J’ai repris le chemin outre- Manche pour assister
au « Final administrative hearing » de Julian Assange à la
Westminster Magistrate Court jeudi 13 août, le lendemain de l’annonce du
lancement de « Sputnik 5 », le vaccin « anti-coronavirus »
de la Russie, pleine d’espoir que ce pas puisse sortir les peuples de la
terrible crise dans laquelle nous sommes enfoncés depuis 5 mois. Mon billet
était prêt depuis plusieurs semaine et je gardais espoir que nous pouvions
gagner cette lutte, celle pour SA liberté et pour la NOTRE, puisque la crise
est une guerre permanente, une guerre de dirigeants contre leur peuple et une
guerre « ouest contre est » puisque l’Etat militaire américain et
ses sbires baltes et polonais attaquent ouvertement la Biélorussie en envoyant
des militants fascistes y fomenter des émeutes. Lors du voyage je suis restée
mobilisée, diffusant sur les réseaux sociaux la vérité sur les prétendus
« journalistes polonais arrêtés par Loukachenko » que soutient la
Fédération Européenne des Journalistes, alors qu’ils sont en réalité deux
dangereux militants néonazis.
Hopital St Marys à côté du Frontline Club
Je n’ai appris la nouvelle de la quarantaine
imposée aux Français par la Grande Bretagne ne que le soir de mon arrivée à
Londres. Cette nouvelle m’a surprise : jusqu’à présent le gouvernement de
Boris Johnson participait au storytelling planétaire sur le coronavirus, mais
dans la réalité il ne terrorise pas les Britanniques comme la mafia macroniste
le fait sur le peuple français. En effet, j’avais préparé à l’avance
l’attestation en théorie indispensable à l’entrée sur le territoire
britannique, avec adresse de résidence et coordonnées de tierce personne pour
la contacter au cas j’aurais filé le coronavirus à quelqu’un et que je refusais
de répondre à mon propre téléphone… Et là, à Calais, la police aux frontières
anglaise ne demande pas l’attestation ! Le chauffeur de bus m’a confirmé
que depuis 10 jours de trajet quotidien cette attestation
« covidienne » n’a jamais été exigée. Il était très aimable avec nous
et s’est mis en quatre pour nous faire ouvrir les toilettes aux haltes et
distribuer des bouteilles d’eau dans le train de l’Eurotunnel. En effet, le
coronavirus a servi de bon prétexte pour fermer les toilettes et la
climatisation dans les transports, ce qui à 45 degrés dehors génère stress et
malaise.
A Londres, le temps est superbe et frais. Le
quartier Paddington proche de la Westminster Court s’anime doucement depuis que
les hôtels ont presque tous réouvert depuis le 1 août et que les touristes,
tout d’abord anglophones, reviennent. Business oblige, les gérants sont tous
très aimables et les prix très abordables. Les masques sont presque inexistants
et à en me promenant sous les grands arbres du quartier je me sens libérée de
l’intense psychose collective dans laquelle nous sommes si plongés en France
que nous ne nous en rendons plus compte. Ce n’est qu’au restaurant que le
corona se rappelle à mon souvenir sous forme de grand registre tenu par la
serveuse ou il faut inscrire son nom et son téléphone – mais les Britanniques
ont une confiance plus grande dans leur gouvernement que nous dans le nôtre et
ils n’ont pas peur d’être retrouvés par les autorités, accusés d’avoir
« infecté » quelqu’un ni exterminés dans un hôpital. De même dans un
autre pub, un parcours fléché imposé au consommateur afin qu’il ne se mélange
pas avec les autres me rappelle aussi que l’absurdité existe aussi de ce côté-ci
de la Manche.
L’annonce de la quarantaine m’irrite car elle met
en danger notre faculté de venir au procès de Julian Assange le 7 septembre. La
mesure est clairement une pression visant l’économie française, les touristes
anglais rapportant un argent non négligeable à l’économie de nombreuses
régions. Comme tout dans cette crise ou les décideurs se soucient comme d’une
guigne de la santé humaine, toutes les décisions prise au nom du sanitaire ont
de vraies raisons politiques. En d’autres termes, Poutine ayant appelé Macron
immédiatement le jour même pour lui proposer son vaccin et l’inciter à mettre fin
à l’hystérie covidienne, les Anglais font-ils une pression sur la France dans
ces négociations dont les peuples sont exclus, alors même que se pose leur
place dans le monde occidentale depuis qu’ils se sont débarrassés de la tutelle
de la Commission Européenne ? Je garde espoir que ces négociations
aboutissent à un compromis et que la frontière puisse nous être ouverte à
nouveau d’ici le 7 septembre.
J’arrive devant la Westminster Court tôt le matin
et je suis donc la première devant la porte. Peu après arrive une militante
australienne avec une grande banderole de soutien à Julian Assange. Nous
discutons longuement de la terreur sanitaire entretenue dans nos pays par des
gouvernements plus soucieux d’habitude de privatiser les systèmes de santé que
de soigner les malades. Elle me raconte les dernières trouvailles liberticides
d’un Occident en pleine tentation fasciste : la loi néo-zélandaise
permettant l’enfermement dans des camps spéciaux des « infectés » par
le coronavirus, la loi australienne permettant à la police de Melbourne de
rentrer sans ordre de justice dans les maisons pour des inspections
« sanitaires » et surtout la loi anglaise prévoyant de retirer
immédiatement aux parents les enfants qui, dument testés, auraient de la fièvre
à l’école ! Elle est d’autant plus horrifiée en tant que militante
écologiste que c’est le gouvernement de gauche de l’Etat de Victoria qui impose
avec fierté des mesures tyranniques contre les citoyens terrifiés. Mais elle
m’assure aussi qu’une certaine révolte se lève dans cette société britannique
très atomisée et que la manifestation contre le masque obligatoire avait fini
par rejoindre les militants qui avait le jour même organisé une action de
soutien à Julian Assange devant le 10 Downing Street.
Vers 7 heures arrive une militante française que
je connais, puis une militante allemande avec laquelle j’ai sympathisé. Nous
discutons de la situation en France et en Europe, et notamment de la porte de
sortie de crise que constitue la manoeuvre du vaccin russe. La queue se forme
vers 8 heures avec une dizaine de militants habituels, nous nous connaissons
tous. Depuis que la velléités de certaines de faire des listes et de décider
qui rentre et qui ne rentre pas s’est estompée, l’ambiance est bien plus
sympathique et cordiale. Parmi les personnalités publiques j’aperçois alors
Fidel Narvaez mais personne d’autre. Cependant, les rumeurs courent que le
« social distancing » a été durci pour ne laisser que 5 places au
public. La lutte va encore avoir lieu, cette fois ci avec la Cour… On rentre à
9 heures, le bâtiment est entièrement désert hormis les agents de sécurité. Une
cour fantôme. On ne sait si c’est à cause de la corona-crise, puisque le
gouvernement britannique avait déjà auparavant tendance à pousser la justice à
ne plus exister autrement que par video et téléphone, ou est-ce parce qu’en
réalité, à part l’extradition de Julian Assange et des Européens de l’est, ce
tribunal ne gère en que de petits délits de consommation de cannabis ou de
conflits de voisinage. Ce bâtiment construit en 2011 est donc vide en permanence
et n’aurait donc jamais réellement servi à la justice.
Les audiences des extradés est européens ont elle
lieu « on line » comme l’annonçait l’affichette sur la porte le 27
juillet ? Cette annonce a disparu, dans la queue, les avocats des autres cas
sont peu nombreux. Le secrétariat du tribunal semble fermé et comme le 27
juillet il n’y aura plus aucune liste de nom affiché sur les porte des salles.
Cependant dans le hall d’entrée plusieurs listes de jugés sont présentes. Le
nom de Julian Assange figure sur une petite feuille épinglée sur la liste des
cas jugés en salle 3. En face de son nom un horaire : 15h30. Aïe, s’il
faut attendre aussi longtemps, la perspective ne me réjouit guère. Mais comme
on sait que rien n’est fait ici selon les règles, il faut rester. A trois
militantes nous nous précipitons au guichet du secrétariat ou une seule
employée a enlevé son masque encombrant derrière son mur de verre : elle
nous dit de rester, il y aura des changements. Nous nous plaçons devant la
porte en file indienne et discutons.
De l’eau s’écoule d’un éclairage de néon au
plafond. Les agents de sécurité ont installé une rubalise et tentent de
maitriser la fuite au beau milieu de la salle d’attente. Ils font appel à deux
travailleur/es du nettoyage, est-européens, qui doivent éponger l’eau avec un
chiffon au bout d’une longue perche, sans aucun équipement de sécurité alors
qu’ils peuvent s’électrocuter… Tiens, je remarque qu’un des agents de sécurité
que nous connaissons porte un badge bleu au lieu des insignes oranges de Mitie.
Il confirme : oui, Mitie a bien perdu le marché du tribunal, lui a
eu la chance d’être repris par la nouvelle boite, OSE, et il est bien content
de garder un job proche de son domicile. Il est vrai que Mitie avait commis
quelques abus ici devant nous et contre nous et peut être même contre Julian
Assange que nous avons pu voir terrorisé alors qu’ils étaient chargés de sa
garde. Nous attendons encore jusqu’à 10 heures. Petit à petit la situation se
clarifie : les Européens de l’est se regroupent devant la salle 1 et la
salle 3 sera entièrement consacré à Julian Assange. Florence Iveson, la
nouvelle avocate ayant remplacé Hamilton Fitzgerald, s’active avec Alistar Lyon
et la collaboratrice de Gareth Peirce entre les consultation room, le secrétariat
et la salle d’audience toujours fermée.
A 10 heures passée l’audience n’a toujours pas
commencé, et une certaine nervosité s’installe. Les journalistes arrivés pour
Julian, Juan Passerelli, Mohamed El Maazi, une femme et deux hommes que je ne connais
pas sont assis sur les fauteuils de la salle d’attente confiants qu’ils vont
pouvoir rentrer. Ce n’est pas notre cas, nous sommes inquiets de devoir rester
debout toute la journée ici. Peu après la greffière, une femme que j’ai vu
plusieurs fois toujours plongée dans son ordinateur, sort de la salle
d’audience affichant un visage profondément ennuyé de quelqu’un qu’on charge
d’une besogne qui n’est pas la sienne. Me trouvant toute proche j’entends
Florence Iveson demander un délai parce que Belmarsh ne répond pas aux
sollicitations des avocats. La greffière finit par répondre qu’ils
pourront peut-être lui parler dans la salle une fois la connexion video
établie. Mais les avocats doivent se débrouiller pour faire comparaitre leurs
clients et la cour ne fait aucun effort pour faire ce qui est quand même son
travail… Encore un indice exaspérant que tous ces dysfonctionnements montrent
un monde de faux semblants. Finalement à 10h30 nous sommes toujours debout
devant la porte, alors que Iveson et les deux collaborateurs de Peirce et
Birnberg s’enferment dans la salle.
Vanessa Baraitser la femme qui est censée juger Assange , ici dans la salle 3 du batiment appartenant à a multinationales Prudentdial qui loue ses locaux à la Westminster Magristrate Court
C’est alors qu’entrent dans la salle d’attente
John Shipton et Stella Morris. John Shipton nous salue aimablement puis échange
avec les journalistes. Il est question de qui va lui céder sa précieuse place,
je ne peux le faire vu les efforts que je fais pour être ici. Mais j’ai le
pressentiment que comme dans la Woolwich Court, cela ne sera pas nécessaire.
Néanmoins lorsque la greffière sort à 10h45 et annonce qu’à cause du
« social distancing » seuls les journalistes pourront entrer et
personne d’autre, l’émotion est vive. Quelqu’un dit quand même que nous sommes ici
depuis 6 heures du matin. Elle fait entrer les journalistes qui sont cinq en
tout. C’est alors que John Shipton s’avance vers elle, Stella Morris derrière
lui. Il dit « je suis le père de Julian Assange et elle sa
partenaire » (« partner »). Et moi, qui suis toujours en tête de
la file, je dis « et moi je représente une association des droits de
l’hommes ». La femme me regarde avec hostilité et crie « Je ne
parle pas avec vous » ! Je suis interloquée car je n’ai rien dit
d’agressif. On aurait pu annoncer que nous sommes la « famille
française » de Julian Assange, celle dont John Shipton a parlé le 18 avril
2020, mais ce n’est pas dans notre style de mentir. Quoi de plus naturel dans
un pays démocratique que la présence d’une association de défense des droits de
l’homme pour contrôler le respect des droits ! Nous n’avons pas besoin de
nous justifier d’être là !
Je suis à coté de John Shipton
Alors la greffière me somme de reculer pour
respecter le « social distancing ». Je le fais avec peine car la file
me pousse dans le dos et les militants sont aussi excédés que moi. Je lui fais
remarquer qu’au moins je porte un masque, un
ustensile qui me donne visiblement plus de légitimité aujourd’hui que
l’évocation des Droits de l’Homme… La greffière remarque « je dois gérer
cette situation » qui objectivement n’est pas facile. On attend silencieusement.
Finalement, elle fait entrer John Shipton et Stella Morris. Je peux entrer à
mon tour et je pousse vite la porte du box du public sans me retourner. Trois
autres militantes pourront entrer, une Française, une Allemande et une
Britannique – l’Europe (occidentale) est au complet pour au moins
symboliquement soutenir Julian Assange. Je suis assise sur le dernier fauteuil
du premier rang. Deux fauteuils étant condamnés sur 3, John Shipton est à ma
droite, Stella Morris au fond de la rangée, les autres militantes derrière. Je
me retrouve en bonne position pour voir Julian Assange sur les deux écrans
videos de part et d’autre de la salle et je suis assise pile dans l’axe en face
de Vanessa Baraister.
Julian Assange en video
Baraitser est déjà là et nous regarde fixement. Et
surtout, Julian Assange est là aussi dans la vidéo. Il est assis dans ce
box aux murs bleu foncé sur des sièges rouges ressemblant à une salle
d’attente. La pièce est différente de celle du 27 juillet et différemment
filmée. Alors que le 27 juillet la caméra le filmait de près en face en le
coupant au niveau de la taille, ici elle est située en haut d’un mur ce qui
fait penser à une caméra de surveillance, et on peut le voir en entier. Le
décor est celui des mises en scène de décembre et janvier dernier. Une porte à
droite, une petite fenêtre donnant sur le couloir et un écriteau indéchiffrable
au-dessus de sa tête. Julian Assange est assis les mains jointes sur ses
genoux, la jambe droite croisée sur sa jambe gauche. Il porte le même pull
beige et la même chemise blanche que la dernière fois, un pantalon gris un peu
trop court et des chaussettes blanches. Il a les cheveux courts et pas de
barbe, ou une barbe très courte, pas de lunettes et un air triste et résigné
que j’ai vu surtout en novembre et décembre dernier. Comme alors il a l’air mal
en point, prostré. Il ne bouge pas et ne change pas de position pendant une
heure et quart. Parfois il penche vers le côté comme victime d’un malaise et garde
les yeux baissés. Il ne participe pas au show, soit parce qu’il va mal, soit
parce qu’il refuse d’y apporter sa caution. Il tousse fréquemment d’une toux
sèche, qui ressemble à de l’asthme, et porte alors ses mains à son visage. Je
suis préoccupée et chagrinée de le voir ainsi.
Il a l’air d’avoir froid avec ce pull, alors que
les gardiens sont tous en chemise blanche manches courtes et pantalons noirs.
Et des gardiens il y en a ! Ca pullule brusquement sur la vidéo de la
prison, même si ces uniformes rappellent plutôt ceux des agents de sécurité
privé et pas les uniformes noirs déjà vus dans de pareilles circonstances.
D’abord ce sont deux hommes, un Blanc et un Noir, qui regardent Assange en se
tenant dans l’embrasure de la porte. Puis il y a des femmes qui se joignent à
eux. Ca défile dans le couloir, le brouhaha est audible jusqu’ici. Julian
Assange reste impassible mais la pression exercée sur lui est visible. Le 27
juillet le personnel de « Belmarsh » était habillé comme des
infirmières de blouses bleus et vertes . Visiblement Julian Assange a
encore changé d’endroit, mais nous ne savons toujours pas ou il se trouve exactement.
Nous ne savons toujours pas s’il reçoit nos courriers et si non pourquoi et pourquoi
il ne peut y répondre…
Dans la salle le chaos flotte dans l’air. Vanessa
Baraitser est le nez dans un dossier, silencieuse. L’avocate Florence Iveson
entre et sort, on ne sait pourquoi. Julian Assange est absent, prostré. Le
bruit s’amplifie : les gardiens parlent, et chaque fois que quelqu’un
entre ou quitte la fameuse conférence téléphonique on entend une voix métallique
« left the conference ». Cela ne fait VRAIMENT pas sérieux. Vraiment
« Kindergarten » comme je le confie à ma collègue allemande. Comme
une école maternelle, alors que la vie d’un homme emprisonné est en jeu. On se
pince pour y croire. A un moment donné Baraitser lève la tête, demande
« Officer, Wandsworth », puis se rattrape « Belmarsh », et
lui demande de faire moins de bruit car on n’entend rien dans notre
salle ! Un gardien arrive et s’assied en face de Julian, on le voit
distinctement traverser le box puis disparaitre de notre champ de vision.
Surveillance permanente, comment Assange pourrait librement s’exprimer devant
la cour avec de telles pression exercées sur lui !
D’ailleurs, à 10h55 Julian Assange tousse,
puis dodeline de la tête et se mord les joues, parait très vieilli. Baraister se
décide alors d’ouvrir le procès et lui demande de présenter son nom
« formally identify ». J’entend bien sa voix à travers le
haut-parleur. Elle est hésitante, bute sur chaque syllabe, chaque mot est
entrecoupé d’un silence, comme en décembre 2019 quand il était au plus mal.
Est-il soumis à des pressions psychologiques, de la torture physique, des
médicaments ? Sa date de naissance, «3 July 71 » il la prononce comme
s’il n’y croyait pas non plus à cette identité aussi incertaine que sa voix
l’est ici. Le chaos continue : Baraitser donne la parole à Claire
Dobbin par l’entremise de la « conférence téléphonique ». On entend
le début d’une phrase prononcée par Dobbin, puis plus rien. Baraitser donne
alors la parole à Florence Iveson qui force le ton pour que Dobbin entende à
travers la machine. Pour une fois j’entends correctement ce que dit la défense.
Florence Iveson parait mal à l’aise et au bout de 15 minutes ses joues sont
rouges, elle se retourne fréquemment pour consulter Alistar Lyon assis derrière
elle. Julian Assange tousse de plus en plus, il a les épaules rentrées, parfois
il bouge juste les doigts. Le gardien qui le contrôle bouge aussi et alors on
le voit à l’écran. Baraitser essaye de faire répéter sa phrase à Dobbin puis
jette l’éponge et appelle un technicien pour réparer le matos. Un jeune homme
arrive et nous attendons encore ainsi un quart d’heure sans bouger.
Cet exemple montre clairement que la justice
au téléphone, tout comme la médecine par téléphone, ça ne peut pas marcher.
Il n’y a pas de procureur, comment une audience peut-elle avoir lieu ? Les
conditions n’étant pas réunis pour un procès équitable, dans un pays normal le
juge aurait renvoyé immédiatement tout le monde à la maison et fixé une autre
date obligatoire pour tout le monde sans chercher à concilier des
agendas ! Mais la question se pose déjà depuis un moment pour nous: Vanessa
Baraitser est-elle vraiment juge ?
A 11h15 Claire Dobbin peut enfin parler dans son
téléphone. Elle dit qu’elle ne savait pas que l’audience était fixée à 10
heures. Baraister la sermonne comme une petite fille sur le thème qu’elle avait
effectivement fixé la date le 27 juillet. C’est tellement surréaliste qu’on a
encore plus l’impression d’une répétition théâtrale dans une maternelle avec
des gens qui jouent un rôle. Un certain Smith se trouve derrière Dobbin et
tente de se justifier par les listes annonçant 15h30. J’entends bien Clair
Dobbin car le son est très fort.
Florence Iveson commence son discours par la
nouvelle accusation dont les documents seraient arrivés le jour même. Elle
souligne que la défense n’a pas eu le temps de lire les 43 pages et qu’il est
« astonishing » (surprenant) qu’une nouvelle « request »
(demande) ait été faite car elle élargit considérablement la première. Selon
elle, M. Krombach n’aurait pas envoyé le document à temps et argumente que
l’ampleur du dossier ne permet pas de tenir avec une « approche
pragmatique » la date du 7 septembre pour le procès. Elle plaide aussi en
utilisant la notion de « narrative background » qui ne doit pas être
exclus du dossier. Le nouveau dossier aurait dû être présenté à une
« étape précoce ». Je ne
comprends pas bien ou elle veut en venir, qu’est-ce que le « narrative
background » – (l’historique politique ?) qui ne serait pas mis en évidence ?
Pas davantage je ne comprends pourquoi c’est le procureur Gordon Krombach qui
aurait du transmettre le dossier alors qu’il n’est qu’un des sept
« assistant United State Attorney » figurants en bas du document
d’accusation signé par G. Zachary Terwilliger « Unit States
Attorney » le 24 juin dernier[1].
Il va falloir se pencher sur le fonctionnement compliqué des institutions
américaines et de leurs liens avec le traité d’extradition bilatéral de 2003.
Je suis perplexe par rapport à la date du 21
décembre que j’entends sans comprendre le contexte précis. Ce que je comprends
est qu’elle demande un temps supplémentaire pour traiter ces documents et parce
que cette demande initie une nouvelle procédure (« new conduct »). Il
nous semblerait même qu’une nouvelle accusation devrait donner lieu à une autre
procédure distincte qui devrait être disjointe de celle-là et passer d’abord
par la voix diplomatique avant de devenir officiel. Baraitser lui demande alors
d’illustrer ses paroles sur ce qu’elle veut dire avec « new
conduct ». Je ne comprends pas sa réponse qui est très brève. Julian
Assange est encore plus immobile et prostré. Alors Madame Dobbin a la parole.
Elle cite Krombach et le paragraphe 9 du Grand Jury selon lequel les Etats Unis
continuent leur « criminal investigation » contre M. Assange et que le
procureur poursuit son enquête « criminelle ». Elle répète que
certes, ce n’est pas pour cette accusation « remplaçante » qu’il a
été accusé et « charged » (accusé) cela n’est pas important puisque
de toute façon la procédure sera « élargie ». Selon la procédure M.
Assange est un hacker et c’est cela le vrai « background » de la
demande d’extradition. Pendant qu’elle parle, les gardiens bougent de leur
siège, une femme ouvre la porte du box, il y a du bruit et je n’entends plus
les détails de ce qui est dit. J’ai l’impression que Julian Assange n’entend
rien et ne comprend pas lui non plus.
Florence Iveson répond que selon le paragraphe 9,
l’enquête en cours, les preuves versées ne portent que sur les accusations pour
2010 et pas pour les « accusations de remplacements »
(« superseding charges »). Il s’agit des conversations sur la
messagerie Jabber entre Chelsea Manning et Julian Assange dont l’accusation a
toujours fait grand cas dans ces documents, mais qu’elle n’a jamais, selon moi,
était en mesure de les produire publiquement. Pourtant lors du procès de
février la salle 2 de la Woolwich Court était pourvue d’un gigantesque écran
sur lequel il était possible de montrer les fameux protocoles de la messagerie
Jabber prouvant les conversations Manning-Assange. J’ai assisté aux 4 jours du
procès et je n’ai rien vu de tel. Il faut aussi rappeler pour mémoire que la
messagerie Jabber a été développé par la Fondation allemande Wau Holland,
la même qui de 2009 à 2014 a produit et dirigé le projet 04 « défendre la
liberté d’information » Wikileaks et pour laquelle Assange a été chef de
projet (Projektleiter) en 2011 et 2012, selon les rapports d’activité publics
de la fondation[2].
Jabber était censé être une messagerie cryptée inviolable… Julian Assange a
fait doublement confiance aux Allemands, en tant que directeur de leur projet
« Wikileaks » et en tant qu’usager de leur produit Jabber… et cela
lui a été fatal. Dans la salle, les dirigeants de la Wau Holland, dont
« l’ami » Andy Müller Maguhn brillent par leur absence…
Une fois que Florence Iveson ait répété sa
demande de délai supplémentaire, Baraitser résume sa position comme une prof
face à son élève : l’ancienne demande n’est pas annulée par la nouvelle.
La défense a besoin de plus de temps. Le « narrative background » a
été ignoré et le « case management hearing » (audition de
préparation) ne peut pas décider quelle preuve est recevable. Elle annonce qu’elle
est favorable à ce que la défense ait plus de temps pour travailler ses
arguments.
Je la regarde bien et à ce moment-là il se passe
quelque chose. Je vois le visage de cette femme comme s’éclairer et
s’arrondir. Elle se trouve juste en face de moi, pas très loin finalement.
Elle a l’air rajeunie. Mes yeux sont exactement dans l’axe des siens qui
prennent alors une belle teinte vert clair. Elle continue de parler, puis
baisse les yeux sur son texte. Elle lit clairement son texte, de plus en plus
mécaniquement, comme s’il avait été écrit à l’avance, ou par quelqu’un d’autre,
comme un scénario d’un rôle. Elle lit de plus en plus visiblement. J’ai
en face de moi une femme qui se comporte comme Svietlana Tichanouska, la
femme au foyer intronisée par l’Occident « première opposante » au
président Loukachenko lorsqu’elle a fuit son pays pour la Lithuanie pro
américaine lundi dernier après avoir poussé des militants à commettre des
émeutes. Elle a alors publié une vidéo ou elle lit un texte, si visiblement
qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’elle est otage de ses nouveaux
« amis » américains et qu’elle veut le montrer indirectement[3].
Je me tourne vers ma collègue allemande et je lui lance déconcertée
« cette femme est-elle une actrice » ? (Schauspielerin)
La biographie de Vanessa Baraitser et les
raisons de sa responsabilité dans ce dossier ont été un mystère jusqu’à
présent. Sa carrière de juge semble bien mystérieuse car il n’y a quasiment
aucune information publique sur elle. Son père Michaël Baraitser est un
neurogénéticien sud-africain blanc d’origine juive venu en Grande Bretagne
au début des années 70 et bien établi dans les instituts scientifiques
britanniques[4]. Une
de ses sœurs, Lisa Baraitser a un impressionnant CV de psychologue,
chercheuse et spécialiste de la maternité, du genre, du féminisme et des
théories queer [5]! La
deuxième sœur, Paula Baraitser possède un confortable poste de
chercheuse en sexologie au Kings College de Londres, autre prestigieuse institution[6].
Avec des compétences familiales aussi poussées en psychologie et sexualité
humaine, on se demande comment Vanessa Baraitser ne voit pas que la campagne de
propagande diffamant Assange en tant que violeur s’appuyait sur un vide
complet, ce que je moi et certaines de mes amis féministes nous avons
immédiatement perçus une fois qu’on a lu le dossier suédois publié.
Comment se fait-il qu’originaire d’une telle
famille, versée dans la psychologie et bardée de diplômes prestigieux, Vanessa
Baraitser, en tant que juge de quartier, d’une simple cour de justice
prudhommale, participe à un sketch manipulatoire aussi honteux ? La
question clé serait « qu’est-ce que cela peut-il bien lui
rapporter » ? Par ailleurs, le sérieux de son activité de juge
est mis en question. Nous n’avons en effet pas pu trouver d’autres traces que
quelques affaires de harcèlement, de voyeurisme et d’alcoolisme sur la voie
publique (!)[7] et
dans le chapitre des extraditions, la curieuse affaire française de la fuite de
Alexandre Djouhri[8],
porteur de valise financier de Nicolas Sarkozy en 2012 qu’elle a remis en
liberté en février 2019. Un juge de cour « magistrate » peut avoir
été avocat, mais là non plus pas de trace d’une quelconque activité. De
moi-même je n’ai pas vu Baraitser juger d’autres extradés avant le cas bizarre
d’un Letton membre du KGB le 27 juillet dernier. En septembre et octobre 2019
j’ai vu lors de trois audiences Emma Arbuthnot juger des Polonais enfermés dans
les prison de Wandsworth ou Belmarsh et décider de leur extradition ou non.
J’ai vu d’autres juges juger ces affaires courantes. Vanessa Baraitser,
elle, semble n’avoir comme travail que de s’occuper de l’affaire Assange et
cela est étrange.
A la fin de sa lecture, Baraitser s’adresse à
Iveson : « vous avez besoin de plus de temps. Quand vous serez prête
informez la cour ». L’avocate de Julian Assange semble alors prise
de panique. Elle se tourne, visage rouge, vers Alistar Lyon et sa collègue et
parle « d’instructions » et de « difficultés de
communication ». Il ne lui vient cependant pas à l’esprit de demander à
son client ce qu’il en pense, alors qu’il est juste là en face d’elle, et que
normalement il n’est pas interdit à l’avocat de s’adresser à son client pendant
le procès (je l’ai vérifié avec les avocats des Polonais). Visiblement tout
est fait pour que Julian Assange ne puisse JAMAIS parler de vive voix librement
en présence de personne étrangère au cercle. Baraitser lui vient en aide en
fixant une date, vendredi ou mercredi prochain. Puis elle s’adresse à Julian
Assange « la date du 7 septembre sera effective. Vous n’avez pas été
arrêté pour les nouvelles accusations » (pardi, il est encore présumé
innocent, oui !).
Julian Assange lève la tête.
Alors Baraitser demande à Iveson et Dobbin si
elles sont d’accords. Pour elle, en février c’était un accord général, et
maintenant il y a une nouvelle procédure, nouvelle demande. Tout le monde est
d’accord ? Dobbin et Iveson sont d’accord. On ne demande pas à Assange son
avis. Baraitser a hâte d’en finir. Elle commence un layus sur la « global
pandemic » (notre chère religion covidienne), propose d’un « cloud
video plateform » pour les déposition des témoins et donne la date limite
du 21 août pour la liste des témoins qui viendront personnellement. La
perspective d’un procès en « cloud plateforme » est inquiétante. Il
est 11h40. Julian Assange tousse encore, nous les militants, nous sentons notre
nervosité et notre émotion monter. Baraitser, Dobbin et Mr. Smith discute si le
secrétariat est disponible. Dobbin enchaîne sur « l’expertise
psychologique » (mental expertise, psychological report) demandé par le
procureur Krombach. Iveson est d’accord avec elle, mais pas nous ! En
effet, la longue expérience militante montre qu’un prisonnier politique ne doit
jamais accepter d’expertise psychiatrique pour sauver sa peau, parce que la
crédibilité de son action en sera durablement atteinte et cela va fatalement
lui porter préjudice. A fortiori une telle expertise est inutile dans une
procédure d’extradition ! Finalement, Iveson déclare pouvoir présenter les
«preuves » pour le 24 août. Dobbin la somme aussi de répondre aux
« 25 statements » de M. Krombach. On entre dans des débats de
secrétariat, qui peut qui ne peut pas. Il est question d’un « pre-hearing »
et puis de video-conférence.
Lorsque Baraitser élève la voix, je comprends que
l’audience du 24 août a été annulée. Elle annonce que ce fut aujourd’hui la
dernière audience administrative et que la comparution physique de « M.
Assange » à la Old Bailey le 7 septembre à 10 heures est maintenue.
Elle lui dit qu’il reste en détention et demande s’a compris. On entend alors
une voix lasse et haché : « J’ai entendu certaines de vos
paroles » dit Julian Assange (je me fais confirmer cette phrase par
les vrais anglophones pour être sûre d’avoir compris). En fait, il n’a pas
entendu tout ce qui se passe et n’est peut-être pas en état de comprendre.
Vanessa Baraitser n’en a cure, elle a effectué sa prestation, elle se dépêche
de partir. Toute la salle respecte le cérémonial et se lève. Puis presque tout
le monde dans la salle a le dos tourné et range ses affaires. Mais moi je
m’aperçois que Julian Assange est encore là et je reste, comme toujours,
jusqu’à son départ définitif. Je veux voir sa démarche pour que notre médecin
puisse évaluer son état de santé. Alors que l’assistance ne prête plus vraiment
attention à lui, Julian Assange lève le poing ! Alors je lève le bras
et le poing aussi ! Je le regarde ! Des militants me diront, « mais il ne te
voit pas ». Je réponds « peut-être que quelqu’un lui dira que nous
sommes là. Il nous a vu en janvier et février. Il sait qu’on est là…. ».
Et puis Julian Assange se lève d’un bond et quitte la pièce d’un pas rapide
comme un homme qui n’attend que cette occasion pour fuir ! Je suis
rassurée – sa démarche est bien vivante, pas dodelinante ou incertaine comme en
hiver. Il a envie de vivre et se sauver de là… Lorsqu’il disparait du box, j’accepte
de quitter mon siège et de sortir de la salle.
Imperial College of London ou Neil Ferguson nous a imposé l’idéologie de la panique Covid
Comme toujours, je suis sonnée par ce que j’ai vu
et vécu. Il me faut un peu de temps pour reprendre mes esprits alors que les
militants donnent de la voix devant la porte du bâtiment. J’échange avec John
Shipton sur la quarantaine politique qui nous empêche de venir agir pour Julian
de France. Nous évoquons la santé et les conditions de détention de Julian
« depuis 11 ans » et l’impossibilité de lui parler actuellement. Je
dois partir vite car à cause de la quarantaine je ne peux me permettre de
perdre mon billet de retour en Flixbus. J’ai du travail car je me plonge dans
la lecture d’un livre important : « Sexus Politicus » de Christophe
Deloire, secrétaire général de Reporter sans Frontières depuis 2012, présent
au procès de Julian d’Assange le 24 février dernier. Il est vraiment important
de comprendre comment marche le réseau des élites politiques qui décide de nos
vies les plus intimes, si nous voulons récupérer notre pouvoir sur nous-même.
I can’t hide it, emotion gripped me when I returned to London after exactly 5 long months since the epic last day of Julian Assange’s trial at the Woolwich Court on February 27th. In the meantime, we have lived through many trials, the strange and violent Covid adventure, police confinement, social and economic chaos, the ultimate terror that many of our citizens still feel. Words are lacking to describe the strange feeling of a return to the « life before », when the political power is still the same and we are weakened by what it inflicts on us, in France as in England and throughout Europe.
