very present facing Julian Assange in the box while he is hidden from our gaze. I do not imagine that a trial in which the accused is locked in a box and subjected to the constant gaze of a guard can be considered fair, without the court being able to check that the guard does not intimidate the accused and that the accused retains his freedom of conscience, if not his freedom of movement. I realise that Julian Assange was probably simply afraid, hence his absent and self-effacing appearance. The 2017 inspection report of Belmarsh Prison may well show modernized prisoner-guard relations, but the detention system remains a system of domination and a guard has such power over the detainee that it is impossible to talk about freedom of expression when the accused must face the judge while at the same time confronting his guard!

The guard, however, questions the judge. He reminds her that Julian Assange’s arrest expires today and that if nothing is said, he will be forced to release him! For 30 seconds, because of Mrs. Baraitser’s distraction, Julian Assange could have seen the door of his glove open: you can leave, you are free! The judge Baraitser is visibly offended by his oblivion: she declares in a loud voice to adjourn the trial to Monday « and you, Mr. Assange, remain in detention ». Julian Assange does not react. She also forgets to ask him if he understood. The screen is already off, the judge leaves and we are told to get out of here.

Still stunned by the injustice and the many procedural flaws, I come to my senses through discussions with the activists. We make the film of the hearing again to make sure we understand what is going on. The lawyers lock themselves in a consultation room, leaving MC McGrath outside. While John goes to talk to him, I talk to the others. Then when the young man pretends to leave, I come and talk to him. He nods affirmatively when I ask him if he is MC McGrath hacker and developer of counter surveillance software. I compliment him on his work and tell him that he is right to go to law school now. In a few years, he may find himself in Julian Assange’s shoes, seeing how the system is closing in on us to control us. And he will need to know the law to defend himself. I’m thinking of Karl Koch, a young hacker prodigy of the 1980s, who died in 1988, at the age of 23, in very troubled circumstances after having already been used by the media in a massive storytelling about « the pro-Russian hacker spy » and then pressed by the German secret services.

Karl Koch, the young hacker who died in 1989 manipulated by the Chaos Computer Wau Holland’s and the west german secret services BND. Assange probably knew him

Assange had known Karl Koch, he probably participated with him in the hacking of the Vax 25, ARPANET and MILNET systems, the first internet networks. His book written with Suelette Dreyfus, in 1992-1997, describes in a romanticised way the scandal of the 16 year olds who became the first international hackers. But a review of the German press at the time confirms that these children, all linked to the Chaos Computer Club created by Wau Holland and Andy Müller Maguhn in 1981, were under constant surveillance by the BND secret services who were planning to use them against the Soviets. Andy Müller Maguhn was also 16 years old in 1981 but very quickly became the head of the CCC structures and later of the Wau Holland Stiftung in which he developed the 04 Wikileaks project from 2009 onwards. The « Wikileaks » project, of which Julian Assange was the executing project coordinator, was as harmful to him as hacking under the control of the secret services was to Karl Koch. The leaders of the Chaos Computer Club, however, were never worried about their legal liability: Bernd Fix developed a virus called Fix virus by the BND in 1985, which served as the first trojan horse against Soviet computers. Today he is a highly respected leader of the Wau Holland Foundation, alongside his colleague Müller Maghun, who is the referent on the Board of the same foundation for the Wikileaks project in 2009-2014 . It is time that 16 year olds and even unconscious young adults were protected from manipulators who mediate their exploits and then abandon them to their fate when the repression of the system falls upon them.

One of the real bosses of Wikileaks- Bernd Fix, the boss of the Wau Holland foundation in Berlin and Hamburg
Andy Müller-Maguhn the real boss of the « 04 Projekt Wikileaks », président of the Wau Holland Foundation in Hamburg and Berlin

This is what I am trying to explain, perhaps awkwardly, to MC McGrath who listens to my sermon before running away. But I am 48 years old, the age of Julian Assange. It is normal that I warn activists younger than me. I know so well that the capitalist and police system doesn’t give gifts to the real Spartacus.

The journalist Anna Loll’s SWR2 radio program about German and American hackers and the power of German and American foundations. Title: « Who pays the hackers »? A hacking well integrated in the State?
Hackers working for Soros, Ford and Peter Thiel of the Palantir company.
Andy Müller Maguhn, boss of the German Wau Holland Foundation and boss of the Wikileaks 04 Project of the foundation

[1] https://www.spiegel.de/geschichte/karl-koch-alias-hagbard-celine-tod-eines-hackers-a-1268203.html

http://networkclan.de/pdf/KarlKoch.PDF

[2] Suelette Dreyfus, Julian Assange, « Underground », Reed books Australia 1997

[3] https://www.afcea.org/committees/cyber/documents/impactofbndprojectrahabandccconthefutureofcomputer-networkmediatedespionage-cuckooseggpreque.pdf

« The Impact of Project RAHAB and the Chaos Computing Congresses (CCC) on the Future of Computer-Network Mediated Espionage: Cuckoo’s Egg Prequel or Perfect Storm? »

[4] https://hoi-polloi.org/~brf/index.html

http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf

Rare moments of joy: Julian Assange in the recording studio of Russia Today in London, May – June 2012




 

Julian Assange le 19 février 2020 à la Westminster Magistrate Court – Le storytelling à l’épreuve de la réalité du tribunal

Monika Karbowska

Julian Assange, date indéterminée, 2008, 2009, 2010?

Dixième voyage à Londres pour assister à une audience préparatoire du procès de Julian Assange. D’aucun me disait que puisque le « grand procès » commence avec force médiatisation lundi prochain, cela ne vaut pas la peine de m’épuiser dans ces voyages express. Effectivement, fatiguée je peux l’être par cette incessante bataille pour organiser et financer le voyage et le séjour, dormir dans le Flixbus inconfortable sans oublier l’incertitude perpétuelle de ne pas savoir si j’aurai accès à la salle du tribunal en tant que public. Mais chaque audience est la seule occasion de voir Julian Assange, de témoigner inlassablement de son état, de marquer par notre présence le refus de le voir emmuré dans les oubliettes de l’indifférence. Rien ne vaut d’affronter la réalité brute du tribunal pour me rendre compte des illusions du storytelling médiatique, toujours plus invraisemblable en ce qui concerne la situation de Julian Assange.

Cette fois ci, c’est encore pire : mon bus a 4 heures de retard. Sans explication plausible autre qu’une grève perlée, plusieurs ferries de la ligne Calais Douvres sont annulés dans la nuit du 18 au 19 février. Lorsque notre bus franchit enfin le channel et fonce vers Londres, je sais déjà que je serai trop tard au tribunal. Arrivé vers 7 heures en banlieue, le bus se perd dans les embouteillages matinaux de la capitale. Je suis nerveuse, mais résignée à lâcher prise car je sais que dans cette affaire tout peut arriver. En effet, surprise : à 7 heures 30, mon ami John me communique la nouvelle au téléphone : depuis la veille la rumeur court que le tribunal aurait reporté l’audience de Julian Assange à l’après-midi. Mais comme plus personne ne fait confiance aux annonces du tribunal, les militants attendent. Il est dommage que les avocats n’aient pas pris la peine de nous avertir de ce changement d’horaire. Dès ma sortie à Victoria Station, je cours vers le métro. Il est 9h30 lorsque j’arrive à la Westminster Court, la porte est déjà ouverte. Le nom de Julian Assange se trouve comme d’habitude en tête de liste de 25 noms de Polonais et Roumains à extrader ce jour.

Je retrouve les militants et des journalistes dispersés dans la salle d’attente. Je salue les amis et connaissances. Finalement, au bout de ces longs mois passés ici, nous formons une espèce de « famille de cœur » de Julian Assange présente ici au cœur de la tourmente contre vents et marées, malgré nos différences. L’ambiance est plus chaleureuse lorsqu’aucun « garde chiourme » officiel ne vient contrôler nos conversations. Nous échangeons des remarques sceptiques sur la décision de tribunal. Quelle en est la vraie raison? Un homme âgé est bouleversé car il a voyagé la nuit du nord de l’Angleterre pour assister à l’audience et ne pourra pas rester l’après-midi. John le réconforte. Je réponds aux questions d’une journaliste de Sputnik au sujet de la stratégie de Wikijustice. Nous discutons aussi de la menace qui plane sur nous que le tribunal de la Belmarsh Magistrate Court ne laisse pas entrer librement le public la semaine prochaine lors du « full extradition hearing ». Lorsqu’à 10h, le secrétaire sort de la salle 3 et nous annonce que l’audience de Monsieur Julian Assange est reportée à 15h15 personne ne le croit. Tout le monde reste à attendre, nous nous relayons au guichet d’information ou l’employée agacée refuse de nous répondre. Le secrétaire doit s’y prendre à plusieurs fois pour nous convaincre qu’il dit la vérité.

A 10h30 passé, nous nous résignons à partir attendre au « café des avocats » et nous y restons plusieurs heures. Un peu avant 13 heures, je décide de revenir dans la salle d’attente du tribunal. Je ne veux pas perdre ma place dans la file après avoir fait un voyage 12 heures. Vers 14 heures, l’espace se remplit. Les journalistes sont de retour, je remarque la présence de Naomi Colvin tout comme l’absence de « Greekeemmy ». Je sais l’importance de la conférence de presse de Paris le lendemain, je me dis que les « proches officiels » sont en train de la préparer. Finalement, 14 journalistes seront présents devant la porte et 11 pourront entrer avec une carte d’accréditation. La plupart d’entre eux sont les mêmes que lors des audiences précédentes. Devant la porte, se tiennent deux hommes anglais que je croyais journalistes, et qui finalement seront les premiers à prendre place parmi le public. A leur allure et leurs conversations politiques, je comprends qu’ils peuvent être des militants de gauche. Nous formons une file serrée devant la porte derrière laquelle se déroulent les audiences des 4 derniers accusés de la liste, slovaque, polonais, lithuanien. Le tribunal sera vide lorsque le cas Julian Assange sera abordé.

Naomi Colvin et Mc MacGrath en tant que journalistes au Center for Investigative Journalisme en 2017

Un peu avant 15 heures, arrivent Gareth Peirce et Edward Fitzgerald. Je vois le jeune MC MacGrath pareillement, tout de noir vêtu, se joindre à eux. Côté accusation, je remarque la collaboratrice de Clair Dobbin mais pas cette dernière. Les agents de sécurité de Mitie sont accompagnés d’une grande femme à l’air sévère portant un uniforme de police. Elle vérifiera que nos portables sont bien éteints à l’entrée de la salle et nous surveillera dans le box. Est-ce l’effet de nos éclats émotionnels sur les fins d’audiences ou de nos critiques à l’endroit des passes-droit que la société Mitie octroie à certains « officiels » au détriment d’autres ? Peut-être les deux. Cependant, c’est toujours le manager de Mitie qui gère les entrées. A 15h10 nous nous retrouvons dans le box du public. Je suis contrainte de m’assoir trop au fond ce qui m’empêchera de bien voir Julian sur l’écran de droite. Mais je ne peux pas faire autrement.

Les avocats sont vite en place, mais Mc McGrath est gratifié du nom de « scholar » (étudiant ? chercheur ? stagiaire ?) par le secrétaire et doit s’assoir au dernier rang. L’accusation est représentée par un homme, jeune et roux, différent du procureur du 19 décembre. Dès 15h12, alors que la juge n’est pas encore là, le secrétaire prend la télécommande et appelle « officer, Belmarsh please». L’écran s’allume sur une pièce aux murs sombres, au centre deux fauteuils, sombres également, noirs ou violets. Derrière les fauteuils est suspendu un grand panneau « HMP Belmarsh » et au fond se trouve une porte. Nous apercevons un court instant un gardien costaud vêtu d’un uniforme noir. Le secrétaire lui dit d’amener « Monsieur Assange ». L’homme sort et peut après on voit la silhouette de Julian Assange apparaitre dans l’embrasure de la porte. Comme toujours, je suis saisie par l’émotion et donc je ne remarque pas que le gardien le suit dans le box.

Julian Assange porte un pantalon de jogging noir, un pull beige et une chemise blanche avec le col sorti sur le pull. Il a les cheveux correctement coupés et coiffés, il est rasé. Il porte des lunettes qu’il met sur sa tête en serre tête. J’ai l’impression qu’il est moins amaigri qu’il y a un mois mais peut être le jogging dissimule-t-il sa vraie corpulence. Son visage parait moins émacié, plus rond, et ses traits moins creusés, mais peut être est ce juste l’effet de la caméra qui le film de plus près. Je distingue son expression triste, un air absent mais je ne peux pas en dire plus car je me trouve trop loin de l’écran. Par contre, je suis sûre de voir sa démarche mal assurée. On dirait qu’il boite en entrant dans le box, d’autant plus qu’il porte des deux mains un gros classeur rempli de feuilles blanches. Lorsqu’il s’assied, il pose d’abord le classeur sur ses genoux, ses mains à plats dessus et ne bouge plus. Il reste ainsi immobile quelques longues Puis, il pose sa jambe gauche sur son genou droit, penche un peu vers la gauche. Ainsi, il cale le lourd classeur sur ses genoux, il l’ouvre lentement et commence à lire la page de gauche. Il reste au moins 5 minutes ainsi, il ne lève pas la tête, ne regarde pas la cour, ni ses avocats, ni la juge lorsqu’elle entre. Ses avocats non plus ne le saluent pas, ce qui n’en finira jamais de m’étonner, alors que le storytelling officiel, notamment lors de la conférence de presse de Paris, du jeudi 20 février, fait état d’un branle-bas de combat d’une «équipe internationale » de pointures de barreaux français, espagnols, anglais, belges qu’il est censé diriger.

Il faut dire que parfois les contradictions du storytelling prennent des accents surréalistes. Par exemple tout l’automne et l’hiver, j’ai entendu Gareth Peirce, ici même, se plaindre de ne jamais pouvoir voir son client. A Paris, le 20 février, j’apprends que le talentueux français Dupont Moretti a réussi en un tournemain ce que la pauvre Britannique n’arrivait pas à obtenir : alors qu’il n’a jamais été l’avocat de Julian Assange, qu’il ne fait pas partie de ses proches, il a pu effectuer une visite de 3 heures à la prison de Belmarsh en ayant à peine attendu 2 semaines pour la réserver ! Je pourrais pousser un « cocorico » nationaliste si je n’étais pas aussi sceptique au vu des contradictions du discours. De même, maitre Dupont Moretti décrit maintenant dans les médias la dure lutte qu’il mène pour obtenir le droit d’asile sur la base du fait que Julian Assange aurait séjourné en France de 2007 à 2010. La France exige de tous les ressortissants extra européens un contrat de travail pour obtenir une autorisation de travail, une carte de séjour et la sécurité sociale. Julian Assange a donc dû bénéficier de tout cela si son séjour était « légal ». Si cela est vrai, nul besoin alors de se lancer dans des procédures compliquées de demande d’asile, un simple renouvellement de la carte de séjour suffit !

Conférence de presse sur Julian Assange à Paris le 20 février 2020: Baltazar Garzon, Christophe Deloire et Maitre Dupont Moretti au centre

Loin de Paris, la réalité du tribunal londonien me montre un homme qui découvre son dossier à la veille de son procès. Et encore, je n’ai pas l’impression qu’il lit mais plutôt qu’il regarde distraitement, comme s’il était indifférent à tout ce charivari autour de lui. J’observe attentivement pour noter à quel moment il tourne les pages et essayer de déterminer s’il lit ou s’il est peut-être obligé de participer à une mise en scène destinée à nous faire croire qu’il a enfin accès à ses documents. En 45 minutes, Julian Assange tourne 4 pages et lève 3 ou 4 fois la tête pour regarder la cour avant de revenir au classeur. Lorsqu’il baisse la tête vers le classeur, il remet ses lunettes, pour voir la salle, il les enlève. Ce seront tous ses gestes. Une fois seulement, lorsque le procureur parle d’une fois forte, Julian Assange se frotte les doigts et les mains d’une contre l’autre d’un geste nerveux. Le reste du temps, il reste immobile, comme absent. Et cela ne choque personne dans l’assistance.

Véronique Pidancet Barrière Présidente de Wikijustice Julian Assange à la Conférence de Presse de Paris le 20 février 2020

La juge Baraitser entre à 15h25, nous nous levons mais Julian Assange reste assis derrière la caméra. Elle lui demande tout de suite de confirmer « your full name ». Il lui répond d’une voix claire et plus assurée que les dernières fois : « my name is Julian Assange 3 July 1971 ». Mais peut être est-ce aussi parce qu’ils ont augmenté le son…C’est tout ce qu’il dira. Encore une fois l’audience se déroule sans sa participation. L’audience sera composée d’un dialogue entre le jeune procureur, l’avocat Fitzgerald et la juge Baraitser. Le sujet est l’organisation du procès de la semaine prochaine. C’est donc un « case management hearing » auquel nous assistons. Comme les fois précédentes, je ne peux tout comprendre, je suis donc attentive à certaines expressions qui reviennent dans la conversation et que je pourrais compléter par mon débriefing post audience avec les amis et connaissances.

Générique de Collateral Murder

L’avocat Fitzgerald commence en remerciant la juge pour la réponse à un de ses mails. Il est alors question d’une « décision préliminaire » qui ne sera pas prise la semaine prochaine. Puis la juge dialogue avec le procureur au sujet du dépôt des « preuves ». Julian Assange lit toujours la première page du dossier, il remet ses lunettes, il penche maintenant vers la droite. Je n’ai pas l’impression qu’il écoute ou entende la cour. Je me demande alors, un peu désespérée, de quelles preuves peut donc disposer l’accusation ? Après tout, il n’y a pas de crime. De plus après avoir visionné la version longue de « Collateral Murder » je n’ai pas l’impression de me trouver face à une vidéo fuitée puisque de nombreux techniciens ont travaillé à sa conception. Julian Assange y est d’ailleurs crédité de « producer, creative director ». S’il y a un « creative director », c’est qu’il y a création. Le générique du film comporte également une palanqué de techniciens de la RUV, la télévision publique islandaise[1]. Gudmundur Ragnar Gudmundsson, chef opérateur de cette télévision est responsable du « contenu en ligne », Borgnyr Thoroddsen y est technicien du son, Kristinn Hrafnsson est crédité de « story developer » et Ingi Ragnar Ingason est « visual editor ». La député islandaise Birgita Jondsottir est « script » sur ce film alors que son collègue fondateur du Parti Pirate, Samari Mac Carthy, est « co producteur » du film avec l’ancien hacker et responsable du Chaos Computer Club, Rop Ronggrijp. Lorsque les historiens du futur se pencheront sur ce document, ils ne pourront certainement pas le considérer comme une source première de connaissance sur la guerre états-uniennne sur le sol irakien dans les années 2003 à 2010. Ils vont plutôt le traiter comme une image fictionnelle, une vision particulière produite par des Occidentaux qui sont opposés à cette guerre. [1] https://collateralmurder.wikileaks.org

Générique de Collateral Murder

Cependant, si aujourd’hui ce film est le « crime » qu’on juge aujourd’hui, alors ces techniciens islandais devraient être considérées comme responsables au moins autant que Julian Assange et Chelsea Manning. D’ailleurs, je réfléchis que personne n’a vu le film original transmis par Manning. Je pense aussi que nous n’avons pas vu de preuve, autre que ses aveux arrachés après torture, qu’elle aurait transmis quoi que ce soit à Julian Assange, pas plus les « Afghan Logs » que les « Irak Files » qui peuvent, cependant, être objet de l’accusation. Dans un système juridique moderne, les aveux, à l’inverse de la justice du Moyen Age, ont moins de poids que les preuves matérielles et les aveux sous la torture ne sont que la preuve de la torture. D’ailleurs, depuis 8 mois de procès nous n’avons pas encore pu assister à la lecture de l’acte d’accusation. Aura-t-elle enfin lieu lundi 24 février ?

Un homme bien caché: Ingi Ragnar Ingason, visual editor de Wikileaks sur « Collateral Murder » et patron de la Sunshine Press Production en Islande, sous traitant de la Wau Holland Stiftung pour le projet 04 Wikileaks

Je crois entendre la juge Baraitser dire qu’elle « ne prendrait pas de décision la semaine prochaine ». Cela permet à Edward Fitzgerald de dire, à 15h30, à quel point il « respecte sa proposition » et qu’il est d’accord pour étudier les « abuses » les premiers jours. Les « abuses » seraient les vices de procédures et notamment le fait que le traité d’extradition de 2003 interdit d’extrader pour motifs politiques. Je suis très contente qu’enfin la défense entre dans le vif du sujet. Par contre, je suis inquiète par le fait que Julian Assange parait encore plus passif et absent, il lit maintenant la deuxième page du dossier. Je m’aperçois aussi que le manager de Mitie est toujours présent dans la salle. Fitzgerald explique longuement qu’il déposera un document chronologique retraçant les « abuses », la juge le presse de conclure pour la semaine prochaine. A 15h34, Julian Assange relève ses lunettes et regarde la cour, puis il baisse la tête vers son dossier. Baraitser se montre conciliante au discours de l’avocat. Elle assure «entendre ses remarques critiques ». Par la suite, cependant quelque chose met Fitzgerald dans l’embarras et il parle d’une voix hésitante et peu audible. Lorsque la juge lui demande s’il s’agit des « spanish witnesses», les témoins dans la procédure espagnole, Assange enlève ses lunettes et écoute. Il est 15h37. Le procureur lance alors une offensive et exige d’ici lundi « les documents au complet incluant l’argumentaire sur les vices de procédures ». C’est alors que Julian Assange se frotte les mains dans un geste nerveux. Baraitser presse l’avocat de déposer la semaine prochaine un résumé de son argumentaire de défense. Fitzgerald bafouille de plus en plus, finit par dire qu’il va « discuter avec son client » puis amener « un résumé chronologique en relation avec les vices de procédures ». A 15h43, on passe en revue la question des témoins. Fitzgerald parle longuement de la difficulté d’obtenir les témoignages, et s’attarde sur le cas de Chelsea Manning dont les dépositions devant la commission militaire sont classifiées. A ce moment là, Julian Assange écoute, penché vers la gauche. Je comprends que les témoins ne comparaitront pas vraiment à la barre mais enverront des documents. Pourtant si faire venir des témoins est compliqué, il est souvent nécessaire et il est parfois plus facile pour une personne de parler que d’écrire.

Le procureur et l’avocat consultent alors ensemble un document. L’avocate de l’accusation se déplace et murmure quelque chose à l’oreille du procureur. Baraitser admet qu’il y a « a lot of bundles » dans le dossier. Je comprends ce mot comme « beaucoup de ramifications » ou de « sous-ensembles ». On ne sait pas si Julian Assange comprend ce qui se passe. Il est de plus en plus invisible alors qu’on parle de lui. La juge invite les parties à « conclure ». C’est alors que Fitzgerald mentionne trois témoins supplémentaires. A la surprise générale, il cite Jennifer Robinson comme témoin, ainsi qu’un certain Durkin et Rohrabacher, l’homme politique proche de Trump qui sera abondamment médiatisé le lendemain. Pour ma part, je m’interrogeais surtout comment Jennifer Robinson pourra apparaitre à la conférence de presse parisienne comme avocate de Julian Assange tout en étant témoin. La question fut résolue par son absence à cet événement. Car quelle légitimité peut avoir le témoignage d’une avocate censée être en charge du dossier. Normalement, aucun avocat, au regard de la règle de confidentialité, ne témoigne dans une affaire dont il a la charge. Un vice de procédure de plus? L’audience est conclue par une discussion entre juge, avocat et procureur au sujet des dates limites de dépôts des documents.

A 15h55, la juge Baraitser se tourne enfin vers Julian Assange et lui dit qu’il va comparaitre physiquement à la cour lundi. Elle conclut son layus par un « do you hear ». Assange la regarde sans répondre, visiblement il n’a pas entendu ou compris. C’est alors qu’à la surprise générale apparait sur l’écran le bras du gardien de la prison. Il agite sa main devant Julian Assange comme s’il voulait le réveiller ou vérifier s’il voit devant lui. Ce n’est qu’à ce moment que je m’aperçois de la présence du gardien, bien présent face à Julian Assange dans le box alors qu’il est dissimulé à notre regard. Je n’imagine pas qu’on puisse considérer comme équitable un procès au cours duquel l’accusé est enfermé dans un box et soumis au regard permanent d’un gardien sans que la cour puisse contrôler que le gardien n’intimide pas l’accusé et que celui-ci garde sa liberté de conscience à défaut de sa liberté de mouvement. Je réalise que Julian Assange avait probablement tout simplement peur, d’où son air absent et effacé. Le rapport d’inspection de la prison de Belmarsh de 2017 a beau montrer des relations détenus-gardiens modernisés[2], le système de détention reste un système de domination et un gardien a un tel pouvoir sur le détenu qu’il est impossible de parler de liberté d’expression lorsque l’accusé doit faire face au juge tout en affrontant au même moment son gardien !