Nevertheless, we are not giving up the struggle. The borders being open again, the quarantine over, I went back to Paris – London Victoria Coach Station. Eurolines having been swallowed up by its German competitor, the bus drivers were no longer the ones I had come to know by dint of making the trip twice a month. Were they fired in the context of the compulsory liquidation that Flixbus imposed on Eurolines? Some restrictions are still in place: one out of two seats condemned, toilets closed… The bus was occupied by migrant families joining theirs. My young neighbour was a Polish migrant living in London who took advantage of a cheap offer to make a tourist stop in Paris.
The border crossing lasted two hours because you had to show your white paw: a form filled in on the British government website in which you had to fill in your departure and arrival details, information on your means of transport and the sacrosanct mobile phone in order to be contacted again if you had transmitted a coronavirus to someone… You also had to leave a third person’s phone in case you refused to answer the friendly government requests on the covid19. But the border police seemed annoyed by this bureaucratic hassle and let me pass without presenting the document in view of my French passport.
My reunion with the British capital was full of emotion. Indeed, contrary to what I had expected, I felt very comfortable. The great city of London is almost empty. People were walking slowly, without stress, the weather was superb (except this Monday…). The greenery and flowers were shining. People are apparently not terrorized by disease. Very few masks in the streets, and despite the obligation, very few masks in shops, cafes and restaurants. It is in the subway that the wearing of masks is the most disciplined, although the trains were empty of the usual crowds, although I don’t understand if this is due to holidays or teleworking. Admittedly, economic activity is reduced, and a large number of hotels and restaurants are closed, hoping to reopen in August. I do not know what is happening to the workers in these establishments. But I was happy to find my little habits in the cafés in the Paddington area around the Frontline Club, places that Julian Assange had frequented and which are only a few hundred metres from Westminster Court. Opposite the Frontline Club, Norfolk Place, lies the huge complex of St Mary’s Hospital, the historic site of Alexander Fleming’s discovery of penicillin. 50 metres from the Frontline Club is a place of powerful power, the importance of which we unfortunately did not grasp last winter: the Imperial College of London Medical School. This « Imperial » research centre which has influenced our lives in France and Europe to an unimaginable extent is physically part of the Saint Mary’s Hospital complex but is not dependent on the British health system, the National Health Administration. The all-too-famous Neil Fergusson, a 50-year-old mathematician who boasts of having imposed total confinement on the French population after terrorizing President Macron, is vice-decan, vice-president of this institution and sits in this building (1).
London from the side of the St Marys Hospital
On Monday 27 July 2020, at 8 a.m., in front of the Westminster Court there was nobody there. So I was the first to enter the court. At 8.15 a.m. two activists from Don’t Extradite Assange arrived, followed by journalists Marty Silk, Mohamed El Maazi, Juan Passerelli and other regulars. We greeted each other and exchanged news in a friendly atmosphere, like a family prevented from seeing each other again because of the political closure of the borders. It must be said that in the absence of Greekemmy the atmosphere was always more relaxed in the courtyard. I spent the hour and a half waiting in front of the door to sympathize and chat with a German-speaking activist.
the building of the Westminster Cout is part privatized: the left side belongs to the Insurance company Prudential. Prudential rent the rooms to the Westminster Court. Only the right side belong to the City of Westminster
At 9:30 a.m., I met the same security guards from Mitie who have known us for almost a year already. I found the list of extradited persons in the hall – Julian Assange as number 1 for room 3, then 15 names of Poles, Romanians, Slovaks, Hungarians… When I found myself in front of the door of room 3, with a « social distancing » of 2 meters imposed between each person, (to be compared with the 1 meter in France), I noticed that apart from us, Julian Assange’s supporters, there was nobody else. The court was empty, as if it was disused. No secretary came to stick the list of the judges on the door. The secretariat looked like it was closed. A poster on the front door informed that the hearings would be held by video and that each defendant and his family would receive the necessary information by e-mail. The Covid crisis has amplified the British policy already underway to dematerialize all institutions. The buildings thus freed from the useless human presence will thus be able to be used for something else, the question is precisely what for?
So we spent 45 minutes alone in the vast waiting room in front of the empty coffee machines. A few Polish lawyers nevertheless appeared later for some exceptional physical hearings. The families of the Eastern Europeans on trial after Julian Assange remained absent. The « ghost court » aspect was accentuated when at 10 am we noticed that there was still no movement in the courtroom. In the meantime, lawyer Edward Hamilton Fitzgerald had arrived accompanied by a young blonde woman, perhaps his collaborator, whose name was published on twitter as Julian Assange’s new lawyer. It must be said that Gareth Peirce was no longer there. Edward Hamilton Fitzgerald and the young woman held a brief meeting in the first consultation room at about 10 o’clock. I also note the presence of Mark Summers. In the audience, two female journalists arrived as well as a curious young girl wearing a black cap and a black mask so big that one could never recognize her face. She was sitting on a chair reading a book called « Skripal files ». She did not enter the public gallery until 11:30 am.
In the front of the Courtroom 3 wearing the mask I hate…
In theory the mask is compulsory for everyone, but only ordinary citizens are required to exercise. Vanessa Baraitser, the clerk, the court clerk, the prosecutor and the lawyers did not wear masks during the hearing or in the corridors. It is obvious that no one here believes in the need to protect oneself from « danger » and those present who know each other kiss and touch each other without any embarrassment. What a contrast with our countries of continental Europe, which have been kneaded for 5 months by a panic fear that is as irrational as it is ancestral!
It is already more than 10 o’clock when the hall opens and without any other form of ceremony, in the absence of any court officials, we settle in without any way, whereas in winter the control of the allocation of seats was so severe and the object of so much tension. Journalists are even moving into the right-wing ranks, normally reserved for the court employees who are now absent. The clerk is already sitting at his desk under the dais and he won’t raise his head from his computer as if everything that is happening here does not concern him. Fitzgerald is sitting next to a young prosecutor, the old one, Lewis, is not there. There is a playground atmosphere in the room, rather than a court of life and death, the freedom of people. Vanessa Baraitser arrives, equal to herself in her same black outfits and gives the same speech, not without having warned that she will not tolerate people standing in the public gallery: indeed, because of coronavirus, half of the seats are condemned, we can only be eight. As I entered first, I am comfortably seated in the middle of the front row.
In the surrounding hubbub, I don’t understand everything that is being said. Five months and a few tests later, I am no longer in the bath of legal English as I was in February. Moreover, the « online conference » – the parallel conference call – hinders comprehension because every time someone logs on or leaves the « conference » a loud, artificial voice resounds in the room. What is immediately apparent is that Julian Assange will not be appearing contrary to what was announced on twitter. I understand that lawyer Fitzgerald is justified in having contacted Belmarsh and that the prison would have told him that they were not aware of the prisoner’s appearance today! Judge Baraitser responds that she is not responsible and that the prisoner’s appearance is not her business ! I think we’re walking on our heads! If now it is up to the lawyers to call the prison to arrange the appearance of the accused, are we really still in a real court? But yes, Baraitser instructs the lawyer to call the prison himself!
She dialogues with the young prosecutor who seems to know nothing about it either and starts her administrative job of preparing the final trial asking the prosecution to provide written arguments by September and listening to the answers on what has already been e-mailed to her by the parties. Only once, out loud as if to address us, Baraitser notes Julian Assange’s absence. Fitzgerald is as usual hesitant with this attitude of permanent justification that characterizes him and which exasperates more than one activist. He ends up saying that he would like to consult with his client and would be very happy if he could establish this contact. At 10:30 a.m., Baraitser finally gets fed up with the cinema and says, « We were not able to see Mr. Assange. Make a request to the prison and when you are ready, let me know ». She leaves quietly, and while we stand up as usual, the journalists leave the room, while Mark Summers replaces Fitzgerald on the lawyers’ seat.
I’m annoyed. What is still going on in this « Kasperletheater », (puppet theatre according to the German sympathizer?). Should I go out like the others or should I stay and watch my place? Or are the real decisions made? Is it the lawyers who run the court or the court that establishes and monitors the procedures? What is this place that definitely does not look like a court?
Another young prosecutor begins a long tirade about organized bank fraud in Latvia at the beginning of the brilliant years of the wild capitalism of the 90s. I understand we’ve moved on to the next case and I’m staying to listen and learn. Mark Summers responds to the prosecutor and I understand the whole story for an hour and a quarter. A certain Mr. « Kopiczko » or « Pavliczko » (I never understand Eastern European names pronounced in English) is being prosecuted by Latvia for bank fraud. Having been an agent of the KGB, he was granted asylum in Russia, and in 1997 Russia rejected Latvia’s request for extradition. Summers pleads without hesitation for the rights of his client, a former KGB agent. In spite of his work for the Russian agency, the accused obtained the right of asylum in Great Britain in 1999 and Great Britain refused his extradition in 2002. Latvia joined the European Union in 2004 and demanded his extradition in 2007 via a European arrest warrant. However, since 2007, this warrant has not been executed. There is no reason to extradite in 2020 a man whose extradition was already refused by the British state in 2002, concludes the lawyer. I look in the direction of the box of the accused: Mr. « Bobiczko » or « Pavliczko » is sitting in front of the box, he is a small man in a dark suit and with an all-purpose appearance.
At 11.26 a.m. something suddenly happens, a rumour arises. The journalists return and the activists take their places. Some sit on the floor so that Baraitser cannot see them from his platform. The latter has run away without any way at the end of the pleading, she comes back quietly around 11:35 am. It is 11.28 a.m. and there is no more mention of Mr. « Bobiczko/Pavliczko ». Later, I go down to the hall to consult the list of defendants in room 3 to spell his name correctly. I note one Romanian, one Pole, one Lithuanian, one Hungarian, one Slovak and one Pole again. No Latvian or Russian on the list. That’s odd. An unscheduled case is being tried when the scheduled defendants are not. What’s going on here?
At 11:30, the clerk manipulates the video order. We understand that Julian’s going to appear in court. On the screen on the left, I see a dark box filmed up close with a door on the left and a window on the right. A small sign « HMP Belmarsh » hangs under the window. Curiously, a sort of bar crosses the screen, as if there were a table or counter in front of the seat. The minutes go by. At 11.45 a.m. the clerk declares « Good Morning Belmarsh ». Baraister then requests that Julian Assange be called. A blonde woman in black uniform appears on the screen in the doorway of the storeroom without it being known whether the suit she is wearing is really the dress of the guards of this prison. A minute goes by and we see a movement in the corridor behind the stall. Then Julian Assange comes in. You can’t see the whole thing because the camera cuts him off at the waist. So you can’t see if he’s walking normally or if he can barely stand. He immediately sits on the seat in front of the camera. The bar across the screen cuts him in the chest, so you can’t see his legs. He is wearing a beige sweater and a white shirt with the collar pulled out over the sweater. It is rather cool that day, but wearing a sweater in the middle of summer can only mean that he is subjected to the cold air of a severe climate. Behind him, the corridor is under artificial light. He has short hair with a fringe on the side, his face is hairless, he doesn’t wear glasses. Some activists told me about a white band on his forehead, I didn’t see it, but it’s possible that my vision at 10 meters away wasn’t good enough.
However, I can clearly see Julian Assange’s face. I recognize him. It is the same man as in February, his face looks the same as it did on February 27th. His face is rather round, less emaciated than in January. His eyes are a little bit blacked out, sunken in his sockets, and his face is sad. However, I have the impression that he is less emaciated than before. He puts his hands on his thighs and doesn’t move, looking down in a prostrate attitude.
When Vanessa Baraitser asks him to state his name, he says « Julian Assange » and his date of birth « 3 July 1971 » in a voice that seems more assured. Unless they had simply pushed the microphones to the limit: the events of February had shown us that the organizers of the show were capable of cutting off the microphones in the public gallery so that nothing could be heard of what he was saying or shouting – on February 26th and 27th he had stood up in protest and we had seen him revolt without being able to hear him… Everything is designed to leave him speechless and keep us helpless in the face of the « puppet show ».
Vanessa Baraitser begins a dialogue with the lawyer and the prosecutor about the new accusations that are being reported in the media. Hamilton Fitzgerald brings up the subject, hoping that the existing charges will be dropped in favour of the news. This is odd because in law, proceedings that have already been initiated must be completed and a new charge would normally be the subject of another proceeding. I am trying to see Julian’s hands, I am trying to convey to him all our collective thoughts of support and friendship. Behind him, silhouettes of women dressed in green or blue gowns pass by and pass over several times. It clearly feels like they are medical gowns and the wives of hospital staff. Finally, Julian Assange raises his eyes and looks straight ahead into the camera. I’m convinced he knows we’re here. At the end, he coughs and then raises his hands to his face three times. The emotion is there, he responded to our gesture.
At 12.03 on the dot, Vanessa Baraitser said she was negotiating with the Old Bailey court. Julian Assange leans slightly to her right. Fitzgerald brings up the subject of a psychiatric examination. I’m disappointed. A psychiatric report has no place in extradition proceedings. It is finally the prosecutor who seems less aggressive: for him the new charges have not been filed, are therefore not subject to debate and he is not in a hurry to deal with the psychiatric expertise. Finally, Vanessa Baraitser sets two new dates: August 14 for a « final admission hearing » and August 24 for the « call over hearing ». Julian Assange will have to appear on video. The discussion resumes on the weeks of procedures scheduled at the Old Bailey. I understand that the defense is asking for additional weeks but I do not understand what the final decision is. At 12:05, it’s over. Vanessa Baraitser gets up and leaves. That’s expedited.
We try to stay, we raise our fists when Julian Assange gets up and turns to walk out of the stall. He looks weary and I feel his weariness. How much time are we going to spend within these walls? I come out disturbed, despite my satisfaction at having once again made the trip and done my duty.
From the waiting room, I see the Poles and the Romanians and their lawyers moving towards room number one. Outside, the activists are being filmed by cameras. Edward Fitzgerald gives a quick report of the hearing to someone on the phone. I have doubts that he is really the decision-maker in this trial. I have doubts about what this building, this courtroom, is all about. Around him are strange buildings: the adjoining building is disused and under construction since 2011, theoretically managed by the company Proximity, but in one of its wings, 191 Old Marylbone Road, refugees are housed in a kind of shabby hotel under the pompous name of « Mina Palace » (2). The history of the building tells us that in this place was until 1948 the oldest maternity hospital in London where poor women came to give birth and sometimes, alas, to abandon their children (3). The nurses of the hospital were directly housed here. Today, children’s clothes hanging from the windows and toys in the small hall attest to an effective human presence. Opposite the court, on the avenue, an imposing red brick building belongs to the Church Army, a charitable church organisation working for the state (no separation of church and state in England). It houses the Women’s Day Center, a shelter for homeless women. 300 metres west of the courtyard (4), towards Edgware Road, a building dating from the 1960s houses refugees from the NGO One Westminster. The neighbourhood appears in its obvious social regres.
the former Church Army building next to the Prudential -Court building belongs to Proximity compagny. The building is empty but his underground parkings are used by the China Embassy. Next to the empty building the refugee center with children « Mina palace ».The Mina Palace refugee center with women and children is part of the former Church Army building and just behing the Westminster Court -Prudential building
From the Marylbone subway station to Edgware Road station, this former working-class neighborhood is undergoing a profound transformation: entire blocks of houses are being destroyed and gaping holes are surrounded by large fences. Office buildings and residences made of concrete and glass are emerging from the ground. Powerful investors are transforming this neighbourhood in an intense gentrification process. The Westminster Court building, built in 2011 on the site of the « Old Marylbone police court », has the soulless style of so many offices in our neo-liberal metropolises. Its use as a court of law seems increasingly questionable to me.
the Womends Day Center – house for homeless women hold by the Church Army is just in from of the Prudential – Westminster Court buildingother shelters for refugees 100 meters from the Westminster Court
A few days later, on Wednesday evening at 9 p.m. on July 29th, the underground entrance to the courtyard through which the detainees are brought was illuminated, as was the entire « back office » part of the building where judges and defendants are located during the day. The lights were also switched on at night in part of the secretariat in the old wing of the building on the west side, as well as on the top floor in meeting rooms. So what kind of meeting is this building used for, apart from staging Julian Assange’s trial?
The next day I explore another place of power nearby: the Imperial College of London Medical School St Marys Campus, Praed Street, opposite the Frontline Club and the Alexander Fleming Museum, which is closed because of coronavirus. The Imperial College of London is the major research centre of the British Crown, whose Faculty of Medicine is world famous for seeking to impose the repressive confinement of European populations as an instrument for managing the health crisis known as « covid « 19 in continental Europe (5). Neil Ferguson, the vice-president of this institution, is known to be the ideologue of confinement (6). Its Centre for Infectious Disease Prevention is also known to be funded by the Bill and Melinda Gates Foundation and to serve as an advisory centre to the WHO (7). Since 2016, this centre had already prepared the policy that it successfully imposes on Europeans today (8).
Imperial College of London, St Marys Medical School, Medical School where Mr Neil Ferguson, Vice decan imposed the covidian ideology and health dictatorship on us in March 2020.St Marys Hospital left and Imperial College of London right on Praed Street
We probably witnessed, without knowing it, the launch of the health propaganda campaign aimed at terrorising the people of Europe. For me, the starting point for this global psychological operation was the strange conference we attended at the Frontline Club on 13 January 2020 – the journalists’ club that was Julian Assange’s place of work and life in 2010 and 2011 and located opposite the Imperial College of London Faculty of Medicine, 13 Norfolk Place. The title of the conference was « Antibiotic Resistance – Refraiming a Global Health Emergency »(9). We attended out of pure curiosity, but in reality we were in the midst of an economic and political environment that would profoundly influence our lives and we didn’t know it. A panel of five ideologues sat in front of an audience of young researchers and journalists. We heard an alarmist speech where the most absurd phrase seemed to be « you are all going to die of an unknown disease ». It made us laugh. It seemed absurd to us that we could terrorize the planet with a speech about antibiotic resistance without talking about human immunity and the adaptation of humanity to its environment. Somehow we were wrong not to take these ideologues seriously, because two months later this guilt ridden and terrifying discourse has become a global norm, the norm in our lives. Are the ideologues who imposed the « coronavirus » policy in our countries the ones who were in the room at the time? At the time, what I was hearing seemed so incredible that I could never have imagined the rest of the scenario.
The Frontline Club, a restaurant and club owned by Vaughan Smith and managed by the Frontline Club Charity Trust. Where Julian Assange was supported and owned from 2010 to the end of 2011. This is where we attended the « Antibiotic Resistance » conference on 13 January 2020 where speakers from Imperial College of London announced the advent of the Covidian ideology « you are all going to die ». In the background we can see the Imperial College of London building and the St Marys Hospital
I regret not having been more lucid and not having taken seriously what I was hearing, not having perceived the immediate danger in what seemed to me just a simplistic Soros-style speech led not by serious researchers but by ideologists paid by foundations and private labs. Now, if we want to return to normal life, we need to understand who imposed this discourse in our lives, by what means and for what reason. And undo that power. Yes, our lives are at stake, it’s no exaggeration to say.
7.« It gets tens of millions of dollars in annual funding from the Bill & Melinda Gates Foundation, and works with the UK National Health Service, the US Centres for Disease Prevention and Control (CDC), and is tasked with supplying the World Health Organization with « rapid analysis of urgent infectious disease problems. » – in :
Je ne peux pas le cacher, l’émotion m’a
étreint lorsque que je suis revenue à Londres après 5 longs mois exactement
depuis l’épique dernière journée du procès de Julian Assange à la Woolwich
Court, le 27 février. Entre temps, nous avons vécu bien des épreuves, l’étrange
et violente aventure du Covid, l’enfermement policier, le chaos social et
économique, la terreur ultime que bien de nos concitoyens éprouvent encore. Les
mots manquent pour décrire l’étrange sensation de retour à la « vie
d’avant », alors que le pouvoir politique est toujours le même et que nous
sommes affaiblis par ce qu’il nous inflige, en France comme en Angleterre et
partout en Europe.
Néanmoins, nous ne lâchons pas la lutte.
Les frontières étant à nouveau ouvertes, la quarantaine terminée, j’ai repris
le chemin du Paris – Londres Victoria Coach Station. Eurolines ayant été avalé
par sa concurrente allemande, les chauffeurs du bus n’étaient plus ceux que
j’avais finis par connaitre à force de faire le trajet 2 fois par mois. Ont-ils
été licenciés dans le cadre de la liquidation judiciaire que Flixbus a imposé à
Eurolines ? Certaines restrictions sont toujours présentes : un siège
sur deux condamné, toilettes fermées… Le bus était occupé par des familles de
migrants rejoignant les siens. Mon jeune voisin était un migrant Polonais
vivant à Londres qui a profité d’une offre bon marché pour faire un saut
touristique à Paris.
Le passage à la frontière a duré deux
heures car il fallait montrer patte blanche : un formulaire rempli sur le
site du gouvernement britannique dans lequel il faut consigner ses coordonnées
de départ et d’arrivée, les informations sur son moyen de transport ainsi que
le sacro-saint téléphone portable afin d’être recontacté si jamais on aurait
transmis un coronavirus à quelqu’un… Il fallait de plus laisser le téléphone
d’une tierce personne au cas on refuserait de répondre aux sollicitations
amicales du gouvernement sur le covid19. Mais la police des frontières semblait
ennuyée par ces tracasseries bureaucratiques et m’a laissé passer sans
présenter le document au vue de mon passeport français.
Mes retrouvailles avec la capitale
britannique ont été pleines d’émotions. En effet, contrairement à ce que je
m’attendais, je me sentais très à l’aise. La grande ville de Londres est
presque vide. Les gens se promenaient doucement, sans stress, le temps était
superbe (sauf ce lundi…). La verdure et les fleurs resplendissaient. Les gens
ne sont apparemment pas terrorisés par la maladie. Très peu de masques dans les
rues, et malgré l’obligation, très peu de masques dans les magasins, les cafés
et les restaurants. C’est dans le métro que le port du masque est le plus
discipliné, encore que les rames aient été vides de la foule habituelle, sans
que je comprenne si c’est dû aux vacances ou au télétravail. Certes, l’activité
économique est réduite, de très nombreux hôtels et restaurants sont fermés,
espérant pouvoir rouvrir en août. Je ne sais pas ce que deviennent les
travailleurs de ces établissements. Mais j’ai retrouvé avec plaisir mes petites
habitudes prises dans les cafés du quartier Paddington, autour du Frontline
Club, lieux que Julian Assange avait fréquentés et qui se trouvent à quelques
centaines de mètres à peine de la Westminster Court. En face du Frontline Club,
Norfolk place, s’étend l’immense complexe du St Mary’s Hospital, lieu
historique de découverte de la pénicilline par Alexandre Fleming. A 50 mètres
du Frontline Club se trouve un lieu de pouvoir puissant dont nous n’avions
malheureusement pas saisit l’importance en hiver dernier : l’Imperial
College of London Medical School. Ce centre de recherche « Impérial »
qui a influencé nos vies en France et en Europe à un point inimaginable fait
physiquement partie du complexe de l’hôpital Saint Mary’s mais ne dépend pas du système de santé britannique, le
National Health Administration. Le trop fameux Neil Fergusson, mathématicien de
50 ans qui se vante d’avoir imposé le confinement total à la population
française après avoir terrorisé le président Macron, est vice-decan, vice-président
de cette institution et il siège dans ce bâtiment[1].
St Marys Hospital à Paddington, lieu historique de découverte de la péniciline
Le lundi 27 juillet 2020, à 8 heures, devant la
Cour Westminster il n’y avait personne. J’ai donc été la première à entrer dans
le tribunal. A 8h15, deux militants de Don’t Extradite Assange sont arrivés,
puis des journalistes, Marty Silk, Mohamed El Maazi, Juan Passerelli, et encore
d’autres habitués. Nous nous sommes salués et avons échangé les nouvelles dans
une ambiance amicale, comme une famille empêchée de se revoir pour cause de
fermeture politique des frontières. Il faut dire qu’en l’absence de Greekemmy
l’ambiance a toujours été plus détendue dans la cour. J’ai passé l’heure et
demie à attendre devant la porte à sympathiser et à discuter avec une militante
germanophone.
A 9h30, j’ai retrouvé les mêmes agents de
sécurité de Mitie qui nous connaissent depuis presque 1 an déjà. J’ai retrouvé
la liste des extradés dans le hall – Julian Assange en numéro 1 pour la salle
3, puis 15 noms de Polonais, Roumains, Slovaques, Hongrois… Lorsque je me suis
retrouvée devant la porte de la salle 3, avec un « social
distancing » de 2 mètres imposé entre chaque personne, (à comparer avec le
1 mètre en France), j’ai remarqué qu’à part nous, les soutiens de Julian
Assange, il n’y avait personne d’autre. Le tribunal était vide, comme
désaffecté. Aucun secrétaire n’est venu coller la liste des jugés sur la porte.
Le secrétariat avait l’air fermé. Il faut dire qu’une affiche sur la porte
d’entrée informait que les audiences auront lieu par vidéo et que chaque prévenu
et sa famille recevront les informations nécessaires par mail. La crise du
Covid a amplifié la politique britannique déjà en route de dématérialisation de
toutes les institutions. Les bâtiments ainsi libérés de la présence humaine
inutile pourront ainsi servir à autre chose, la question est justement à
quoi ?
L’entrée centrale de la Wesminster Magistrate Court
Nous avons donc passé seuls 45 minutes
dans la vaste salle d’attente devant les machines à cafés vides. Quelques
avocats polonais sont néanmoins apparus plus tard pour quelques audiences
physiques exceptionnelles. Les familles des Européens de l’est jugés après
Julian Assange sont restées absentes. L’aspect « cour fantôme »
s’accentua lorsqu’à 10h nous constations qu’il n’y avait toujours aucun
mouvement dans la salle d’audience. Entre temps, l’avocat Edward Hamilton
Fitzgerald était arrivé accompagné par une jeune femme blonde, peut être sa
collaboratrice dont le nom a été publié sur twitter comme nouvelle avocate de
Julian Assange. Il faut dire que Gareth Peirce n’était plus là. Edward Hamilton
Fitzgerald et la jeune femme ont tenu une brève réunion dans la première
consultation room vers 10 heures. Je remarque aussi la présence de Mark
Summers. Dans le public, deux femmes journalistes sont arrivées ainsi qu’une
curieuse jeune fille portant une casquette noire et un masque noir si grand
qu’on ne pourrait jamais reconnaitre son visage. Elle était assise sur un siège
à lire un livre intitulé « Skripal files ». Elle entrera dans la
galerie du public qu’à 11h30 seulement.
En théorie le masque est obligatoire pour
tout le monde, mais seuls les citoyens lambda s’astreignent à l’exercice.
Vanessa Baraitser, le greffier, l’employé du tribunal, le procureur et les
avocats ne portaient pas de masque pendant
l’audience, ni dans les couloirs. Visiblement ici personne ne croit à la
nécessité de se protéger du « danger » et les personnes présentes qui
se connaissent s’embrassent et se touchent sans gêne aucune. Quel contraste
avec nos pays d’Europe continentale pétris depuis 5 mois par une peur panique
aussi irrationnelle qu’ancestrale !
Il est déjà plus de 10 heures quand la
salle s’ouvre et sans autre forme de cérémonie, en l’absence de tout agent du
tribunal, nous nous y installons sans façon alors qu’en hiver le contrôle
d’attribution des places était si sévère et l’objet de tant de tensions. Les
journalistes s’installent même dans les rangs de droite, normalement réservés
aux employés du tribunal aujourd’hui absents. Le greffier est déjà assis à son
bureau sous l’estrade et il ne lèvera pas la tête de son ordinateur comme si
tout ce qui se passait ici ne le concernait pas. Fitzgerald est assis à côté
d’un jeune procureur, l’ancien, Lewis, n’est pas là. Il y a dans la pièce une
ambiance de cour de récréation plutôt que celle d’un tribunal statuant sur la
vie et la mort, la liberté de personnes. Vanessa Baraitser arrive, égale à
elle-même dans ses mêmes ensembles noirs et débite le même discours, non sans
avoir averti qu’elle ne tolérera pas de gens debout dans la galerie du
public : en effet, pour cause de coronavirus, la moitié des sièges est
condamnée, nous ne pouvons être que huit. Comme j’étais entrée la toute
première, je suis confortablement assise au milieu du premier rang.
Dans le brouhaha ambiant, je ne comprends
pas tout ce qui est dit. Cinq mois et quelques épreuves plus tard, je ne suis
plus dans le bain de l’anglais juridique comme j’ai pu l’être en février. De
plus la « online conférence » – la conférence téléphonique parallèle,
gène la compréhension car chaque fois que quelqu’un se branche ou quitte la
« conférence » une voix forte et artificielle retentit dans la salle.
Ce qui apparait tout de suite est que Julian Assange ne comparaitra pas contrairement
à ce qui avait été annoncé sur twitter. Je comprends que l’avocat Fitzgerald se
justifie d’avoir contacté Belmarsh et que la prison lui aurait répondu qu’ils
n’étaient pas au courant de la comparution du prisonnier aujourd’hui ! La
juge Baraitser répond qu’elle n’en est pas responsable et que la comparution du
prévenu n’est pas son rayon. Je me dis qu’on marche sur la tête ! Si
maintenant c’est aux avocats d’appeler la prison pour arranger la comparution
de l’accusé, sommes-nous encore vraiment dans un vrai tribunal ? Mais
oui, Baraitser enjoint à l’avocat de faire lui-même la demande de comparution à
la prison !
Elle dialogue avec le jeune procureur qui
parait n’être au courant de rien non plus et elle entame son job administratif
de préparation du procès final demandant à l’accusation de fournir des
argumentaires écrits pour septembre et écoutant les réponses sur ce qui lui a
déjà été envoyé par mail par les parties. Une seule fois, à voix haute comme
pour s’adresser à nous, Baraitser constate l’absence de Julian Assange.
Fitzgerald est comme d’habitude hésitant avec cette attitude de justification
permanente qui le caractérise et qui exaspère plus d’un militant. Il finit par
dire qu’il voudrait consulter son client et serait très heureux s’il arrivait à
établir ce contact. A 10h30, Baraitser finit par en avoir marre du cinéma et
déclare « Nous n’avons pas pu voir Monsieur Assange. Faites une demande à
la prison et quand vous serez prêt, faites-moi savoir ». Elle sort
tranquillement, et pendant que nous nous levons selon l’usage, les journalistes
quittent la pièce, alors que Mark Summers remplace Fitzgerald sur le siège des
avocats.
Je suis agacée. Que se passe-t-il encore
dans ce « Kasperletheater », (théâtre de marionnettes selon la
sympathisante allemande ?). Dois-je sortir comme les autres ou rester
surveiller ma place? Ou donc sont prises les vraies décisions ? Est-ce les
avocats qui dirigent la cour ou la cour qui établit et surveille les
procédures ? Qu’est-ce que c’est que ce lieu qui définitivement ne
ressemble pas à un tribunal ?
Un autre jeune procureur commence une
longue tirade ou il est question de fraude bancaire organisée en Lettonie au
début des brillantes années du capitalisme sauvage des années 90. Je comprends
qu’on est passé au cas suivant et je reste pour écouter et apprendre. Mark
Summers répond au procureur et je comprends toute l’histoire déroulée pendant 1
heure et quart. Un certain M. « Kopiczko » ou « Pavliczko »
(je ne comprends jamais les noms est-européens prononcés en Anglais) est
poursuivi par la Lettonie pour fraude bancaire. Ayant été agent du KGB il
obtient le droit d’asile en Russie et ce pays rejette en 1997 la requête
d’extradition de la Lettonie indépendante. Summers plaide sans états d’âme les
droits de son client ancien agent du KGB. Malgré son travail pour l’agence
russe, l’accusé obtient le droit d’asile en Grande Bretagne en 1999 et la
Grande Bretagne refuse son extradition en 2002. La Lettonie rejoint l’Union
Européenne en 2004 et exige son extradition en 2007 via un mandat d’arrêt
européen. Or, depuis 2007, ce mandat n’a pas été exécuté. Il n’y a pas lieu
d’extrader en 2020 un homme dont l’extradition a été déjà refusé par l’Etat
britannique en 2002, conclut l’avocat. Je regarde en direction du box des
accusés : M. « Bobiczko » ou « Pavliczko » est assis
devant le box, c’est un petit homme au costume sombre et à l’aspect
passe-partout.
A 11h26, brusquement il se passe quelque
chose, une rumeur se lève. Les journalistes reviennent et les militants
reprennent leur place. Certains s’asseyent par terre afin que Baraitser ne les
voit pas de son estrade. Celle-ci s’est sauvée sans façon à la fin de la
plaidoierie, elle revient tranquillement vers 11h35. Il est 11h28 et il n’est
plus question de M. « Bobiczko/Pavliczko ». Plus tard, je descends
dans le hall consulter la liste des accusés de la salle 3 pour orthographier
correctement son nom. Successivement, je note un Roumain, un Polonais, un
Lithuanien, un Hongrois, un Slovaque, à nouveau un Polonais. Pas de Letton ni
de Russe sur la liste. Bizarre. Un cas non prévu est jugé alors que les accusés
prévus ne le sont pas. Que se passe-t-il ici ?
A 11h30, le greffier manipule la commande
de la vidéo. On comprend que Julian va comparaitre. Sur l’écran de gauche, je
vois apparaitre un box sombre filmé de près avec une porte à gauche et une
fenêtre à droite. Un petit écriteau « HMP Belmarsh » est suspendu
sous la fenêtre. Curieusement une espèce de barre traverse l’écran, comme si
une table ou un guichet se trouvait devant le siège. Les minutes passent. A
11h45 le greffier déclare « Good Morning Belmarsh ». Baraister demande
alors que Julian Assange soit appelé. Une femme blonde en uniforme noir
apparait dans l’écran dans l’embrasure de la porte du box sans qu’on sache si
le costume qu’elle arbore est réellement l’habit des gardiens de cette prison.
Une minute s’écoule et on voit un mouvement dans le corridor derrière le box.
Puis Julian Assange entre. On ne peut pas le voir en entier, car la caméra
le coupe à la taille. Impossible de voir donc s’il marche normalement ou s’il
tient à peine debout. Il s’assied immédiatement sur le siège devant la caméra.
La barre en travers de l’écran le coupe à la poitrine, on ne voit pas ses
jambes. Il porte un pull beige et une chemise blanche avec le coll sorti sur le
pull. Il fait plutôt frais ce jour-là, mais porter un pull en plein été ne peut
que signifier qu’il est soumis à un air froid d’une clim sévère. Derrière lui,
le corridor est sous lumière artificielle. Il a les cheveux courts avec une
frange coiffée sur le côté, son visage est glabre, il ne porte pas de lunettes.
Certains militants m’ont parlé d’un bandeau blanc sur le front, moi je ne l’ai
pas vu, mais il est possible que ma vision à 10 mètres de distance n’était pas
assez bonne.
Cependant je distingue bien le
visage de Julian Assange. Je le reconnais. C’est bien le même homme qu’en
février, son visage a l’aspect qu’il avait le 27 février. Son visage est plutôt
rond, moins émacié qu’en janvier. Ses yeux sont un peu cernés de noir, enfoncés
dans les orbites et son visage est triste. Cependant, j’ai l’impression qu’il
est moins amaigri qu’auparavant. Il pose ses mains sur ses cuisses et ne bouge
plus, le regard tourné vers le bas dans une attitude de prostration.
Lorsque Vanessa Baraitser lui demande de
décliner son nom, il dit « Julian Assange » et sa date de naissance
«3 July 1971 » d’une voix qui semble plus assurée. A moins qu’ils n’aient
simplement que poussé les micros à fond : les événements de février nous
avaient montré que les organisateurs du spectacle étaient capables de couper
les micros dans la galerie du public afin qu’on n’entende rien de ce que lui
dise ou crie – le 26 et 27 février il s’était levé en protestant et on
l’avait vu se révolter sans pouvoir l’entendre… Tout est étudié pour le
laisser sans voix et nous maintenir impuissants face au « spectacle de
marionnettes ».
Vanessa Baraitser engage un dialogue avec
l’avocat et le procureur au sujet des nouvelles accusations dont parlent les
médias. C’est Hamilton Fitzgerald qui pose le sujet, escomptant que les
accusations existantes soient annulées aux profit des nouvelles. C’est étrange
parce qu’en droit, la procédure déjà engagée doit être menée à terme et une
nouvelle accusation doit normalement être l’objet d’une autre procédure. J’essaye
de voir les mains de Julian, je m’applique à lui transmettre toutes nos pensées
collectives de soutien et d’amitié. Derrière lui, passent et repassent plusieurs
fois des silhouettes de femmes habillées de blouses vertes ou bleues. On a
clairement l’impression que ce sont des blouses médicales et les femmes du
personnel hospitalier. Enfin, Julian Assange lève les yeux et regarde droit
devant lui dans la caméra. J’ai la conviction qu’il sait qu’on est là. A la
fin, il tousse et lève alors trois fois ses mains vers son visage. L’émotion
est là, il a répondu à notre geste.
A 12H03 pile, Vanessa Baraitser dit
négocier avec la cour Old Bailey. Julian Assange se penche légèrement sur sa
droite. Fitzgerald aborde le sujet d’une expertise psychiatrique. Je suis
désappointée. Une expertise psychiatrique n’a pas sa place dans une procédure
d’extradition. C’est finalement le procureur qui semble moins agressif :
pour lui les nouvelles accusations n’ont pas été déposées, ne sont pas donc pas
objet de débat et il n’est pas pressé de s’occuper de l’expertise
psychiatrique. Finalement, Vanessa Baraitser pose deux nouvelles dates :
le 14 août pour un « final admission hearing » et le 24 août pour le
« call over hearing ». Julian Assange devra y comparaitre en
vidéo. La discussion repart sur les
semaines de procédures prévues à la Old Bailey. Je comprends que la défense
demande des semaines supplémentaires mais je ne saisis pas quelle est la
décision finale. A 12h05, c’est fini. Vanessa Baraitser se lève et s’en va.
C’est expéditif.
On essaye de rester, on lève le poing
quand Julian Assange se lève et se tourne vers la sortie du box. Il parait las
et je ressens sa lassitude. Combien de temps allons-nous passer dans ces
murs ? Je sors perturbée, malgré ma satisfaction d’avoir encore une fois
fait le voyage et fait mon devoir.
De la salle d’attente, je vois les
Polonais et les Roumain et leur avocats se diriger vers la salle numéro 1.
Dehors les militants sont filmés par des caméras. Edward Fitzgerald fait un
rapport rapide de l’audience à quelqu’un au téléphone. J’ai des doutes qu’il
soit réellement décisionnaire dans ce procès. J’ai des doutes sur ce qu’est ce
bâtiment, ce tribunal. Autour de lui se trouvent des bâtiments étranges :
l’immeuble attenant est désaffecté et en construction depuis 2011, en théorie
géré par l’entreprise Proximity, mais dans une de ses ailes, 191 Old Marylbone
Road, des réfugiés sont logés dans un espèce d’hôtel miteux sous l’appellation
pompeuse de « Mina Palace »[2].
L’histoire de l’immeuble nous apprends que dans cet endroit se trouvait
jusqu’en 1948 la plus ancienne maternité de Londres ou les femmes pauvres
venaient accoucher et parfois hélas, abandonner leur enfants. Les infirmières
de l’hôpital étaient directement logées ici[3].
Aujourd’hui des vêtements d’enfants suspendus aux fenêtres et des jouets dans
le petit hall attestent d’une présence humaine effective. En face du tribunal,
sur l’avenue, un imposant immeuble de briques rouges appartient à la Church
Army, une organisation ecclésiastique caritative travaillant pour l’Etat (pas
de séparation de l’Eglise et de l’Etat en Angleterre). Il abrite le «Women’s
Day Center », un foyer pour femmes SDF[4].
A 300 mètres à l’ouest de la cour, en direction du métro Edgware Road, un
immeuble des années 60 loge des réfugiés de l’ONG One Westminster. Le quartier
apparait dans son délabrement social évident.
Foyer pour femmes sans domicile Womens Day Center en face de la Westminster Court
De la station de métro Marylbone à celle
d’Edgware Road ce quartier, anciennement ouvrier, est soumis à une
transformation profonde: des pâtés de maison entiers sont détruits et des trous
béants sont entourés de grandes palissades. Des immeubles de bureaux et des
résidences en béton et verre sortent de terre. Des investisseurs puissants
transforment ce quartier dans une gentrification intense. L’immeuble de la
Westminster Court, édifié en 2011 sur l’emplacement de la « Old Marylbone
police court » a d’ailleurs le style sans âme de tant de bureaux dans nos
métropoles néolibérales. Son usage en tant que tribunal me parait de plus en
plus douteux.
Batiments désaffectés jouxtant la Westminster Court au 181 Marylebone Road
Quelques jours plus tard, le mercredi soir
à 21h, le 29 juillet, l’entrée souterraine de la cour par laquelle les détenus
sont amenés était illuminée, de même que toute la partie « back
office » du bâtiment ou se trouvent dans la journée juges et accusés. La
lumière était allumée également cette nuit dans une partie du secrétariat dans
l’aile ancienne du bâtiment côté ouest, ainsi qu’au dernier étage dans des
salles de réunions. A quelle réunion donc ce bâtiment sert-il, à part à mettre
en scène le jugement de Julian Assange?
J’explore le lendemain un autre lieu de
pouvoir tout proche: l’Imperial College of London Medical School St Marys
Campus, Praed Street, en face du Frontline Club et du musée d’Alexandre
Fleming fermé pour cause de coronavirus. L’Imperial College of London est le grand
centre de recherche de la Couronne Britannique dont la Faculté de Médecine est
mondialement connue pour avoir cherché à imposer l’enfermement répressif des
populations européennes comme instrument de gestion de la crise sanitaire
appelée « covid19 » en Europe continentale.[5]Neil Ferguson, le vice-président de cette institution, est connu pour
être l’idéologue du confinement. [6]
Son Centre de Prévention des Maladie Infectieuses est aussi connu pour être
financé par la Fondation Bill et Melinda Gates et pour servir de centre de
conseil à l’OMS[7]. Ce
centre avait déjà par ailleurs préparé depuis 2016 la politique qu’il impose
avec succès aux Européens aujourd’hui[8].
Imperial College of London, St Marys Medical School, Ecole de Médecin ou M. Neil Ferguson, Vice decan nous a imposé l’idéologie covidienne et la dictature sanitaire en mars 2020
Nous avons probablement assisté sans le
savoir au lancement de la campagne de propagande sanitaire visant à terroriser
les populations européennes. Pour moi, le point de départ de cette opération
psychologique mondiale a été l’étrange conférence à laquelle nous avons assisté
au Frontline Club le 13 janvier 2020– ce club de journalistes qui fut le
lieu de travail et de vie de Julian Assange en 2010 et 2011 et situé en face de
l’Imperial College of London Faculté de Médecine, 13 Norfolk Place. Le titre de
la conférence était « La résistance aux antibiotiques – repenser
l’urgence sanitaire globale»[9].
Nous y avons assisté par pure curiosité, mais en réalité nous étions au cœur
d’un milieu économique et politique qui allait profondément influencer nos vies
et nous ne le savions pas. Un panel de 5 idéologues était assis devant un
parterre de jeunes chercheurs et de journalistes. Nous entendions un discours
alarmiste ou la phrase la plus absurde nous semblait être « vous allez
tous mourir d’une maladie inconnue ». Cela nous faisait rire. Il nous
semblait absurde qu’on puisse terroriser la planète avec un discours sur la
résistance aux antibiotiques sans parler de l’immunité humaine et de
l’adaptation de l’humanité à son environnement. Quelque part, nous avions tort de
ne pas prendre ces idéologues au sérieux, car deux mois plus tard ce discours
culpabilisant et terrifiant est devenu une norme mondiale, la norme dans nos
vies. Les idéologues qui ont imposé la politique du « coronavirus »
dans nos pays sont-ils ceux qui étaient alors dans la salle ? A l’époque
ce que j’entendais me semblait tellement incroyable que je n’aurais jamais
imaginé la suite du scénario.
Le Frontline Club, restaurant et Club appartenant à Vaughan Smith et géré par le Frontline Club Charity Trust. ou Julian Assange a été soutenu et détenu en 2010 à fin 2011. C’est ici que nous avons assisté le 13 janvier 2020 à la conférence sur la « Résistance aux antibiotiques » ou les conférenciers de l’Impérial College of London nous ont annoncé l’avènement de l’idéologie covidienne « vous allez tous mourir ».
Je regrette de ne pas avoir été plus
lucide et de ne pas avoir pris au sérieux ce que j’entendais, de ne pas avoir
perçu la dangerosité immédiate dans ce qui me semblait juste un discours
simpliste « à la Soros » mené non pas par des chercheurs sérieux mais
des idéologues payés par des fondations et labos privés. Maintenant, si nous
voulons revenir à une vie normale, nous devons comprendre qui a imposé ce
discours dans nos vies, par quel moyen et pour quelle raison. Et défaire ce
pouvoir. Oui, il y va de nos vies, ce n’est pas exagéré de le dire.
[7] « It
gets tens of millions of dollars in annual funding from the Bill & Melinda
Gates Foundation, and works with the UK National Health Service, the US Centres
for Disease Prevention and Control (CDC), and is tasked
with supplying the World Health Organization with
« rapid analysis of urgent infectious disease problems. » – in :
Objections, analyses et actions de
Wikijustice – 2ème partie
Monika Karbowska
Incohérence du
storytelling photos et vidéos
La photo du couple
Morris/Assange publiée par le Daily Mail et reprise dans une version découpée
par les comptes Twitter et Facebook actuels de Stella Morris ne lasse pas
d’interroger les incohérences du récit journalistique. Le couple est ensemble
depuis 2015. Ils sont pris en photo enlacés dans une rue d’une ville. Mais
alors, en 2015, Julian Assange n’était-il pas confiné dans une pièce de
l’ambassade de l’Equateur, interdit de sortir sous peine d’être emprisonné
et extradé vers la Suède ? Pouvait-il arpenter tranquillement avec le
sourire les boulevards de Londres avec Stella Morris ? On nous a donc
bien menti.
Je n’aime pas pointer du
doigt le physique des personnes et ceux qui lisent mes articles ne trouveront
pas de critiques irréfléchies de ce type. Mais la composition de la photo
publiée par le Daily Mail le 11 avril dernier [1]et
reprise par Stella Morris sur son compte twitter et Facebook est tellement
étrange qu’elle m’oblige à faire le commentaire suivant : un observateur
attentif verra, en regardant le bas de la photo, que les jambes de Julian
Assange sont coupées au niveau de ses mollets et celles de Stella Morris au
niveau de ses pieds. Ayant vu les deux personnes en chair et en os plusieurs
fois et sachant que Stella Morris est de très petite taille (moins d’1 mètre
55) et Julian Assange plutôt haut de taille (1 mètre 90), la différence de
taille fait qu’il est impossible que la tête de Madame Morris accolée à Julian
Assange lui arrive au menton, tout au plus peut-elle arriver à sa poitrine.
C’est logique et cela saute aux yeux de tous ceux qui ont vu en vrai les
deux protagonistes de l’histoire. Leur jambes ont été découpées sur la photo
pour pouvoir « ajuster » les personnages et réduire leur dimorphisme.
J’affirme donc que cette photo est truquée.
En revenant vers le
storytelling de la même presse d’il y a quelques années, les incohérences sont
encore plus flagrantes. Un article du Guardian du 15 mai 2018[2]
décrit avec un luxe de détails la surveillance intrusive que Julian Assange
aurait subie dans « l’ambassade » de 2016 à mars 2018. Les agents
d’UC Global l’observaient des années durant par les caméras de surveillance
d’un PC de sécurité installé dans un immeuble voisin. Ils contrôlaient les
passeports de toutes les personnes entrant pour lui rendre visite et
transmettaient leurs coordonnées d’abord à Rafaël Correa puis à Lénine Moreno.
Dans ces conditions, puisque UC Global aurait vendu les images aux autorités
américaines, ces autorités étaient donc parfaitement au courant de la
relation d’Assange avec Stella Morris. Nul besoin de voler des couches de
bébé, il suffit de regarder ce qui se passe dans l’intimité de l’appartement
via les caméras, procédé pornographique obscène s’il en est, mais il semble
effectivement que rien n’a été épargné à Julian Assange. L’article précise que
le gouvernement de Correa a coupé internet à Julian Assange définitivement en
février 2018 et il a été interdit de visite dès mars 2018, enfermée dans le
« solitary confinement » que nous commençons tous à expérimenter en
Europe depuis ces dernières semaines, et ce pratiquement jusqu’au bout,
jusqu’au 11 avril 2019. Or, Madame Morris affirme aujourd’hui que c’est la
période à laquelle elle lui rendait visite en permanence, pour concevoir leur
deuxième enfant, puis en étant enceinte.
Il est étonnant que
Julian Assange n’ait à aucun moment évoqué sa « partenaire » et sa paternité
future pendant 5 ans de 2015 à 2020. Depuis 2016, ses avocats ne se sont à
aucun moment servis de cette information pourtant capitale pour demander un
arrêt des poursuites suédoises ou sa libération en tant que soutien de famille,
particulièrement dans les moments dramatiques de mai à octobre 2019 alors que
Julian Assange était enfermé à l’isolement suite à sa condamnation pour rupture
de libération conditionnelle. Le récit larmoyant de Stella Morris ne nous
fournit pas de précisions sur l’état civil des enfants pourtant importantes
pour toute action de soutien juridique à Julian Assange. Julian Assange a-t-il
reconnu ces enfants à l’état civil britannique ? Portent-ils son
nom ? S’appellent-ils Morris, Gonzalez Devant ou Smith Robertson ?
John Shipton, considéré comme le père biologique de Julian Assange, est
lui-même en contradiction avec les dires de Stella Morris lorsque le 18 avril
dernier il évoque encore une fois la « famille française » et
fait l’impasse sur les enfants de Morris[3].
Devons-nous comprendre que John Shipton ne se considère pas comme le grand-père
des enfants que Stella Morris présente à la presse comme étant ceux de Julian
Assange ?
De moi-même, je ne
croirai à l’histoire de Madame Morris que si Julian Assange s’exprime librement
en public. C’est son droit de s’exprimer lui-même sur sa propre
situation. Personne ne devrait parler de sa vie personnelle et intime à sa
place.
Les organisations
qui protègent Stella Morris
Stella Morris affirme ne
pas avoir agi pour sauver son compagnon de peur des attaques du gouvernement
américain contre ses enfants. C’est plutôt ridicule si on pense que les enfants
nés à Londres sont forcément déclarés à l’Etat civil, d’autant plus s’ils
vivent normalement dotés de la nationalité britannique transmise par leur mère.
Le gouvernement britannique était donc parfaitement au courant de
l’existence de ces enfants et a donc, avec grande probabilité, transmis
l’information à ses homologues états-uniens.
La peur de la compagne
aimante du prisonnier politique, qui a attendu 6 ans pour agir, est d’autant
plus incompréhensible qu’elle est protégée en tant que collaboratrice du
célèbre Baltazar Garzon, ancien juge de la Chambre d’Instruction espagnole
Audiencia National 5.
Ayant pu constater de
visu à la Westminster Magistrate Court les liens que Stella Morris entretient
avec les représentants d’autres structures puissantes, j’en conclue qu’elle
était logiquement protégée par ces institutions et n’était nullement la mère
célibataire fragile et solitaire qu’elle se présente être. Je parle ici de la
Courage Foundation ou officiellement « Courage Corp, domestic business
entity », sise à New York et dirigée par Nathan Fuller,
domicilié à l’adresse 2790 Brodway appart. 4D, New York 10025[4].
Sur son site, la Courage Corp. se présente comme étant la Courage Foundation
dont le Conseil d’Administration est rempli de lanceurs d’alerte, de
journalistes, d’anciens agents de la CIA, de la NSA, du MI5, tous plus célèbres
les uns que les autres. Stella Morris est amie avec Naomi Colvin (ce que j’ai
pu voir de mes propres yeux de décembre 2019 à février 2020), qui succède à
Sarah Harrison à la tête de la Courage « Foundation » en Europe.
Stella Morris est aussi amie avec Renata Avila, membre du CA de Diem 25 et
proche du politique gréco-australien actif à Berlin Yanis Varoufakis. Il est
facile de le constater en fréquentant les audiences du procès de Julian
Assange.
Par ailleurs, ces
personnes comme Naomi Colvin, et Renata Avila, travaillent avec le Centre
d’Investigation du Journalisme, école privée britannique de formation au journalisme,
dont le fondateur Gavin MacFadyen fut un ami et superviseur de Julian
Assange. Le CIJ[5] organise
des sessions de formation financées par de riches fondations privées
américaines (Reva and David Logan Foundation) britanniques (Lorana Sullivan Foundation,
Joseph Rowntree Trust) et sud-africaines (Fondation David Potter et Ellen
Potter Fondation…[6]). La
plus importante de toutes est la Fondation Bertha[7].
La Fondation Bertha
a été crée par le milliardaire sud-africain Tony Tabasnik[8]
possédant le plus grand laboratoire de médicaments génériques du pays[9].
L’ancien avocat décédé de Julian Assange Michael Ratner était un ami de Tony
Tabasnik[10].
Certains événements du Centre For Investigative Journalism sont financés
directement par la plus célèbre des fondations, la Open Society Foundation de
Georges Soros[11]. La
Bertha Foundation est également liée par le partenariat avec la
« Hungarian Civil Liberties Union » à Georges Soros[12].
Mais il n’est pas étonnant que ces fondations des plus grands oligarques du
monde occidental travaillent ensemble. Le réseau des structures de Georges
Soros forme une entreprise mondiale présente sur presque la totalité des pays
du globe[13].
Côté allemand, la Fondation
Wau Holland est propriétaire de la marque « Projet 04Wikileaks ».
Julian Assange a été salarié de cette structure en tant que chef de projet en
2010-2012 déjà sous la responsabilité du patron actuel Andy Müller Maguhn.
Andy Müller Maguhn est aussi membre du Conseil d’Administration de la Courage
Foundation[14], cette
structure dont le siège est à la New York et qui récolte l’argent que les
Européens de bonne foi croient verser pour la défense de Julian Assange. Andy
Müller Maghun est aussi membre du Conseil d’Administration du Centre for
Investigative Journalism [15].
Le dernier rapport
d’activité de la Fondation allemande Wau Holland date de 2016, les
rapports de 2017, 2018 et 2019 n’ont pas été publiés alors que légalement ils
devraient être accessibles au public. Selon ce document[16], la fondation Wau Holland reverse
depuis 2014[17] une
partie (non spécifiée) de cet argent pour la prestation « Projet
libertéd’expression », autre nom de « Wikileaks » à
l’entreprise privée islandaise Sunshine PressProduction dirigée
par les directeurs adjoints Kristinn Hrafnsson et Inga Ragnar
Ingasson, Julian Assange emprisonné ne pouvant évidemment pas assurer la
gestion de cette entreprise[18].
Gavin Mc Fadyen, troisième administrateur de l’entreprise étant mort, il ne
peut pas, lui non plus, en assurer la gestion. Stella Morris est en relation
amicale avec Kristinn Hrafnsson ce que j’ai constaté de visu et semble aller de
soi. Pour finir, rajoutons que Stella Morris est amie avec Jennifer
Robinson, directrice à la Bertha Foundation, outil d’influence du
milliardaire sud-africain Tabasnik[19].
Elle est aussi fondatrice de la branche juridique de la Bertha Foundation, la
Bertha Justice Initiative qui est en capacité de donner en 2019
500 000 dollars de subventions[20]
à une importante et ancienne organisation de défense des droits des minorités
aux Etats-Unis, la « Center for Constitutional Right » – le Centre
pour les Droits Constitutionnels. Ces
organisations que dirige ou influence l’amie de Stella Morris et avocate
d’Assange ne sont donc pas de petites structures militantes.
Ce sont des agences
privées, outil d’influence des intérêts de milliardaires anglo-saxons et
d’entreprises de pointe allemandes. En tant que telles ces structures et leurs
décideurs sont évidemment connues des agences de renseignements CIA et BND
(Bundesnachrichtendienst). Comme l’ont démontré les analyses citées en bas de
page, le chef de l’équipe des avocats de Julian Assange, Geoffrey Robertson,
est un ami de Tony Blair, de Georges Soros et travaille avec la Banque
Mondiale. Il est le mentor de Jennifer Robinson[21].
Alan Dershowitz, avocat américain et ami de Robertson, est connu pour avoir
défendu aussi bien la légalisation de la torture que le richissime pédophile et
trafiquant d’enfant Jeffrey Epstein[22].
Dougthy Street Chambers, le bureau d’avocats de Robertson a défendu les Etats
Unis dans l’affaire Browder-Magnistky, et Mark Summers, avocat de Julian
Assange chez Matrix Chambers a aussi déjà plaidé en faveur des intérêts américains[23].
Gareth Peirce, avocate « sollicitor » en première ligne du procès
défend depuis 9 mois très mollement son client victime de torture visible par
les témoins du public[24].
Quant à Baltazar Garzon, il est accusé de torture par l’opposition basque et
catalane en Espagne entre autres faits d’armes en tant que juge[25].
Pendant ce temps les administrateurs de « Wikileaks » actuel ne
répugnent pas à confier les intérêts de leur structure à des agences de
communication en lien avec les politiques américains qui sont les premiers
ennemis de Julian Assange[26].
Insérée dans un réseau
aussi dense de relations puissantes dont les intérêts sont très en phase avec
ceux du système étatique américain, Stella Morris ne devrait pas craindre
d’être enlevée par la CIA. Comment se fait -il qu’elle en ait
peur alors que nous, militants pour les droits humains, nous faisons notre
devoir de défendre Julian Assange publiquement alors que nous sommes bien moins
protégés qu’elle des attaques des services secrets britanniques et
américains ?
Mensonges,
silences et incohérences
Dans un article du 29
août 2018 du média « Abc news », Jennifer Robinson affirme que Julian
Assange se trouverait dans un isolement total 3 rue Hans Crescent, interdit de
visites et d’internet[27].
Aujourd’hui, il serait bon qu’elle admette avoir alors menti, puisque
Stella Morris affirme avoir préparé, à cette période-là, la venue de son second
enfant conçu avec le prisonnier politique dans ce même lieu.
Une fois ces mensonges
constatés, comment donc les militants de base que nous sommes pourrions-nous
faire confiance à ces deux femmes prétendant être aussi avocates de Julian
Assange ? L’image de Julian Assange pleurant sur le balcon de
l’appartement, le 19 mai 2017 et brandissant le Ruling de l’ONU, affirmant avec
force les violations de droit qu’il subit, nous reste en mémoire. Ayant subi
une première coupure d’internet et l’isolement total depuis octobre 2016,
Assange est dans une souffrance visible. Aujourd’hui, Stella Morris nous
raconte que c’est la période de naissance de leur première enfant… Nous sommes
gênées par ces contradictions qui nous forcent à nous poser la question « qui
dit vrai, et à quel moment est-ce -vrai » ? Un homme qui est un
père heureux et soutenu par sa compagne ne peut pas porter autant de
souffrance, ne peut pas envoyer un SOS à des inconnus. C’est aussi ma
conviction après avoir vu Julian Assange en « vrai » et avoir
constaté de visu les marques de tristesse et du sentiment d’être trahi et
abandonné sur son visage lors des audiences du 21 octobre 2019, du 13 janvier
2020, du 24, 25, 26 et 26 février dernier.
Le silence de Stella
Morris et son absence lors des événements dramatiques de 2019 m’empêchent de
croire totalement à l’histoire qu’elle nous raconte dans le Daily Mail du 11
avril 2020. Le 11 avril 2019, alors que son compagnon, l’homme de sa vie, le
père de ses enfants, est enlevé brutalement par les services secrets
britanniques et placé en prison avant d’être jugé à la va vite le 1er et le 2
mai, Stella Morris est absente et silencieuse. Elle n’est pas davantage
plus loquace pendant les deux mois angoissants qui suivent : le 9 mai 2019
Nils Melzer dit dans son rapport sur la torture avoir rendu visite à Julian
Assange et constaté la dégradation de sa santé. Stella Morris se tait.
Les quelques visiteurs admis à Belmarsh (Ai Wewei, Pamela Anderson, John
Shipton) affirment que Julian Assange a perdu 15 kilos et donc peut mourir à
tout moment. La vidéo fuitée en juin, probablement de la prison Wandsworth où
Assange séjourne du 11 avril au 2 mai, montre un homme émacié et amaigri. Elle
fait le tour d’internet et de nombreux militants se mobilisent en Europe pour
organiser des manifestations devant les tribunaux anglais et la prison de
Belmarsh, dont les Gilets Jaunes français. Stella Morris, qui affirme
aujourd’hui avoir rendu visite à Julian Assange, en juin 2019, dans le cadre
des visites familiales normalement accordées dans les prisons britanniques, se
tait à l’époque et ne nous informe en rien de la réalité de la santé du prisonnier
politique. C’est incompréhensible et irrespectueux pour les milliers de
militants qui consacrent leur énergie et leurs moyens à sauver son compagnon et
qui angoissent sur son sort.
C’est criminel pour
Julian Assange. Un intervention de Stella Morris parlant
des enfants aurait permis de mobiliser l’opinion publique et aurait appuyé les
7 (sic !) demandes de libération faites par Wikijustice Julian Assange
depuis octobre 2019.
Mais le plus étonnant est
que Stella Morris laisse s’installer et perdurer la campagne calomnieuse
présentant son compagnon comme un violeur de femmes méritant cet acharnement
judiciaire. La campagne de diffamation dure depuis 2010 et a été
propagée par les même médias qui aujourd’hui racontent la « story »
du père de famille aimé et de son épouse dévouée. Cette campagne agressive et
omniprésente avait été précisément ce qui a rendu très difficile aux militants
de gauche de convaincre les féministes, les partis communistes et écologistes,
les milieux de la gauche radicale de l’innocence et de la bonne foi de Julian
Assange. Pourquoi Stella Morris, prétendument avocate spécialisée dans le droit
suédois, n’a-t-elle jamais déconstruit le dossier d’accusation rédigé par
l’officière de police Irmeli Krans alors qu’il est truffé d’incohérences,
d’invraisemblances, de collusion d’intérêts entre plaignantes, officière de
police, avocats et procureur/es, toutes et tous membres du même parti politique
socialiste et poursuivant les mêmes buts politiques et électoraux ?
Pourquoi n’a-t-elle jamais cherché à aider les militants qui travaillaient à
démontrer les failles politiques du dossier ?
Pourquoi avons dû nous
être seuls avec cette tâche compliquée alors qu’il suffisait qu’elle dise ce
qu’elle dit aujourd’hui, un an trop tard : Assange est un homme posé,
doux, respectueux, pas du tout le névrosé déséquilibré capable du pire avec les
femmes qu’on nous a tant de fois dépeint dans les médias. Ayant lu la
déposition de Julian Assange face aux accusations d’Anna Ardin datée du 30 août
2010, j’ai acquis tôt la conviction qu’Assange est plus une victime qu’un
délinquant, mais le témoignage d’une compagne prétendument aimante et mère de
ses enfants aurait beaucoup aidé à mobiliser les milieux de gauche européens. Je
suis obligée donc de souligner que l’absence de Madame Morris sur le front de
la lutte ne nous a pas aidé.
L’absence et l’inaction
de Stella Morris sur le front de la lutte pour sauver son compagnon atteint son
apogée en été 2019. Plus personne ne parle alors de Julian Assange pendant 2
mois. Les médias officiels sont silencieux ou continuent de le calomnier. Les
militants de la campagne « Dont Extradite Assange », « Defend
Wikileaks » ou « Unity4J » sur Twitter ne livrent pas les
informations cruciales sur une importante audience du 31 juillet au cours de
laquelle se décide la mise en place de la procédure d’extradition. (Il convient
là de souligner combien le choix de Twitter comme outil de campagne pour la
libération d’un prisonnier politique européen est étrange. Comment expliquer la
complexité d’une procédure judiciaire en 3 phrases sur Twitter alors que des
milliers de jeunes militants ne savent même pas qui est Julian Assange, 10 ans
s’étant écoulés depuis les exploits de « Wikileaks » ?)
Jennifer Robinson et John
Shipton se trouvent alors en Australie. Personne ne rend plus visite à Julian
Assange et de plus en plus de voix inquiètes s’élèvent réclamant que le Royaume
Unie livre des « preuves de vie » d’un prisonnier politique vu vivant
pour la dernière fois mi-juin. Les militants européens guettent avec angoisse
les très rares lettres qui parviennent au public : 3 en tout, du 20 juin
au 31 août alors que des milliers de personnes de toute l’Europe sont
encouragées à écrire et écrivent effectivement à Julian Assange à l’adresse de
la prison Belmarsh.
L’affaire du
numéro d’écrou
Les sites de défenses
officiels de Julian Assange comme Defend Wikileaks, la fondation Courage,
Unity4J etc. ont tous appelé pendant l’été 2019 à écrire au prisonnier
politique à Belmarsh SANS son numéro d’écrou A9379AY. Or, ayant retrouvé par un
hasard de recherche sur l’internet « à l’ancienne » ce numéro pour
demander une visite à Belmarsh, Wikijustice a très vite obtenu l’information
que ce numéro est nécessaire[28]pour
que le courrier parvienne au destinataire. Sans numéro du prisonnier, la lettre
ne lui est pas livrée. Cependant, lorsque nous avons publié cette information,
des militants « officiels » nous ont dénigré publiquement. Notre
premier voyage à Belmarsh, le 21 septembre 2019, a confirmé que nous avions
raison : le numéro d’écrou est indispensable si on veut que le courrier
parvienne à Julian Assange. Pourquoi les « proches », les réseaux
officiels de Wikileaks ont caché cette information, pis, ont désinformé les
militants et ce n’est que lorsqu’il n’était plus possible de la cacher, ont
enfin rendu public le numéro d’écrou de Julian Assange, en octobre 2019, par la
voix de John Shipton ?
Les actions de
Wikijustice Julian Assange
Parmi ces lettres, une
militante française de Wikijustice reçoit le 17 août la lettre incroyable qui
nous fait depuis agir intensément pour sa libération. Trois phrases comme les
vers d’un poème écrites d’une écriture qui ressemble aux différentes signatures
que nous avons pu trouver sur divers documents signés par Julian Assange et
publiés sur internet : « Thanks B for fithing for me, I am in a
very Dark place presently. Light up de night until victory !
J.A. ». Au dos de la feuille la même main a tracé le numéro d’écrou de
Julian Assange A9379AY surmonté du code SOS en Morse. SOS, un appel au
secours.
Wikijustice avait
immédiatement contacté par twitter, Facebook et mail John Shipton, Christine
Assange, Kristinn Hrafnsson, et par courrier Jennifer Robinson, Gareth Peirce,
Mark Summers et Geoffrey Robertson leur demandant de bien vouloir authentifier
la lettre via l’analyse de l’écriture. Nous n’avons reçu aucune réponse. Madame
Morris s’est tue, elle aussi, tout l’été. Comment croire qu’elle était présente
aux côtés de Julian Assange dans ces moments dramatiques alors qu’il envoyait
une lettre SOS comme une bouteille lancée à la mer ? Seul un homme
désespéré et seul envoie un SOS à des inconnus.
Nous avons alors eu
l’intuition que « very dark place » n’était pas une métaphore
littéraire comme certaines personnes bien intentionnées voulaient nous faire
croire. « Dark place » est le nom des prisons secrètes et
illégales situés dans les pays vassaux que les Etats Unis ont utilisées
pour emprisonner et torturer leurs opposants après les avoir enlevés
illégalement (« extraordinary rendition »). Des personnes ont ainsi
été détenues et torturées, de 2001 à 2006, en Pologne, Lithuanie, Maroc,
Thailande, Egypte…En Europe, des aéroports britanniques ont servis de points de
départ à des « vol secrets » de prisonniers torturés à destination
des centres de la mort de la CIA dans les pays cités[29].