Le gardien cependant interpelle la juge. Il lui rappelle que l’arrestation de Julian Assange expire aujourd’hui et que si rien n’est dit, il sera obligé de le relâcher ! Pendant 30 secondes, à cause de la distraction de Madame Baraitser, Julian Assange aurait pu voir la porte de sa goele s’ouvrir : vous pouvez partir, vous êtes libre ! Baraitser est visiblement vexée de son oubli : elle déclare d’une voix forte ajourner le procès à lundi « et vous monsieur Assange vous restez en détention ». Julian Assange ne réagit pas. Elle oublie aussi de lui demander s’il a compris. Qu’à cela tienne, l’écran s’éteint déjà, la juge part et on nous somme de dégager d’ici.

Toujours sonnée par l’injustice et les multiples vices de procédures, je reprends mes esprits en discutant avec les militants. Nous refaisons le film de l’audience pour être sûrs d’avoir compris ce qui se passe. Les avocats s ‘enferment dans une consultation room laissant MC McGrath dehors. Alors que John va lui parler, je discute avec les autres. Puis lorsque le jeune homme fait mine de partir, je viens lui parler. Il hoche la tête affirmativement lorsque je lui demande s’il est bien MC McGrath hacker et développeur de logiciels de contre surveillance. Je le complimente sur son travail et je lui dis qu’il a bien raison de faire du droit maintenant. Dans quelques années, il risque de se retrouver à la place de Julian Assange, vu comment le système se referme sur nous pour nous contrôler. Et il aura bien besoin de connaitre le droit pour se défendre. Je pense à Karl Koch, jeune hacker prodige des années 80, mort en 1988, à 23 ans, dans des circonstances très troubles après avoir été utilisé par les médias dans déjà un storytelling massif sur « le hacker espion pro russe » puis pressuré par les services secrets allemands[3].

Karl Koch en 1989

Assange avait connu Karl Koch, il a participé probablement avec lui au hackage des système Vax 25, ARPANET et MILNET, les premiers réseaux internet. Son livre écrit avec Suelette Dreyfus, en 1992-1997, décrit de façon romancée le scandale des adolescents de 16 ans devenus les premiers hackers internationaux[4]. Mais une revue de presse allemande de l’époque confirme que ces enfants, tous liés au Chaos Computer Club crée fraichement par Wau Holland et Andy Müller Maguhn en 1981, étaient sous constante surveillance des services secrets du BND qui comptaient bien les utiliser contre les Soviétiques[5].

Bernd Fix un des vrais patron du projet Wikileaks

Andy Müller Maguhn a d’ailleurs lui aussi 16 ans en 1981 mais deviendra très vite le dirigeant des structures du CCC et plus tard de la Wau Holland Stiftung dans laquelle il développera le projet 04 Wikileaks à partir de 2009. Le projet « Wikileaks », dont Julian Assange a été le coordinateur de projet exécutant a été aussi néfaste pour lui que le hackage sous contrôle des services secrets ne l’a été pour Karl Koch. Les dirigeants du Chaos Computer Club cependant ne sont jamais inquiétés quant à leur responsabilité juridique : Bernd Fix développe, en 1985, un virus appelé Fix virus par le BND qui sert de premier cheval de troie contre l’informatique soviétique. Il est aujourd’hui un très respecté dirigeant de la fondation Wau Holland, aux côtés de son collègue Müller Maghun, référant du Conseil d’Administration de la même fondation pour le projet Wikileaks en 2009-2014[6]. Il est temps que des adolescents de 16 ans et même les jeunes adultes inconscients soient mis à l’abri de manipulateurs qui médiatisent leurs exploits puis les abandonnent à leur sort quand la répression du système s’abat sur eux.

Andy Müller-Maguhn le vrai patron du projet Wikileaks?

C’est ce que j’essaye d’expliquer, peut être maladroitement, à MC McGrath qui écoute mon sermon avant de se sauver en courant. Mais j’ai 48 ans, l’âge de Julian Assange. Il est normal que je mette en garde les militants plus jeunes que moi. Je sais si bien que le système capitaliste et policier ne fait pas de cadeaux aux vrais Spartacus.


Emission de la radio SWR2 de Anna Loll sur les hackers allemands et américains et le pouvoir des fondations allemandes et américaines. Un hacking bien intégré à l’Etat?
Les hackers sous l’argent de Soros, de Ford et de Peter Thiel, de Palantir…
Andy Müller Maguhn, patron de la fondation allemande Wau Holland et patron de Wikileaks

[1] https://collateralmurder.wikileaks.org/

[2] https://www.justiceinspectorates.gov.uk/hmiprisons/wp-content/uploads/sites/4/2018/06/Belmarsh-Web-2018.pdf

[3] https://www.spiegel.de/geschichte/karl-koch-alias-hagbard-celine-tod-eines-hackers-a-1268203.html

http://networkclan.de/pdf/KarlKoch.PDF

[4] Suelette Dreyfus, Julian Assange, « Underground », Reed books Australia 1997

[5] https://www.afcea.org/committees/cyber/documents/impactofbndprojectrahabandccconthefutureofcomputer-networkmediatedespionage-cuckooseggpreque.pdf

« The Impact of Project RAHAB and the Chaos Computing Congresses (CCC) on the Future of Computer-Network Mediated Espionage: Cuckoo’s Egg Prequel or Perfect Storm? »

[6] https://hoi-polloi.org/~brf/index.html

http://www.wauland.de/media/2011_Jahresbericht.pdf

Julian Assange en 2011 ou 2012

Trial or sacrificial ceremony? -Julian Assange’s trial on January 23, 2020

Monika Karbowska

My ninth trip for a hearing of Julian Assange at the Westminster Magistrate Court takes place on January 22nd as always on the Flixbus with poor migrants but this time under the sign of increasingly violent emotions: anger, exasperation and psychological fatigue. I am an activist and my emotions open the way for me to reflect on the ethical timeliness of my actions. Emotions are the sign of our humanity but also the compass that keeps our citizen indignation intact and subtly directs our intuition towards solutions for analysis or action. This time my emotions show me that we are reaching a point of no return, a tipping point, a change of cycle. Today, to shed light and win the battle, to really free Julian Assange, we must reverse the virtual storytelling that Wikijustice does, but also understand what reality has of symbolic to extract the signs of real power.

I am exasperated because moving the hearing from January 14th to the 13th at the last minute required great physical and organizational effort on our part. But it also upset the program established on December 19 for this last « case management hearing » set for January 23. While we had hoped that Julian Assange would appear in person to fully participate in the organization of his trial, we must accept that it is possible that the rumors that he will only be present on video are true. But precisely, I no longer believe in explanations that are never official, rational and justified. Justice by videolink is for me an aberration and a serious violation of the ECHR, which defines a fair trial as a physical trial. But since the texts of human rights are only respected in the capitalist system if citizens use them, it is unfortunately not the East European migrants extradited en masse by the Westminster Court who will be able to assert these rights in the total absence of British organizations. In the case of Julian Assange each hearing marks a step in the recomposition of power in this case. Each element gives us clues as to the real power and that is why I am obliged to note all the details while remaining open to all solutions. Including the good news of an immediate release of Julian Assange, which, let’s remember, is legally quite possible with a lawyer who would apply for release and a judge who would want to show that he or she is independent of political power.

So I imagine Julian Assange simply walking out of the court door as a free man. I imagine shaking his hands and telling him all about what happened here. I also imagine everything that will have to be set in motion to deal immediately with his new situation as a Commonwealth undocumented migrant released after 10 years of actual detention.

Power and hierarchy in a queue

In this state of mind, between anger and hope, I get up at 5:00 a.m. to arrive at the court door at 5:30 a.m.. I now know that the « Greekemmies » arrive even earlier and that places are more and more expensive in this audience. Indeed, our team is in place at 5:40 a.m., but there are already 3 people in front of us: an Australian journalist, an elderly lady who turns out to be a psychiatrist who signed the list  » Doctors for Assange  » and Paul, who more than ever, this morning, looks like an understudy of Julian Assange. He’s sitting in a folding chair, a clever idea after his malaise the week before. Everyone turns out to be French-speaking and in a later conversation with Paul I learn that he spent his last summer in France with his bike. So we discuss, we have to keep politeness despite the tension and fatigue, because we are, alas in theory, allies for a cause but in reality we are at odds because of our differences in strategy.

Left: Paul the frenchspeaking activist, here in the queue the 13 of January

This is what Dr. Felicity De Zulueta talks about for several hours, introducing me to her collaboration of 20 years ago with lawyer Gareth Peirce, and to her own work as an expert with political refugees, even if later I find on the internet only the trace of her real specialty – the trauma of children who are victims of violence. I tell her that she will be shocked, that one does not come out unscathed from such confrontations, even a non-medical person like me sees the symptoms of torture that Julian Assange suffered. Dr. De Zulueta agrees. She knows that the situation is bad, she has read the report of the doctor from Wikijustice. She appreciates the quality of his work. I explain to her that Wikijustice has always wanted to collaborate with the relatives of Julian Assange and had proposed, as early as July 2019, to the lawyers to discuss the best strategic coordination to be implemented for optimal support of the political prisoner Julian Assange. It is the lack of response and the violence that characters like Greekemmy inflict on us under the impassive eye of the lawyers that made us take a more radical direction. Without forgetting the SOS letter we received from Julian Assange on August 17, 2019, which gives us the DUTY and not simply the right to do everything possible to save him.

Doctors from Summerfield and Zueleta came to see Julian Assange’s condition

Greekemmy arrives en masse around 6 am but some of his collaborators are already behind us. We count the present while our friend J., who is late, is twelfth in line. We should all go home, even if it’s room 3. Alas, the sneaky freeloader is still king: J. won’t be coming home while others, including Naomi Colvin, placed before her by Greekemmy, will be able to fill their twitter account with brief remarks. Basically, the police can install security barriers, but it’s ridiculous. For a media man as famous as Assange was 10 years ago, we are barely 30 in front of this place where his final fate is sealed by the iniquitous system he denounced. But in order to fight we must be there, we have no other choice. Julian Assange is deprived of communication with us, deprived of mail, parcels, emails, the money we sent him. He no longer receives visits, not even from John Shipton, who has disappeared permanently from circulation. Some of the 30 people waiting from 5:30 to 9 am are journalists he knows and who will write stereotypical papers about him. Or write nothing as they did after December 19, a hearing on which no major media representative published anything while they were forcefully hunting for a stolen photo of an exhausted man locked in a van.

It is finally 9 o’clock and the security guards unlock the doors. We enter each one watching his place. I am lucky, I pass the metal detector very quickly, I check on the lists in the hall, yes, alas it is room 3, the name Julian Assange is at the top of the list. So I find myself first in front of the door of the room, Doctor De Zulueta behind me, further on the psychiatrist Derek Summerfield, with the friends of our team around them. The head of the ushers, Rosie Sylvester, directs the operations and places us, 25 people, in single file in front of the room so as to clear the space of the corridor. As long as she’s there, I’m confident that the rules will be respected. Problems can start when security guards find themselves alone under the fire of various requests and manipulations. In fact, today, those managing Room 3 are the same Mitie team that stood guard outside the door of Room 4 during the December 20 ghost hearing, which was procedurally flawed and potentially illegal. The security manager Mitie, who had the strange right to attend a closed hearing on December 20, seconds the chief bailiff but I know, since November 18, that when she is not present, this man holds a power that he does not always put at the service of legal rules (incongruous presence during the closed hearing of December 2 or appeared Julian Assange, cooperation with Greekemmy to enforce his illegal lists …). Journalists have the privilege of sitting quietly on the chairs in the waiting room. There are more than 20 of them, almost the same as on January 13, except Moritz Muller from the German magazine « Nachdenkseiten » that I recognize because I saw his picture. It’s the first time I see him, he didn’t come before. Precisely, Greekemmy goes to see each of the journalists one by one, she talks to them and hands them a photocopy of an article from El Pais about the proceedings against UC Global in Spain. With Dr. Zulueleta we discuss the undeniable responsibility of Rafael Correa and his diplomatic staff, including Fidel Narvaez, in the management of this surveillance and the confinement of Julian Assange in the apartment at 3 Hans Crescent Street. It was then that I noticed Kristinn Hrafnsson sitting with the journalists next to the head of the « mementums » of the DefendWikileaks project John Rhees. Does he have a press card that he didn’t have on October 21, just like Joseph Farell? It is true that « Wikileaks » has no legal structure and is not a media organization, so the website is not allowed to issue press cards. It is the « 04 Wikileaks » project of the Wau Holland Foundation, but this German organization is an association for training and user advocacy and not a media. Kristinn Hrafnsson is a minority shareholder of the Icelandic company Sunshine Press Production created in 2010 but it is a film production company, not a publisher or a newspaper. Perhaps the CIJ, Centre for Investigation of Journalism is taking on this task even though it is registered as a British charity and not a media organization.

Strange collective ritual

I think about it when lawyers from both sides enter the hallway and walk past us. There is no « rustle of dresses » because in the « magistrate » courts the employees of justice dress in civilian clothes but the black color of the clothes as much as the theatrical aspect of their behavior accentuate the effect of « sacrificial rite » which comes to my mind when I remember all that I have been living in these places for 5 months. Clair Dobbin arrives with his second, then the « Americans », the prosecution team in which I recognize the elderly man who refused to give me his quality and name at the end of the hearing on December 19, 2019, lock themselves in the rooms marked « private » at the end of the corridor. They greet the group formed by Gareth Peirce, Edward Fitzgerald, Mark Summers and Alistar Lyon. In this group I am surprised to see Stella Morris and also the blonde woman who accompanied, on January 13, the young dark-haired boy that Morris was coaching on December 19 and 20. By the way, today I know the boy’s name: MC Mc Grath . He is probably American, a graduate of Boston University, MIT. He is a hacker, computer scientist and creator of the Transparency Toolkit website. He lives in Berlin, collaborates with Russia Today Germany, and has given lectures on its counter-espionage monitoring site. In my opinion, he cannot be a British trainee lawyer at the same time[1]. So he doesn’t belong in this court, or else I and my friends should be able to sit among the lawyers in the courtroom[2]. These huge procedural flaws that should invalidate these shading hearings of Julian Assange logically make me doubt the diplomas and qualities of the other lawyers: if the secretariat of the tribunal registers any computer scientist as a lawyer, how can we believe that he checked Stella Morris’ diploma or that Gareth Peirce still has the right to plead despite the fact that she is retired?

The feeling of participating in a sacrificial ritual, rather than in a political trial crucial to the future of our freedoms on the European continent, then settles in and never leaves me. When I see Kristinn Hrafnsson and John Rhees waving a small plastic press card under the nose of one of Mitie’s agents, my tension rises a notch. I know they have to be accredited and show their pink accreditation sheet and I remind the agent. Seeing me, Mitie’s manager takes matters into his own hands: he calls the bearers of the accreditation sheet and brings these journalists into the room. Afterwards, he let the audience in. I sit in the front row to get a good view of the screen on both sides surrounded by my friends, the two psychiatrists and Paul on my right. Paul has lost his clumsy appearance, Greekemmy no longer manages him and he plays a role that I understand as important. As the second row takes its place, I see that those who don’t have accreditation are still accepted by private security. They will even be allowed to use their phones to type their text while ours are severely checked to stay off. When we notice the unequal treatment to the agent of Mitie who scans us, she tells us that they write with their machine. Faced with these people entering without accreditation, using forbidden telephones, I have the even clearer impression that the court is a room privatized by private interests in which a ceremony that has nothing to do with the official justice of the state is taking place.

The sensation becomes almost certain when I see the Australian journalist who arrived early in the morning asking the « Americans » for their names one by one, a young man, two young women, the elderly brown man with a satisfied smile and Clair Dobbin’s usual collaborator. The Australian asks and immediately gets what we and our allies have never been able to get since we have been haunting these halls. Strange political trial where all the lawyers, judges and journalists checked by the world of Greekemmy know each other and work together as in the Polish proverb « Reka reke myje », « the hand washes the hand ». The clerk of the registry wearing a veil seems very self-effacing, even though she does the job of calling « Julian Assange » on the video screen, remote control in hand. Likewise, the clerk behind her distant desk seems absent and preoccupied with managing the rest, the 20 Poles, Romanians and Slovaks whose extradition she has to manage after the end of the cumbersome meeting on Assange. It is five minutes to 10:00 on the room clock. I am here to see Julian Assange and eventually to convey our messages to him through my thoughts, my heart and my eyes. Julian Assange seems to be alone in the face of the ceremony that disposes of his life.


[1]   https://exposingtheinvisible.org/films/group/mc-mcgrath/

http://shidash.com/

https://transparencytoolkit.org/

[2]   https://www.youtube.com/watch?v=kQLDvasKPdo

Trial or video interview?

On the screen I first see a row of three red armchairs in a small room with blue or purple walls. The light is raw and distorts the perception of colors. In the distance on the wall a sign « HMP » but you can’t see the word « Belmarsh » written on it. The scene is filmed differently than usual. The camera is placed three meters from the chairs. « So that we can’t see anything, » I say to myself. Indeed, first a guard in a vaguely brown uniform enters the room. We have never been able to see the uniforms of the Belmarsh guards, those who work at the entrance to the site are dressed in white shirts and black pants. The will to show us that the prison is real seems obvious today. Then behind the small box window I see the slender silhouette of Julian Assange, higher than his guard, walking with a not badly assured walk. He enters the room and lets himself fall on the central armchair. My anger rises. They show him from so far away that you can’t see his face at all. It’s a matter of not distinguishing the expressions on his face, his facial expressions, so that we can’t see the traces of his suffering. Signs of torture. I can’t even tell how long his beard and hair are, or what his eyes are saying. In fact, it may not be him. How could we see him when we can barely distinguish him under a pale light as if he were 100 meters away from us? Julian Assange is wearing a brown suit and I see dark sneakers at his feet and light socks. He is immediately motionless, puts his hands on his thighs, then crosses them in front of him, puts his right foot on his left knee and doesn’t move for long minutes. As he enters, he is carrying a backrest, but as soon as he is seated, he puts the useless artifact on the seat next to him and does not touch it anymore, the pile of papers looks from afar like an illustrated magazine sitting in a waiting room.

But that’s when I notice that someone is sitting across from him off-camera. I can see a hand, a human form moving. Julian Assange is observed during his trial by an invisible guard as if in an interrogation room. I am flabbergasted by this scene, which is so contrary to human rights, to the traditions of habeas corpus, to this whole long history of struggles for the rights attached to the individual here in England since the Middle Ages. This history of struggle that I learned with passion as early as 1988 when I began my studies at the Institute of History at the University of Warsaw. How is it that we live such a regression, when since ancient times people have been fighting against royal arbitrariness and the right to justice is to freely confront the judgment of men and God’s judgment, face to face, to assume one’s faults as well as to prove one’s innocence? What value is there in the word of a man locked in a cage that is going to be presented to the judge while his executioner or the policeman is staring at him? How can we still talk about a trial? I propose the name of ritual sacrifice, it seems more appropriate. Even the Inquisition, which knows a lot about torture, took care to keep the appearance of a real trial in which the accused expressed himself freely while confessing his faults and being sentenced to death. Without a trial, the death sentence is meaningless, and therefore the existence of the Inquisition is useless. It is just as well to kill the accused immediately with a bullet to the head or a missile with a drone. For assassination to become justice, certain rules are needed. If this trial does not respect these rules, it is nothing more than a slaughter ritual. I am thinking of Polish communist friends, of Mateusz Piskorski, prosecuted and accused of espionage for having dared to criticize American domination in Europe. I think of myself and all my friends in the struggle. If Julian Assange is put to death at the end of this ritual without there being a chance of a real trial, then we will soon be next on the list.

While the « interrogator » betrays his presence by moving his hands in the foreground, Julian Assange, who cannot see the room, becomes agitated and can no longer hold on to the chair. He rubs his hands, touches his hair, looks left and right as if he wants to take his gaze out of the interrogator’s field of vision, and then stops. He seems to be asleep, he flees from the intolerable by withdrawing inside himself. Meanwhile, Hrafnsson writes on his phone and then stares at Fitzgerald sitting in the front row between Gareth Peirce and Mark Summers, who remains silent. On the same bench next to them, Clair Dobbin sits upright like an I. Behind him is the row of the American prosecution. In the last shot, Alistar Lyon rubs shoulders with Stella Morris, the other woman, and MC Mc Grath who takes no notes and does not look at Assange. The judge called by the press Baraitser enters and begins the formal ceremony.

Pre-programmed ritual or trial?

At the command to « formally identify yourself, you can hear me », Julian Assange answers in a weary but less hasty voice than before « Yes, I am Julian Assange, 3 July 1971 ». And that’s all he will say today as his life is decided in an implacable mechanism of final crushing. He does not have the strength to do more. We have known this since our doctor’s report on torture. This trial should never take place and the lawyers should boycott this deadly theater and shout scandal everywhere until the end. They will not do it because it suits them to do things the way they want to do them.

The prosecution begins the hostilities and for ten minutes Clair Dobbin talks to the judge in a firm voice. Her flow is fast and all my attention is focused on understanding her and taking notes. Dobbin recalls that the court decided on December 19 to give the prosecution until January 10 to present their « evidence » and to hold the « full extradition hearing » in February and March over 4 weeks. She believes that the prosecution has met these requirements. I hear the British representative of the U.S. prosecution quoting several times « the United States », pointing out that « the USA » has responded, and then I am concerned when I understand that she repeats that American medical experts should examine Julian Assange. There is no way we are going to let this pass. Julian Assange is already seen by these people as a trapped game, I have been watching them for 5 months. You can see with the naked eye that his condition is deteriorating in English prisons, but it is not up to his worst enemies to decide whether or not he was tortured – it is up to the British administration to take responsibility and up to the UN to ensure that he is treated in a truly neutral country far from the influence of Washington. In the West, these countries are not legion, France is one of those rare countries that does not have an American base on its soil, and we have the associative and medical fabric to ensure the neutrality of this expertise.

For the time being Julian Assange remains impassive, strangely motionless while we talk about his life. I am certain that he hears nothing. If this could be proven, the procedure should be cancelled for formalities. Moreover, I wonder about another strangeness: Clair Dobbin talks about the « United States » but only a legal authority has the right to make an extradition request to the British government on the basis of the « Extradition Act » of 2003. This body is never cited and worse, the indictment has never been formally read. Will it finally be read on February 24 at the time of the final proceedings? A trial without an indictment seems really strange to me. If you add the procedural flaws that are legion, the impression of witnessing something distorted becomes stronger. Moreover, the Grand Jury that secretly decided to prosecute Julian Assange for espionage is a purely American political rather than judicial structure that has no equivalent in any other country. Does the bilateral extradition treaty recognize this institution as a legal body whose decisions would have to be enforced by British courts? I do not think so. In diplomacy nothing is automatic, everything is governed by the rule of reciprocity. If the Grand Jury has no equivalent in Great Britain, it is up to the British prosecutor to formulate this indictment against someone who is neither an American nor a British citizen and who is not protected by the consular law of his own country. If Julian Assange were Polish, Tunisian or Greek, the consul of his country would have been obliged to visit him in prison and to be present, in this room, with us. There is no Australian consul in Britain and this situation casts a harsh light on Australia’s colonial status vis-à-vis Britain.

Precisely, Clair Dobbin and Judge Baraitser embarked on a long dialogue on the extradition calendar. I hear them talking about Prosecutor Lewis, who is busy with cases in Northern Ireland and unavailable in February. For us, defenders of Julian Assange, the prosecutor’s occupations are of no concern to us, I even wonder why a Court devotes so much time to them as if we were in a secretariat and discussing planning among executive assistants. Nevertheless, I understand that Dobbin proposes to divide the programs of the « killing » in two and again Baraitser agrees as if it were a foregone conclusion. We’re heading for May 18, when everything will be decided after a week of « mise en bouche » from February 24 to 29. I’m very worried, I’m watching the reaction of Julian Assange’s lawyers, but a man approaches the clerk of the court office and hides the protagonists. I can only observe that Julian Assange is asleep on the box seat, his body leaning slightly to the right side. Last week his right leg had given way while he was walking. What if he had had a mild stroke? That would also explain his speech difficulties. Hrafnsson and Rhees stare at Fitzgerald, but do not react to this surprising change in events with any gesture. Do they already know about it?

Edward Fitzgerald finally has the floor, he stands up and instead of starting a strong diatribe in defense of his client, he says that he supports the accusation in the proposal to « divide the hearings »! He even seems to be in complete harmony with Clair Dobbin, he looks at her in all connivance, she is standing too, and they look at each other a meter apart in complete agreement. Why not. After all, in real life they are colleagues, lawyers in the same field, working together on some cases, competing on others. It would be natural for them to socialize privately, eat together or more. This is why usually in political trials victims fight to have cases moved to courts in other cities to avoid collusion of interests due to the inevitable proximity of local life. Edward Fitzgerald does his job, however, by asking for « more time for evidence », more time to present the evidence. The evidence is the witnesses who have to appear. He speaks of a « significant » number of witnesses, he cites witnesses designated by numbers, witnesses 4, 6, 12, without their names or initials. The twelfth witness is key because it is related to the « spanish procedure ». Baraitser also seems to be interested in this trial in Spain and to accept the importance of all the witnesses from this procedure. Why is this? The mere escape of the surveillance videos cannot mechanically hinder the extradition procedure. Moreover, we still do not know who the plaintiff is and whether Julian Assange is a witness or a victim and who has been named, and above all by whom, as a suspect.