Nous avions de bonnes raisons de croire que Julian Assange pouvait être détenu
et torturé dans un de ces centres. En Pologne, par exemple, se trouvent
plusieurs bases militaires officielles américaines, mais aussi des structures
et des centres secrets, ce que nous savons par des militants politiques
polonais opposés à la soumission de leur pays aux Etats Unis et réprimés pour
leur opinions par la justice et la police. C’est ainsi que nous avons amplifié
les questionnements et exigé que la Grande Bretagne donne une preuve de vie de
Julian Assange. Nous n’avons été un peu soulagés que lorsque Donald Trump a
inexplicablement annulé, à la dernière minute, sa très médiatisée visite à
Westerplatte en Pologne prévue pour le 1 septembre 2019, pour les cérémonies de
commémoration du début de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, une puissante
armada américaine se trouvait alors dans le port militaire de Gdansk et il
n’était pas interdit d’imaginer que la livraison d’un prisonnier politique
puisse être effectuée d’une prison secrète vers un de ces bateaux. Il vaut
mieux imaginer le pire et le prévenir que laisser le pire se produire sous
prétexte qu’imaginer le pire serait « complotiste » ou stupide.
Nous avons, dès début
août, fait des demandes de visite à Julian Assange sur le site « visit a
prisonner »[30]. Ces
demandes se heurtaient non pas à un refus mais à la réponse sibylline que Julian
Assange « is not available ». Est-il donc là ou n’est-il pas
là ? Nous avons interpellé la prison Belmarsh par mail, courrier, document
de réclamation et nous nous sommes physiquement rendus au « Centre des
visiteurs » le 21 septembre et le 10 octobre 2019. Il nous a été
répondu que le prisonnier gère une « visitor list » et que nous
devons lui demander par mail ou courrier d’être inclus dans cette liste si on
souhaitait lui rendre visite. Mais comment savoir si Julian Assange reçoit bien
nos courriers, alors que les colis que nous lui avons envoyés ne lui ont
manifestement jamais été donnés (preuve de la poste à l’appui, les colis
restent à la poste et ne sont pas livrés à la prison…), que les lettres non
livrées ne nous sont pas retournées, alors que c’est la Loi et qu’il n’y a
aucune preuve qu’il ait reçu nos mails et même l’argent envoyé via le site
internet de la prison ? Nos démarches avaient été décrites dans plusieurs
de nos articles. Nous avons publié à de multiples reprises la lettre SOS de
Julian Assange. Il est curieux que cette lettre n’ait jamais émue Stella Morris.
Jamais elle n’a jugé important, utile pour la lutte, de nous expliquer ou se
trouve réellement son compagnon, de donner des preuves de sa vie et de sa santé
alors que des milliers de militants européens passaient des mois d’été à
angoisser et à agir de toutes leurs forces pour que lumière soit faite sur la
« dark place » (la place sombre). Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons
obtenu aucune explication de la part de Stella Morris si oui ou non Julian
Assange reçoit les lettres et les colis que les nombreux militants lui
envoient. Il me semble pourtant que ces actions désintéressées méritent le
respect et qu’il est en outre bénéfique pour la lutte que les proches d’un
prisonnier politique entretiennent des relations suivis avec les militants.
Le 10 octobre 2019, j’ai
été agressée par deux gardiens de Belmarsh qui voulaient m’obliger à sortir du
centre de visiteur ou je venais poser des questions sur la « visitor
list ». Les bénévoles de l’association PACT les en ont empêché. Nous avons
écrit d’innombrables plaintes et réclamations à la direction de la prison.
Elles ont eu comme issues deux courriers de réponses de M. Harding,
directeur de la prison Belmarsh[31] .
Ces courriers peuvent être résumés en une phrase suivante « Comme aucun
prisonnier n’est maintenu en isolement à Belmarsh, ce n’est pas la prison qui
est responsable de son état présentant des symptômes de torture ». En
effet, notre intervention au tribunal Westminster Magistrate Court à
l’audience du 20 septembre 2019 ou Julian Assange était absent, puis à celle du
11 octobreoù il fut présenté en vidéo très mal en point, pâle, hirsute,
émacié et hagard, nous ont conduit à réclamer des autorités anglaises
l’arrêt immédiat des tortures que Julian Assange visiblement subissait. Nous
avons aussi réclamé l’arrêt de ce procès inique et la libération immédiate de
Julian Assange pour raison de santé, d’autant plus qu’il n’était plus condamné,
mais en détention provisoire pendant la procédure d’extradition.
Pendant ce temps, Stella
Morris, mère des enfants et compagne de Julian Assange selon ses dires, étaient
absente des audiences et se taisait. Elle n’a pas non plus initié de
demande de libération sous caution pour raison de soutien de famille. Un père
de famille a non seulement le droit de voir ses enfants, mais aussi
l’obligation de les entretenir. C’est justement la première action que posent
les avocats des prisonniers polonais en attente d’extradition : demander
la libération pour raison de soutien de famille, comme j’ai pu le voir en
assistant à plusieurs audiences de ce genre le 11 et le 18 octobre 2019 à la
Westminster Magistrate Court. Maitre Goscinski, Maitre Mastalerz et Maitre
Matelska, avocats défenseurs des Polonais menacés d’extradition, m’ont expliqué
que cette procédure est très simple à effectuer et qu’elle peut être renouvelée
tous les 28 jours lors de l’audience de prolongation de la détention
provisoire. Un détenu peut lui-même demander sa libération sous caution pour
raison familiale en remplissant un court formulaire disponible par exemple dans
ce guide distribué dans les prisons[32].
Les juges britanniques
accordent cette libération facilement pour peu que le détenu puisse démontrer
avoir une adresse stable au Royaume Uni, une famille et une possibilité de
revenus. Julian Assange est le gérant d’une entreprise de production de film, Sunshine
Press Production qui a bien généré quelques revenus en 2019[33].
Il remplit tout à fait les critères exigés que tant de migrants de l’Est
satisfont et sont relâchés par les juges de la Westminster Court, y compris par
Vanessa Baraitser, dans la journée qui suit. Bien sûr, le cas de Julian
Assange, peut sembler plus compliqué mais est-il si différent juridiquement des
autres accusés ? Non. Il ne devrait pas y avoir de prisonnier politique
en démocratie. Ou bien nous ne sommes plus en démocratie.
Au moins serait-il
intéressant politiquement d’utiliser cette possibilité offerte par le droit
pour réclamer sans relâche tous les mois sa libération. Les proches de Julian
Assange, ici John Shipton et surtout Stella Morris n’ont pas utilisé cette
possibilité alors même que le statut de citoyenne britannique Madame Morris et
de mère d’enfants je présume reconnus par Julian Assange lui conférait la
faculté d’accorder l’adresse stable en Grande Bretagne qui avait fait défaut à
Assange en 2010-2011. De plus, il est tout à fait possible de se marier en
étant en prison et le mariage accorderait au citoyen non-britannique qu’est
Julian Assange la possibilité d’acquérir des droits au séjour et de stabiliser
sa situation sociale. Stella Morris n’a pas utilisé toutes ces possibilités
pendant que Wikijustice envoyait, depuis octobre 2019, tous les mois, une
requête de libération à la Westminster Magistrate Court.
Les absences de
Madame Stella Morris
Stella Morris fut aussi
absente de l’audience du 21 octobre 2019 qui fut une première victoire des
militants exigeant le droit à comparaitre physiquement à son propre procès,
garanti notamment par la CEDH et inclus dans l’Habeas Corpus. Julian Assange y
est apparu très affaibli physiquement et psychologiquement[34].
Sur son visage, j’ai lu un sentiment de grande solitude et de grande détresse.
Il n’a pas salué ses avocats ni les personnes de son ancien entourage.
Impossible de savoir s’il a remarqué l’absence de de Stella Morris, il faut
dire qu’aujourd’hui non plus ce n’est pas lui qui parle de sa relation avec
elle aux médias, mais elle qui parle de lui à sa place. Lorsqu’il s’est révolté
et a pris la parole malgré l’opposition du juge et l’absence de soutien de ses
avocats, il a eu de la peine à finir ses phrases et a évoqué « le vol de
l’ADN de ses enfants » et « l’intrusion des psychologues dans son
intérieur ». A l’époque nous avions pensé que « le DNA
children » pouvait évoquer ses procédés informatique car « parents
enfants » sont des métaphores utilisés pour les serveurs et les logiciels.
Stella Morris n’a montré aucune émotion quant à ces paroles terribles qui
ont été répercutés par la presse et les militants. Elle n’a pas pensé qu’il
aurait été utile et important de les expliciter. De toute manière, elle
sera absente des audiences du 18 novembre et du 13 décembre au cours desquelles
l’état de Julian Assange se dégrade brutalement. Julian Assange n’est plus
capable, dès lors, de prononcer son nom et n’est pas en état de suivre les
débats de la cour. Wikijustice analyse sa souffrance comme consécutive à la
torture. Nous réclamons sa libération immédiate, l’accès aux soins ailleurs
qu’en Grande Bretagne ou dans un autre pays inféodé aux Etats Unis et l’arrêt
de la procédure d’extradition. Des militants suisses se mobilisent alors pour
enclencher la procédure d’accès à un visa humanitaire pour Julian Assange. Le
président du Mexique appelle à sa libération immédiate.
Stella Morris a-t-elle vu
la dégradation de la santé de son compagnon ? Si elle n’a pu lui rendre
visite, elle aurait pu au moins assister aux audiences. Elle apparait à la cour
le 19 et le 20 décembre, dans le public, comme accompagnatrice du jeune MC
McGrath. Le 20 décembre, alors que Julian Assange doit comparaitre physiquement
à la Westminster Court comme témoin ou victime et non comme accusé dans le
cadre de la procédure de Mandat d’Enquête Européen (EIO), elle prépare cette
comparution dans une « consultation room » en compagnie de MC McGrath
et de Fidel Narvaez. Finalement l’audience a lieu à huis clos et les
militants sont empêchés d’y assister. Nous, militants de Wikijustice, nous ne
pouvions qu’entre-apercevoir Julian Assange entouré d’agents de sécurité dans
la salle N°4. Pendant les heures d’attente que nous avons passées à la cour,
nous avons tenté de demander à Madame Morris, présente dans les escaliers et
les couloirs du tribunal, si elle avait plus d’informations sur cette étrange
procédure. Elle nous a ignorés d’un revers de main désinvolte et froid. Drôle
de façon de lutter pour la libération de son compagnon que le mépris affiché à
l’égard de personnes qui se dépensent sans compter pour que l’injustice recule.
Nous ne sommes pas de simples porteurs de pancartes. La lutte pour la justice
requiert toutes nos ressources et notre intelligence. Il serait bon qu’elles
fussent respectées par celle qui clame aujourd’hui être la plus proche de
Julian Assange.
Le 13 janvier 2020, la
cour permet à Julian Assange de comparaitre une deuxième fois physiquement.
C’est un moment important qui nous permet de communiquer avec lui par gestes à
défaut des paroles, puisque nos courriers ne lui parviennent plus et nous en
avons la preuve par le suivi postal. Madame Morris est présente dans la salle
d’audience accompagnée des étranges « avocats » qui ne plaident pas –
MC McGrath et Jennifer Robinson. Elle ne salue pas Julian Assange, ne lui fait
aucun signe, même quand il tente de prendre la parole, ne l’encourage même pas
en geste et reste en général dans une attitude froide et impersonnelle. Le
témoignage de la journaliste Véronique Pidancet Barrière, présente en face
de Julian Assange parmi les journalistes, rend bien compte de l’atmosphère de
cette cour et de l’attitude des avocats et du public[35].
Julian Assange y apparait plus que jamais comme un homme seul et sans espoir,
un homme qui se débat dans une souffrance intérieure intense et qui cherche par
le regard un contact avec une personne amie. Il s’anime et reprend espoir grâce
à cette communication visuelle avec Véronique Pidancet Barrière, seule à le
regarder parmi tous les journalistes assis à l’intérieur de la salle
d’audience.
Impossible de croire en
observant sa souffrance, ce que j’ai pu faire étant aussi présente dans le
public[36],
qu’il serait un homme comblé et soutenu par la présence de deux fils qui
grandissent entourés de l’amour d’une mère et d’une compagne aimé et aimante.
Il est alors dit qu’il n’est plus placé en isolement, isolement d’ailleurs
illégal. Les visites familiales sont un droit de base et elles devraient alors
lui avoir été accordées selon le règlement des prisons britanniques[37].
Par ailleurs, Stella
Morris n’était pas présente parmi les militants qui, le 13 janvier 2020 ont
bloqué le fourgon transportant Julian Assange du tribunal après l’audience. Or,
ce rare moment toléré par la police britannique était capital pour montrer la
solidarité du peuple avec Julian Assange. Les militants ont pu lui montrer à
travers la vitre des mots écrits sur des pancartes, lui faire des signes de
soutien avec les mains posées sur la vitre du hublot, crier des slogans et des
mots d’encouragement en ce moment rare ou il peut les entendre avec certitude.
Les photos de Julian Assange prises alors par les photographes montrent un
homme dont les yeux reprennent vie. C’est par ce « french activism »
(« activisme à la mode française » selon le qualificatif d’un des
agents des sécurité admiratif de la combativité des Gilets Jaunes) que nous
avons su insuffler la vie et espoir à un homme qui se voyait mourir solitaire
dans un « un lieu sombre ».
Stella Morris lors
du procès de février dernier
Le 23 janvier et 19
février alors que Julian Assange comparait en vidéo immobile, prostré et comme
absent (peut être drogué à des médicaments), Stella Morris participe au procès
dans la salle d’audience, au dernier rang de la salle, à côté de MC McGrath qui
est alors qualifié de « scholar », étudiant ou stagiaire par le
secrétaire du tribunal. MC McGrath, informaticien et hacker, n’a en réalité
aucun droit à se trouver à cette place puisqu’il n’est pas juriste. Stella
Morris ne semble pas plus submergée par l’émotion à la vue de Julien Assange
qu’elle ne l’a été auparavant le 19 décembre dans le public. Aucun signe de
connivence, aucun sourire…
Sa discrétion
professionnelle se poursuit pendant les longues et éprouvante heures du
« full extradition hearing » « procès final d’extradition »
du 24, 25, 26 et 27 février 2020, dans la salle 2 à l’intérieur de la
Woolwich Crown Court attenante aux prisons Thameside et Belmarsh. Je retrouve
dans ma mémoire et consigné dans mes écrits[38]
l’emplacement où elle se trouvait et son comportement au cours du procès.
Assise juste devant Julian Assange au dernier rang de la salle d’audience (le
box des accusés se trouve ici au fond de la salle alors qu’il est gauche de la
salle au tribunal Westminter), Stella Morris accompagnait Baltazar Garzon et MC
McGrath les deux premiers jours du procès. Le troisième jours elle est assise à
la même place à droite de l’avocat hispanophone Aitor Martinez. Le quatrième
jour c’est Jennifer Robinson qui réapparait et l’accompagne.
Stella Morris ne se
tourne pas vers Julian Assange lorsqu’il entre dans le
box et alors que l’émotion dans la galerie du public est à son comble. Elle ne
prend pas la peine de se lever et de lui serrer la main dans les pauses, comme
Baltazar Garzon le fait deux fois. Elle se contente de prendre les petits
papiers qu’il lui transmet et les fait passer au premier rang vers Gareth
Peirce et Edward Hamilton Fitzgerald. J’ai observé son visage comme j’observe
tout le monde dans l’assistance pour bien saisir qui est qui et qui fait quoi
dans ce spectacle. Je l’ai trouvé impassible comme celui des autres
protagonistes du jeu et comme il l’avait été lors des rencontres précédentes.
Le mercredi 26 février,
au troisième jour du procès, l’état de santé de Julian Assange empire. Il est
pâle et prostré le matin, livide et au bord du malaise en début d’après-midi.
J’ai pu décrire les événements à chaud et publier l’information le soir même [39].
En fin d’après-midi, le prisonnier se révolte brusquement. Il se lève et
parle, gesticule et exige trois fois de la juge qu’elle l’écoute. Alors que
les avocats s’affolent, sortent pour se concerter avec l’autorisation de la
juge, l’agent de sécurité qui surveille le public se sauve nous permettant de
laisser libre court à nos émotions et notre stupeur… Stella Morris assise juste
devant l’homme de sa vie ne l’encourage pas dans sa révolte ni même ne le réconforte
alors qu’elle se trouve à 1 mètre de lui.
Certes, son effacement
est tel que je ne peux être certaine aujourd’hui que j’ai observé tous ses
gestes, mon attention était alors absorbée par Julian Assange. Mais il est
évident qu’elle n’a joué aucun rôle dans la décision prise par les avocats
d’accepter la proposition de demande de libération sous caution que Vanessa
Baraitser leur fait pour éviter que le prisonnier ne s’effondre en direct
devant les témoins la plaçant ainsi dans une position très inconfortable. Nous
publions la nouvelle le soir même en envoyant encore une autre demande de
libération de la part de Wikijustice. Nous sommes très déçus lorsque
Fitzgerald ne fait aucune allusion à la libération sous caution de son client le
lendemain, le 27 février 2020, dernier jour du procès.
Lorsque Julian Assange
sort de sa torpeur et que l’ambiance d’hypnose collective s’estompe, à la fin
de l’audience, Stella Morris est une des premières à venir vers lui, enfin,
mais elle n’est qu’une parmi d’autres. Elle n’est pas celle à qui Julian
Assange parle en premier ni celle à qui il lance un salut ultime avant de
quitter la pièce.
Car le point commun de
toutes ces communications, celle du Daily Mail du Samedi de Pâques, comme
celles diffusées depuis, est que Julian Assange NE PARLE PAS publiquement.
Ce n’est pas lui qui présente sa fiancée ou sa famille. C’est encore une fois
un/e autre qui parle à sa place, comme s’il était trop malade pour parler ou
sous curatelle et incapable de présenter ses intérêts et dialoguer avec son
public. Hélas, dans l’ambiance exacerbée d’histoires de toutes sortes racontées
à tord et à travers, je ne croirai à cette histoire-ci que si Julian Assange,
libre de toute pression, la présente lui-même. De préférence live et non pas en
vidéo aisément trucable.
Julian Assange et
les droits des enfants
Je vois déjà venir ceux
qui me reprocheront mon incrédulité fasse à ces voltes-faces incessantes des
« proches » de Julian Assange. Pourquoi serait-ce si inconfortable
d’accepter l’idée de Julian Assange père de deux enfants ? En fait, je
n’ai pas de problème avec cette hypothèse.
Je sais que Julian
Assange a toujours été ému par le sort des enfants et a dénoncé le crimes et
les abus dont de trop nombreux enfants sont victimes. Présentant le film
« Collateral Murder » et les documents relatifs aux crimes des Etats
Unis en Irak et Afghanistan pour lesquelles il est accusé, il a toujours
souligné, dans ses conférences d’avril à octobre 2010, le sort révoltant fait
aux enfants.
C’est bien lui qui a fait
publier les 1100 pages des documents de la police belge sur les violences
commises sur les enfants par les réseaux mafieux pédo-criminels dans le
cadre de l’enquête sur Marc Dutroux[40].
Sachant que les versions papier des procès-verbaux d’auditions des victimes et
des témoins du trafic d’êtres humains de l’Europe de l’Est vers les pays
occidentaux, de 1996 à 2001, ont étrangement brûlé dans les archives de la
police belge, il n’y a donc qu’une seule version qui subsiste : celle que
Julian Assange a sauvegardé sur « Wikileaks » et mis à la disposition
de notre connaissance afin que les citoyens s’en saisissent pour finir le
travail de la trop lente ou trop corrompue justice.
Pour finir, il faut
mentionner aussi le rôle de la publication des mails de John Podesta pour laquelle
Julian Assange a récolté une critique acerbe jusque dans son propre camp en
2016 : ces mails ont été le début d’une enquête citoyenne qui a permis de
faire tomber Jeffrey Epstein, le criminels pourvoyeur d’enfants à vendre
pour la jet set états-unienne et britannique[41]
. Julian Assange et certains de ses proches qui l’ont aidé dans l’isolement du
3 Hans Crescent a toujours défendu les enfants.
A défaut de croire en
l’histoire d’une vie de famille clandestine mais chaleureuse, je regarde les
photos que Stella Morris a fournies aux médias de Julian Assange portant des
bébés dans ses bras comme une métaphore de son véritable engagement pour
les droits et la liberté des plus petits d’entre nous.
Nous ne lâcherons pas ce
combat pour le faire libérer et libérer tous ceux qui souffrent et qui luttent.
Nous ne nous laisserons pas enfermer ni dans la maladie ni dans la panique. Les
droits humains sont universels et la lutte collective nous mènera à la victoire.
Nous ne nous laisserons pas hypnotiser par la peur et la répression. Si nous
tombons, d’autres sortiront à notre place. Nous sommes nombreux et nos pensées
sont plus que jamais unies dans nos actions pour la liberté et la justice.
Julian Assange n’est pas seul et nous sommes toujours à ses côtés.
John Shipton dit aussi que Wikileaks a été crée en
France, a publié en France et mené des actions judiciaires en France. Il n’y a
aucune trace d’une association Wikileaks dans les registres de la Préfecture de
Paris.
[4] Voir
le site de NYS Department of State, Division of Corporation, Entity
Information. La Courage Corp a été crée le 30 Mai 2017, numéro DOS 5145362
[17]« 5 Projekt 04 – Informationsfreiheit
Im Projektbereich 04 wurden die Aktivitäten umstrukturiert, so dass eine
Abstimmung mit und eine Kontrolle der Aktivitäten durch den Vorstand einfacher
wurden. Mit der Medienfirma Sunshine Press Productions EHF (SPP, Island) wurde
ein Rahmenvertrag für journalistische Dienstleistungen geschlossen. Seitdem
werden konkrete Projekte beauftragt und nach Arbeitsfortschritt abgerechnet.
Die Dienstleistungen umfassen: Projektkoordination, technische Aufbereitung der
Materialien zum Schutz von Whistleblowern und Dritten (Entfernen der
Metainformationen), Review und Kontextualisierung der Materialien, Aufbereitung
für die Veröffentlichung im Internet sowie Kommunikation mit Medienpartnern.
2014 wurde auch der Internetauftritt von wikileaks.org grundlegend überarbeitet
mit neuer Submission-Platform und verbesserter Dokumentensuche » – extrait
du rapport d’activité de la Wau Holland en 2014
Issued:
15.1.2020 Date of Articles of Association: 8.10.2010
Company’s
Board of Directors according to a meeting on: 8.10.2010: 030771-3039 Julian
Paul Assange, Ástralía, Chairman 250662-5219 Kristinn Hrafnsson, Miklubraut 68,
105 Reykjav ík, Director 250571-2919 Ingi Ragnar Ingason, Klapparhlíð 18, 270
Mosfellsbær, Director 010140-2269 Gavin Hall Macfadyen, Bretland, Reserve
Director »
[33] Rapport du Conseil d’Administration
de Sunshine Press Production du 29 août 2919 – administration fiscale de
l’Islande : Ríkisskattstjóri
Reykjavík, Internal
Revenue, Main Office Reykjavík
Julian Assange by the Logan Foundation – USA, the 18-20 April 2010
Monika Karbowska
(autotranslation with Deepl)
Julian Assange under the control of the cameras
When we began, with
Wikijustice Julian Assange, to analyze, 9 months ago, the whole history of
« Wikileaks » and Julian Assange, we were struck by the suspicious
deaths that mark the history of the whole struggle for the liberation of
this political prisoner in the West: Seth Rich, John Johns, Michael Ratner,
Adrian Lamo, Arjen Kamphuis… So many sudden deaths of people who were
involved in Julian Assange’s revelations of state secrets or who sincerely
wanted to help him! There are also people who have asked us if we are not in
danger by taking too close an interest in the case. Naturally, the fight
against the system is a risk. I know this better than anyone who lost my
country, my best friends, in opposition to capitalism in Poland as early as
1991, when I was threatened by the bloodthirsty Ukrainian extreme right when I
supported the families of the victims of the Odessa massacre on 2 May 2014. But
we said to each other then: we are not isolated, we are part of the powerful
Yellow Vests social movement. To silence us we would have to silence an
entire country that stands up against the local, European and global oligarchy.
Yellow jackets on
the way to the Revolution in Great Britain
Looking at the violence
of the crisis we are going through in continental Europe and particularly in
France, we could say to ourselves, three months before the end of the first
phase of the trial at the Woolwich Court at the end of February, that we are
not far from this scenario? Prohibition to leave one’s home under penalty of a
police fine and prosecution, a halt to the economy and social ties, closure of
all places of sociability, collective fear of dying from an unknown disease for
which nothing has been prepared by the rulers…
The need for
resourcefulness and self-management where people are still being treated, in
hospitals and certain local health systems, to save the communes, departments
and regions in general from a failing state capable only of repression… I’ll
spare you the litany, you’ve been living it like me since mid-March.
Even the language used
for us is the same as the torture Julian Assange endured. His « solitary
confinement » in an apartment corresponds to our collective
« confinement » in our homes…
Julian Assange’s
latest trial hearings without activists’ scrutiny
In this debacle in my
country, it has been impossible for us to attend the four trials of Julian Assange
since the end of February, on 25 March, 7 April, 27 April and 4 May. It is
certainly possible to travel from France to Great Britain because Eurostar puts
tickets on sale every day and also to book a Paris-London on the liligo.fr
website, but it was getting out of one’s house that had become difficult in
France.
The information I have
been able to obtain has been provided to me by the detailed accounts of the
hearings written by the only journalist I consider to be doing substantive
work, Marty Silk of the Australian Associated Press (who is to be commended for
his work, by the way). Having been able to watch him work and watch him take
notes a number of times, I know that he at least describes the proceedings
fairly accurately. For example, I learned from the two hearings on March 25 and
April 7 that an application for bail was finally filed by lawyers Fitzgerald
and Summers, after so many months of prevarication, and that it was denied by
Justice Baraitser on March 25. The bulk of the hearings on 25 March and 7
April, however, consisted not in arguments about the release, but in endless
debates about the revelation of the identity of a new « companion » of
Julian Assange and his two children. According to Marty Silk, it was rather
the lawyers who constantly brought up the subject in a dramaturgy worthy of
Paris Match, Gala or Voici when the judge and the prosecution were observing an
obvious neutrality. Obvious because in a legal procedure only the identity of
the litigant is known to the public attending the trial. The name of the
husband/wife is known to the judicial institution since it concerns the civil
status of the litigant and his family obligations which are part of his social
situation, but it does not have to be delivered to the public. And a fortiori,
the judge will never publicly disclose the names of the children of the
litigant because this information is logically protected by the laws on the
protection of children, personal privacy and data protection.
The colourful account of
the « paparazzi who might sue the poor woman if her name were to be
revealed to the public » and the fear of « kidnapping by the American
secret service » left me, as is often the case, incredulous about the
bizarre elements of this case. As already in 2019, I repeated to the activists
that « if this woman lives in Great Britain, the British secret services
know her perfectly and if they know her, the American secret services know her
too ». It is unlikely that the CIA would take the risk of murdering or
abducting a British woman and children on British soil. Despite all the disgust
that this institution may inspire in us, it has never yet committed this kind
of crime on the soil of its closest ally vis-à-vis British nationals because to
do so would be diplomatically very risky for the US government. In any case,
I had rather left to find Julian Assange’s girlfriend in France. Following
the numerous public statements made by Juan Branco and Eric Dupont Moretti
at the press conference of February 20, 2020 in Paris,[1]
according to which Julian Assange was the father of a French child, activists
regularly asked us this question: « Do you know who Julian Assange’s French
wife is? ». No, I did not know, but I kept an option on this probability,
knowing that it was credible that a computer activist like Julian Assange could
have met a companion in France in the years 2005 to 2009 and that it would have
been useful for us, activists, to have his open support in our struggle for
Julian Assange’s political asylum in France.
Stella Morris at
the Daily Mail.
After years of trying at
all costs to protect her identity and succeeding in spite of the
« paparazzi », Stella Morris alias Sara Gonzales Devant or Stella Smith
Robertson[2]
is now putting herself and her children on stage with her face uncovered in
front of the journalists of the tabloid « Daily Mail »[3]
– I discovered the article on the evening of April 11th. The newspaper
publishes a few photos, a fictionalized text and a video of Stella Morris with
a cat and two children in a decor that resembles that of a computer workshop
(equipment in boxes on shelves…) in which children’s toys have been placed.
This news prompts me to
write here some reflections on the nature of the activism that I have carried
out in recent months, for which I have taken many risks and experienced
moments of great violence, as I have described in all my articles, on the trial
of Julian Assange. Indeed, I have attended all of the hearings in Julian
Assange’s trial since September 2019: September 20, October 11, October 21,
2019, November 18, December 13, December 19 and 20, 2019, January 13, 2020,
January 23, 2020, February 19, 2020, February 24, 24, 26 and 27, 2020. After
having put in so much effort, I feel justified in making a few remarks.
Similarly, it is
unfortunate that no journalist questions and encourages the public to reflect
on the credibility of a person who may have changed his or her first and last
name three times in his or her life and who claims to be doing a job when
there is no proof that he or she is capable of doing so. In western legal
systems, it is very difficult to change one’s name and even more difficult to
change one’s first name except in the case of marriage or naturalization. A
special procedure requiring valid arguments is then necessary. If Sara Gonzales
Devant, a specialist in the history of East Timor, is the same person as Stella
Morris, legal advisor, then it is necessary to mention that « Stella
Morris » is a pseudonym and to be accurate in the story so as not to
mislead the public and activists.
It is unfortunate that
the media portray Stella Morris or Sara Gonzales Devant or Stella Smith
Robertson as a « barrister » when she is not a member of the British
Bar, the Bar Council or the[4]
Law Society[5]
under any of her three names. She is not the only one: Jennifer Robinson and
Geoffrey Robertson are also not registered with the British Bar, but the words
are important, to say legal adviser or legal assistant would be more accurate.
Of Julian Assange’s many « lawyers », only Jean Gareth Peirce and
Alaistar James Lloyd Lyon are registered with the Law Society and Edward
Hamilton Fitzgerald and Mark John Summers with the Bar Council.
Moreover, while Stella
Morris portrays Julian Assange as both her client and her companion, reporters
could also have concluded that Stella Morris does not respect the code of
ethics of her profession when she is in the courtroom sharing her intimate life
with the accused. If she is indeed the accused’s companion, her presence is
a procedural defect that should have caused the hearings to be cancelled. To
« defend » as a lawyer is to defend according to rules and a code of
ethics that in most countries prohibit a lawyer from having close personal ties
with his or her client. Moreover, the second procedural flaw is that if Julian
Assange is indeed Stella Morris’s partner, she cannot remain her lawyer, since
if she respected the rules she would not be able to plead and therefore
represent him properly. Julian Assange would again find himself powerless
because of a personal and legal imbroglio which could only once again be
detrimental to him.
At all the hearings from
19 December 2019 to 27 February 2010 we noted the incongruous presence of very
young people who obviously do not have a law degree and are not, of course,
registered with the Bar Council or the Law Society. On 19 December, 13 and 23
January and 19 February 2020, it was the young hacker MC McGrath[6]
who played the role of apprentice lawyer sitting on the defence bench at the
Westminter Magistrate’s Court. On February 24, 25, 26 and 27, 2020, he was
present next to Stella Morris and a bunch of teenage girls who were visibly
bored during the long hours of the « trial of the century » and were
playing on their laptops or pink computers. I know you have to see it to
believe it, and as I have seen, having attended all these hearings, I encourage
those who do not believe me to line up from 5 a.m. next time to see what is a
strange sight far removed from what is expected of a serious political trial.
From the audience gallery, I sometimes felt as if I was watching the dress
rehearsal for a film shoot or a play with young extras, or an « in
situ » exercise for young actors-in-training.
Stella Morris as
Sara Gonzalez
Sara Gonzalez Devant
is apparently a graduate in political science (Department of International
Development[7])
at Oxford University, specializing in the issue of refugees in East Timor[8].
She would have stayed in East Timor in 2005-2006 and would have written a
dissertation for this faculty: this document is quoted in two academic books on
the subject[9].
One of these academic books, edited by Jacqueline Aquino Sapiano, presents her
as a scholarship holder of the « Agencia Espanola de Cooperación y
Desarolla AECID », the Spanish governmental agency for international
cooperation. The website of a British refugee aid organisation (Refugee Legal
Aid Information) states that she would have been a consultant in East Timor for
the United Nations High Commissioner for Refugees[10]
and would have worked in 2010-2011 on the issue of transgenerational poverty
for the Oversea Development Institute, a major international think tank
working on the themes of migration, sustainable development and climate change
and financed by British, American, Swedish and French government agencies as
well as major companies[11].
She was also funded by the Jeanne Sauvé Canadian Public Foundation « for Women’s Leadership » [12]but it is impossible to find details of her work or research. Sara Gonzalez Devant has written two articles on East Timor and one on Botswana on the specialized website « New Internationalist »[13] and has participated in a newsletter on the theme of refugee rights[go14].
Sara Gonzalez Devant on the south african portal Devex
It is a very honourable
professional background, but far removed from Swedish law on sexual violence
or British law on extradition, which she claims to use to help Julian
Assange as Stella Morris. As Sara Gonzalez Her professional career path also
seems to stop in 2012.
Stella Morris or Sara Gonzalez Devant or Sara Smith Robertson, september 2020 in the front of the Old Bailey. Despite the make up and the smile she never has in the reality, she seams the same person as the women I saw in the Westminster the 19, 20 décember, the 23 of January, the 19 of february and the 24, 25, 26, 27 february 2020
What really
happened at 3 Hans Crescent for seven years?
Having known Mrs.
Gonzalez devant under the name « Stella Morris » I will continue to use
this pseudonym. Her account, in the first article of the Daily Mail, on April
11, 2010, inspires me to make the following reflections.
Having children in a
heterosexual couple involves having sex. It is possible, of course, to have
children in non-consensual sexual relationships, but Stella Morris shows us in
her film the loving relationship she says she developed with Julian Assange.
Having loving emotional and sexual relationships implies having a space of
one’s own where this intimacy can blossom in confidence. It is also necessary
to have a free and protected mental space to be able to create an ongoing
relationship and focus on creating that relationship.
What we have been told,
since 2012, about the life of Julian Assange in the apartment at 3 Hans
Crescent Street belonging to the State of Ecuador is incompatible with the
conditions necessary for an intimate and family life to flourish. Julian
Assange would have been under constant surveillance by UC Global’s cameras
placed from 2015 onwards in all spaces, including the bathroom and toilets, as Andy
Müller Maguhn, Chairman of the Board of the Wau Holland Foundation,[15]
shows in the film shown on 27 December 2019 at the Chaos Computer Congress and
composed of these intrusive images stolen from Julian Assange’s private life[16].