From an oratory point of view, Mr. Fitzgerald is not very good: he stammers, stutters, has trouble finishing his sentences. Sometimes his speech takes on surrealist accents when he says he is waiting for « instructions » from Julian Assange while Julian Assange does not look at him and struggles to stay straight in his seat without falling down. I wonder how he would be able to give instructions if he is not in good enough health to attend his trial. I get irritated when Mr. Fitzgerald evades the question of Julian Assange’s health with a « we are not in the position to face the medical background of Julian Assange ». This attitude revolts me when he has Julian Assange’s life in his hands for which he can demand an independent medical report and release on health grounds.

On the contrary, Edward Fitzgerald, under the watchful eye of Gareth Peirce, goes into the extradition schedule, discusses with the judge the deadlines for the submission of evidence, asserts that some witnesses are « not available » and that the « spanish witnesses » are the most important. The judge commented on the details, asking for the availability of witnesses number 10, 11 and 12. The lawyer says that there is a large volume of documents to read and that it would take another week in March. We are again in the « executive secretarial » mood as Julian Assange slumps more and more in his chair. Fitzgerald promises to submit the list of witnesses by February 1 and to make sure, he hopes, that they will all come to testify. In a stutter, he points out that he needs time to « take instructions from Mr. Assange », explain the publications and give the witnesses time to check their availability. He asked for three or four weeks of trial and one day per person to allow each witness to summarize his or her position. From a formal point of view, it is always annoying to hear negative expressions in lawyers’ speeches that should be broken in political jousts. At present, I find it hard to bear hearing about « extreme complexity », or « great difficulties » or « not easy process ». But Kristinn Hrafnsson seems satisfied with the way things are going. Julian Assange, on the other hand, seems less and less concerned, he looks down, does not see the Court, does not react to anything, and above all does not touch the file that is supposed to represent his defense and that lies on the seat next to him. I can make out by dint of effort the extreme sadness that can be read on his face.

Mr. Fitzgerald, however, assures us that he wants to « involve Mr. Assange at every stage of the procedure », whatever his « medical background » may be. (I have difficulty understanding this last expression. Either the accused is capable of participating in his trial or he is not. If not, the trial must be adjourned and the person treated, I don’t see a third way legally speaking). When Fitzgerald begins to say that the « USA must respond to witnesses » and finally evokes the examination of the validity of the extradition procedure according to the 2003 treaty, Clair Dobbin takes the floor again and easily counters him by demanding a shortening of the time limits. Then the judge summarized what they agreed on (the dates of February and May) and listed the non-agreements. And she orders a recess.

« Ladies and Gentlemen Lawyers, please…. »

We keep our eyes glued to Julian Assange who is almost lying on the box seat. But the security guards kick us out of the room rather abruptly. It is 11:00 am, they announce that the hearing must resume at 11:15 am and then at 11:30 am. It’s hard. We have to pick up our bags and go out to stand again in front of the door to face Greekemmy who doesn’t lose an opportunity to push us outside. Naomi Colvin is even so sure of her status that she will try to get in with the lawyers before being prevented in extremis by an agent. I think that this kind of drama is designed to keep us from witnessing the negotiation and agreement between lawyers, prosecution and judge. It’s as simple as that.

I am very tired and overwhelmed when we are allowed to come back into the room. The security guards get rougher and force us to sit at the back of the box while from there we no longer see Julian on the screen on the right. Dobbin immediately attacks, setting the dates of February 14, 20 and March 27 with 3 weeks of prosecution and defense response. Fitzgerald agrees. He repeated the importance of the « spanish issues ». As the lawyers do not inform us of anything, we will have to make our own investigation in Spain. The judge agrees. Meanwhile, poor Julian Assange remains apathetic, his hands slumped on his knees, he has a grin of suffering on his face – with a lot of concentration, I end up being able to distinguish his features better. Joseph Farell, sitting among the journalists, takes out a small telescope from his pocket and scrutinizes his former project manager coldly. Vanessa Baraitser is satisfied. She turns to the screen and aloud informs us of the program: February 19, the last « case management hearing », with a videolink that will also serve to prolong the detention, then the « full extradition hearing » in Woolwich in the week of February 24, possibly until March 2, then three weeks from May 18. But she forgot to make sure that the accused understood what was happening to her and she is getting out. The hearing is over. I don’t want to and I will at least remind the lawyers of this procedural flaw that should have allowed them to cancel the whole hearing. In French, I say to the room, « Gentlemen, ladies, can you ask Julian Assange if he has understood what is going to happen to him? A muffled noise reacts to my intervention, which I claimed in a loud voice, fed up with passively watching the killing of the sacrificial lamb. There are limits to everything. Some activists and the psychiatrist ask me to repeat in English. But Rosie Sylvester grabs my arm and threatens to ban me from entering the courtyard. I apologize to her, because she is trying so hard to make this strange place respect some basic rules.

But I think it’s too much emotion for me. We go out and find the friends who were not allowed in. Some manage to talk to Mr. Fitzgerald and Mrs. Peirce. Fitzgerald assures them that Julian is doing very well and that he sees him every day whenever he wants. This is totally contradictory to what Gareth Peirce has been repeating over and over since October before us, that it is almost impossible for her to make the « legal visit » to Julian Assange. As for her health, everyone can see it now. Doctor De Zulueta was very moved by the visible suffering of Julian Assange and expressed her emotion during the forced break. So, which of the lawyers is lying in this case?

The money

Gareth Peirce assured our friend J. to work for free, « pro bono ». However, as soon as the hearing was over, Joseph Farell called in front of the cameras to donate money on the site of the Courage Foundation, money intended to ensure the defense of Julian Assange. Courage is a project of the Wau Holland Foundation and it is to this German structure that citizens are invited to donate money to pay Julian Assange’s lawyers via the website

Moral courage – Wau Holland Stiftung (wauland.de)

However, for donations that are not tax-exempt, the Courage project managers advise people to send their money by transfer to a bank in New York, the recipient’s address being Courage Foundation, 201 Varick St., P.O. Box #766, New York, NY 10014, USA [1]. We have a problem with people of good will being called upon to send their money to the United States to a country that is legally suing Julian Assange and in fact persecuting him. How is it that the collaborators of the Wikileaks project who are the founders of the Courage foundation, Sarah Harrison for example, did not see the contradiction and the danger that immediately jumps out at us? Setting up the headquarters of the Courage Foundation, which is supposed to defend Julian Assange, in the United States, the country most hostile to Julian Assange, is in fact endangering the citizens supporting Julian Assange and all the opponents of the war policies of the United States, because it will allow the American State to file the coordinates of these opponents, especially Europeans, through the control of their financial donations.

This alerts us all the more since 201 Varick Street is a building owned entirely by the U.S[2]. federal government. It houses the Office of Technological Measures under the Homeland Security Department – that is to say, the U.S. Department of the Interior – and the Court of the Bureau of Immigration under the Department of Justice. This U.S. federal court also validates deportations and administers all laws affecting the stay of foreigners in the United States. As Julian Assange is awaiting extradition to the USA, the impression is strong that the Courage Foundation is installed in the proverbial lion’s den. I also remember the strange concert organized by the Courage Foundation on November 5, 2019, in front of the Home Office, the British Home Office. The fact that the Courage Foundation, run by the German Wau Holland Stiftung, rents offices in such places and moreover organizes concerts in front of the British « mouth of the wolf » is surprising and worrying to say the least.

201 Varick Street, New York the adress od the Courage Corp

Moreover, for other whistleblowers like Jeremy Hammond, the site https://freejeremy.net/donate, which can be accessed through the « Donate » link on the Courage Foundation’s site, refers the donor to Derek Rothera & Company, Chartered Accountants, Units 15 & 16, 7 Wenlock Road, London[3]. Problem, this account manager has assured us that he will no longer take care of the Courage Foundation since 2016. According to Derek Rothera Compagny, the foundation has repatriated its accounts to New York and manages them from there. It seems to me that for the trust of the donors a public audit of the Courage foundation is necessary and the legal publication of its financial statements indispensable.

Derek Rothera who was collecting the money until 2016 on behalf of Courage Corp.
According to Derek Rothera’s employee, Courage Corp has offices in New York and collects donation money there to pay Assange’s lawyers.
According to Derek Rothera’s employee, Courage Corp has offices in New York and collects donation money there to pay Assange’s lawyers.

I am not opposed to a good lawyer being compensated for, among other things, having the assurance that he or she is able to devote himself or herself fully to the task. I fully agree that donations should be made by citizens to Julian Assange to help him or her pay for an effective lawyer. But Julian Assange is not the president or even a director of the Courage Foundation and, as he is imprisoned, he is not in a position to decide anything in this matter. Those who manage the Courage Foundation and collect donations from citizens must accept citizen control over the use of these donations. This is all the more urgent since the laws in Europe are clear: only donations can be collected from European citizens if they are made to an organization with an official seat in a European country and duly registered according to the laws of that country. The place of registration of this type of organization may vary (Prefecture for France, court for Poland, register of charitable organizations for Great Britain) but everywhere the legal obligations are the same: publication of activity and financial balance sheets every year so that the amount of donations and their use is public. It is not normal that the Courage foundation collecting donations for the defense of Julian Assange escapes the obligations of European laws of transparency and therefore citizen control. We call upon the legal leaders of the Courage Foundation to take their responsibility to repatriate the foundation’s headquarters to Europe and to publish the financial statements of the institution. The credibility of their action is at stake.


The life of Julian Assange is at stake!


[1]           https://www.couragefound.org/donate/

https://defend.wikileaks.org/donate/

[2] https://en.wikipedia.org/wiki/Varick_Street

https://www.gsa.gov/historic-buildings/federal-building-new-york-ny

https://en.wikipedia.org/wiki/Environmental_Measurements_Laboratory

https://www.justice.gov/eoir/new-york-varick-immigration-court

https://www.justice.gov/eoir/page/file/eoir_an_agency_guide/download

[3] https://www.couragefound.org/donate/

https://freejeremy.net/donate

Procès ou cérémonie sacrificielle ? -Julian Assange jugé le 23 janvier 2020

Julian Assange en 2012-2013

Monika Karbowska

Mon neuvième voyage pour une audience de Julian Assange à la Westminster Magistrate Court se déroule le 22 janvier comme toujours en Flixbus avec les migrants pauvres mais cette fois sous le signe d’émotions de plus en plus violentes : colère, exaspération et fatigue psychologique. Je suis une militante et mes émotions ouvrent la voie à ma réflexion sur l’opportunité éthique de mes actions. Les émotions sont le signe de notre humanité mais aussi la boussole qui permet de garder notre indignation citoyenne intacte et dirige subtilement notre intuition vers les solutions d’analyses ou d’action. Cette fois mes émotions me montrent qu’on atteint un point de non-retour, un basculement, un changement de cycle. Aujourd’hui, pour faire la lumière et gagner la bataille, pour libérer Julian Assange réellement, nous devons renverser le storytelling virtuel ce que Wikijustice fait, mais aussi comprendre ce que la réalité a de symbolique pour en arracher les signes du vrai pouvoir.

Je suis exaspérée parce que le déplacement de l’audience du 14 janvier au 13 à la dernière minute a exigé de nous de grands efforts physiques et organisationnels. Mais aussi il a chamboulé le programme établit le 19 décembre pour ce dernier « case management hearing » fixé au 23 janvier. Alors que nous espérions que Julian Assange comparaitrait physiquement pour participer pleinement à l’organisation de son procès, nous devons accepter qu’il est possible que soit vraies les rumeurs disant qu’il ne sera présent qu’en vidéo. Mais justement, je ne crois plus aux explications qui ne sont jamais officielles, rationnelles et justifiées. La justice par « vidéolink » est pour moi une aberration et une grave violation de la CEDH qui définit comme procès équitable un procès physique. Mais comme les textes des droits humains ne sont respectés dans le système capitaliste que si les citoyens s’en servent, ce ne sont hélas pas les migrants est-européens extradés en masse par la Westminster Court qui pourront faire valoir ces droits en l’absence totale d’organisations britanniques. Dans le cas de Julian Assange chaque audience marque un pas dans la recomposition du pouvoir dans cette affaire. Chaque élément nous apporte des indices sur le véritable pouvoir et c’est pour cela que je suis astreinte à noter tous les détails en restant ouverte à toutes les solutions. Y compris à la bonne nouvelle d’une libération immédiate de Julian Assange ce qui, rappelons-le, est juridiquement tout à fait possible avec un avocat qui ferait une demande de libération et un juge qui aurait envie de montrer qu’il ou elle est indépendant du pouvoir politique.

Alors j’imagine Julian Assange sortant simplement en homme libre par la porte du tribunal. J’imagine lui serrer les mains et tout lui raconter de ce qui s’est passé ici. J’imagine aussi tout ce qu’il faudra mettre en route pour s’occuper immédiatement de sa nouvelle situation de sans-papier du Commonwealth libéré après 10 ans de détention réelle.

Pouvoir et hiérarchie dans une file d’attente

Dans cet état d’esprit, entre colère et espoir, je me lève à 5h pour arriver à 5h30 devant la porte du tribunal. Je sais maintenant que les « Greekemmies » arrivent encore plus tôt et que les places sont de plus en plus chères dans cette assistance. Effectivement, notre équipe est en place à 5h40, mais il y a déjà 3 personnes devant nous : une journaliste australienne, une dame d’un certain âge qui s’avère être une psychiatre ayant signé la liste « Doctors for Assange » et Paul, qui plus que jamais, ce matin, ressemble à une doublure de Julian Assange. Il est assis sur une chaise pliante, judicieuse idée après son malaise la semaine précédente. Toutes les personnes s’avèrent francophones et en conversant plus tard avec Paul j’apprends qu’il a passé son dernier été en France avec son vélo. Nous discutons donc, il faut garder la politesse malgré la tension et la fatigue, car nous sommes, hélas en théorie, alliés pour une cause mais en réalité en rupturedu fait de nos différences de stratégie.

Paul, le militant francophone, ici à tout à gauche, le 13 janvier précédent

C’est de cela dont m’entretient pendant plusieurs heures la docteure Felicity De Zulueta, me présentant sa collaboration d’il y a 20 ans avec l’avocate Gareth Peirce, et son propre travail en tant qu’experte auprès de réfugiés politiques, même si plus tard je ne trouve sur internet que la trace de sa vraie spécialité – le trauma des enfants victime de violences -. Je lui dis qu’elle sera choquée, qu’on ne sort pas indemne de confrontations de ce genre, même un non médecin comme moi voit les symptômes de torture que Julian Assange a subi. Dr De Zulueta acquiesce. Elle sait que la situation est mauvaise, elle a lu le rapport du médecin de Wikijustice. Elle apprécie la qualité de son travail. Je lui explique que Wikijustice a toujours voulu collaborer avec les proches de Julian Assange et avait proposé, dès le mois de juillet 2019, aux avocats de discuter de la meilleure coordination stratégique à mettre en œuvre pour un soutien optimal du prisonnier politique Julian Assange. C’est l’absence de réponse et les violences que nous font subir des personnages comme Greekemmy sous l’œil impassible des avocats qui nous a fait prendre une direction plus radicale. Sans oublier la lettre de SOS que nous avons reçue de Julian Assange, le 17 août 2019, qui nous donne le DEVOIR et pas simplement le droit de tout mettre en œuvre pour le sauver.

Les médecins Summerfield et de Zueleta venus constater l’état de Julian Assange

Greekemmy arrive en masse vers 6 heures mais quelques-uns de ses collaborateurs sont déjà derrière nous. Nous comptons les présents alors que notre amie J. en retard est douzième dans la file. Nous devrions rentrer tous, même si c’est salle 3. Hélas, la resquille sournoise est toujours reine : J. ne rentrera pas alors que d’autres dont Naomi Colvin, placée avant elle par Greekemmy, pourront remplir leur compte twitter de remarques succinctes. Au fond, la police a beau installer des barrières de sécurité, c’est ridicule. Pour un homme des médias aussi célèbre qu’Assange a été il y a 10 ans, nous sommes à peine 30 devant ce lieu ou son sort final est scellée par le système inique qu’il a dénoncé. Mais pour lutter nous devons être là, nous n’avons pas d’autre choix. Julian Assange est privé de communication avec nous, privé de courrier, de colis, de mails, de l’argent que nous lui avons envoyé. Il ne reçoit plus de visites, pas même de John Shipton, disparu définitivement de la circulation. Une partie des 30 personnes qui attendent de 5h30 à 9 heures sont des journalistes qu’il connait et qui vont écrire sur lui des papiers stéréotypés. Ou ne rien écrire comme après le 19 décembre, audience sur laquelle aucun représentant de grand média n’a rien publié alors qu’ils s’exerçaient avec force à la chasse à la photo volée d’un homme épuisé enfermé dans un fourgon.

Il est enfin 9 heures et les agents de sécurité déverrouillent les portes. Nous entrons chacun surveillant sa place. J’ai de la chance, je passe très vite le détecteur de métaux, je vérifie sur les listes dans le hall, oui, hélas c’est salle 3, le nom Julian Assange est en tête de liste. Je me retrouve donc première devant la porte de la salle,  la docteure De Zulueta derrière moi, plus loin le psychiatre Derek Summerfield, avec autour d’eux les amis de notre équipe. La cheffe des huissiers, Rosie Sylvester, dirige les opérations et nous place, 25 personnes, en file indienne devant la salle de façon à dégager l’espace du couloir. Tant qu’elle est là, j’ai confiance, les règles sont respectées. Les problèmes peuvent commencer quand les agents de sécurité se retrouvent seuls sous le feu des diverses demandes et manipulations. D’ailleurs, aujourd’hui, ceux qui gèrent la salle 3 sont la même équipe Mitie qui montait la garde devant la porte de la salle 4 lors de l’audience fantôme du 20 décembre, émaillée de vices de procédures et potentiellement illégale. Le manager de sécurité Mitie qui a eu le droit étrange d’assister à une audience de huis clos le 20 décembre seconde l’huissière en chef mais je sais, depuis le 18 novembre, que quand elle n’est pas présente cet homme détient un pouvoir qu’il ne met pas toujours aux services des règles légales (présence incongrue lors du huis clos du 2° décembre ou comparaissait Julian Assange, coopération avec Greekemmy pour faire respecter ses listes illégales…). Les journalistes ont le privilège de s’assoir tranquillement sur les chaises de la salle d’attente. Ils sont plus de 20, presque les mêmes que le 13 janvier, sauf Moritz Muller du magazine allemand « Nachdenkseiten » que je reconnais car je l’ai vu en photo. C’est la première fois que je le vois, il n’est pas venu avant. Justement, Greekemmy va voir chacun des journalistes un par un, elle leur parle et leur tend la photocopie d’un article de El Pais sur la procédure contre UC Global en Espagne. Avec le Dr Zulueleta nous échangeons sur la responsabilité indéniable de Rafael Correa et de son personnel diplomatique dont Fidel Narvaez dans la gestion de cette surveillance et de l’enfermement de Julian Assange dans l’appartement 3 rue Hans Crescent. C’est alors que je remarque Kristinn Hrafnsson assis avec les journalistes à côté du chef des «mementums » du projet DefendWikileaks John Rhees. A-t-il une carte de presse qu’il n’avait pas le 21 octobre, tout comme Joseph Farell ? Il est vrai que « Wikileaks » n’ayant pas de structure juridique et n’étant pas un médias le site internet n’a pas le droit de délivrer de carte de presse. Il est le projet « 04 Wikileaks » de la fondation Wau Holland mais cette organisation allemande est une association de formation et de défense d’usagers et pas un médias[1]. Kristinn Hrafnsson est bien actionnaire minoritaire de l’entreprise islandaises Sunshine Press Production crée en 2010 mais c’est une entreprise de production de film, pas un éditeur ou un journal[2]. Peut-être que le CIJ, Centre d’Investigation du Journalisme se charge de cette tâche bien qu’il soit inscrit au registre des associations de charité britanniques et pas des médias.


[1]              http://www.wauland.de/media/2011_Transparenzbericht-Projekt04_de.pdf

[2]             https://fr.scribd.com/document/341479410/Sunshine-Press-Productions-Ehf-private-limited-company-aka-Wikileaks

Etrange rituel collectif

Je réfléchis à la question quand les avocats des deux parties entrent dans le couloir et passent devant nous. Il n’y a pas de « froissement de robes» car dans les tribunaux « magistrate »  les employés de la justice s’habillent en civil mais la couleur noire des vêtements autant que l’aspect théâtral de leur comportement accentuent l’effet de « rite sacrificiel » qui me vient à l’esprit quand je me remémore tout ce que je vis dans ces lieux depuis 5 mois. Clair Dobbin arrive avec sa seconde, puis les « Américains », l’équipe d’accusation dans laquelle je reconnais l’homme âgé qui a refusé de me donner sa qualité et son nom à la fin de l’audience du 19 décembre 2019, s’enferment dans les salles marquées « privé » tout au bout du couloir. Ils saluent le groupe formé par Gareth Peirce, Edward Fitzgerald, Mark Summers et Alistar Lyon. Dans ce groupe je suis surprise de voir Stella Morris et aussi la femme blonde qui accompagnait, le 13 janvier, le jeune garçon brun que Morris coachait le 19 et 20 décembre. Au fait, aujourd’hui, je connais le nom du garçon : MC Mc Grath[1]. Il est probablement américain, diplômé de l’université de Boston, du MIT. Il est hacker, informaticien et créateur du site Transparency Toolkit. Il vit à Berlin, collabore avec Russia Today Allemagne[2], il a fait des conférences sur son site de surveillance du contre-espionnage. Selon moi, il ne peut, au même moment, être avocat britannique en stage. Il n’a donc rien à faire dans ce tribunal, ou alors moi aussi et mes amis nous devrions pouvoir nous assoir parmi les avocats dans la salle d’audience. Ces vices de procédures énormes qui devraient faire invalider ces audiences de mise à l’ombre de Julian Assange me font logiquement douter des diplômes et des qualités des autres avocats : si le secrétariat du tribunal enregistre n’importe quel informaticien comme avocat, comment croire qu’il a vérifié le diplôme de Stella Morris ou que Gareth Peirce a toujours le droit de plaider malgré le fait qu’elle soit à la retraite ?

La sensation de participer à un rituel sacrificiel, plutôt qu’à un procès politique crucial pour l’avenir de nos libertés sur le continent européen, s’installe alors et ne me quitte plus. Lorsque je vois Kristinn Hrafnsson et John Rhees agiter une petite carte de presse en plastique sous le nez d’un des agents de Mitie, ma tension monte d’un cran. Je sais qu’ils doivent être accrédités et montrer leur feuille rose d’accréditation et je le rappelle à l’agent. Me voyant, le manager de Mitie prend les choses en main : il appelle les porteurs de la feuille d’accréditation, fait entrer ces journalistes dans la salle. Après, il fait entrer le public. Je m’installe au premier rang pour bien voir l’écran des deux côtés entourée de mes amis, les deux psychiatres et Paul à ma droite. Paul a perdu son aspect pataud, Greekemmy ne le gère plus et il joue un rôle que je comprends comme important. Alors que le deuxième rang prend place, je vois que ceux qui n’ont pas d’accréditation sont quand même acceptés par la sécurité privée. Ils auront même le droit d’utiliser leur téléphone pour taper leur texte alors que les nôtres sont sévèrement vérifiés pour rester éteints. Lorsque nous remarquons l’inégalité de traitement à l’agente de Mitie qui nous scrute, elle nous fait valoir que eux écrivent avec leur machine. Face à ces personnes entrées sans accréditation, utilisant des téléphones interdits, j’ai l’impression encore plus nette que le tribunal est une salle privatisée par des intérêts privées dans laquelle se déroule une cérémonie n’ayant rien à voir avec la justice officielle de l’Etat.

La sensation devient quasi-certitude lorsque je vois la journaliste australienne arrivée tôt le matin demander leur nom un à un aux « Américains », un jeune homme, deux jeunes femmes, l’homme âgé brun au sourire satisfait et la collaboratrice habituelle de Clair Dobbin. L’Australienne demande et obtient immédiatement ce que nous et nos alliés n’avons jamais pu arracher depuis que nous hantons ces salles. Etrange procès politique ou tout le monde des avocats, des juges et des journalistes checkés par le monde de Greekemmy se connait et travaille ensemble comme dans le proverbe polonais « Reka reke myje », « la main lave la main ». La secrétaire du greffe portant voile parait très effacée, même si elle effectue le job d’appeler « Julian Assange » à l’écran vidéo, télécommande en main. De même la greffière derrière son lointain bureau parait absente et préoccupée par la gestion de la suite, des 20 Polonais, Roumains et Slovaques dont elle doit gérer l’extradition après la fin de l’encombrante réunion sur Assange. Il est 10 heures moins cinq sur l’horloge de la salle. Je suis là pour voir Julian Assange et éventuellement lui transmettre nos messages par la pensée, le cœur et le regard. Julian Assange semble seul face à la cérémonie qui dispose de sa vie.