According to the official narrative, which has been repeated so many times by
the media and by « relatives », Julian Assange spent seven years confined
to 5.5 square meters of a bedroom and an even smaller space in which his bed
was placed, formerly a toilet[17].
Not exactly ideal conditions to develop a love life, as Stella Morris claims to
have visited him every day from 2015 until April 11, 2019.
Andy Müller Maguhn shows the private pictures of the 3 Hans Crescent Street by the Chaos Computer Congress the 27 of december 2019. But where was Assange? In the storage room?
But perhaps we were
simply lied to and Julian Assange’s life in Ecuadorian space was very different
from what we were presented with?
The reality of the
place at 3 Hans Crescent Street
going to the 3 Hans Crescent Street
According to the land
register, the building at 3 Hans Crescent Street is owned in absolute ownership
(Freehold) by the Hans Crescent Freehold limited company (Document LN62660),
located in a tax haven and owned by Mohammed
bin Khalifa Al Nahyan, son of the President of the United Arab Emirates[18]. Ecuador,
for its part, has had a « Leasehold » (a kind of very long-term lease)
for Apartment 3B on the ground floor since 25 December 1976, with a storage
room in the basement (Document NGL333924)[19].
This apartment is located on the left corner of the building when you stand in
front of the entrance to number 3. One notices that only 3 windows (including
the famous balcony where Julian Assange sometimes appeared and was filmed by
the media and activists) look out onto Hans Crescent Street. The rest of the
apartment, 5 windows, overlooks a small cul-de-sac, Landon Square. The Ecuador
apartment has a large emergency exit immediately overlooking the dead end,
perhaps a second one from the storage room, since there are two doors under the
apartment at the end of the Landon Square dead end that allow you to go out of
the « basement » (rather a « basement » – a room at ground
level) of the building and go to the street or into the Harrods parking lot
across the street.
the Landon place, the real view to Ecuadors flat.the entrance of the building – for the flats, the Ecuadors Flat and for the Colombian diplomatic mission
Right in front of the
apartment, integrated in the same building complex, is the imposing entrance to
the parking lot and the Harrods delivery tunnel (see photos)[20]. This
entrance located at 1 Hans Crescent Street connects this car park and the
delivery tunnel through the basement of the building to the Harrods store
located to the right of the building complex at 3 Hans Crescent Street, on the
Basil Street side. The Harrods car park therefore extends underneath the 3
Hans Crescent Street building complex and it is possible to exit through a
second entrance on the other side of the building, next to the luxury
pizzeria facing the Harrods, the only restaurant in the area. These entrances
and tunnels under the building at 3 Hans Crescent Street are mentioned in the
land register.[21]
the Colombian diplomatic mission on the right side of the building, in front of the Harrods
No wonder. Anyone who
knows London knows that the area is full of World War II-era underground
tunnels[22].
The underground car parks were, as early as the 1930s, the first part of the
underground shelters for civilians during the Nazi bombings of London. A short
distance from Hans Crescent Street is even the famous « 206 Brompton
Road », the former underground station under which, during the war, the
headquarters of London’s anti-aircraft defence was located! Property of the
British Ministry of Defence, which kept the underground bunker as it was, the
place was sold to the Ukrainian oligarch Dimitri Fyrtach at the height of the
Ukrainian war against the Donbass in 2014[23].
As one of the richest and most powerful oligarchs in the country, and the sole
owner of the Russian gas supply systems to the Ukraine, chemical plants and
titanium import companies, Fyrtach is also closely linked to the British and
American elites. During the war in Ukraine he was accused of having been too
close to President Yanukovitsch, whom the Western powers initially pushed with
the putsch of 21 February 2014. Since then, Fyrtach has been prosecuted for
corruption but he remains the owner of the walls of the historic building while
the British Minister of Defence retains ownership and control of the vast
underground passages[24].
When the old bunker was put up for sale, history buffs were able to film what
is the point of entry of a tangle of underground passages in this district
steeped in a hard and heroic history[25].
These details are given to demonstrate that it is possible to enter the
buildings of this historic district, go down into the basement inside and exit
the building through another entrance, sometimes located in another building.
When he was forcibly removed from the premises at 3 Hans Crescent Street on April 11, 2019, Julian Assange held up a book by Gore Vidal in front of the cameras. Curiously enough, the American writer lived in his property at 31 Egerton Crescent just 500 meters from the Hans Crescent building complex, as he mentions in his autobiographical book « Palimpsest ».
thefire security exit of the ecuadors flat to the Landon place
It is also known that the Embassy’st services moved in 2015 when the double-entry building at 6 James Sessions Square and 12 Buckle Street in Whitechapel was completed. It is here that Ecuadorian diplomats work, most likely from 2015, alongside their colleagues at the Consulate, as shown on the official Facebook page of the State of Ecuador in London, there is no other website[26]. The apartment at 3 rue Hans Crescent may have remained covered by diplomatic immunity and has since been used as a storage space, meeting and reception room, or simply as accommodation for diplomats or visitors to the mission.
The underground going to Harrods – with delivery trucks just in front of the windows of the ecuadorian flat
Moreover, if the story
about cameras installed by the security officer of the diplomatic mission were
true, it is not the custom of diplomats to work with surveillance cameras installed
in their work station (and in the toilets of their workplace), cameras zooming
in on secret defence documents… No real diplomat would accept this, if only
because of the danger that these images could be stolen. Moreover, there is no
need to spy on diplomats in their work, these people have already been chosen
for their loyalty to the government in place. Today the apartment is empty and
the security guard posted in the vestibule controls the entrances to both
apartments, the one from Colombia and the one from Ecuador. Those curious
about Ecuador are systematically directed towards 12 Buckle street.
Precisely, another
embassy, which no media ever shows, the Colombian embassy is on the same
floor of the ground floor of the building. The two missions are therefore
adjoining; they share the same main entrance, the same staircase and the same
narrow vestibule. This proximity is very surprising when one knows the deep
hostility of the Colombian regime, closely associated with the domination of
the United States over all Latin America, to any left-wing government in any
country of the continent, including that of Correa. Observing these two flags,
which are very similar, of Colombia on the balcony of the apartment on the
right, and that of Ecuador on the balcony of the apartment on the left, the visitor
always wonders how on earth Julian Assange could have felt safe in an
apartment with windows, some of them exposed on a square, the others stuck at
the end of a dead end and located on the same level as the headquarters of his
worst enemies.
To conclude on the inconsistencies
in the fable of the evil UC Global spying on the Ecuadorian diplomatic mission,
it should be pointed out that a security agent officiating in the adjoining
vestibule cannot filter the entries to the apartment from Ecuador without
Colombia’s agreement as well. Otherwise, this would lead to serious diplomatic
friction between two countries whose governments are ideologically hostile from
2007 to 2017. It is also clear that Ecuador, which only owns apartment 3B, did
not have the right to control the entrances of the inhabitants of the other
apartments in the 5-storey building. This requires the agreement of Hans
Crescent Freehold limited, owner of the entire building. Either this filtering
with passport control was decided by all the owners, or this story is a fake
intended to raise the tension of the media spectacle.
Storytelling put
to the test of diplomatic customs and realities
Guillaume Long, Rafaël
Correa’s former Minister of Foreign Affairs, told us during the conference at
the Sorbonne on September 25, 2019, that Ecuador has always respected the
Swedish legal actions against Assange and has always negotiated with the United
Kingdom during Julian Assange’s seven years of stay in Ecuador[27].
By saying this, he confirmed the doubts we had about the image of « the
embassy under siege by the British police force, to the point that the
ambassador cannot do his job ». The film « Risk » by Laura Poitras
takes this dramatization to the extreme. However, Fidel Narvaez, consul and
head of security at the place, is filmed talking (probably) to British
authorities in June 2012 when Julian Assange walked through the door of the
apartment at 3 Hans Crescent Street, but while he complains about a
« disproportionate » number of police officers, he does not complain
about the « siege » and even less about a state of war[28]…
The real Ecuador Embassy 12 Buckle street The real ecuador embassy and consulat 6 James Session Square in Whitechapel
It must be understood
that in history besieging a diplomatic mission has always been an act of war,
which was therefore quickly resolved by a war between the parties (often after
the express evacuation of personnel). The most emblematic case in the 20th
century was the taking of American diplomats hostage in their mission in Tehran
in 1979, in the context of the Islamic Revolution in Iran. Since 1979, it can
be said that relations between the two countries have resembled hostile tension
on the verge of war. There was no example in the 20th century or even before an
embassy was besieged by the host country for 7 years. No professional diplomat
believes the story told by the media of the ambassador being prevented from
working in his mission and surrounded by the forces of the host country for 7
years in peacetime.
As I explained in a
previous article[29], the Vienna
Convention of 18 April 1961 establishes the principle of diplomatic immunity on
the basis of the principle of reciprocity. It is through this principle of
reciprocity and fear of reprisals against its own diplomats that the host
country, even in the event of a deterioration in relations, refrains from
hostile acts vis-à-vis the foreign mission on its soil. The principle of
immunity, which requires that any intervention by the host country in the
mission should only take place with the agreement of the highest authorities of
the country concerned, i.e. the Minister for Foreign Affairs, lays down the
condition for cooperation between the two countries to resolve any conflict
between them. Clearly, it is impossible for British police officers to have
« surrounded » the Ecuadorian Embassy without the agreement of Ecuador.
It was rather a surveillance-protection measure granted precisely because of
the Vienna Convention to Ecuador by the government of Great Britain, at
Ecuador’s request, perhaps to keep away the curious who would like to get
too close to the apartment 3 rue Hans Crescent to observe the reality of Julian
Assange’s life there.
If Ecuador had really
been « surrounded » and the work of its diplomats had been prevented,
Ecuador would have been entitled to do exactly the same to the British
diplomats posted in Quito. However, Raphael Correa was careful not to apply the
principle of reciprocity against the British Embassy in his country. On the
contrary, Ecuadorian-British relations certainly experienced some difficulties
with the Assange question, but negotiations never ceased during this period[30].
The impasse was attributed to the incompetence of Ambassador Ada Alban, a close
associate of Raphaël Correa but not a professional diplomat, who was in office
from 2010 to 2013. The man who has been deciding on Julian Assange’s stay
since April 2012 is Fidel Narvaez[31],
consul since the beginning of Correa’s presidency, very politically linked to
the president, and very probably, as is often the case with the posts of
consul or vice-consul not well defined, his head of security. Curiously, Fidel
Narvaez, presented as a close friend of Julian Assange, should, according to
the customs of the milieu, have been persona non grata and immediately asked to
return home after the expiry of his diplomatic immunity, if he had been
responsible for the state of tension between his country and Great Britain. On
the contrary, today Fidel Narvaez lives in Great Britain, where he has a
residence permit. Having met him several times in the corridors of the
Westminster Magistrate’s Court and having been able to talk to him, I did not
get the impression that he is very worried about his situation as a
« troublemaker » vis-à-vis Great Britain. On the contrary, he has
attended Julian Assange’s hearings since 19 December 2019 and then the trial
from 24 to 27 February 2020 at the Woolwich Crown Court, in the public gallery
in the row reserved for the prisoner’s « family ». The British
authorities do not seem to resent him for having been at the origin of a
situation that was costly for them in media, political and financial terms and
that generated heavy diplomatic problems. On the contrary, the British
authorities have granted him the right to remain on their soil after his status
as an Ecuadorian diplomat has ended. One more argument in favour of the
hypothesis that the « siege » was a show for sensitive souls.
Storytelling
versus real geopolitics
Not only has Correa’s
Ecuador has not been at war with Great Britain during these 7 years, but it has
continued to develop very profitable relations with the European Union and its
countries throughout this period, especially with Germany. However, Great
Britain was a member of the European Union at that time, and considering the
role the Germans played in the Wikileaks project (the Wau Holland
Foundation as owner and funder of the project and employer of Julian Assange in
2010-2012[32]), it is
surprising that at no time did the German government play the good offices, as
is usually done in the world of diplomacy, to resolve the « burning Assange
conflict » between Ecuador, his new friend in Latin America,[33]and
Great Britain, the third strongest power in the European Union. Rafael Correa’s
government maintains privileged relations with Germany through the Friedrich
Ebert Foundation, which specializes in relations between the German
Socialist Party SPD and socialist networks and organizations around the
world[34].
It is as if the
« Assange case » was only hot for the media, which zooms in on the
balcony with the Ecuadorian flag and removes the other elements of the
decor from the field of vision: vans entering Harrods’ parking lot in front of
the apartment, the Colombian embassy on the landing, the absence of any
Ecuadorian diplomat in the whole neighborhood, of any Ecuadorian whatsoever, as
ironically reported to me by the workers of the neighborhood.
In serious diplomatic
channels, the Assange affair does not exist or is a marginal media epiphenomenon.
I am sure that when we open the Foreign Office archives in 30 years there will
be no record of the violent conflict between Ecuador and Britain over Julian
Assange’s presence at 3 Hans Crescent Street. The absence of conflict does not
mean that there were no negotiations about the fate of the « host » as
UC Global officials spying on Assange on behalf of Correa and then Moreno
called him. Julian Assange himself spoke of his hostage status in the
negotiations between three countries, Ecuador, Great Britain and the United
States during his last speech on the balcony on May 19, 2017. He appeared sad
and defeated, evoking the violations of rights in the European Union while the
British have just chosen the Brexit by referendum. He then mentioned the
blackmail that Ecuador would suffer from the European Union which would
penalize « Ecuadorian exporters » because of his case[35]. We Europeans experience in our lives how
Germany decides almost all the policy of the European Union and the fate of its
citizens. Does Julian Assange think of Germany as a stakeholder in the
conflict that penalizes him without being able to express it clearly? No
journalist has ever analysed his speech from this political angle, which is
essential for understanding the situation. We will not know more, as Correa’s
left-wing government is careful not to take public opinion as a witness and
never reveals the true nature of its relationship with the Anglo-Saxon powers
and with the European Union in the case of « Julian Assange ».
Nor did any journalist
or analyst consider the interests that Wikileaks publications (such as
the publication of the Vault 7 global surveillance files mentioned by Julian
Assange in this 10-minute speech) could represent for Germany as a state in
its relations with the United States, even though Merkel’s government had been
very angry at the CIA’s spying on the Chancellor’s mobile phone. One hypothesis
would be that the « Wikileaks » unveilings serve as leverage for
Germany to put pressure on the United States and strengthen its independence
from its powerful US allies.
In fact, on European
soil, since the signing of the Vienna Convention, there have been no cases of
flagrant violation of diplomatic immunity despite the conflicts and tensions
that shake our continent. The only precedent resembling that of Julian Assange
at 3 Hans Crescent Street would be that of Cardinal Mindszenty who took refuge
in the American Embassy in Budapest after being released from prison by the
Communist government in 1956. But if Mindszenty, an anti-communist activist,
spent 15 years in the spacious American building in Budapest, it is because he
refused to leave Hungary for the United States or the Hungarian communists
would have preferred to send him away to prevent him from continuing his political
action against them. Closer to home, the dreadful assassination of the Saudi
journalist Jamal Khashoggi in his country’s consulate terrified diplomatic
circles for whom a mission is a sanctuary. But it must be stressed that this
despicable crime was facilitated by the permissive attitude of the host
country, Turkey. Here again, cooperation between countries based on reciprocity
played to the full, to the detriment of the most basic human rights.
We can deduce from this
that Great Britain and Ecuador practiced for 7 years a form of agreement about
Julian Assange and that Julian Assange was the only hostage of this
negotiation. Germany also played a secret and important role that should be
analysed.
Julian Assange’s
identity
Guillaume Long in the Sorbonne conference 25 of September 2019
Did Julian Assange ever have
Ecuadorian nationality and political asylum? The question is
far from absurd. As for nationality, Guillaume Long, former Minister of Foreign
Affairs under Rafael Correa from March 2016 to May 2017, answered our question
on the subject during the conference at the Sorbonne on 25 September 2019.
According to him, Maria Fernanda Espinoza, who heads this ministry after him,
was not allowed to sign Julian Assange’s Ecuadorian naturalization document.
This prerogative was reserved for the President of the Republic, Lenin Moreno,
who never approved this decision[36].
Guillaume Long therefore considers this nationality to be false and therefore
legally revocable. The document has not been published.
Worse, Julian Assange has
never been able to show, in video or live, the document guaranteeing him
political asylum in Ecuador – Ecuadorian residence permit or other. However,
articles 27 and 28 of the Geneva Convention require the refugee to have an
identity document that allows him to travel and establishes his identity with
certainty, mentioning his exact name, date and place of birth and address[37].
The only document published by the media, the « Documento de Identitad de
persono que ostendo proteccion international », bears Julian Assange’s
photo but no other data required by the Geneva Convention, nor his signature[38].
This document was drawn up on 30 November 2016 by José Luis Jacome,
Vice-Minister of Human Mobility under the responsibility of Guillaume Long.
Jacome will remain in office after the election of Lenin Moreno in February
2017, while Maria Fernanda Espinoza, the new Minister of Foreign Affairs,
declared in December 2018 that she had granted Ecuadorian nationality to Julian
Assange. This loyalty of the Ecuadorian senior civil servant to the leader who
revokes the nationality and asylum of a political refugee, in defiance of the
Geneva Convention and the Universal Declaration of Human Rights, casts doubt on
the reality of his support for Julian Assange under President Correa.
In addition, Guillaume
Long also stated on 25 September 2019 that it is possible that Ecuadorian
asylum was only guaranteed in 2012 on the basis of the Inter-American
Convention on Human Rights, (article 22.7 and 22.8)[39]
not the UN Geneva Convention on Refugees, which would explain why Britain does
not recognise Julian Assange’s asylum. We can see that there is a significant
lack of clarity regarding Julian Assange’s Ecuadorian political asylum and
that these contradictions are detrimental to him.
In addition, on 15 and 16
November 2016, at a hearing with Swedish prosecutor Ingrid Isgren Julian
Assange, he claims that he is an Australian citizen, that his passport was
taken by the British authorities and that he cannot prove his identity. It
is inferred that he does not possess any documents[40].
No one has ascertained the true meaning of these dramatic words and no
journalist has asked for explanations. Firstly, when the British court granted
him bail in December 2010, it should have returned his passport after he was
released from the Wandsworth pre-trial detention centre. The confiscation of
this passport is, in every respect, illegal under international law, and such
experienced lawyers should have fought first to ensure that their
client was not de facto stateless, in addition to being already an
« undocumented migrant » (a residence card is compulsory for Australian
citizens after more than 6 months in the UK). The fact that such an action
against the British state was not taken for 6 years, until Julian Assange’s
meeting with this Swedish prosecutor, says a lot about the inefficiency of the
lawyers we have already denounced.
Secondly, it is
surprising that Julian Assange « is not able to prove his formal identity »
when, as a refugee under the protection of the Geneva Convention, he should have
a document issued by Ecuador, proving his identity, his right to the protection
of the State of Ecuador and his right to travel (as stipulated in articles
27 and 28 of the Convention). The Charter of the United Nations prohibits the
revocation of a citizen’s nationality at birth and the fabrication of stateless
persons. How is it that the senior Swedish official did not point out these
flagrant violations of rights on the person of Julian Assange, violations
committed by the British authorities, by the Australian authorities who must
protect their citizens and by Ecuador which did not provide him with an
identity document in accordance with the obligations of the Geneva Convention?
Julian Assange in making this statement clearly called for the help of this
person legally mandated by a State and likely to understand the kidnapping of
which he is a victim.
What value can the work
of « chief prosecutor » Ingrid Isgren have when she cannot record on the
hearing report the surname, first name, place and date of birth, address,
passport number and dates, place and authority of issue and expiry of Julian
Assange’s legal identity document? Why did she not ask him about the Ecuadorian
identity documents he should have? Why does she accept the illegality of the
person she is interviewing, an illegality which she does not denounce?
Why is it that nobody notices
that this essential data is missing from the Swedish file? The protagonists of
the Swedish charges, complainants and witnesses, moreover, never seem to
have presented any identity documents to the police and the courts because
these documents are blank of any identifying number[41].
At the time, the Minister
of Foreign Affairs was Guillaume Long and the President of Ecuador Rafael
Correa. They are all as much responsible for Julian Assange’s inextricable
situation as Lenin Moreno, whom it is so convenient to call the
« villain » of the story. This storytelling technique allows to whitewash
the personalities in power for 7 years and to contribute to reinforce the
passivity of the citizen on the theme of « we can’t do anything against
fate, the bad guys, Moreno and the Americans are too powerful ». This
attitude of fatality is what we fight the most with Wikijustice.
The attitude of fate is
alien to us because we are militants against the corrupt and dictatorial
neoliberal capitalist system. But the further we go in our analysis, the more
we discover, in the case of Julian Assange, that the political, legal and
journalistic elites who are supposed to support him do so only lazily, at the
last minute, without getting wet or are simply absent and silent. How can we
accept the fatality of a trial played out in advance when, in theory, Julian Assange
should benefit from the support of the powerful network of connections of his
principal lawyer, the famous former judge Baltazar Garzon? Baltazar
Garzon frequented 3 Hans Crescent Street because he was filmed dancing at a
party in the apartment – this scene is immortalized in the film shown by Andy
Müller Maguhn at the Chaos Computer Congress on December 27 last year[42].
However, Maitre Garzon has been conspicuous by his absence since Julian
Assange’s incommunicado detention on April 11, 2019. He did not answer letters
from European activists and did not attend the extradition hearings I have been
attending in London since 20 September 2019. Admittedly, at the end of February
2020, he was present at the Woolwich Crown Court and was the only lawyer to shake
hands with Julian Assange and talk to him. But he only remained at the trial
for a day and a half, on 24 February and the morning of the 25th. Nor did he
mobilize any Spanish politicians or activists for his client’s cause. Baltazar
Garzon is very close to Reporters Without Borders, of which he was an
active supporter during the time of Robert Ménard’s presidency, especially by
being the honorary president of RSF’s internal legal support organisation
Damocles, « charged with taking legal action to defend the freedom of
journalists[43]. RWB
was absent from the struggle for the release of Julian Assange in 2019 and only
woke up for the trial in February 2020. Christophe Deloire, General
Secretary of RSF France, and Christian Mihr for Germany, however,
only stayed for one day at the trial, delegating the task of representation to
Rebecca Vincent.
We often notice the
present, rarely the absent. However, the absence of personalities at the very
moment when we were able to observe the torture that Julian Assange is
undergoing during the hearings contributes to the reinforcement of the feeling
of powerlessness in the face of the fatality of the rights violations.
Powerlessness that the dominant system wants to inculcate in us willingly or
unwillingly.
Julian Assange’s
alleged children before Stella Morris…
Returning to the
testimony of Stella Morris on the intimate relationship she claims to have
developed with Julian Assange from 2015, it is surprising that Julian Assange,
in his interview with the doctors mandated by the Working Group on Arbitrary
Detention of the United Nations High Committee for Human Rights and dated
November 2015, already speaks of his children whom he cannot see growing up. So
these are not the children that Stella Morris shows in the Daily Mail photos.
The doctor who wrote the report « on the trauma and psycho-social situation
of Mr. Julian Assange » mentions several interviews conducted from June
2014 to July 2015. This doctor speaks, on the contrary, of « young
children in France as well as others in Australia with whom Mr. Assange
cannot maintain an affective relationship in the embassy[44].
In addition, the report describes all the traumas caused by prolonged
« confinement » in a place with no light, no possibility of going out,
no exercise, and surrounded by a hostile environment (something that we are
beginning to understand with the health violence that has recently been
inflicted on us in France on a large scale): insomnia, anxiety, depression,
loss of the ability to use one’s senses…
The storytelling about Julian Assange french wife and children – 2015
This
« confinement » has been described as torture by Nils Melzer, the UN
Special Rapporteur on Torture in his famous report on the situation of Julian
Assange. Stella Morris’ rose-water novel currently in the media discredits
Nils Melzer’s report and puts Julian Assange in danger. For how can a
prisoner be both tortured and the happy father of a loving family?
Finally, driven into
raptures by the images shown by Stella Morris, the audience is led to forget
what Julian Assange himself said about his children in France and those in
Australia. Citizens will know nothing about the mother of the latter, who is
not present to support the father of her children. Yet, for human rights
defenders, the question arises as to whether lawyers and the justice system
have done everything possible to protect their interests both in terms of the
legitimacy of their filiation and in terms of their property. Indeed, these
children are heirs, like Stella Morris’ children, to dividends through the
shares Julian Assange owns in the Icelandic company Sunshine Press
Production[45].
The worrying question « who manages Julian Assange’s
assets » must be asked by the activists so that Julian Assange is not robbed
of his property during the long years of captivity he has suffered. Daniel
Assange, portrayed by the media as his Australian son, now 31 years old, never
came to the hearings and never defended his father either in front of the
cameras or at a press conference. He never went to see his father in Belmarsh. It
is now normal to have doubts about his existence. In 2010, this son was
still tweeting about his father, since he disappeared[46].
None of the journalists chasing John Shipton in a pack have asked themselves
the question of the son present in his father’s life in 2010 and absent in
2020.
Moreover, if this
relationship began in 2015 when Julian Assange’s health was a concern, why
hasn’t Stella Morris already sounded the alarm to save her companion? Why has
she remained silent about the torture he is suffering, as demonstrated by Nils
Melzer’s report and the three Wikijustice medical reports dated 29 December
2019, 8 February and 29 February 2020?[47]
Whoever does not denounce
the crime, torture, is guilty of failing to assist a person in danger.
Article 1 of the UN
Convention against Torture is very clear: anyone who consents to torture, [48]tacitly
or with knowledge of it, is an accomplice to the crime:
« «
1. For the purposes of this Convention, the term « torture » means any
act by which severe pain or suffering, whether physical or mental, is
intentionally inflicted on a person for such purposes as obtaining from him or
a third person information or a confession, punishing him for an act he or a
third person has committed or is suspected of having committed, to intimidate
or coerce her or intimidate or coerce a third person, or for any reason based
on discrimination of any kind, when such pain or suffering is inflicted by or
at the instigation of or with the consent or acquiescence of a public
official or other person acting in an official capacity. This term does
not extend to pain or suffering arising only from, inherent in or incidental to
lawful sanctions ».
[9] Sara Gonzalez Devant,
« Displacement in the 2006 Dili conflict, dynamics of ongoing crisis »,
Refugee Studies Centrer Working Paper 45, 2008, University of Oxford. In
Jacquline Aquino Sapiano, « East Timor, How to build a nationa in Southeast
Asia in the 21 century », Proceedings of the 2006 Naples Congress,
Institute for Research on Contemporary Southeast Asia, 2018 and in Vandra
Harris, Andrew Goldsmith, « Security, Development and Nation Building in
Timor Leste » Routledge, 2012.
[27] Foreign Minister from 2016 until
the election of Lenin Moreno, Guillaume Long, who also has French and British
nationality, was the one who in October 2016 cut off Julian Assange’s internet
access following the publication by « Wikileaks » of the emails of John
Podesta, Hillary Clinton’s campaign manager.
Note
that in this article of January 10, 2018 Maria Fernanda Espinoza refers to the
negotiations with Great Britain for an orderly solution to the Assange
question.
[41] Here are the originals published by
journalist Al Burke on the Nordic News Network website. Notice the empty boxes
for the ID numbers. That is to say that no hearing protocol contains this
essential data, although it should have
been marked and possibly hidden by the editor.
[43] Page 77, Maxime Vivas, « Hidden
face of Reporters Sans Frontières. From the CIA to the hawks of the
Pentagon ». Editions Aden, Brussels 2007
[44] « Mr Assange has a young family in France,
as well as children in Australia to whom he has been unable to have an affective
relationship whilst in the Embassy; the uncertainty as to whether reunion can
ever be accomplished, and whether the development of those relationships can be
restored, creates a further uncertainty »
Twitt de Daniel Assange en 2010 : « Our final
battle has begun, dad. We don’t cry, we don’t regret, and we never, ever give
up. I love you more than anything and anyone in this world. I couldn’t ask for
a better father, mentor, and role model in life. Thank you for everything. We
fight to win. See you soon »
Objections, analyses et actions de Wikijustice – 1ère Partie
Monika
Karbowska
Lorsque nous avons
commencé, avec Wikijustice Julian Assange, à analyser, il y a 9 mois, la
totalité de l’histoire de « Wikileaks » et Julian Assange, nous avons
été frappés par les morts suspectes qui jalonnent l’historique de toute
la lutte pour la libération de ce prisonnier politique en Occident : Seth
Rich, John Johns, Michaël Ratner, Adrian Lamo, Arjen Kamphuis … Que de décès
subits de personnes qui ont été impliquées dans les révélations des secrets
d’Etat par Julian Assange ou qui avaient voulu sincèrement l’aider ! Il y
a aussi des personnes qui nous ont demandé si nous ne sommes pas en danger en nous
intéressant de trop près à l’affaire. Naturellement, la lutte contre le système
est une prise de risque. Je le sais mieux que quiconque ayant perdu mon pays,
mes meilleurs amis, en opposition au capitalisme en Pologne dès 1991, où
lorsque j’ai été menacée par la sanguinaire extrême droite ukrainienne lors de
mon soutien aux familles des victimes du massacre d’Odessa du 2 mai 2014. Mais
nous nous sommes dit alors : nous ne sommes pas isolés, nous faisons
partie du puissant mouvement social des Gilets Jaunes. Pour nous faire taire
il faudrait faire taire un pays entier qui se lève contre l’oligarchie locale,
européenne et mondiale.
Gilets Jaunes en
route vers la Révolution en Grande Bretagne
A voir la violence de la
crise que nous traversons en Europe continentale et particulièrement en France,
nous pourrions nous dire, à trois mois de la fin de la première phase du procès
à la Woolwich Court de fin février dernier, que nous ne sommes pas loin de ce scénario….
Interdiction de sortir de chez soi sous peine d’amende policière et de
poursuites, arrêt de l’économie et des liens sociaux, fermeture de tous les
lieux de sociabilité, peur collective de mourir par une maladie inconnue face à
laquelle rien n’a été préparé par les gouvernants…
Nécessité de débrouille
et autogestion là où on soigne encore les gens, dans les hôpitaux et certains
systèmes de santé locaux, sauve qui peut général des communes, départements et
régions face à un Etat déliquescent et capable uniquement de répression… Je
vous fais grâce de la litanie, vous l’avez vécu comme moi depuis mi-mars.
Même le langage utilisé
pour nous est le même que pour la torture subie par Julian Assange. Son « solitary
confinement » dans un appartement correspond à notre « confinement »
collectif dans nos logements…
Les dernières
audiences du procès de Julian Assange sans le regard des militants
Dans cette débâcle de mon
pays, il nous a été impossible d’assister aux quatre procès de Julian Assange
depuis fin février, le 25 mars, le 7 avril, le 27 avril et le 4 mai. Il est
certes possible de se déplacer de France en Grande Bretagne car Eurostar met
tous les jours des billets en vente et aussi de réserver un Paris-Londres sur
le site liligo.fr, mais c’est sortir de sa maison qui était devenu difficile en
France.
Les informations que j’ai
pu obtenir m’ont été fournies par les compte rendus détaillés des audiences que
rédige le seul journaliste que j’estime faire un travail de fond, Marty Silk de
l’Australian Associated Press (que son travail soit salué au passage). Ayant pu
le voir travailler et assister à sa prise de notes plusieurs fois, je sais au
moins qu’il décrit le déroulé de l’audience de façon plutôt précise. C’est
ainsi que j’ai pu apprendre des deux audiences du 25 mars et du 7 avril qu’une
demande de libération sous caution a enfin été déposée par les avocats
Fitzgerald et Summers, après tant de mois de tergiversation, et qu’elle avait
été rejetée par la juge Baraitser le 25 mars. L’essentiel des audiences du 25
mars et du 7 avril a consisté néanmoins, non dans une argumentation autour de
cette libération, mais en débats interminables sur la révélation de
l’identité d’une nouvelle « compagne » de Julian Assange et de ses
deux enfants. Selon Marty Silk, ce sont plutôt les avocats qui ont mis
incessamment le sujet sur le tapis dans une dramaturgie digne de Paris Match,
Gala ou Voici alors que la juge et l’accusation observaient une neutralité
évidente. Evidente parce que dans une procédure judiciaire seule l’identité du
justiciable est connue du public qui assiste au procès. Le nom de
l’époux/épouse est connu de l’institution judiciaire puisqu’il s’agit de l’état
civil du justiciable et de ses obligations familiales qui font partie de sa
situation sociale, mais il n’a pas à être livré au public. Et à fortiori, ne
sera jamais dévoilé publiquement par le juge le nom des enfants du justiciable
car cette information est logiquement protégée par les lois de protection des
enfants, de la vie privée des personnes et de la protection des données.
Le récit coloré des
« paparazzis qui risquent de poursuivre la pauvre femme si son nom venait
à être divulgué au public » et la crainte « d’un enlèvement par les
services secrets américains » me laissait incrédule comme souvent les
éléments bizarres de ce dossier. Comme déjà en 2019, je répétais aux militants
que « si cette femme vit en Grande Bretagne, les services secrets
britanniques la connaissent parfaitement et s’ils la connaissent, les services secrets
américains la connaissent aussi ». Il est peu probable que la CIA prenne
le risque d’assassiner ou enlever une femme et des enfants britanniques sur le
sol britannique. Malgré tout le dégoût que cette institution peut nous
inspirer, elle n’a jamais encore commis ce genre de crime sur le sol de son
plus proche allié vis-à-vis de ressortissants britanniques car le faire serait
diplomatiquement très risqué pour le gouvernement états-unien. De toute manière,
j’étais plutôt partie pour trouver la compagne de Julian Assange en France.
Suite aux nombreuses déclarations publiques de Juan Branco et de celle de
Eric Dupont Moretti à la conférence de presse du 20 février 2020 à Paris[1]
,selon lesquelles Julian Assange était père d’un enfant français, des militants
nous posaient régulièrement cette question « savez-vous qui est la femme
française de Julian Assange ? ». Non, je ne le savais pas, mais je
gardais une option sur cette probabilité, sachant qu’il était crédible qu’un
informaticien militant comme Julian Assange ait pu rencontrer une compagne en
France dans les années 2005 à 2009 et qu’il aurait été utile pour nous,
militants, d’avoir son soutien ouvert dans la lutte que nous menions pour
l’asile politique de Julian Assange en France.