[1]             https://exposingtheinvisible.org/films/group/mc-mcgrath/

http://shidash.com/

https://transparencytoolkit.org/

[2]             https://www.youtube.com/watch?v=kQLDvasKPdo

Procès ou interrogatoire en vidéo?

A l’écran je vois d’abord une rangée de trois fauteuils rouges dans une petite pièce aux murs bleus ou violets. La lumière est crue et déforme la perception des couleurs. Au loin sur le mur un panneau « HMP » mais on n’y voit pas inscrit le mot « Belmarsh ». La scène est filmée différemment que d’habitude. La caméra est placée à trois mètres des fauteuils. « Pour qu’on ne voit rien », me dis-je. Effectivement, d’abord un gardien en uniforme vaguement marron entre dans la pièce. Nous n’avons jamais pu voir les uniformes des gardiens de Belmarsh, ceux qui travaillent à l’entrée du site sont vêtus de chemises blanches et de pantalons noirs. La volonté de nous montrer que la prison est réelle parait manifeste aujourd’hui. Ensuite derrière la petite fenêtre de box je vois passer la silhouette longiligne de Julian Assange, plus haut que son gardien, marchant d’un pas mal assuré. Il entre dans la pièce et se laisse choir sur le fauteuil central. Ma colère monte. Ils le montrent de tellement loin qu’on ne voit absolument pas son visage. Il s’agit qu’on ne distingue pas les expressions de son visage, ses mimiques, pour qu’on ne puisse pas déceler les traces de sa souffrance. Les signes de la torture. Je ne peux même pas dire quelle est la longueur de sa barbe et de ses cheveux, ni que disent ses yeux. En fait, cela peut ne pas être lui. Comment pourrions-nous le constater alors que nous le distinguons à peine sous une lumière blafarde comme s’il se trouvait à 100 mètres de nous ? Julian Assange porte un costume marron et je vois des baskets foncées à ses pieds ainsi que des chaussettes claires. Il est tout de suite immobile, met les mains sur les cuisses, puis les croise devant lui, met le pied droit sur le genou gauche et ne bouge plus de longues minutes. En entrant il portait un dossier, mais dès qu’il est assis, il pose l’artefact inutile sur le siège voisin et ne le touche plus, la pile de papiers parait de loin comme un magazine illustré posé dans une salle d’attente. 

Mais c’est alors que je remarque que quelqu’un est assis en face de lui hors champ. Je distingue une main, une forme humaine qui bouge. Julian Assange est observé lors de son procès par un gardien invisible comme dans une salle d’interrogatoire. Je suis sidérée par cette scène qui est si contraire aux droits de l’homme, aux traditions de l’habeas corpus, à toute cette longue histoire de luttes pour les droits attachés à la personne ici même en Angleterre dès le Moyens âge. Cette histoire de lutte que j’ai apprise avec passion dès 1988 lors du début de mes études à l’Institut d’Histoire de l’Université de Varsovie. Comment se fait il qu’on vive une régression pareille, alors que depuis l’antiquité les gens luttent contre l’arbitraire royal  et que le droit à la justice, c’est se confronter en liberté au jugement des hommes et de celui de Dieu, face à face, assumer ses fautes tout comme prouver son innocence ? Quelle valeur a la parole d’un homme enfermé dans une cage qu’on va présenter au juge alors que son bourreau ou le policier le regarde fixement ? Comment peut-on encore parler de procès ? Je propose le nom de de sacrifice rituel, cela parait plus approprié. Même l’Inquisition, qui s’y connait en torture, prenait soin de garder l’apparence d’un vrai procès dans lequel l’accusé s’exprimait librement alors qu’il avouait ses fautes et qu’il était condamné à mort. Sans procès, la condamnation à mort n’a pas de sens, et donc l’existence de l’Inquisition est inutile. Autant tuer l’accusé tout de suite d’une balle dans la tête ou d’un missile à l’aide d’un drone. Pour que l’assassinat devienne justice, il faut certaine règles. Si ce procès ne respecte pas ces règles, il n’est qu’un rituel d’abattage. Je pense aux amis communistes polonais, à Mateusz Piskorski poursuivi et accusé d’espionnage pour avoir osé critiquer la domination américaine en Europe. Je pense à moi-même et tous mes amis de lutte. Si Julian Assange est mis à mort au terme de ce rituel sans qu’il y ait une chance de vrai procès, alors nous serons très vite les prochains sur la liste.

Pendant que « l’interrogateur » trahit sa présence en bougeant ses mains au premier plan, Julian Assange, qui ne voit pas la salle, s’agite, ne tient plus en place sur la chaise. Il frotte ses mains, touche ses cheveux, regarde à droite et à gauche comme s’il voulait sortir son regard du champ de vision de l’interrogateur, puis s’immobilise. On dirait qu’il dort, il fuit l’intolérable en se retirant à l’intérieur de lui. Pendant ce temps, Hrafnsson écrit sur son téléphone puis regarde fixement Fitzgerald prendre place au premier rang entre Gareth Peirce et Mark Summers qui restera silencieux. Sur le même banc tout près d’eux, Clair Dobbin est assise droite comme un I. Derrière, le rang de l’accusation américaine. Au dernier plan, Alistar Lyon côtoie Stella Morris, l’autre femme et MC Mc Grath qui ne prend aucune note et ne regarde pas Assange. La juge appelée par la presse Baraitser entre et commence la cérémonie formelle.

Rituel pré programmé ou procès ?

A l’ordre de « s’identifier formellement, vous m’entendez » , Julian Assange répond d’une voix lasse mais moins hachée que précédemment « Yes, I am Julian Assange, 3 July 1971 ». Et c’est tout ce qu’il dira aujourd’hui alors que sa vie se décide dans une mécanique implacable de l’écrasement final. Il n’a pas la force de faire plus. Nous le savons depuis le rapport de notre médecin sur la torture. Ce procès ne devrait jamais avoir lieu et les avocats devraient boycotter ce théâtre mortifère et crier au scandale partout et jusqu’au dénouement. Ils et elles ne le feront pas parce que cela les arrange de mener les choses comme ils les mènent.

L’accusation commence les hostilités et pendant dix minutes Clair Dobbin dialogue avec la juge d’une voix ferme. Son débit est rapide et toute mon attention est tendue pour la comprendre et prendre des notes. Dobbin rappelle que la cour a décidé le 19 décembre de donner à l’accusation jusqu’au 10 janvier pour présenter leurs « preuves » et de tenir le « full extradition hearing » en février et mars sur 4 semaines. Elle estime que l’accusation a répondu à ces exigences. J’entends la représentante britannique de l’accusation états-unienne citer plusieurs fois « the United States », souligner que « the USA » ont répondu, puis je suis inquiète lorsque je comprends qu’elle répète que des experts médicaux américains devraient examiner Julian Assange. Pas question pour nous de laisser passer cela. Julian Assange est déjà vu par ces gens comme un gibier pris au piège, cela fait 5 mois que je les observe. On voit à l’œil nu que son état se dégrade dans les prisons anglaises, mais ce n’est pas à ses pires ennemis de décider si oui ou non il a été torturé – c’est à l’administration britannique de prendre ses responsabilités et à l’ONU de veiller à ce qu’il soit soigné dans un pays vraiment neutre et éloigné de l’influence de Washington. En Occident, ces pays ne sont pas légion, la France est un de ces rare pays à ne pas avoir de base américaine sur son sol et nous disposons du tissu associatif et médical pour veiller à la neutralité de cette expertise.

Pour l’heure Julian Assange demeure impassible, étrangement immobile alors qu’on parle de sa vie. Je suis certaine qu’il n’entend rien. Si on pouvait prouver cela, la procédure devrait être annulée pour vice de forme. D’ailleurs, je m’interroge sur une autre étrangeté : Clair Dobbin parle des « Etats Unis » mais seul une instance juridique a le droit de faire une requête en extradition auprès du gouvernement britannique sur la base du « Extradition act » de 2003. Cette instance n’est jamais citée et pis, l’acte d’accusation n’a jamais été lu formellement. Le sera-t-il enfin le 24 février au moment de la procédure finale ? Un procès sans acte d’accusation me semble vraiment étrange. Si on ajoute les vices de procédures qui sont légion, l’impression d’assister à quelque chose de faussé se renforce. D’ailleurs, le Grand Jury qui aurait décidé en secret de poursuivre Julian Assange pour espionnage est une structure plutôt politique que judiciaire purement états-unienne et qui n’a pas d’équivalent, dans aucun autre pays. Le traité d’extradition bilatérale reconnait-il cette institution comme instance juridique dont les décisions devraient obligatoirement être appliquées par les tribunaux britanniques ? Je ne le crois pas. En diplomatie rien n’est automatique, tout est régit par la règle de la réciprocité. Si le Grand Jury n’a pas d’équivalent en Grande Bretagne, il appartient au procureur britannique de formuler cet acte d’accusation à l’encontre de quelqu’un qui est ni citoyen états-unien, ni britannique et qui n’est pas protégé par le droit consulaire de son propre pays. Si Julian Assange était Polonais, Tunisien ou Grec, le consul de son pays aurait bien été obligé de lui rendre visite en prison et d’être présent, dans cette salle, avec nous. Il n’y a pas de consul australien en Grande Bretagne et cette situation jette une lumière crue sur le statut colonial de l’Australie vis-à-vis de la Grande Bretagne.

Justement, Clair Dobbin et la juge Baraitser se lancent dans un long dialogue sur le calendrier de l’extradition. Je les entends parler du procureur Lewis occupé à des affaires en Irlande du Nord et non disponible en février. Pour nous, défenseurs de Julian Assange, les occupations du procureur nous sont bien égales, je me demande même pourquoi une Cour y consacre autant de temps comme si on se trouvait dans un secrétariat et qu’on discutait planning entre assistantes de direction. Je comprends néanmoins que Dobbin propose de diviser les programmes de la « mise à mort » en deux et derechef Baraitser acquiesce comme si c’était plié d’avance. Cap sur le 18 mai ou tout se jouera après une semaine de mise en bouche du 24 au 29 février. Je suis très inquiète, je scrute la réaction des avocats de Julian Assange mais un homme s’approche de la secrétaire du greffe et cache les protagonistes Je peux juste constater que Julian Assange est comme endormi sur le siège du box, son corps penche légèrement vers le côté droit. La semaine dernière sa jambe droite avait lâché alors qu’il marchait. Et s’il avait été victime d’un léger AVC ? Cela expliquerait aussi ses difficultés d’élocution. Hrafnsson et Rhees regardent fixement Fitzgerald, mais ne réagissent par aucun geste à cette surprenante modification des événements. Sont-ils déjà au courant ?

Edward Fitzgerald a enfin la parole, il se lève et au lieu de commencer une forte diatribe en défense de son client, il affirme qu’il soutient l’accusation dans la proposition d’effectuer de « diviser les audiences » ! Il parait même tout à fait en harmonie avec Clair Dobbin, il la regarde en toute connivence, elle est debout elle aussi, et ils se regardent à un mètre de distance en toute entente. Pourquoi pas. Après tout dans la vraie vie ils sont collègues, avocats dans le même milieu, travaillent ensemble sur certains dossiers, en concurrence sur d’autres. Il serait naturel qu’ils se fréquentent en privé, mangent ensemble ou plus. Voilà pourquoi d’habitude dans les procès politiques les victimes luttent pour que les affaires soient dépaysées dans des tribunaux d’autres villes pour éviter les collusions d’intérêts liées à la proximité inévitable de la vie locale. Edward Fitzgerald fait tout de même un minimum son job en demandant « more time for evidence », plus de temps pour présenter les preuves. Les preuves, ce sont les témoins qui doivent comparaitre. Il parle d’un nombre « significatif » de témoins, il cite des témoins désignés par des numéros, témoins 4, 6, 12, sans leur nom ni leur initiales. Le douzième témoin est clé car lié à la « spanish procedure ». Baraitser parait s’intéresser aussi à ce procès en Espagne et accepter l’importance de tous les témoins issus de cette procédure. Pourquoi ? La seule fuite des vidéos de surveillance ne peut mécaniquement entraver la procédure d’extradition. D’ailleurs ne nous savons toujours pas qui est le plaignant et si Julian Assange y est témoin ou victime et qui a été désigné, et surtout par qui, en tant que suspect.

D’un point de vue oratoire M. Fitzgerald n’est pas très bon : il bafouille, bégaye, a du mal à finir ses phrases. Parfois son intervention prend des accents surréalistes quand il dit attendre les « instructions » de Julian Assange alors que Julian Assange ne le regarde pas et peine à rester droit sur son siège sans tomber. Je me demande comment il pourrait être en état de donner des instructions s’il n’est pas en état de santé suffisant pour assister à son procès. Je m’irrite quand M. Fitzgerald élude la question de la santé de Julian Assange par un « we are not in the position to face the medical background of Julian Assange ». Cette attitude me révolte alors qu’il a entre les mains la vie de Julian Assange pour lequel il peut exiger un rapport médical indépendant et une libération pour raison de santé.