Stella Morris devant
le « Daily Mail »
Après avoir voulu à tout
prix protéger pendant des années son identité et y avoir efficacement réussi
malgré les « paparazzis », voici que Stella Morris alias Sara
Gonzales Devant ou Stella Smith Robertson[2]
se met en scène avec ses enfants à visage découvert face aux journalistes du
tabloid le « Daily Mail »[3]
– je découvre l’article au soir du 11
avril dernier. Le journal publie quelques photos, un texte romancé et une vidéo
de Stella Morris avec un chat et deux enfants dans un décor qui ressemble à
celui d’un atelier informatique (matériel dans des cartons sur des étagères…)
dans lequel on aurait disposé des jouets d’enfants.
Cette nouvelle me pousse
à écrire ici quelques réflexions sur la nature du militantisme que j’ai
effectué ces derniers mois et pour lequel j’ai pris beaucoup de risques et
vécu des moments de grande violence, comme je l’ai décrit dans tous mes
articles, sur le procès de Julian Assange. J’ai en effet assisté à toutes les
audiences du procès de Julian Assange depuis septembre 2019 : le 20
septembre, le 11 octobre, le 21 octobre 2019, le 18 novembre, le 13 décembre,
le 19 et 20 décembre 2019, le 13 janvier 2020, le 23 janvier 2020, le 19
février 2020, le 24, 24, 26 et 27 février 2020. Après avoir fourni autant
d’effort, je me sens légitimée pour formuler quelques remarques.
Il est dommage que les
médias mettent en scène Stella Morris ou Sara Gonzales Devant ou Stella Smith
Robertson comme « avocate » alors qu’elle n’est pas inscrite au
barreau britannique, ni au « Bar council »[4]
ni à la « Law society »[5]
sous aucun de ses trois noms. Elle n’est pas la seule : Jennifer Robinson
et Geoffrey Robertson ne sont pas non plus inscrits au barreau britannique mais
les mots sont importants, dire conseillère ou collaboratrice juridique serait
plus exact. Parmi la nombreuse troupe des « avocats » de Julian
Assange, seuls Jean Gareth Peirce et Alaistar James Lloyd Lyon sont inscrits à
la « Law society » et Edward Hamilton Fitzgerald et Mark John Summers
au « Bar Council ».
De même, il est dommage
qu’aucun journaliste ne s’interroge et n’engage le public à réfléchir sur la
crédibilité d’une personne qui a pu changer trois fois de nom et de prénom
dans sa vie et qui affirme faire un métier alors qu’aucune preuve n’existe
qu’elle est en mesure de l’exercer. Dans les système juridique occidentaux, il
est très difficile de changer de nom et encore plus de prénom sauf en cas de
mariage ou de naturalisation. Une procédure spéciale exigeant des arguments
valables est alors nécessaire. Si Sara Gonzales Devant, spécialiste de
l’histoire du Timor Oriental, est la même personne que Stella Morris
conseillère juridique, alors il est nécessaire de mentionner que « Stella
Morris » est un pseudonyme et d’être exact dans le récit pour ne pas
tromper le public et les militants.
De plus, alors que Stella
Morris présente Julian Assange comme son client et son compagnon à la fois, les
journalistes auraient pu aussi en conclure que Stella Morris ne respectepas le code de déontologie de sa profession lorsqu’elle se trouve dans la
salle d’audience alors qu’elle partage sa vie intime avec l’accusé. Si elle
est bien la compagne de l’accusé, sa présence est un vice de procédure qui
aurait dû faire annuler les audiences. « Défendre » en tant qu’avocat
est défendre selon des règles et un code de déontologie qui interdit dans la
plupart des pays à un avocat d’avoir des liens personnel étroits avec son
client. D’ailleurs, deuxième vice de procédure, si Julian Assange est bien le
compagnon de Stella Morris, elle peut d’autant moins rester son avocate
puisqu’en respectant les règles elle ne pourrait plaider et donc le représenter
correctement. Julian Assange se retrouverait à nouveau démuni du fait d’un
imbroglio personnel et juridique qui ne pourrait encore une fois que lui porter
préjudice.
Lors de toutes les
audiences du 19 décembre 2019 au 27 février 2010 nous avons noté la présence
incongrue de très jeunes gens qui n’ont manifestement pas de diplôme d’avocat
et ne sont naturellement pas inscrits au « Bar council » ni à la « Law
Society ». Le 19 décembre, 13 et 23 janvier et 19 février 2020, ce fut le
jeune hacker MC McGrath[6]
qui jouait ainsi aux apprentis avocats assis sur le banc de la défense à la
cour Westminter Magistrate. Les 24, 25, 26 et 27 février 2020, il était présent
à côté de Stella Morris ainsi qu’une ribambelle d’adolescentes qui visiblement
s’ennuyaient pendant les longues heures du « procès du siècle » et
pianotaient sur leurs portable ou sur leurs ordinateurs roses. Je sais qu’il
faut le voir pour le croire et comme je l’ai vu, ayant assisté à toutes ces
audiences, j’encourage ceux qui ne me croient pas à faire, la prochaine fois,
la queue à partir de 5 heure du matin pour assister à ce qui est un étrange
spectacle très éloigné de ce qu’on attend d’un procès politique sérieux. De la
galerie du public, j’avais parfois l’impression de regarder la répétition
générale d’un tournage de film ou d’une pièce de théâtre avec de jeunes
figurants, ou à un exercice «in situ » pour de jeunes acteurs stagiaires.
Stella Morris en
tant que Sara Gonzalez Devant
Sara Gonzalez Devant est
donc apparemment diplômée en sciences politiques (Departement du Développement
International[7]) à
l’Université d’Oxford, spécialiste de la question des réfugiés au Timor
Oriental[8].
Elle aurait séjourné au Timor Oriental en 2005-2006 et aurait rédigé un mémoire
pour cette faculté : ce document est cité dans deux livres universitaires
sur le sujet [9]. Un de
ces ouvrages universitaires, sous la direction de Jacqueline Aquino Sapiano, la
présente comme boursière de la « Agencia Espanola de Coopération y
Desarolla AECID » organisme gouvernemental espagnol pour la coopération
internationale. Le site d’une association britannique d’aide aux réfugiés
(Refugee Legal Aid Information) précise qu’elle aurait été consultante au Timor
Oriental pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés[10]
et aurait travaillé en 2010-2011 sur la question de la pauvreté
transgénérationnelle pour l’Institut du Développement de l’Outre-Mer (Oversea
Developement Institut), un grand think thank international travaillant sur
les thèmes des migrations, du développement durable et du changement climatique
et financé par les agences gouvernementales britanniques, américaines,
suédoises et françaises ainsi que par des grandes entreprises[11].
Elle a été financée aussi
par la fondation canadienne publique Jeanne Sauvé « pour le leadership
féminin»[12]
mais il est impossible de trouver des précisions sur son travail ou sa
recherche. Sara Gonzalez Devant a écrit deux articles sur le Timor Oriental et
un sur le Bostwana sur le site spécialisé « New Internationalist »[13]
et a participé à une newsletter sur le thème des droits des réfugiés[14].
C’est un parcours
professionnel tout à fait honorable, mais très éloigné du droit suédois sur
les violences sexuelles ou du droit britannique concernant les extraditions,
connaissances qu’elle prétend utiliser pour aider Julian Assange en tant que
Stella Morris. En tant que Sara Gonzalez Devant son parcours professionnel
semble également s’arrêter à l’année 2012.
Que s’est-il
réellement passé 3 rue Hans Crescent pendant 7 ans ?
Ayant connu Madame
Gonzalez Devant sous le nom de « Stella Morris » je continuerai à
utiliser ce pseudonyme. Son récit, dans le premier article du Daily Mail, le 11
avril 2010, m’inspire les réflexions suivantes.
Avoir des enfants dans un
couple hétérosexuel suppose d’avoir des relations sexuelles. Il est possible,
bien sûr, de faire des enfants dans des relations sexuelles non consenties mais
Stella Morris nous présente dans son film la relation pleine d’amour qu’elle
dit avoir développée avec Julian Assange. Avoir des relations affectives et
sexuelles amoureuses suppose d’avoir un espace à soi ou cette intimité peut
s’épanouir dans la confiance. Il est nécessaire aussi d’avoir un espace mental
libre et protégé pour pouvoir créer une relation suivie et se concentrer sur la
création de cette relation.
Ce qu’on nous a raconté, depuis 2012, sur la vie de Julian Assange dans l’appartement du 3 rue Hans Crescent appartenant à l’Etat de l’Equateur est incompatible avec les conditions nécessaires à l’épanouissement d’une vie intime et familiale. Julian Assange aurait été sous surveillance constante des caméras de la société UC Global placées dès 2015 dans tous les espaces, y compris dans la salle de bain et dans les toilettes, comme le montre Andy Müller Maguhn président du Conseil d’Administration de la Fondation Wau Holland[15] dans le film projeté le 27 décembre 2019 au Chaos Computer Congress et composé de ces images intrusives volées de la vie privée de Julian Assange[16]. Selon la narrative officielle tant de fois reprise par les médias et par des « proches », Julian Assange aurait passé 7 ans confiné dans 5 mètres carrés et demi d’une chambre et d’un espace encore plus petit dans lequel aurait été placé son lit, auparave
Fin de partie romantique de l’affaire
Julian Assange ?
Objections, analyses et actions de
Wikijustice – 1ère partie
nt des toilettes[17]. Pas vraiment des conditions idéales pour développer une vie amoureuse alors que Stella Morris affirme lui avoir rendu visite tous les jours de 2015 jusqu’au 11 avril 2019.
Mais peut-être nous
a-t-on tout simplement menti et la vie de Julian Assange dans l’espace
équatorien était très différente de ce qu’on nous a présenté ?
La réalité des
lieux au 3 rue Hans Crescent
Selon le cadastre,
l’immeuble du 3 rue Hans Crescent appartient en propriété absolue (Freehold) à
la compagnie Hans Crescent Freehold limited (Document LN62660), sise dans un
paradis fiscal et propriété de Mohammed
bin Khalifa Al Nahyan, fils du Président des Émirats Arabes Unis[18]. L’Equateur
possède de son côté en « Leasehold » (sorte de bail à très long
terme) l’appartement 3B au rez de chaussée depuis le 25 décembre 1976 auquel
est adossé un « storage room », un lieu de stockage, au sous-sol
(Document NGL333924)[19].
Cet appartement est situé sur l’angle gauche de l’immeuble lorsqu’on se tient
devant l’entrée du numéro 3. On remarque que seules 3 fenêtres (dont le fameux
balcon ou Julian Assange apparaissait parfois et était filmé par les médias et
les militants) donnent sur la rue Hans Crescent. Le reste de l’appartement, 5
fenêtres, donne sur une petite impasse, la Landon Square. L’appartement de
l’Equateur dispose d’une grande issue de secours donnant immédiatement sur
l’impasse, peut-être d’une deuxième à partir du « storage room »
puisque deux portes se trouvent sous l’appartement au fond de l’impasse Landon
Square permettant de sortir du « sous-sol » (plutôt un
« basement » – un local à ras le sol) du bâtiment et de gagner la rue
ou de rentrer dans le parking du Harrods qui fait face.
Justement, en face de l’appartement,
intégrée au même complexe d’immeubles, se trouve l’imposante entrée du parking
et du tunnel de livraison du Harrods (voir photos)[20].
Cette entrée située au 1 rue Hans Crescent relie ce parking et le tunnel de
livraison par le sous-sol du bâtiment au magasin Harrods située à droite du
complexe immobilier du 3 rue Hans Crescent, côté Basil Street. Le parking de
Harrods s’étend donc en dessous du complexe immobilier du 3 Hans Crescent
Street et il est possible d’en ressortir par une deuxième entrée, de l’autre
côté du bâtiment, à côté de la pizzeria de luxe faisant face au Harrods,
seul restaurant du quartier. Ces entrées et ces tunnels situés sous le bâtiment
du 3 rue Hans Crescent sont mentionnés dans le cadastre.[21]
Ce n’est pas étonnant.
Les connaisseurs de Londres savent que le quartier est truffé de souterrains
ayant servi pendant la seconde guerre mondiale[22].
Les parkings souterrains composaient, dès les années 30, la première partie des
souterrains refuges de civils pendant les bombardements des nazis sur Londres.
A une encablure de la rue Hans Crescent se trouve même le fameux « 206
Brompton road », l’ancienne station de métro sous laquelle se trouvait,
pendant la guerre, le quartier général de la défense anti-aérienne de
Londres ! Propriété du ministère de la défense britannique qui a conservé
le bunker souterrain en l’état, le lieu fut vendu à l’oligarque ukrainien
Dimitri Fyrtach au moment de l’apogée de la guerre de l’Ukraine contre le
Donbass en 2014[23]. En
tant qu’un des oligarques les plus riche et puissant de ce pays, propriétaire
exclusif des systèmes d’acheminement du gaz russe vers l’Ukraine, d’usines
chimiques et d’entreprises d’importation de titane, Fyrtach est aussi très lié
aux élites britanniques et américaines. Lors de la guerre en Ukraine il fut
accusé d’avoir été trop proche du président Yanukovitsch que les puissances
occidentales ont poussé au départ avec le putsch du 21 février 2014. Depuis,
Fyrtach est poursuivi pour corruption mais il reste propriétaire des murs du
bâtiment historique alors que le ministre de la défense britannique conserve la
propriété et le contrôle des vastes souterrains aménagés[24].
Lors de la mise en vente de l’ancien bunker, des passionnés d’histoire ont pu
filmer ce qui est le point d’entrée d’un entrelacs de souterrains dans ce
quartier chargé d’une histoire dure et héroïque[25].
Ces précisions sont données pour démontrer qu’il est possible de rentrer
dans les bâtiments de ce quartier historique, de descendre au sous-sol à
l’intérieur et de ressortir du bâtiment par une autre entrée, parfois située
dans un autre immeuble.
Lorsqu’il est enlevé de
force des locaux du 3 rue Hans Crescent le 11 avril 2019, Julian Assange
brandit face aux caméras un livre de Gore Vidal. Fait curieux,
l’écrivain américain a vécu dans sa propriété au 31 Egerton Crescent à 500
mètres à peine du complexe immobilier de Hans Crescent, comme il le mentionne
dans son livre autobiographique « Palimpseste ».
On sait aussi que les
services de l’ambassade ont déménagé, en 2015, lorsque le bâtiment aux doubles
entrées au 6 James Sessions Square et au 12 Buckle Street à Whitechapel a
été achevé. C’est ici que travaillent, très probablement dès 2015, les
diplomates équatoriens à coté de leurs collègues du Consulat, comme le montre
la page Facebook officielle de l’Etat de l’Equateur à Londres, il n’y a pas
d’autre site internet[26].
L’appartement de 3 rue Hans Crescent est peut-être resté couvert par l’immunité
diplomatique et depuis sert de lieux de stockage, de salle de réunion et de
réception, ou tout simplement de logement pour les diplomates ou pour les
visiteurs de la mission.
Du reste, si l’histoire
de caméras installées par le responsable de la sécurité de la mission
diplomatique était vraie, il n’est pas dans les usages des diplomates de
travailler avec des caméras de surveillance installées dans leur poste de
travail (et dans les toilettes de leur lieu de travail), des caméras zoomant
sur des documents secret défense… Aucun diplomate véritable n’accepterait cela,
ne serait-ce qu’à cause du danger que ces images pourraient être volées. En
outre, il n’y a pas besoin d’espionner des diplomates dans leur travail, ces
personnes ont déjà été choisies pour leur fidélité au gouvernement en place.
Aujourd’hui l’appartement est vide et l’agent de sécurité posté dans le
vestibule contrôle les entrées vers les deux appartements, celui de la Colombie
et celui de l’Equateur. Les curieux de l’Equateur sont systématiquement
orientés vers le 12 Buckle street.
Justement, une autre
ambassade, que jamais aucun médias ne montre, l’ambassade de la Colombie se
trouve sur le même palier du rez-de-chaussée de l’immeuble. Les deux
missions sont donc mitoyennes, elles partagent la même entrée principale, le
même escalier et le même étroit vestibule. Cette proximité étonne beaucoup
quand on sait l’hostilité profonde du régime colombien, étroitement associé à
la domination des Etats Unis sur toute l’Amérique Latine, à tout gouvernement
de gauche dans n’importe quel pays du continent, dont à celui de Correa.
Observant ces deux drapeaux, au demeurant fort ressemblants, de la Colombie sur
le balcon de l’appartement de droite, celui de l’Equateur sur le balcon de
l’appartement de gauche, le visiteur se demande toujours comment diable
Julian Assange aurait pu se sentir en sécurité dans un appartement aux
fenêtres les unes exposées sur une place, les autres coincées au fond d’une
impasse et situé de surcroit sur le même palier que le quartier général de ses
pires ennemis.
Pour conclure sur les
incohérences de la fable de la méchante UC Global espionnant la mission
diplomatique équatorienne, il faut souligner qu’un agent de sécurité officiant
dans le vestibule mitoyen ne peut pas filtrer les entrées vers
l’appartement de l’Equateur sans que la Colombie ne donne également son accord.
Le cas contraire donnerait lieu à de graves frictions diplomatiques entre deux
pays dont les gouvernements sont idéologiquement hostiles de 2007 à 2017. Il
est évident aussi que l’Equateur, propriétaire uniquement de l’appartement 3B,
n’avait pas ainsi le droit de contrôler les entrées des habitants des autres
logements du bâtiment de 5 étages. Pour cela, il faut l’accord de la Hans
Crescent Freehold limited, propriétaire de tout l’immeuble. Soit ce filtrage
avec contrôle des passeports était décidé par l’ensemble des propriétaires,
soit cette histoire est un faux destiné à faire monter la tension du spectacle
médiatique.
Le storytelling à
l’épreuve des usages et réalités diplomatiques
Guillaume Long, ancien
ministre des affaires étrangères de Rafaël Correa nous a précisé, lors de la
conférence à la Sorbonne le 25 septembre 2019, que l’Equateur a toujours
respecté les actions juridiques suédoises contre Assange et a toujours négocié
avec le Royaume Uni pendant ces 7 années de séjour de Julian Assange dans
ses murs[27].
En disant cela, il confirmé les doutes que nous avions sur l’image de
« l’ambassade assiégée par les forces de police britanniques, à tel point
que l’ambassadeur ne peut pas faire son travail». Le film « Risk » de
Laura Poitras monte cette dramatisation à l’extrême. Pourtant, Fidel Narvaez,
consul et responsable de la sécurité du lieu, est filmé en train de parler (probablement) à
des autorités britanniques, en juin 2012 alors que Julian Assange a franchi la
porte de l’appartement du 3 Hans Crescent Street, mais s’il se plaint d’un
nombre de policiers « disproportionné », il ne se plaint pas de
« l’assiègement » et encore moins d’un état de guerre[28]…
Il faut bien comprendre que
dans l’histoire assiéger une mission diplomatique a été toujours un acte de
guerre qui se résolvait donc rapidement par une guerre entre les parties
(souvent après évacuation express du personnel). Le cas le plus emblématique,
au 20ème siècle, est la prise d’otage des diplomates américains dans
leur mission à Téhéran, en 1979, dans le cadre de la révolution islamique en
Iran. Depuis 1979, on peut dire que les relations entre les deux pays
s’apparentent à une tension hostile à la limite de la guerre. On n’a pas eu
d’exemple au 20ème siècle ni même avant d’ambassade assiégée par le
pays d’accueil pendant 7 ans. Aucun diplomate de métier ne croit à l’histoire
racontée par les médias de l’ambassadeur empêché de travailler dans sa mission
et encerclé par les forces du pays d’accueil pendant 7 ans en temps de paix.
Comme je l’ai expliqué
dans un article précédent[29],
la Convention de Vienne du 18 avril 1961 pose le principe de l’immunité
diplomatique sur la base du principe de réciprocité. C’est par ce principe de
réciprocité et par crainte de représailles sur ses propres diplomates que le
pays d’accueil, même en cas de dégradation des relations, s’abstient d’actes
hostiles vis-à-vis de la mission étrangère sur son sol. Le principe de
l’immunité, qui veut que toute intervention du pays d’accueil dans la mission
ne se fasse que sur l’accord des plus hautes autorités du pays concerné,
c’est-à-dire du ministre des affaires étrangères, pose la condition d’une
coopération entre les deux pays pour résoudre tout conflit entre eux. En clair,
il est impossible que les policiers britanniques aient
« encerclé » l’ambassade de l’Equateur sans l’accord de l’Equateur.
Il s’agissait plutôt d’une surveillance-protection accordée justement du fait
de la Convention de Vienne à l’Equateur par le gouvernement de la Grande
Bretagne, à la demande de l’Equateur, peut-être pour tenir éloignés les
curieux qui voudraient s’approcher de trop près de l’appartement 3 rue Hans
Crescent pour observer la réalité de la vie de Julian Assange dans celui-ci.
Si l’Equateur avait été
réellement « encerclé » et le travail de ses diplomates avait été
empêché, l’Equateur aurait été en droit de faire exactement la même chose aux
diplomates britanniques en poste à Quito. Or, Raphaël Correa s’est bien gardé
de faire jouer le principe de réciprocité contre l’ambassade britannique chez
lui. Au contraire, les relations équatoro-britanniques ont certes connus
quelques difficultés avec la question Assange, mais les négociations n’ont
jamais cessé pendant cette période[30].
L’impasse a été attribuée à l’incompétence de l’ambassadrice Ada Alban en poste
de 2010 à 2013, une proche de Raphaël Correa mais pas une diplomate de métier. L’homme
qui décide pour le séjour de Julian Assange depuis avril 2012 est Fidel Narvaez[31],
consul depuis le début de la présidence de Correa, très lié politiquement au
président, et très probablement, comme souvent le cas avec les postes de
consul ou vice-consul pas bien définis, son chef de la sécurité. Fait curieux,
Fidel Narvaez, présenté comme ami proche de Julian Assange, aurait dû, selon
les usages du milieu, être persona non grata et immédiatement prié de rentrer
chez lui après expiration de son immunité diplomatique, s’il avait été
responsable de l’état de tension entre son pays et la Grande Bretagne. Au
contraire, aujourd’hui Fidel Narvaez vit en Grande Bretagne ou il a une carte
de résident. L’ayant croisé plusieurs fois dans les couloir de la cour
Westminster Magistrate et ayant pu lui parler, je n’ai pas eu l’impression
qu’il est très inquiet par sa situation de « fauteur de trouble »
vis-à-vis de la Grande Bretagne. Au contraire, il a assisté aux audiences de
Julian Assange depuis le 19 décembre 2019 puis au procès du 24 au 27 février
2020 à la Woolwich Crown Court, dans la galerie du public dans la rangée
réservée à la « famille » du prisonnier. Les autorités britanniques
n’ont pas l’air de lui en vouloir d’avoir été à l’origine d’une situation
coûteuse pour eux médiatiquement, politiquement et financièrement et ayant
généré des problèmes diplomatiques lourds. Au contraire les autorités
britanniques lui ont accordé un droit de rester sur leur sol après la fin de
son statut de diplomate équatorien. Un argument de plus en faveur de
l’hypothèse que « l’assiégement » était un spectacle à l’attention
des âmes sensibles.
Storytelling
contre géopolitique réelle
Non seulement, pendant
ces 7 ans, l’Equateur de Correa n’a pas été en guerre contre la Grande Bretagne
mais il a continué à développer des relations très profitables avec l’Union
Européenne et ses pays pendant toute cette période, notamment avec l’Allemagne.
Pourtant, la Grande Bretagne était membre à cette période de plein exercice de
l’Union Européenne, et quand on sait le rôle que les Allemands ont joué dans
le projet « Wikileaks » (la fondation Wau Holland en tant que
propriétaire et financeur du projet et employeur de Julian Assange en 2010
-2012[32])
on peut s’étonner qu’à aucun moment le gouvernement allemand n’ait joué les
bons offices, comme cela se fait habituellement dans le monde de la diplomatie,
pour résoudre le « brûlant conflit Assange » entre l’Equateur, son
nouvel ami en Amérique Latine[33],
et la Grande Bretagne, la troisième plus forte puissance de l’Union Européenne.
Le gouvernement de Rafael Correa entretient en effet des relations privilégiées
avec l’Allemagne via la Fondation Friedrich Ebert spécialisée dans les
relations entre le Parti Socialiste Allemand SPD et les réseaux et
organisations socialistes dans le monde entier[34].
Tout se passe comme si le
« cas Assange » n’était brûlant que pour les médias qui racontent
l’histoire dramatisée avec force zooms sur le balcon avec le drapeau
équatorien en retirant du champ de vision les autres éléments du décor:
fourgons rentrant dans le parking de Harrods en face de l’appartement,
ambassade de Colombie sur le palier, absence de tout diplomate équatorien dans
tout le quartier, de tout Equatorien quel qu’il fut comme me l’ont ironiquement
reporté les travailleurs du quartier.
Dans les canaux
diplomatiques sérieux, l’affaire Assange n’existe pas ou est un épiphénomène
médiatique marginal. Je suis certaine que lorsque dans 30 ans nous ouvrirons
les archives du Foreign Office il n’y aura pas de dossier sur le violent
conflit équatoro-britannique autour de la présence de Julian Assange au 3 Hans
Crescent Street. Absence de conflit ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de
négociations autour du sort de « l’hôte » comme l’appelaient les
fonctionnaires de UC Global espionnant Assange pour le compte de Correa puis de
Moreno. Julian Assange évoque lui-même son statut d’otage dans les négociations
entre trois pays, l’Equateur, la Grande Bretagne et les Etats Unis lors de son
dernier discours sur le balcon, le 19 mai 2017. Il y apparait triste et défait
évoquant les violations de droits dans l’Union Européenne alors que les
Britanniques viennent de choisir le Brexit par réferendum. Il mentionne alors
le chantage que subirait l’Equateur de la part de l’Union Européenne qui
pénaliserait les « exportateurs équatoriens » à cause de son cas[35].
Nous Européens expérimentons dans notre vie à quel point c’est l’Allemagne qui
décide de la quasi-totalité de la politique de l’Union Européenne et du sort de
ses citoyens. Julian Assange pense-t-il à l’Allemagne comme partie prenante
du conflit le pénalisant sans pouvoir l’exprimer clairement ? Aucun
journaliste n’a jamais analysé son discours sous cet angle politique pourtant
indispensable pour comprendre la situation. Nous n’en saurons pas plus, le
gouvernement de gauche de Correa se gardant bien de prendre l’opinion publique
à témoin et ne dévoilant jamais la véritable nature de sa relation avec les
puissances anglo-saxonnes et avec l’Union Européenne dans le cas « Julian
Assange ».
Aucun journaliste ni analyste
ne s’est penché non plus sur les intérêts que pourrait représenter pour
l’Allemagne en tant qu’Etat les publications de Wikileaks (comme la
publication de dossiers sur la surveillance mondiale Vault 7 qu’évoque Julian
Assange dans ce discours de 10 minutes) dans ses relations avec les Etats Unis alors
que le gouvernement de Merkel avait été très en colère de l’espionnage du
portable de la chancelière par la CIA. Une hypothèse serait que les
dévoilements de « Wikileaks » servent à l’Allemagne de levier pour
faire pression sur les Etats Unis et raffermir leur indépendance face aux
puissant allié états-unien.
En réalité, sur le sol
européen, il n’y a eu, depuis la signature de la Convention de Vienne, aucun
cas de violation flagrante de l’immunité diplomatique malgré les conflits et
tensions qui secouent notre continent. Le seul précédent ressemblant à celui de
Julian Assange au 3 rue Hans Crescent serait celui du Cardinal Mindszenty
réfugié dans l’ambassade américaine à Budapest après avoir été relâché de
prison par le gouvernement communiste en 1956. Mais si Mindszenty, militant
anti-communiste, a passé 15 ans dans le spacieux immeuble états-unien de
Budapest, c’est parce qu’il refusait de quitter la Hongrie pour les Etats Unis
ou les Hongrois communistes aurait préféré l’expédier pour l’empêcher de continuer
son action politique contre eux. Plus près de nous, l’immonde assassinat du
journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat de son pays a
terrifié les milieux diplomatiques pour lesquels une mission est un sanctuaire.
Mais il faut souligner que cet ignoble crime a été facilité par l’attitude
permissive du pays d’accueil, la Turquie… Ici encore la coopération entre les
pays basée sur la réciprocité a joué à plein, au détriment des droits de l’hommes
les plus élémentaires.
On peut en déduire que la
Grande Bretagne et l’Equateur ont pratiqué pendant 7 ans une forme d’entente au
sujet de Julian Assange et que Julian Assange a été seul otage de cette
négociation. L’Allemagne a aussi joué un rôle aussi secret qu’important
qu’il conviendrait d’analyser.
L’identité de
Julian Assange
Julian Assange a-t-il
jamais eu la nationalité et l’asile politique équatoriens ? La
question est loin d’être absurde. Pour ce qui est de la nationalité, Guillaume
Long, ancien ministre des affaires étrangère sous Rafael Correa de mars 2016 à
mai 2017, a répondu à notre question sur le sujet lors de la conférence à la
Sorbonne le 25 septembre 2019. Selon lui, Maria Fernanda Espinoza, qui dirige
ce ministère après lui, n’avait pas le droit de signer le document de
naturalisation équatorienne de Julian Assange. Cette prérogative était réservée
au président de la République, Lénine Moreno, qui n’a jamais approuvé cette
décision[36].
Guillaume Long considère donc cette nationalité comme fausse et donc légalement
révocable. Le document n’a pas été publié.
Pire, Julian Assange n’a
jamais pu montrer, en vidéo ou en live, le document lui garantissant l’asile
politique en Equateur- carte de séjour équatorienne ou autre. Or, les articles
27 et 28 de la Convention de Genève exigent que le réfugié puisse bénéficier
d’un document d’identité lui permettant de voyager et établissant avec
certitude son identité, en mentionnant son nom exact, sa date et lieu de
naissance, son adresse[37].
Le seul document publié par les médias, le «Documento de Identitad de persono
que ostendo proteccion international » porte la photo de Julian Assange
mais aucune autre donnée nécessaire selon la Convention de Genève n’y figureet pas non plus sa signature[38].
Ce document a été établi le 30 novembre 2016 par José Luis Jacome,
vice-ministre de la mobilité humaine sous la responsabilité de Guillaume Long.
Jacome restera en poste après l’élection de Lénine Moreno en février 2017 alors
que Maria Fernanda Espinoza, nouvelle ministre des affaires étrangères, déclare
en décembre 2018 avoir accordé la nationalité équatorienne à Julian Assange.
Cette fidélité du haut fonctionnaire équatorien au dirigeant qui révoque la
nationalité et l’asile à un réfugié politique, au mépris de la Convention de
Genève et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, met en doute la
réalité de son soutien à Julian Assange sous la présidence de Correa.
Par ailleurs, Guillaume
Long a également déclaré le 25 septembre 2019 qu’il est possible que l’asile
équatorien n’ait été garanti en 2012 que sur la base de la Convention
Interaméricaine relatives aux droits de l’Homme, (article 22.7 et 22.8)[39]
pas de la Convention de Genève de l’ONU relative aux Réfugiés, ce qui
expliquerait pourquoi la Grande Bretagne ne reconnait pas l’asile de Julian
Assange. Nous voyons bien qu’un flou important règne en ce qui concerne
l’asile politique équatorien de Julian Assange et que ces contradictions lui
sont préjudiciables.
De plus, le 15 et 16
novembre 2016, lors de l’audition avec la procureure suédoise Ingrid Isgren
Julian Assange affirme qu’il est citoyen australien, que son passeport a été
pris par les autorités britannique et qu’il ne peut pas prouver son
identité. On en déduit qu’il ne possède aucun document[40].
Personne n’a relevé la vraie signification de ces paroles dramatiques et aucun
journaliste n’a demandé des explications. Premièrement, lorsque la cour
britannique lui a accordé la liberté sous caution en décembre 2010, elle aurait
dû lui restituer son passeport après sa sortie du centre de détention
provisoire Wandsworth. La confiscation de ce passeport est, en tout point du
droit international, illégale, et les avocats si chevronnés auraient dû en
premier se battre pour que leur client ne soit pas de facto apatride, en
plus d’être déjà un « sans-papiers » (la carte de résidence est
obligatoire pour les citoyens australiens après plus de 6 mois de séjour en
Grande Bretagne). Qu’une telle action contre l’Etat britannique n’ait pas été
entreprise pendant 6 ans, jusqu’à la rencontre de Julian Assange avec cette
procureure suédoise, en dit long sur l’inefficacité des avocats que nous avons
déjà dénoncée.
Deuxièmement, il est
surprenant que Julian Assange « ne soit pas en mesure de prouver son
identité formelle » alors qu’en tant que réfugié sous la protection de la
Convention de Genève il devrait posséder un document délivré par l’Equateur,
prouvant son identité, son droit à la protection de l’Etat de l’Equateur et son
droit de voyager (comme stipulé dans les articles 27 et 28 de la
Convention). La Charte des Nations Unis interdit de révoquer la nationalité de
naissance d’un citoyen et de fabriquer des apatrides. Comment se fait-il que la
haute fonctionnaire de la Suède n’ait pas relevé ces violations flagrantes de
droit sur la personne de Julian Assange, violations commises par les autorités
britanniques, par les autorités australiennes qui doivent protéger leurs
citoyens et par l’Equateur qui ne lui a pas assuré un document d’identité selon
les obligations de la Convention de Genève ? Julian Assange en faisant
cette déclaration a clairement appelé au secours cette personne mandatée
légalement par un Etat et susceptible de comprendre la séquestration dont il
est victime.
Quelle valeur peut bien
avoir le travail de la « chef procureure » Ingrid Isgren alors
qu’elle ne peut consigner sur le rapport d’audition le nom, prénom, lieu et
date de naissance, l’adresse, le numéro de passeport et les dates, le lieu et
l’autorité de délivrance et d’expiration du document légal d’identité de Julian
Assange ? Pourquoi ne lui a-t-elle pas demandé des précisions sur les
documents équatoriens d’identité dont il devrait disposer ? Pourquoi
accepte-elle l’illégalité dont est victime la personne qu’elle auditionne,
illégalité qu’elle ne dénonce pas ?
Comment se fait-il
d’ailleurs que personne ne remarque qu’il manque ces données essentielles dans
le dossier suédois? Les protagonistes des accusations suédoises, plaignantes et
témoins ne semblent d’ailleurs jamais avoir présenté le moindre document
d’identité à la police et à la justice car ces documents sont vierges de
tout numéro identifiant[41].
A l’époque, le ministre
des affaires étrangères est Guillaume Long et le président de l’Equateur Rafael
Correa. Ils sont tous autant responsables de la situation inextricable de
Julian Assange que Lénine Moreno qu’il est si commode de désigner comme le
« méchant » de l’histoire. Cette technique de storytelling permet de
blanchir les personnalités au pouvoir pendant 7 ans et de contribuer à
renforcer la passivité du citoyen sur le thème du « on ne peut rien contre
la fatalité, les méchants, Moreno et les Américains sont trop puissants ».
Cette attitude de fatalité est ce que nous combattons le plus avec
Wikijustice.
L’attitude de fatalité
nous est étrangère car nous sommes des militants contre le système capitaliste
néolibéral corrompu et dictatorial. Mais plus nous avançons dans l’analyse, plus
nous découvrons, dans le cas de Julian Assange, que des élites politiques,
juridiques, journalistiques qui sont censés le soutenir ne le font que
mollement, à la dernière minute, sans se mouiller ou sont carrément absentes et
silencieuses. Comment accepter la fatalité d’un procès joué d’avance alors
qu’en théorie Julian Assange devrait bénéficier du support du puissant réseau
des relations de son avocat principal le célèbrissime ancien juge Baltazar
Garzon ? Baltazar Garzon a fréquenté le 3 Hans Crescent Street car il
est filmé en train de danser dans une soirée dans l’appartement – cette scène
est immortalisée dans le film montré par Andy Müller Maguhn au Chaos Computer
Congress le 27 décembre de l’année dernière[42].
Or, Maitre Garzon a brillé par son absence depuis la mise au secret de Julian
Assange le 11 avril 2019. Il ne répondait pas aux courriers de militants
européens et ne fréquentait pas les audiences d’extradition auxquels j’ai
assisté à Londres depuis le 20 septembre 2019. Certes, fin février 2020, il a
été présent à la Woolwich Crown Court et il a été le seul avocat à serrer la
main de Julian Assange et à lui parler. Mais il n’est resté au procès qu’un
jour et demi, le 24 février et la matinée du 25. Il n’a pas davantage mobilisé
de politiques ou militants espagnols pour la cause de son client. Or, Baltazar
Garzon est très proche des milieux de Reporters Sans Frontières dont il fut
un soutien actif du temps de la présidence de Robert Ménard, notamment en étant
le président d’honneur de l’organisation interne de soutien juridique Damoclès
de RSF « chargée d’ester en justice afin de défendre la liberté des
journalistes »[43].
RSF était absente de la lutte pour la libération de Julian Assange en 2019 et
ne s’est réveillée que pour le procès de février 2020. Christophe Deloire,
secrétaire général de RSF France, Christian Mihr pour l’Allemagne ne
sont restés cependant qu’une journée au procès déléguant la tâche de
représentation à Rebecca Vincent.
On remarque souvent les
présents, rarement les absents. Or, l’absence de personnalités aux seuls moment
où nous avons pu constater la torture que Julian Assange subit, lors des
audiences, participe au renforcement du sentiment d’impuissance face à la
fatalité des violations de droits. Impuissance que le système dominant veut
nous inculquer de gré ou de force.
Les enfants
présumés de Julian Assange avant Stella Morris
Revenant au témoignage de
Stella Morris sur la relation intime qu’elle affirme avoir développée avec
Julian Assange à partir de 2015, il est étonnant que Julian Assange dans son
entretien avec les médecins mandatés par le Groupe de Travail sur la détention
arbitraire du Haut Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et daté
de novembre 2015, parle déjà de ses enfants qu’il ne peut voir grandir. Il ne
s’agit donc pas des enfants que Stella Morris montre sur les photos du Daily
Mail. Le médecin auteur du rapport « sur le traumatisme et la situation
psycho-sociale de M. Julian Assange » mentionne plusieurs entretiens menés
de juin 2014 à juillet 2015. Ce médecin parle au contraire de « jeunes
enfants en France ainsi que d’autres en Australie avec qui M. Assange ne
peut entretenir de relation affective dans l’ambassade »[44].
Par ailleurs, le rapport décrit tous les traumatismes que provoque un
« confinement » prolongé dans un lieu sans lumière, sans possibilité
de sortir, sans exercice, et entouré d’un milieu hostile, (quelque chose que
nous commençons à comprendre avec la violence sanitaire qui nous a été
récemment infligée en France à grande échelle): insomnie, anxiété, dépression,
perte de la faculté d’utiliser ses sens…
Ce
« confinement » a été décrit comme une torture par Nils Melzer, le
rapporteur spécial de l’ONU sur la torture dans son célèbre rapport sur la
situation de Julian Assange. Le roman à l’eau de rose déroulé par Stella
Morris actuellement dans les médias décrédibilise le rapport de Nils Melzer
et met Julian Assange en danger. Car comment un prisonnier peut à la fois être
torturé et père heureux d’une famille aimante ?
Finalement, poussé à
s’extasier devant les images montrées par Stella Morris, le public est amené à
oublier ce que Julian Assange a dit lui-même sur ses enfants en France et ceux
en Australie. Les citoyens ne sauront rien de la mère de ces derniers, qui
n’est pas présente pour soutenir le père de ses enfants. Pourtant, pour les
défenseurs des droits humains, se pose la question de savoir si les avocats et
la justice ont tout fait pour protéger leurs intérêts tant du point de vue de
la légitimité de leur filiation que du point de vue patrimonial. En effet, ces
enfants sont héritiers, au même titre que les enfants de Stella Morris, des
dividendes par les actions que Julian Assange possède dans l’entreprise
islandaise Sunshine Press Production[45].
La question préoccupante « qui gère le patrimoine de Julian Assange »
doit être posée par les militants pour que Julian Assange ne soit pas spolié de
ses biens au cours des longues années de captivité qu’il subit. Daniel Assange,
présenté par des médias comme son fils australien, âgé aujourd’hui de 31 ans,
n’est jamais venu aux audiences et n’a jamais pris la défense de son père ni
devant les caméras ni au cours d’une conférence de presse. Il n’est jamais allé
voir son père à Belmarsh. Il est dorénavant normal qu’on puisse douter de
son existence. En 2010, ce fils twittait encore sur son père, depuis il a
disparu[46].
Aucun des journalistes qui poursuivent en meute John Shipton ne s’est posé la
question du fils présent dans la vie de son père en 2010 et absent en 2020.
Par ailleurs, si cette
relation a débuté en 2015 alors que la santé de Julian Assange était
préoccupante, pourquoi Stella Morris n’a-t-elle pas déjà sonné l’alerte pour
sauver son compagnon ? Pourquoi est-elle restée silencieuse sur la torture
dont il est victime, comme l’a démontré le rapport de Nils Melzer et les
trois rapports médicaux de Wikijustice datés du 29 décembre 2019, du 8 février
et du 29 février 2020 ?[47]
Qui ne dénonce pas le
crime, la torture, est coupable de non-assistance à personne en danger.
L’article premier de la
Convention de l’ONU contre la torture est très clair : celui qui consent à
la torture, tacitemen[1]t
alors qu’il en a connaissance, est complice du crime :
Article
premier de la Convention contre la torture
« 1.
Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte
par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont
intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle
ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte
qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de
l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression
sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de
discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles
souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute
autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux
souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces
sanctions ou occasionnées par elles »
[9] Sara Gonzalez Devant,
« Displacement in the 2006 Dili conflict, dynamics of ongoing
crise », Refugee Studies Centrer Working Paper 45, 2008, Université of
Oxford. In Jacquline Aquino Sapiano, « East Timor, How to build a nationa
in Southeast Asia in the 21 century », Actes du Congrès de Naples en 2006,
Institut de Recherche sur l’Asie du Sud est contemporaine, 2018 et in Vandra
Harris, Andrew Goldsmith, « Security, Développement and Nation Building in
Timor Leste » Routledge, 2012.
[27] Ministre des affaires étrangères de
2016 jusqu’à l’élection de Lénine Moreno, Guillaume Long, qui possède aussi la
nationalité française et britannique, a été celui qui en octobre 2016 a coupé
internet à Julian Assange comme suite aux publications par
« Wikileaks » des mails de John Podesta, le directeur de campagne de
Hillary Clinton.
Notons
que dans cet article du 10 janvier 2018 Maria Fernanda Espinoza évoque les
négociations menées avec la Grande Bretagne pour une solution ordonnée de la
question Assange
[41] Voici les originaux publiés par le
journaliste Al Burke sur le site Nordic News Network. On remarquera les cases
vides dédiées aux numéro des pièces d’identité. C’est-à-dire qu’aucun protocole
d’audition ne comporte ces données essentiels alors qu’elles auraient du être
marquées et éventuellement cachées par l’éditeur.
[43] Page 77, Maxime Vivas, « La
face cachée de Reporters Sans Frontières. De la CIA aux faucons du
Pentagone ». Editions Aden, Bruxelles 2007
[44] « Mr Assange has a young family in France,
as well as children in Australia to whom he has been unable to have an affective
relationship whilst in the Embassy; the uncertainty as to whether reunion can
ever be accomplished, and whether the development of those relationships can be
restored, creates a further uncertainty »
Twitt de Daniel Assange en 2010 : « Our final
battle has begun, dad. We don’t cry, we don’t regret, and we never, ever give
up. I love you more than anything and anyone in this world. I couldn’t ask for
a better father, mentor, and role model in life. Thank you for everything. We fight to win. See you soon »
Objections,
analyses et actions de Wikijustice – 1ère partie
Monika
Karbowska
Lorsque nous avons
commencé, avec Wikijustice Julian Assange, à analyser, il y a 9 mois, la
totalité de l’histoire de « Wikileaks » et Julian Assange, nous avons
été frappés par les morts suspectes qui jalonnent l’historique de toute
la lutte pour la libération de ce prisonnier politique en Occident : Seth
Rich, John Johns, Michaël Ratner, Adrian Lamo, Arjen Kamphuis … Que de décès
subits de personnes qui ont été impliquées dans les révélations des secrets
d’Etat par Julian Assange ou qui avaient voulu sincèrement l’aider ! Il y
a aussi des personnes qui nous ont demandé si nous ne sommes pas en danger en nous
intéressant de trop près à l’affaire. Naturellement, la lutte contre le système
est une prise de risque. Je le sais mieux que quiconque ayant perdu mon pays,
mes meilleurs amis, en opposition au capitalisme en Pologne dès 1991, où
lorsque j’ai été menacée par la sanguinaire extrême droite ukrainienne lors de
mon soutien aux familles des victimes du massacre d’Odessa du 2 mai 2014. Mais
nous nous sommes dit alors : nous ne sommes pas isolés, nous faisons
partie du puissant mouvement social des Gilets Jaunes. Pour nous faire taire
il faudrait faire taire un pays entier qui se lève contre l’oligarchie locale,
européenne et mondiale.
Gilets Jaunes en
route vers la Révolution en Grande Bretagne
A voir la violence de la
crise que nous traversons en Europe continentale et particulièrement en France,
nous pourrions nous dire, à trois mois de la fin de la première phase du procès
à la Woolwich Court de fin février dernier, que nous ne sommes pas loin de ce scénario….
Interdiction de sortir de chez soi sous peine d’amende policière et de
poursuites, arrêt de l’économie et des liens sociaux, fermeture de tous les
lieux de sociabilité, peur collective de mourir par une maladie inconnue face à
laquelle rien n’a été préparé par les gouvernants…
Nécessité de débrouille
et autogestion là où on soigne encore les gens, dans les hôpitaux et certains
systèmes de santé locaux, sauve qui peut général des communes, départements et
régions face à un Etat déliquescent et capable uniquement de répression… Je
vous fais grâce de la litanie, vous l’avez vécu comme moi depuis mi-mars.
Même le langage utilisé
pour nous est le même que pour la torture subie par Julian Assange. Son « solitary
confinement » dans un appartement correspond à notre « confinement »
collectif dans nos logements…
Les dernières
audiences du procès de Julian Assange sans le regard des militants
Dans cette débâcle de mon
pays, il nous a été impossible d’assister aux quatre procès de Julian Assange
depuis fin février, le 25 mars, le 7 avril, le 27 avril et le 4 mai. Il est
certes possible de se déplacer de France en Grande Bretagne car Eurostar met
tous les jours des billets en vente et aussi de réserver un Paris-Londres sur
le site liligo.fr, mais c’est sortir de sa maison qui était devenu difficile en
France.
Les informations que j’ai
pu obtenir m’ont été fournies par les compte rendus détaillés des audiences que
rédige le seul journaliste que j’estime faire un travail de fond, Marty Silk de
l’Australian Associated Press (que son travail soit salué au passage). Ayant pu
le voir travailler et assister à sa prise de notes plusieurs fois, je sais au
moins qu’il décrit le déroulé de l’audience de façon plutôt précise. C’est
ainsi que j’ai pu apprendre des deux audiences du 25 mars et du 7 avril qu’une
demande de libération sous caution a enfin été déposée par les avocats
Fitzgerald et Summers, après tant de mois de tergiversation, et qu’elle avait
été rejetée par la juge Baraitser le 25 mars. L’essentiel des audiences du 25
mars et du 7 avril a consisté néanmoins, non dans une argumentation autour de
cette libération, mais en débats interminables sur la révélation de
l’identité d’une nouvelle « compagne » de Julian Assange et de ses
deux enfants. Selon Marty Silk, ce sont plutôt les avocats qui ont mis
incessamment le sujet sur le tapis dans une dramaturgie digne de Paris Match,
Gala ou Voici alors que la juge et l’accusation observaient une neutralité
évidente. Evidente parce que dans une procédure judiciaire seule l’identité du
justiciable est connue du public qui assiste au procès. Le nom de
l’époux/épouse est connu de l’institution judiciaire puisqu’il s’agit de l’état
civil du justiciable et de ses obligations familiales qui font partie de sa
situation sociale, mais il n’a pas à être livré au public. Et à fortiori, ne
sera jamais dévoilé publiquement par le juge le nom des enfants du justiciable
car cette information est logiquement protégée par les lois de protection des
enfants, de la vie privée des personnes et de la protection des données.
Le récit coloré des
« paparazzis qui risquent de poursuivre la pauvre femme si son nom venait
à être divulgué au public » et la crainte « d’un enlèvement par les
services secrets américains » me laissait incrédule comme souvent les
éléments bizarres de ce dossier. Comme déjà en 2019, je répétais aux militants
que « si cette femme vit en Grande Bretagne, les services secrets
britanniques la connaissent parfaitement et s’ils la connaissent, les services secrets
américains la connaissent aussi ». Il est peu probable que la CIA prenne
le risque d’assassiner ou enlever une femme et des enfants britanniques sur le
sol britannique. Malgré tout le dégoût que cette institution peut nous
inspirer, elle n’a jamais encore commis ce genre de crime sur le sol de son
plus proche allié vis-à-vis de ressortissants britanniques car le faire serait
diplomatiquement très risqué pour le gouvernement états-unien. De toute manière,
j’étais plutôt partie pour trouver la compagne de Julian Assange en France.
Suite aux nombreuses déclarations publiques de Juan Branco et de celle de
Eric Dupont Moretti à la conférence de presse du 20 février 2020 à Paris[1]
,selon lesquelles Julian Assange était père d’un enfant français, des militants
nous posaient régulièrement cette question « savez-vous qui est la femme
française de Julian Assange ? ». Non, je ne le savais pas, mais je
gardais une option sur cette probabilité, sachant qu’il était crédible qu’un
informaticien militant comme Julian Assange ait pu rencontrer une compagne en
France dans les années 2005 à 2009 et qu’il aurait été utile pour nous,
militants, d’avoir son soutien ouvert dans la lutte que nous menions pour
l’asile politique de Julian Assange en France.
Stella Morris devant
le « Daily Mail »
Après avoir voulu à tout
prix protéger pendant des années son identité et y avoir efficacement réussi
malgré les « paparazzis », voici que Stella Morris alias Sara
Gonzales Devant ou Stella Smith Robertson[2]
se met en scène avec ses enfants à visage découvert face aux journalistes du
tabloid le « Daily Mail »[3]
– je découvre l’article au soir du 11
avril dernier. Le journal publie quelques photos, un texte romancé et une vidéo
de Stella Morris avec un chat et deux enfants dans un décor qui ressemble à
celui d’un atelier informatique (matériel dans des cartons sur des étagères…)
dans lequel on aurait disposé des jouets d’enfants.
Cette nouvelle me pousse
à écrire ici quelques réflexions sur la nature du militantisme que j’ai
effectué ces derniers mois et pour lequel j’ai pris beaucoup de risques et
vécu des moments de grande violence, comme je l’ai décrit dans tous mes
articles, sur le procès de Julian Assange. J’ai en effet assisté à toutes les
audiences du procès de Julian Assange depuis septembre 2019 : le 20
septembre, le 11 octobre, le 21 octobre 2019, le 18 novembre, le 13 décembre,
le 19 et 20 décembre 2019, le 13 janvier 2020, le 23 janvier 2020, le 19
février 2020, le 24, 24, 26 et 27 février 2020. Après avoir fourni autant
d’effort, je me sens légitimée pour formuler quelques remarques.
Il est dommage que les
médias mettent en scène Stella Morris ou Sara Gonzales Devant ou Stella Smith
Robertson comme « avocate » alors qu’elle n’est pas inscrite au
barreau britannique, ni au « Bar council »[4]
ni à la « Law society »[5]
sous aucun de ses trois noms. Elle n’est pas la seule : Jennifer Robinson
et Geoffrey Robertson ne sont pas non plus inscrits au barreau britannique mais
les mots sont importants, dire conseillère ou collaboratrice juridique serait
plus exact. Parmi la nombreuse troupe des « avocats » de Julian
Assange, seuls Jean Gareth Peirce et Alaistar James Lloyd Lyon sont inscrits à
la « Law society » et Edward Hamilton Fitzgerald et Mark John Summers
au « Bar Council ».
De même, il est dommage
qu’aucun journaliste ne s’interroge et n’engage le public à réfléchir sur la
crédibilité d’une personne qui a pu changer trois fois de nom et de prénom
dans sa vie et qui affirme faire un métier alors qu’aucune preuve n’existe
qu’elle est en mesure de l’exercer. Dans les système juridique occidentaux, il
est très difficile de changer de nom et encore plus de prénom sauf en cas de
mariage ou de naturalisation. Une procédure spéciale exigeant des arguments
valables est alors nécessaire. Si Sara Gonzales Devant, spécialiste de
l’histoire du Timor Oriental, est la même personne que Stella Morris
conseillère juridique, alors il est nécessaire de mentionner que « Stella
Morris » est un pseudonyme et d’être exact dans le récit pour ne pas
tromper le public et les militants.
De plus, alors que Stella
Morris présente Julian Assange comme son client et son compagnon à la fois, les
journalistes auraient pu aussi en conclure que Stella Morris ne respectepas le code de déontologie de sa profession lorsqu’elle se trouve dans la
salle d’audience alors qu’elle partage sa vie intime avec l’accusé. Si elle
est bien la compagne de l’accusé, sa présence est un vice de procédure qui
aurait dû faire annuler les audiences. « Défendre » en tant qu’avocat
est défendre selon des règles et un code de déontologie qui interdit dans la
plupart des pays à un avocat d’avoir des liens personnel étroits avec son
client. D’ailleurs, deuxième vice de procédure, si Julian Assange est bien le
compagnon de Stella Morris, elle peut d’autant moins rester son avocate
puisqu’en respectant les règles elle ne pourrait plaider et donc le représenter
correctement. Julian Assange se retrouverait à nouveau démuni du fait d’un
imbroglio personnel et juridique qui ne pourrait encore une fois que lui porter
préjudice.
Lors de toutes les
audiences du 19 décembre 2019 au 27 février 2010 nous avons noté la présence
incongrue de très jeunes gens qui n’ont manifestement pas de diplôme d’avocat
et ne sont naturellement pas inscrits au « Bar council » ni à la « Law
Society ». Le 19 décembre, 13 et 23 janvier et 19 février 2020, ce fut le
jeune hacker MC McGrath[6]
qui jouait ainsi aux apprentis avocats assis sur le banc de la défense à la
cour Westminter Magistrate. Les 24, 25, 26 et 27 février 2020, il était présent
à côté de Stella Morris ainsi qu’une ribambelle d’adolescentes qui visiblement
s’ennuyaient pendant les longues heures du « procès du siècle » et
pianotaient sur leurs portable ou sur leurs ordinateurs roses. Je sais qu’il
faut le voir pour le croire et comme je l’ai vu, ayant assisté à toutes ces
audiences, j’encourage ceux qui ne me croient pas à faire, la prochaine fois,
la queue à partir de 5 heure du matin pour assister à ce qui est un étrange
spectacle très éloigné de ce qu’on attend d’un procès politique sérieux. De la
galerie du public, j’avais parfois l’impression de regarder la répétition
générale d’un tournage de film ou d’une pièce de théâtre avec de jeunes
figurants, ou à un exercice «in situ » pour de jeunes acteurs stagiaires.
Stella Morris en
tant que Sara Gonzalez Devant
Sara Gonzalez Devant est
donc apparemment diplômée en sciences politiques (Departement du Développement
International[7]) à
l’Université d’Oxford, spécialiste de la question des réfugiés au Timor
Oriental[8].
Elle aurait séjourné au Timor Oriental en 2005-2006 et aurait rédigé un mémoire
pour cette faculté : ce document est cité dans deux livres universitaires
sur le sujet [9]. Un de
ces ouvrages universitaires, sous la direction de Jacqueline Aquino Sapiano, la
présente comme boursière de la « Agencia Espanola de Coopération y
Desarolla AECID » organisme gouvernemental espagnol pour la coopération
internationale. Le site d’une association britannique d’aide aux réfugiés
(Refugee Legal Aid Information) précise qu’elle aurait été consultante au Timor
Oriental pour le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés[10]
et aurait travaillé en 2010-2011 sur la question de la pauvreté
transgénérationnelle pour l’Institut du Développement de l’Outre-Mer (Oversea
Developement Institut), un grand think thank international travaillant sur
les thèmes des migrations, du développement durable et du changement climatique
et financé par les agences gouvernementales britanniques, américaines,
suédoises et françaises ainsi que par des grandes entreprises[11].
Elle a été financée aussi
par la fondation canadienne publique Jeanne Sauvé « pour le leadership
féminin»[12]
mais il est impossible de trouver des précisions sur son travail ou sa
recherche. Sara Gonzalez Devant a écrit deux articles sur le Timor Oriental et
un sur le Bostwana sur le site spécialisé « New Internationalist »[13]
et a participé à une newsletter sur le thème des droits des réfugiés[14].
C’est un parcours
professionnel tout à fait honorable, mais très éloigné du droit suédois sur
les violences sexuelles ou du droit britannique concernant les extraditions,
connaissances qu’elle prétend utiliser pour aider Julian Assange en tant que
Stella Morris. En tant que Sara Gonzalez Devant son parcours professionnel
semble également s’arrêter à l’année 2012.
Que s’est-il
réellement passé 3 rue Hans Crescent pendant 7 ans ?
Ayant connu Madame
Gonzalez Devant sous le nom de « Stella Morris » je continuerai à
utiliser ce pseudonyme. Son récit, dans le premier article du Daily Mail, le 11
avril 2010, m’inspire les réflexions suivantes.
Avoir des enfants dans un
couple hétérosexuel suppose d’avoir des relations sexuelles. Il est possible,
bien sûr, de faire des enfants dans des relations sexuelles non consenties mais
Stella Morris nous présente dans son film la relation pleine d’amour qu’elle
dit avoir développée avec Julian Assange. Avoir des relations affectives et
sexuelles amoureuses suppose d’avoir un espace à soi ou cette intimité peut
s’épanouir dans la confiance. Il est nécessaire aussi d’avoir un espace mental
libre et protégé pour pouvoir créer une relation suivie et se concentrer sur la
création de cette relation.
Ce qu’on nous a raconté,
depuis 2012, sur la vie de Julian Assange dans l’appartement du 3 rue Hans
Crescent appartenant à l’Etat de l’Equateur est incompatible avec les
conditions nécessaires à l’épanouissement d’une vie intime et familiale. Julian
Assange aurait été sous surveillance constante des caméras de la société UC
Global placées dès 2015 dans tous les espaces, y compris dans la salle de bain
et dans les toilettes, comme le montre Andy Müller Maguhn président du
Conseil d’Administration de la Fondation Wau Holland[15]
dans le film projeté le 27 décembre 2019 au Chaos Computer Congress et composé
de ces images intrusives volées de la vie privée de Julian Assange[16].
Selon la narrative officielle tant de fois reprise par les médias et par des
« proches », Julian Assange aurait passé 7 ans confiné dans 5 mètres
carrés et demi d’une chambre et d’un espace encore plus petit dans lequel
aurait été placé son lit, auparavent des toilettes[17].
Pas vraiment des conditions idéales pour développer une vie amoureuse alors que
Stella Morris affirme lui avoir rendu visite tous les jours de 2015 jusqu’au 11
avril 2019.
Mais peut-être nous
a-t-on tout simplement menti et la vie de Julian Assange dans l’espace
équatorien était très différente de ce qu’on nous a présenté ?
La réalité des
lieux au 3 rue Hans Crescent
Selon le cadastre,
l’immeuble du 3 rue Hans Crescent appartient en propriété absolue (Freehold) à
la compagnie Hans Crescent Freehold limited (Document LN62660), sise dans un
paradis fiscal et propriété de Mohammed
bin Khalifa Al Nahyan, fils du Président des Émirats Arabes Unis[18]. L’Equateur
possède de son côté en « Leasehold » (sorte de bail à très long
terme) l’appartement 3B au rez de chaussée depuis le 25 décembre 1976 auquel
est adossé un « storage room », un lieu de stockage, au sous-sol
(Document NGL333924)[19].
Cet appartement est situé sur l’angle gauche de l’immeuble lorsqu’on se tient
devant l’entrée du numéro 3. On remarque que seules 3 fenêtres (dont le fameux
balcon ou Julian Assange apparaissait parfois et était filmé par les médias et
les militants) donnent sur la rue Hans Crescent. Le reste de l’appartement, 5
fenêtres, donne sur une petite impasse, la Landon Square. L’appartement de
l’Equateur dispose d’une grande issue de secours donnant immédiatement sur
l’impasse, peut-être d’une deuxième à partir du « storage room »
puisque deux portes se trouvent sous l’appartement au fond de l’impasse Landon
Square permettant de sortir du « sous-sol » (plutôt un
« basement » – un local à ras le sol) du bâtiment et de gagner la rue
ou de rentrer dans le parking du Harrods qui fait face.
Justement, en face de l’appartement,
intégrée au même complexe d’immeubles, se trouve l’imposante entrée du parking
et du tunnel de livraison du Harrods (voir photos)[20].
Cette entrée située au 1 rue Hans Crescent relie ce parking et le tunnel de
livraison par le sous-sol du bâtiment au magasin Harrods située à droite du
complexe immobilier du 3 rue Hans Crescent, côté Basil Street. Le parking de
Harrods s’étend donc en dessous du complexe immobilier du 3 Hans Crescent
Street et il est possible d’en ressortir par une deuxième entrée, de l’autre
côté du bâtiment, à côté de la pizzeria de luxe faisant face au Harrods,
seul restaurant du quartier. Ces entrées et ces tunnels situés sous le bâtiment
du 3 rue Hans Crescent sont mentionnés dans le cadastre.[21]
Ce n’est pas étonnant.
Les connaisseurs de Londres savent que le quartier est truffé de souterrains
ayant servi pendant la seconde guerre mondiale[22].
Les parkings souterrains composaient, dès les années 30, la première partie des
souterrains refuges de civils pendant les bombardements des nazis sur Londres.
A une encablure de la rue Hans Crescent se trouve même le fameux « 206
Brompton road », l’ancienne station de métro sous laquelle se trouvait,
pendant la guerre, le quartier général de la défense anti-aérienne de
Londres ! Propriété du ministère de la défense britannique qui a conservé
le bunker souterrain en l’état, le lieu fut vendu à l’oligarque ukrainien
Dimitri Fyrtach au moment de l’apogée de la guerre de l’Ukraine contre le
Donbass en 2014[23]. En
tant qu’un des oligarques les plus riche et puissant de ce pays, propriétaire
exclusif des systèmes d’acheminement du gaz russe vers l’Ukraine, d’usines
chimiques et d’entreprises d’importation de titane, Fyrtach est aussi très lié
aux élites britanniques et américaines. Lors de la guerre en Ukraine il fut
accusé d’avoir été trop proche du président Yanukovitsch que les puissances
occidentales ont poussé au départ avec le putsch du 21 février 2014. Depuis,
Fyrtach est poursuivi pour corruption mais il reste propriétaire des murs du
bâtiment historique alors que le ministre de la défense britannique conserve la
propriété et le contrôle des vastes souterrains aménagés[24].
Lors de la mise en vente de l’ancien bunker, des passionnés d’histoire ont pu
filmer ce qui est le point d’entrée d’un entrelacs de souterrains dans ce
quartier chargé d’une histoire dure et héroïque[25].
Ces précisions sont données pour démontrer qu’il est possible de rentrer
dans les bâtiments de ce quartier historique, de descendre au sous-sol à
l’intérieur et de ressortir du bâtiment par une autre entrée, parfois située
dans un autre immeuble.
Lorsqu’il est enlevé de
force des locaux du 3 rue Hans Crescent le 11 avril 2019, Julian Assange
brandit face aux caméras un livre de Gore Vidal. Fait curieux,
l’écrivain américain a vécu dans sa propriété au 31 Egerton Crescent à 500
mètres à peine du complexe immobilier de Hans Crescent, comme il le mentionne
dans son livre autobiographique « Palimpseste ».
On sait aussi que les
services de l’ambassade ont déménagé, en 2015, lorsque le bâtiment aux doubles
entrées au 6 James Sessions Square et au 12 Buckle Street à Whitechapel a
été achevé. C’est ici que travaillent, très probablement dès 2015, les
diplomates équatoriens à coté de leurs collègues du Consulat, comme le montre
la page Facebook officielle de l’Etat de l’Equateur à Londres, il n’y a pas
d’autre site internet[26].
L’appartement de 3 rue Hans Crescent est peut-être resté couvert par l’immunité
diplomatique et depuis sert de lieux de stockage, de salle de réunion et de
réception, ou tout simplement de logement pour les diplomates ou pour les
visiteurs de la mission.
Du reste, si l’histoire
de caméras installées par le responsable de la sécurité de la mission
diplomatique était vraie, il n’est pas dans les usages des diplomates de
travailler avec des caméras de surveillance installées dans leur poste de
travail (et dans les toilettes de leur lieu de travail), des caméras zoomant
sur des documents secret défense… Aucun diplomate véritable n’accepterait cela,
ne serait-ce qu’à cause du danger que ces images pourraient être volées. En
outre, il n’y a pas besoin d’espionner des diplomates dans leur travail, ces
personnes ont déjà été choisies pour leur fidélité au gouvernement en place.
Aujourd’hui l’appartement est vide et l’agent de sécurité posté dans le
vestibule contrôle les entrées vers les deux appartements, celui de la Colombie
et celui de l’Equateur. Les curieux de l’Equateur sont systématiquement
orientés vers le 12 Buckle street.
Justement, une autre
ambassade, que jamais aucun médias ne montre, l’ambassade de la Colombie se
trouve sur le même palier du rez-de-chaussée de l’immeuble. Les deux
missions sont donc mitoyennes, elles partagent la même entrée principale, le
même escalier et le même étroit vestibule. Cette proximité étonne beaucoup
quand on sait l’hostilité profonde du régime colombien, étroitement associé à
la domination des Etats Unis sur toute l’Amérique Latine, à tout gouvernement
de gauche dans n’importe quel pays du continent, dont à celui de Correa.
Observant ces deux drapeaux, au demeurant fort ressemblants, de la Colombie sur
le balcon de l’appartement de droite, celui de l’Equateur sur le balcon de
l’appartement de gauche, le visiteur se demande toujours comment diable
Julian Assange aurait pu se sentir en sécurité dans un appartement aux
fenêtres les unes exposées sur une place, les autres coincées au fond d’une
impasse et situé de surcroit sur le même palier que le quartier général de ses
pires ennemis.
Pour conclure sur les
incohérences de la fable de la méchante UC Global espionnant la mission
diplomatique équatorienne, il faut souligner qu’un agent de sécurité officiant
dans le vestibule mitoyen ne peut pas filtrer les entrées vers
l’appartement de l’Equateur sans que la Colombie ne donne également son accord.
Le cas contraire donnerait lieu à de graves frictions diplomatiques entre deux
pays dont les gouvernements sont idéologiquement hostiles de 2007 à 2017. Il
est évident aussi que l’Equateur, propriétaire uniquement de l’appartement 3B,
n’avait pas ainsi le droit de contrôler les entrées des habitants des autres
logements du bâtiment de 5 étages. Pour cela, il faut l’accord de la Hans
Crescent Freehold limited, propriétaire de tout l’immeuble. Soit ce filtrage
avec contrôle des passeports était décidé par l’ensemble des propriétaires,
soit cette histoire est un faux destiné à faire monter la tension du spectacle
médiatique.
Le storytelling à
l’épreuve des usages et réalités diplomatiques
Guillaume Long, ancien
ministre des affaires étrangères de Rafaël Correa nous a précisé, lors de la
conférence à la Sorbonne le 25 septembre 2019, que l’Equateur a toujours
respecté les actions juridiques suédoises contre Assange et a toujours négocié
avec le Royaume Uni pendant ces 7 années de séjour de Julian Assange dans
ses murs[27].