Au contraire, Edward Fitzgerald, sous l’œil attentif de Gareth Peirce, rentre dans le calendrier de l’extradition, discute avec la juge des dates limite de dépôt des preuves, affirme que certains témoins sont « not available » et que les « spanish witness » , témoins espagnols, sont les plus importants. La juge commente les détails, demande la disponibilité des témoins numéros 10, 11 et 12. L’avocat dit qu’il y a un volume important de documents à lire et qu’il faudrait une semaine de plus en mars. On est de nouveau dans l’ambiance « secrétariat de direction » alors que Julian Assange s’affaisse de plus en plus sur sa chaise. Fitzgerald promet de soumettre la liste des témoins au 1 février et de s’assurer, il en a l’espoir, qu’ils vont tous venir témoigner. Dans un bégaiement, il souligne qu’il lui faut du temps pour « prendre les instructions auprès de M. Assange », expliquer les publications et donner du temps au témoins pour consulter leur disponibilité. Il demande trois ou quatre semaines de procès et une journée par personne pour permettre à chaque témoin de résumer sa position. D’un point de vue formel, il est toujours agaçant d’entendre des expressions négatives dans le discours d’avocats qui devraient être rompus aux joutes politiques. A présent, j’ai du mal à supporter d’entendre parler de « extreme complexity », ou de « great difficulties » ou encore « not easy process ». Mais Kristinn Hrafnsson parait satisfait de la tournure des événements. Julian Assange semble par contre de moins en moins concerné, il regarde vers le bas, ne voit donc pas la Cour, ne réagit à rien, et surtout il ne touche pas au dossier qui est censé représenter sa défense et qui git sur le siège à côté. Je distingue à force d’efforts l’extrême tristesse qui se lit sur son visage.

M. Fitzgerald pourtant assure vouloir « impliquer Mr Assange à chaque stade de la procédure » quel que soit son « medical background ». (J’ai du mal à comprendre cette dernière expression. Soit l’accusé est capable de participer à son procès, soit non. Si non, le procès doit être ajourné et la personne soignée, je ne vois pas de troisième voie juridiquement parlant.). Lorsque Fitzgerald commence à dire que les « USA doivent répondre aux témoins » et évoque enfin l’examen de la validité de la procédure d’extradition selon le traité de 2003, Clair Dobbin reprend la parole et le contre facilement en exigeant de raccourcir les délais. Alors la juge résume ce sur quoi ils sont d’accord (les dates de février et celles de mai) et liste les non accords. Et elle ordonne une suspension de séance.

« Messieurs et Mesdames les avocats, s’il vous plait…. »

Nous gardons les yeux rivés sur Julian Assange qui est presque étendu sur le siège du box. Mais les agents de sécurité nous virent de la salle assez brusquement. Il est 11h, ils annoncent que l’audience doit reprendre à 11h15 puis à 11h30. C’est dur. Nous devons ramasser nos sacs et sortir pour de nouveau rester plantés devant la porte à affronter Greekemmy qui ne perd pas une occasion pour nous pousser dehors. Naomi Colvin est même tellement sûre de son statut qu’elle tentera de rentrer avec les avocats avant d’en être empêchée in extremis par un agent. Je crois que ce cinéma est fait pour qu’on n’assiste pas à la négociation et à l’entente entre avocats, accusation et juge. C’est aussi simple que cela.

Je suis très fatiguée et excédée lorsque nous avons le droit de revenir dans la salle. Les agents de sécurité se font plus rudes et nous obligent à nous asseoir au fond du box alors que de là nous ne voyons plus Julian sur l’écran de droite. Dobbin attaque immédiatement posant les dates du 14, du 20 février et du 27 mars avec 3 semaines de procédure d’accusation et de réponse de la défense. Fitzgerald est d’accord. Il répète l’importance des « spanish issues ». Comme les avocats ne nous informent de rien, il va falloir faire notre enquête nous-même en Espagne. La juge acquiesce. Pendant ce temps, le pauvre Julian Assange reste apathique, les main affalées sur les genoux, il a un rictus de souffrance sur le visage – à force d’efforts de concentration, je finis par mieux distinguer ses traits. Joseph Farell, assis parmi les journalistes, sort de sa poche une petite lunette et scrute son ancien chef de projet froidement. La magistrate Baraitser est satisfaite. Elle se tourne vers l’écran et à haute voix nous informe du programme : 19 février, dernier « case management hearing», avec vidéolink qui servira aussi à prolonger la détention, puis le « full extradition hearing » à Woolwich dans la semaine du 24 février, éventuellement jusqu’au 2 mars, puis trois semaines à partir du 18 mai. Mais elle a oublié de s’assurer que l’accusé a bien compris ce qui lui arrive et elle sort. L’audience est finie. Je ne tiens pas et je me charge de rappeler au moins aux avocats ce vice de procédure qui aurait dû leur permettre de faire annuler toute l’audience. Je lance en Français vers la salle « Messieurs, Mesdames pouvez-vous demander à Julian Assange s’il a bien compris ce qui va lui arriver » ? Un bruit étouffé réagit à mon intervention que j’ai clamé d’une voix forte, ras le bol d’assister passivement à la mise à mort de l’agneau sacrificiel. Il y des limites à tout. Des militants et le psychiatre me demande de répéter en Anglais. Mais Rosie Sylvester me saisit le bras et me menace d’être interdite d’entrée dans la cour. Je m’excuse auprès d’elle, car elle fait tant d’effort pour que cette étrange endroit respecte quelques règles élémentaires.

Mais je crois que c’est trop d’émotions pour moi. Nous sortons et retrouvons les amis qui n’ont pas pu entrer. Certains réussissent à parler à M. Fitzgerald et Madame Peirce. Fitzgerald leur assure que Julian va très bien et qu’il le voit tous les jours quand il veut. C’est totalement contradictoire avec ce que Gareth Peirce a répété sur tous les tons depuis octobre devant nous, qu’il est quasiment impossible pour elle d’effectuer les « legal visit » à Julian Assange. Quant à sa santé, tout le monde le voit maintenant. La docteure De Zulueta a été très émue par la souffrance visible de Julian Assange et nous a exprimé son émotion lors de la pause forcée. Alors, lequel des avocats ment dans cette affaire ?

L’argent

Gareth Peirce a assuré à notre ami J. travailler gratuitement, « pro bono ». Or, dès l’audience finie, Joseph Farell appelle devant les caméras à donner de l’argent sur le site de la fondation Courage, argent destiné à assurer la défense de Julian Assange. Courage est un projet de la Fondation Wau Holland et c’est à cette structure allemande que les citoyens sont invités à verser de l’argent pour payer les avocats de Julian Assange via le site https://wauland.de/en/projects/moral-courage/. Cependant, pour les dons non défiscalisés, il est conseillé par les gérants du projet Courage d’envoyer son argent par transfert à une banque de New York, l’adresse du récipiendaires étant Courage Foundation, 201 Varick St., P.O. Box #766, New York, NY 10014, USA[1]. Pour nous, il pose problème que des personnes de bonne volonté soient appelées à envoyer leur argent aux Etats Unis dans un pays qui poursuit Julian Assange juridiquement et de fait le persécute. Comment se fait-il que les collaborateurs du projet Wikileaks qui sont les fondateurs de la fondation Courage, Sarah Harrison par exemple, n’aient pas vu la contradiction et le danger qui nous saute aux yeux immédiatement ? Installer le siège de la fondation Courage, censée défendre Julian Assange, aux Etats Unis, pays le plus hostile à Julian Assange, c’est de fait mettre en danger les citoyens soutenant Julian Assange et tous les opposants aux politiques guerrières états uniennes car cela permettra à l’Etat américain de ficher les coordonnées de ces opposants, notamment européens, par le biais du contrôle de leur dons financiers.

Cela nous alerte d’autant plus que le 201 Varick Street est un immeuble appartenant entièrement à l’Etat fédéral américain[2]. S’y trouve le Bureau des Mesures Technologiques dépendant du Homeland Security Department – c’est-à-dire du ministère de l’intérieur américain – et la Cour du Bureau de l’Immigration dépendant du ministère de la justice. Ce tribunal fédéral américain valide aussi les expulsions et gère toutes les lois touchant le séjour des étrangers aux Etats Unis. Comme Julian Assange est en instance d’extradition vers les USA, l’impression est forte que la fondation Courage est installée dans la proverbiale gueule du loup. Je me rappelle aussi du concert étrange organisé par la fondation Courage, le 5 novembre 2019, devant le Home Office, le ministère de l’Intérieur britannique. Que la fondation Courage, pilotée par la Wau Holland Stiftung allemande, loue des bureaux dans ce genre d’endroit et de plus organise des concert devant la « gueule du loup » britannique est pour le moins surprenant et inquiétant.

201 Varick Street à New York, bâtiment du Homeland Security Office et siège de la Courage Corp; entreprise qui récolte l’argent des dons pour payer les avocats de Julian Assange

D’ailleurs, pour les autres lanceurs d’alerte comme Jéremy Hammond, le site https://freejeremy.net/donate sur lequel on rentre par le lien « Donate » du site de la fondation Courage renvoie le donateur à la société Derek Rothera & Company, Chartered Accountants, Units 15 & 16, 7 Wenlock Road, à Londres[3]. Problème, ce gestionnaire de comptes nous a assuré ne plus s’occuper de la fondation Courage depuis 2016. Selon Derek Rothera Compagny, la fondation a rapatrié ses comptes à New York et les gère de là-bas. Il me semble que pour la confiance des donateurs un audit public de la fondation Courage est nécessaire et la publication légale de ses bilans financiers indispensable.

Derek Rothera qui récoltait l’argent jusqu’à 2016 pour le compte de la Courage Corp
Selon l’employée de Derek Rothera, la Courage Corp a des bureaux à New York et encaisse la bas l’argent des dons pour payer les avocats d’Assange
Le vrai boss de Wikileaks et de Julian Assange , Bernd Fix , le président de la Wau Holland Stiftung, ici avec Kristin Hrafnsson et Julian Assange me 24 octobre 2011

Je ne suis pas hostile à ce qu’un bon avocat soit rétribué notamment pour avoir l’assurance qu’il ou elle est en capacité de se consacrer pleinement à sa tâche. Je suis tout à fait d’accord à ce que des dons soient versées par les citoyens à Julian Assange pour l’aider à rétribuer un avocat efficace. Mais Julian Assange n’est pas président ni même administrateur de la fondation Courage et emprisonné, il n’est pas en capacité de décider de quoi que ce soit en la matière. Les personnes qui gèrent la fondation Courage et récupèrent les dons des citoyens doivent accepter un contrôle citoyen sur l’utilisation de ces dons. Ceci est d’autant plus urgent qu’en Europe, les lois sont claires : ne peuvent être récoltés auprès des citoyens européens que des dons versés à une organisation ayant un siège officiel dans un pays européen et dument enregistrée selon les lois de ce pays. Le lieu d’enregistrement de ce type d’organisation peut varier (Préfecture pour la France, tribunal pour la Pologne, registre des organisations de charité pour la Grande Bretagne) mais partout les obligations légales sont les mêmes : publication des bilans d’activité et des bilans financiers chaque année afin que le montants des dons et leur utilisation soit publics. Il n’est pas normal que la fondation Courage récoltant des dons pour la défense de Julian Assange échappe aux obligations des lois européennes de transparence et de ce fait, au contrôle citoyen. Nous appelons les  dirigeants légaux de la fondation Courage à prendre leurs responsabilités à rapatrier le siège de la fondation en Europe et à publier les bilans financiers de l’institution. Il y va de la crédibilité de leur action.

Il y va de la vie de Julian Assange !


[1]            

https://www.couragefound.org/donate/

https://defend.wikileaks.org/donate/

[2]           https://en.wikipedia.org/wiki/Varick_Street

https://www.gsa.gov/historic-buildings/federal-building-new-york-ny

https://en.wikipedia.org/wiki/Environmental_Measurements_Laboratory

https://www.justice.gov/eoir/new-york-varick-immigration-court

https://www.justice.gov/eoir/page/file/eoir_an_agency_guide/download

[3]           https://www.couragefound.org/donate/

https://freejeremy.net/donate

Hearing 13.01.2020 – Face to face with Julian Assange – Véronique Pidancet-Barrière

Wikijustice Julian Assange

https://www.linkedin.com/pulse/hearing-13012020-face-julian-assange-pidancet-barrière-véronique/

https://vk.com/@430817373-13012020-hearing-face-to-face-with-julian-assange