En disant cela, il confirmé les doutes que nous avions sur l’image de
« l’ambassade assiégée par les forces de police britanniques, à tel point
que l’ambassadeur ne peut pas faire son travail». Le film « Risk » de
Laura Poitras monte cette dramatisation à l’extrême. Pourtant, Fidel Narvaez,
consul et responsable de la sécurité du lieu, est filmé en train de parler (probablement) à
des autorités britanniques, en juin 2012 alors que Julian Assange a franchi la
porte de l’appartement du 3 Hans Crescent Street, mais s’il se plaint d’un
nombre de policiers « disproportionné », il ne se plaint pas de
« l’assiègement » et encore moins d’un état de guerre[28]…
Il faut bien comprendre que
dans l’histoire assiéger une mission diplomatique a été toujours un acte de
guerre qui se résolvait donc rapidement par une guerre entre les parties
(souvent après évacuation express du personnel). Le cas le plus emblématique,
au 20ème siècle, est la prise d’otage des diplomates américains dans
leur mission à Téhéran, en 1979, dans le cadre de la révolution islamique en
Iran. Depuis 1979, on peut dire que les relations entre les deux pays
s’apparentent à une tension hostile à la limite de la guerre. On n’a pas eu
d’exemple au 20ème siècle ni même avant d’ambassade assiégée par le
pays d’accueil pendant 7 ans. Aucun diplomate de métier ne croit à l’histoire
racontée par les médias de l’ambassadeur empêché de travailler dans sa mission
et encerclé par les forces du pays d’accueil pendant 7 ans en temps de paix.
Comme je l’ai expliqué
dans un article précédent[29],
la Convention de Vienne du 18 avril 1961 pose le principe de l’immunité
diplomatique sur la base du principe de réciprocité. C’est par ce principe de
réciprocité et par crainte de représailles sur ses propres diplomates que le
pays d’accueil, même en cas de dégradation des relations, s’abstient d’actes
hostiles vis-à-vis de la mission étrangère sur son sol. Le principe de
l’immunité, qui veut que toute intervention du pays d’accueil dans la mission
ne se fasse que sur l’accord des plus hautes autorités du pays concerné,
c’est-à-dire du ministre des affaires étrangères, pose la condition d’une
coopération entre les deux pays pour résoudre tout conflit entre eux. En clair,
il est impossible que les policiers britanniques aient
« encerclé » l’ambassade de l’Equateur sans l’accord de l’Equateur.
Il s’agissait plutôt d’une surveillance-protection accordée justement du fait
de la Convention de Vienne à l’Equateur par le gouvernement de la Grande
Bretagne, à la demande de l’Equateur, peut-être pour tenir éloignés les
curieux qui voudraient s’approcher de trop près de l’appartement 3 rue Hans
Crescent pour observer la réalité de la vie de Julian Assange dans celui-ci.
Si l’Equateur avait été
réellement « encerclé » et le travail de ses diplomates avait été
empêché, l’Equateur aurait été en droit de faire exactement la même chose aux
diplomates britanniques en poste à Quito. Or, Raphaël Correa s’est bien gardé
de faire jouer le principe de réciprocité contre l’ambassade britannique chez
lui. Au contraire, les relations équatoro-britanniques ont certes connus
quelques difficultés avec la question Assange, mais les négociations n’ont
jamais cessé pendant cette période[30].
L’impasse a été attribuée à l’incompétence de l’ambassadrice Ada Alban en poste
de 2010 à 2013, une proche de Raphaël Correa mais pas une diplomate de métier. L’homme
qui décide pour le séjour de Julian Assange depuis avril 2012 est Fidel Narvaez[31],
consul depuis le début de la présidence de Correa, très lié politiquement au
président, et très probablement, comme souvent le cas avec les postes de
consul ou vice-consul pas bien définis, son chef de la sécurité. Fait curieux,
Fidel Narvaez, présenté comme ami proche de Julian Assange, aurait dû, selon
les usages du milieu, être persona non grata et immédiatement prié de rentrer
chez lui après expiration de son immunité diplomatique, s’il avait été
responsable de l’état de tension entre son pays et la Grande Bretagne. Au
contraire, aujourd’hui Fidel Narvaez vit en Grande Bretagne ou il a une carte
de résident. L’ayant croisé plusieurs fois dans les couloir de la cour
Westminster Magistrate et ayant pu lui parler, je n’ai pas eu l’impression
qu’il est très inquiet par sa situation de « fauteur de trouble »
vis-à-vis de la Grande Bretagne. Au contraire, il a assisté aux audiences de
Julian Assange depuis le 19 décembre 2019 puis au procès du 24 au 27 février
2020 à la Woolwich Crown Court, dans la galerie du public dans la rangée
réservée à la « famille » du prisonnier. Les autorités britanniques
n’ont pas l’air de lui en vouloir d’avoir été à l’origine d’une situation
coûteuse pour eux médiatiquement, politiquement et financièrement et ayant
généré des problèmes diplomatiques lourds. Au contraire les autorités
britanniques lui ont accordé un droit de rester sur leur sol après la fin de
son statut de diplomate équatorien. Un argument de plus en faveur de
l’hypothèse que « l’assiégement » était un spectacle à l’attention
des âmes sensibles.
Storytelling
contre géopolitique réelle
Non seulement, pendant
ces 7 ans, l’Equateur de Correa n’a pas été en guerre contre la Grande Bretagne
mais il a continué à développer des relations très profitables avec l’Union
Européenne et ses pays pendant toute cette période, notamment avec l’Allemagne.
Pourtant, la Grande Bretagne était membre à cette période de plein exercice de
l’Union Européenne, et quand on sait le rôle que les Allemands ont joué dans
le projet « Wikileaks » (la fondation Wau Holland en tant que
propriétaire et financeur du projet et employeur de Julian Assange en 2010
-2012[32])
on peut s’étonner qu’à aucun moment le gouvernement allemand n’ait joué les
bons offices, comme cela se fait habituellement dans le monde de la diplomatie,
pour résoudre le « brûlant conflit Assange » entre l’Equateur, son
nouvel ami en Amérique Latine[33],
et la Grande Bretagne, la troisième plus forte puissance de l’Union Européenne.
Le gouvernement de Rafael Correa entretient en effet des relations privilégiées
avec l’Allemagne via la Fondation Friedrich Ebert spécialisée dans les
relations entre le Parti Socialiste Allemand SPD et les réseaux et
organisations socialistes dans le monde entier[34].
Tout se passe comme si le
« cas Assange » n’était brûlant que pour les médias qui racontent
l’histoire dramatisée avec force zooms sur le balcon avec le drapeau
équatorien en retirant du champ de vision les autres éléments du décor:
fourgons rentrant dans le parking de Harrods en face de l’appartement,
ambassade de Colombie sur le palier, absence de tout diplomate équatorien dans
tout le quartier, de tout Equatorien quel qu’il fut comme me l’ont ironiquement
reporté les travailleurs du quartier.
Dans les canaux
diplomatiques sérieux, l’affaire Assange n’existe pas ou est un épiphénomène
médiatique marginal. Je suis certaine que lorsque dans 30 ans nous ouvrirons
les archives du Foreign Office il n’y aura pas de dossier sur le violent
conflit équatoro-britannique autour de la présence de Julian Assange au 3 Hans
Crescent Street. Absence de conflit ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu de
négociations autour du sort de « l’hôte » comme l’appelaient les
fonctionnaires de UC Global espionnant Assange pour le compte de Correa puis de
Moreno. Julian Assange évoque lui-même son statut d’otage dans les négociations
entre trois pays, l’Equateur, la Grande Bretagne et les Etats Unis lors de son
dernier discours sur le balcon, le 19 mai 2017. Il y apparait triste et défait
évoquant les violations de droits dans l’Union Européenne alors que les
Britanniques viennent de choisir le Brexit par réferendum. Il mentionne alors
le chantage que subirait l’Equateur de la part de l’Union Européenne qui
pénaliserait les « exportateurs équatoriens » à cause de son cas[35].
Nous Européens expérimentons dans notre vie à quel point c’est l’Allemagne qui
décide de la quasi-totalité de la politique de l’Union Européenne et du sort de
ses citoyens. Julian Assange pense-t-il à l’Allemagne comme partie prenante
du conflit le pénalisant sans pouvoir l’exprimer clairement ? Aucun
journaliste n’a jamais analysé son discours sous cet angle politique pourtant
indispensable pour comprendre la situation. Nous n’en saurons pas plus, le
gouvernement de gauche de Correa se gardant bien de prendre l’opinion publique
à témoin et ne dévoilant jamais la véritable nature de sa relation avec les
puissances anglo-saxonnes et avec l’Union Européenne dans le cas « Julian
Assange ».
Aucun journaliste ni analyste
ne s’est penché non plus sur les intérêts que pourrait représenter pour
l’Allemagne en tant qu’Etat les publications de Wikileaks (comme la
publication de dossiers sur la surveillance mondiale Vault 7 qu’évoque Julian
Assange dans ce discours de 10 minutes) dans ses relations avec les Etats Unis alors
que le gouvernement de Merkel avait été très en colère de l’espionnage du
portable de la chancelière par la CIA. Une hypothèse serait que les
dévoilements de « Wikileaks » servent à l’Allemagne de levier pour
faire pression sur les Etats Unis et raffermir leur indépendance face aux
puissant allié états-unien.
En réalité, sur le sol
européen, il n’y a eu, depuis la signature de la Convention de Vienne, aucun
cas de violation flagrante de l’immunité diplomatique malgré les conflits et
tensions qui secouent notre continent. Le seul précédent ressemblant à celui de
Julian Assange au 3 rue Hans Crescent serait celui du Cardinal Mindszenty
réfugié dans l’ambassade américaine à Budapest après avoir été relâché de
prison par le gouvernement communiste en 1956. Mais si Mindszenty, militant
anti-communiste, a passé 15 ans dans le spacieux immeuble états-unien de
Budapest, c’est parce qu’il refusait de quitter la Hongrie pour les Etats Unis
ou les Hongrois communistes aurait préféré l’expédier pour l’empêcher de continuer
son action politique contre eux. Plus près de nous, l’immonde assassinat du
journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat de son pays a
terrifié les milieux diplomatiques pour lesquels une mission est un sanctuaire.
Mais il faut souligner que cet ignoble crime a été facilité par l’attitude
permissive du pays d’accueil, la Turquie… Ici encore la coopération entre les
pays basée sur la réciprocité a joué à plein, au détriment des droits de l’hommes
les plus élémentaires.
On peut en déduire que la
Grande Bretagne et l’Equateur ont pratiqué pendant 7 ans une forme d’entente au
sujet de Julian Assange et que Julian Assange a été seul otage de cette
négociation. L’Allemagne a aussi joué un rôle aussi secret qu’important
qu’il conviendrait d’analyser.
L’identité de
Julian Assange
Julian Assange a-t-il
jamais eu la nationalité et l’asile politique équatoriens ? La
question est loin d’être absurde. Pour ce qui est de la nationalité, Guillaume
Long, ancien ministre des affaires étrangère sous Rafael Correa de mars 2016 à
mai 2017, a répondu à notre question sur le sujet lors de la conférence à la
Sorbonne le 25 septembre 2019. Selon lui, Maria Fernanda Espinoza, qui dirige
ce ministère après lui, n’avait pas le droit de signer le document de
naturalisation équatorienne de Julian Assange. Cette prérogative était réservée
au président de la République, Lénine Moreno, qui n’a jamais approuvé cette
décision[36].
Guillaume Long considère donc cette nationalité comme fausse et donc légalement
révocable. Le document n’a pas été publié.
Pire, Julian Assange n’a
jamais pu montrer, en vidéo ou en live, le document lui garantissant l’asile
politique en Equateur- carte de séjour équatorienne ou autre. Or, les articles
27 et 28 de la Convention de Genève exigent que le réfugié puisse bénéficier
d’un document d’identité lui permettant de voyager et établissant avec
certitude son identité, en mentionnant son nom exact, sa date et lieu de
naissance, son adresse[37].
Le seul document publié par les médias, le «Documento de Identitad de persono
que ostendo proteccion international » porte la photo de Julian Assange
mais aucune autre donnée nécessaire selon la Convention de Genève n’y figureet pas non plus sa signature[38].
Ce document a été établi le 30 novembre 2016 par José Luis Jacome,
vice-ministre de la mobilité humaine sous la responsabilité de Guillaume Long.
Jacome restera en poste après l’élection de Lénine Moreno en février 2017 alors
que Maria Fernanda Espinoza, nouvelle ministre des affaires étrangères, déclare
en décembre 2018 avoir accordé la nationalité équatorienne à Julian Assange.
Cette fidélité du haut fonctionnaire équatorien au dirigeant qui révoque la
nationalité et l’asile à un réfugié politique, au mépris de la Convention de
Genève et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, met en doute la
réalité de son soutien à Julian Assange sous la présidence de Correa.
Par ailleurs, Guillaume
Long a également déclaré le 25 septembre 2019 qu’il est possible que l’asile
équatorien n’ait été garanti en 2012 que sur la base de la Convention
Interaméricaine relatives aux droits de l’Homme, (article 22.7 et 22.8)[39]
pas de la Convention de Genève de l’ONU relative aux Réfugiés, ce qui
expliquerait pourquoi la Grande Bretagne ne reconnait pas l’asile de Julian
Assange. Nous voyons bien qu’un flou important règne en ce qui concerne
l’asile politique équatorien de Julian Assange et que ces contradictions lui
sont préjudiciables.
De plus, le 15 et 16
novembre 2016, lors de l’audition avec la procureure suédoise Ingrid Isgren
Julian Assange affirme qu’il est citoyen australien, que son passeport a été
pris par les autorités britannique et qu’il ne peut pas prouver son
identité. On en déduit qu’il ne possède aucun document[40].
Personne n’a relevé la vraie signification de ces paroles dramatiques et aucun
journaliste n’a demandé des explications. Premièrement, lorsque la cour
britannique lui a accordé la liberté sous caution en décembre 2010, elle aurait
dû lui restituer son passeport après sa sortie du centre de détention
provisoire Wandsworth. La confiscation de ce passeport est, en tout point du
droit international, illégale, et les avocats si chevronnés auraient dû en
premier se battre pour que leur client ne soit pas de facto apatride, en
plus d’être déjà un « sans-papiers » (la carte de résidence est
obligatoire pour les citoyens australiens après plus de 6 mois de séjour en
Grande Bretagne). Qu’une telle action contre l’Etat britannique n’ait pas été
entreprise pendant 6 ans, jusqu’à la rencontre de Julian Assange avec cette
procureure suédoise, en dit long sur l’inefficacité des avocats que nous avons
déjà dénoncée.
Deuxièmement, il est
surprenant que Julian Assange « ne soit pas en mesure de prouver son
identité formelle » alors qu’en tant que réfugié sous la protection de la
Convention de Genève il devrait posséder un document délivré par l’Equateur,
prouvant son identité, son droit à la protection de l’Etat de l’Equateur et son
droit de voyager (comme stipulé dans les articles 27 et 28 de la
Convention). La Charte des Nations Unis interdit de révoquer la nationalité de
naissance d’un citoyen et de fabriquer des apatrides. Comment se fait-il que la
haute fonctionnaire de la Suède n’ait pas relevé ces violations flagrantes de
droit sur la personne de Julian Assange, violations commises par les autorités
britanniques, par les autorités australiennes qui doivent protéger leurs
citoyens et par l’Equateur qui ne lui a pas assuré un document d’identité selon
les obligations de la Convention de Genève ? Julian Assange en faisant
cette déclaration a clairement appelé au secours cette personne mandatée
légalement par un Etat et susceptible de comprendre la séquestration dont il
est victime.
Quelle valeur peut bien
avoir le travail de la « chef procureure » Ingrid Isgren alors
qu’elle ne peut consigner sur le rapport d’audition le nom, prénom, lieu et
date de naissance, l’adresse, le numéro de passeport et les dates, le lieu et
l’autorité de délivrance et d’expiration du document légal d’identité de Julian
Assange ? Pourquoi ne lui a-t-elle pas demandé des précisions sur les
documents équatoriens d’identité dont il devrait disposer ? Pourquoi
accepte-elle l’illégalité dont est victime la personne qu’elle auditionne,
illégalité qu’elle ne dénonce pas ?
Comment se fait-il
d’ailleurs que personne ne remarque qu’il manque ces données essentielles dans
le dossier suédois? Les protagonistes des accusations suédoises, plaignantes et
témoins ne semblent d’ailleurs jamais avoir présenté le moindre document
d’identité à la police et à la justice car ces documents sont vierges de
tout numéro identifiant[41].
A l’époque, le ministre
des affaires étrangères est Guillaume Long et le président de l’Equateur Rafael
Correa. Ils sont tous autant responsables de la situation inextricable de
Julian Assange que Lénine Moreno qu’il est si commode de désigner comme le
« méchant » de l’histoire. Cette technique de storytelling permet de
blanchir les personnalités au pouvoir pendant 7 ans et de contribuer à
renforcer la passivité du citoyen sur le thème du « on ne peut rien contre
la fatalité, les méchants, Moreno et les Américains sont trop puissants ».
Cette attitude de fatalité est ce que nous combattons le plus avec
Wikijustice.
L’attitude de fatalité
nous est étrangère car nous sommes des militants contre le système capitaliste
néolibéral corrompu et dictatorial. Mais plus nous avançons dans l’analyse, plus
nous découvrons, dans le cas de Julian Assange, que des élites politiques,
juridiques, journalistiques qui sont censés le soutenir ne le font que
mollement, à la dernière minute, sans se mouiller ou sont carrément absentes et
silencieuses. Comment accepter la fatalité d’un procès joué d’avance alors
qu’en théorie Julian Assange devrait bénéficier du support du puissant réseau
des relations de son avocat principal le célèbrissime ancien juge Baltazar
Garzon ? Baltazar Garzon a fréquenté le 3 Hans Crescent Street car il
est filmé en train de danser dans une soirée dans l’appartement – cette scène
est immortalisée dans le film montré par Andy Müller Maguhn au Chaos Computer
Congress le 27 décembre de l’année dernière[42].
Or, Maitre Garzon a brillé par son absence depuis la mise au secret de Julian
Assange le 11 avril 2019. Il ne répondait pas aux courriers de militants
européens et ne fréquentait pas les audiences d’extradition auxquels j’ai
assisté à Londres depuis le 20 septembre 2019. Certes, fin février 2020, il a
été présent à la Woolwich Crown Court et il a été le seul avocat à serrer la
main de Julian Assange et à lui parler. Mais il n’est resté au procès qu’un
jour et demi, le 24 février et la matinée du 25. Il n’a pas davantage mobilisé
de politiques ou militants espagnols pour la cause de son client. Or, Baltazar
Garzon est très proche des milieux de Reporters Sans Frontières dont il fut
un soutien actif du temps de la présidence de Robert Ménard, notamment en étant
le président d’honneur de l’organisation interne de soutien juridique Damoclès
de RSF « chargée d’ester en justice afin de défendre la liberté des
journalistes »[43].
RSF était absente de la lutte pour la libération de Julian Assange en 2019 et
ne s’est réveillée que pour le procès de février 2020. Christophe Deloire,
secrétaire général de RSF France, Christian Mihr pour l’Allemagne ne
sont restés cependant qu’une journée au procès déléguant la tâche de
représentation à Rebecca Vincent.
On remarque souvent les
présents, rarement les absents. Or, l’absence de personnalités aux seuls moment
où nous avons pu constater la torture que Julian Assange subit, lors des
audiences, participe au renforcement du sentiment d’impuissance face à la
fatalité des violations de droits. Impuissance que le système dominant veut
nous inculquer de gré ou de force.
Les enfants
présumés de Julian Assange avant Stella Morris
Revenant au témoignage de
Stella Morris sur la relation intime qu’elle affirme avoir développée avec
Julian Assange à partir de 2015, il est étonnant que Julian Assange dans son
entretien avec les médecins mandatés par le Groupe de Travail sur la détention
arbitraire du Haut Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et daté
de novembre 2015, parle déjà de ses enfants qu’il ne peut voir grandir. Il ne
s’agit donc pas des enfants que Stella Morris montre sur les photos du Daily
Mail. Le médecin auteur du rapport « sur le traumatisme et la situation
psycho-sociale de M. Julian Assange » mentionne plusieurs entretiens menés
de juin 2014 à juillet 2015. Ce médecin parle au contraire de « jeunes
enfants en France ainsi que d’autres en Australie avec qui M. Assange ne
peut entretenir de relation affective dans l’ambassade »[44].
Par ailleurs, le rapport décrit tous les traumatismes que provoque un
« confinement » prolongé dans un lieu sans lumière, sans possibilité
de sortir, sans exercice, et entouré d’un milieu hostile, (quelque chose que
nous commençons à comprendre avec la violence sanitaire qui nous a été
récemment infligée en France à grande échelle): insomnie, anxiété, dépression,
perte de la faculté d’utiliser ses sens…
Ce
« confinement » a été décrit comme une torture par Nils Melzer, le
rapporteur spécial de l’ONU sur la torture dans son célèbre rapport sur la
situation de Julian Assange. Le roman à l’eau de rose déroulé par Stella
Morris actuellement dans les médias décrédibilise le rapport de Nils Melzer
et met Julian Assange en danger. Car comment un prisonnier peut à la fois être
torturé et père heureux d’une famille aimante ?
Finalement, poussé à
s’extasier devant les images montrées par Stella Morris, le public est amené à
oublier ce que Julian Assange a dit lui-même sur ses enfants en France et ceux
en Australie. Les citoyens ne sauront rien de la mère de ces derniers, qui
n’est pas présente pour soutenir le père de ses enfants. Pourtant, pour les
défenseurs des droits humains, se pose la question de savoir si les avocats et
la justice ont tout fait pour protéger leurs intérêts tant du point de vue de
la légitimité de leur filiation que du point de vue patrimonial. En effet, ces
enfants sont héritiers, au même titre que les enfants de Stella Morris, des
dividendes par les actions que Julian Assange possède dans l’entreprise
islandaise Sunshine Press Production[45].
La question préoccupante « qui gère le patrimoine de Julian Assange »
doit être posée par les militants pour que Julian Assange ne soit pas spolié de
ses biens au cours des longues années de captivité qu’il subit. Daniel Assange,
présenté par des médias comme son fils australien, âgé aujourd’hui de 31 ans,
n’est jamais venu aux audiences et n’a jamais pris la défense de son père ni
devant les caméras ni au cours d’une conférence de presse. Il n’est jamais allé
voir son père à Belmarsh. Il est dorénavant normal qu’on puisse douter de
son existence. En 2010, ce fils twittait encore sur son père, depuis il a
disparu[46].
Aucun des journalistes qui poursuivent en meute John Shipton ne s’est posé la
question du fils présent dans la vie de son père en 2010 et absent en 2020.
Par ailleurs, si cette
relation a débuté en 2015 alors que la santé de Julian Assange était
préoccupante, pourquoi Stella Morris n’a-t-elle pas déjà sonné l’alerte pour
sauver son compagnon ? Pourquoi est-elle restée silencieuse sur la torture
dont il est victime, comme l’a démontré le rapport de Nils Melzer et les
trois rapports médicaux de Wikijustice datés du 29 décembre 2019, du 8 février
et du 29 février 2020 ?[47]
Qui ne dénonce pas le
crime, la torture, est coupable de non-assistance à personne en danger.
L’article premier de la
Convention de l’ONU contre la torture est très clair : celui qui consent à
la torture, tacitemen[1]t
alors qu’il en a connaissance, est complice du crime :
Article
premier de la Convention contre la torture
« 1.
Aux fins de la présente Convention, le terme « torture » désigne tout acte
par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont
intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle
ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte
qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de
l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression
sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de
discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles
souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute
autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux
souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces
sanctions ou occasionnées par elles »
[9] Sara Gonzalez Devant,
« Displacement in the 2006 Dili conflict, dynamics of ongoing
crise », Refugee Studies Centrer Working Paper 45, 2008, Université of
Oxford. In Jacquline Aquino Sapiano, « East Timor, How to build a nationa
in Southeast Asia in the 21 century », Actes du Congrès de Naples en 2006,
Institut de Recherche sur l’Asie du Sud est contemporaine, 2018 et in Vandra
Harris, Andrew Goldsmith, « Security, Développement and Nation Building in
Timor Leste » Routledge, 2012.
[27] Ministre des affaires étrangères de
2016 jusqu’à l’élection de Lénine Moreno, Guillaume Long, qui possède aussi la
nationalité française et britannique, a été celui qui en octobre 2016 a coupé
internet à Julian Assange comme suite aux publications par
« Wikileaks » des mails de John Podesta, le directeur de campagne de
Hillary Clinton.
Notons
que dans cet article du 10 janvier 2018 Maria Fernanda Espinoza évoque les
négociations menées avec la Grande Bretagne pour une solution ordonnée de la
question Assange
[41] Voici les originaux publiés par le
journaliste Al Burke sur le site Nordic News Network. On remarquera les cases
vides dédiées aux numéro des pièces d’identité. C’est-à-dire qu’aucun protocole
d’audition ne comporte ces données essentiels alors qu’elles auraient du être
marquées et éventuellement cachées par l’éditeur.
[43] Page 77, Maxime Vivas, « La
face cachée de Reporters Sans Frontières. De la CIA aux faucons du
Pentagone ». Editions Aden, Bruxelles 2007
[44] « Mr Assange has a young family in France,
as well as children in Australia to whom he has been unable to have an affective
relationship whilst in the Embassy; the uncertainty as to whether reunion can
ever be accomplished, and whether the development of those relationships can be
restored, creates a further uncertainty »
Twitt de Daniel Assange en 2010 : « Our final
battle has begun, dad. We don’t cry, we don’t regret, and we never, ever give
up. I love you more than anything and anyone in this world. I couldn’t ask for
a better father, mentor, and role model in life. Thank you for everything. We fight to win. See you soon »
Planning de la court salle 2; le 26 février 2020: Julian Assange n’existe pas dans le planning de la cour. Pourquoi?
Monika Karbowska
Mercredi 26 février 2020. Troisième jour du procès d’extradition de Julian Assange dans le bâtiment de la Woolwich Crown Court.
Julian Assange le 19 mai 2017 – sa dernière apparition publique en vraie
Trois jours intenses de combats, de violence et d’émotions. Le premier jour, lecture de l’acte d’accusation, plaidoirie de Edward Fitzgerald sur l’histoire des faits, dans la galerie du public, seules 18 personnes ont pu prendre place. La clameur des Gilets Jaunes nous parvient du dehors, étouffée mais bien présente. Des dizaines de journalistes occupent un espace de la salle et l’annexe de la cour. Julian Assange comparait enfin physiquement et nous pouvons le voir pendant plusieurs heures, même s’il n’a pas le droit de parler, et qu’il a l’air affaibli et triste. Le lendemain nous assistons à la plaidoirie de Mark Summers réfutant les arguments de l’accusation. Julian Assange est visiblement beaucoup plus faible, il assiste aux événements immobile et prostré. Mercredi 26 février Edward Fitzgerald présente les arguments invalidant l’extradition, puisque le traité bilatéral d’extradition entre la Grande Bretagne et les Etats Unis de 2003 interdit l’extradition pour motifs politiques. L’ambiance est tendue, tout le monde est fatigué. Julian Assange est au plus mal. Il fait de grands efforts pour rester droit assis sur le banc, son teint est très pâle et l’après-midi il est livide. Sa souffrance est palpable, nous le sentons malgré deux vitres et 20 mètres de distance. L’expression de son visage est figée, il est prostré. Nous sommes 5 femmes assises ensemble à gauche du box du public. Nous l’encourageons par notre regard et notre mental, tout geste nous étant interdit par le règlement du tribunal.
A 15h l’extraordinaire se produit : alors que le procureur est bloqué dans sa lancée par un document égaré, Julian Assange se lève et parle. C’est la stupeur, il a enfreint les règles, il se révolte, il insiste. Le juge Baraitser le coupe et lui dit « ce que vous demandez n’est pas dans les habitudes, vous devez parler par la voix de votre avocat ». Mais Julian Assange, épuisé, reprend la parole, cette voix étouffée depuis de si longs mois. Les avocats s’affolent. Gareth Peirce se déplace vers lui, mais ne l’interrompt pas. Les autres s’interrogent. La juge le coupe une seconde fois, il insiste une troisième fois, il parle quelques minutes, nous le voyons faire des gestes de désespoir et d’exaspération. Les personnes qui sont assises au premier rang entendent un peu, alors qu’en général dans le box du public nous n’entendons que ce qui est dit dans les micros. Dans cet espace confiné, les 18 personnes présentes se lèvent, gesticulent dans l’émotion. En discutant nous avons reconstitué ce que Julian Assange a dit : il s’est plaint de sa condition, du fait d’être entouré d’un garde de chaque côté (je pense que c’est surtout le gardien de la sécurité privé de Mitie qui lui était hostile, plus que celui de la prison de Belmarsh assis à l’autre extrémité du banc). Il dit qu’il est épuisé et ne peut pas se concentrer… En fait, on sait que c’est pire. Il est au bord du malaise. La juge Baraitser le sait, car elle le voit de face alors dans la configuration de la salle ses avocats lui tournent le dos.
Impressionnée par la révolte du prisonnier, Baraitser suspend l’audience. Julian est emmené par les gardiens hors du box. Gareth Peirce, Mark Summers et Edward Fitzgerald sortent dans le couloir se concerter. C’est l’agitation et la stupeur parmi les journalistes et les avocats d’accusation. Dans notre box notre gardien, effrayé, se sauve pour aller chercher des consignes qui n’arrivent pas. Nous sommes seuls et nous avons enfin le droit de rester dans la salle pour la pause, nous discutons et nous agitons. Lorsque 5 minutes plus tard Baraitser revient, Julian est ramené dans le box mais refuse de se rassoir. C’est debout face à la salle qu’il écoute son avocat Fitzgerald demander à la juge de reporter la suite de l’audience à demain « pour qu’il puisse se consulter avec son client dans les murs de la cour, ici même ».
Extrait du rapport medical de Wikijustice Julian Assange du 26 février 2020
Alors il se produit la deuxième chose extraordinaire : La juge Baraitser lui suggère de plutôt « faire une application for bail, une demande de libération sous caution » ! Cela fait 9 mois que nous luttons, certes pas pour une libération sous caution, mais une libération pleine et entière, mais, selon moi, cette proposition est enfin une porte qui s’ouvre ! L’idée que Julian Assange pourrait retrouver sa liberté et accéder aux soins dont il a besoin guide notre, mon action, depuis 6 mois. Wikijustice a déposé 4 demandes de libération prête à l’emploi et voici que la sévère juge juge elle-même qu’il vaudrait mieux que le prisonnier politique de l’Angleterre ne meurt pas devant elle au cours du procès suite aux mauvais traitements et à la torture très probablement subie, mais qu’il puisse avoir la vie sauve et se soigner. Je veux croire à ce miracle, ce retournement de situation !
Fitzgerald prend alors les devants et pour la première fois depuis le procès il s’approche de Julian Assange et lui demande quelque chose avec douceur. Probablement il lui demande un accord formel pour faire cette requête puisqu’il répond aussi à la juge qu’il en a besoin. Il s’excuse aussi « avec tout son respect » auprès du procureur dont le discours loghorrhée a été interrompu.
Cependant Baraitser décide malgré tout de laisser le procureur finir sa thèse. Cela dure encore une heure. Plus personne n’écoute le procureur. Dans notre box tout le monde est excédé et le maudit à voix haute. Julian Assange s’endort presque, agrippé au dossier du banc. Dans notre espace d’autres personnes présentes dorment aussi. Le procureur doit sentir que tout le monde attend qu’il finisse et qu’on s’en aille. On est tous marqué par cette magnifique nouvelle d’une possibilité de libération. L’effet politique de l’accusation « de complot avec Chelsea Manning, d’intrusion informatique en vue de commettre en réunion un vol de documents classifiés » a disparu. L’accusation américaine et ses complices sur le sol britannique se sont heurté à une révolte. Je dis à une de mes collègues du public « Ce pays a besoin d’une petite révolution ». Elle me répond « d’une petite seulement» ?
La révolte a été brève mais intense, mais il faut exploiter ses effets et nous escomptons bien être certains que les avocats vont déposer la demande de libération demain à 9h30 comme la juge les y a invités.
Demain sera un jour charnière.
Une libération ratée – Dernier jour du procès de Julian Assange à Westminster-Woolwich
le procès de Julian Assange est un procès fantôme – la Woolwich Court ne le connait pas. ici le planning du 27 février 2020. La salle 2 est vide, ou louée à des entreprises privées?
Jeudi 27 février 2020, nous sommes à la fois stressés par les événements dramatiques de la veille et excités à l’idée d’une issue positive – la demande de libération sous caution que la juge Baraitser a proposé aux avocats et que ceux-ci doivent déposer avant 9h30 pour que la juge puisse l’examiner avant le début de l’audience. Dans la nuit nous avons envoyé la cinquième demande de libération écrite par l’association Wikijustice Julian Assange pour pousser la cour à agir. Malgré le peu de sommeil, nous nous levons tôt pour arriver à 6h devant la grille de la Woolwich Crown Court. Il y a déjà 5 personnes et c’est parti pour trois heures d’attente sous une pluie battante pour gagner sa place dans le box du public. Ce jour-là, comme pour mardi et mercredi, il y a surtout des Allemands et des Américains dans la file, contrairement au lundi ou il y avait de nombreux Français et francophones. Sevim Dadgelen, présidente du groupe parlementaire de die Linke et Heike Hänsel, députée de die Linke au Bundestag entrent avec des cartes de presse avant le public. Nous les retrouverons comme depuis mardi dans le sas qui sert de salle d’attente avant que l’agent de sécurité ne déverrouille la sortie de secours qui sert de porte d’accès à la galerie du public.
A 9h30, nous sommes enfin dans ce sas étouffant de 15 mètres carrés entre deux portes coupe-feu, avec 25 autres personnes. Les agents de sécurité ont fait entrer les 18 personnes autorisées mais comme il y a les deux députées et quelques journalistes, plus de personnes donc que de places, il faudra se battre contre les resquilleurs pour ne pas être éjecté de la queue. L’ambiance ne peut être donc que tendue et inamicale dans ce réduit surchauffé, mais nous n’avons pas le choix, nous voulons voir Julian Assange et assister à sa possible libération. Depuis mardi Kristinn Hrafnsson, Fidel Narvaez, Craig Murray et John Shipton sont assis sur les sièges réservés à la famille dans l’espace du public. Le cinquième homme assis avec les membres de la famille est probablement le producteur de spectacle Hamish Hamilton. A 10 heures, je suis enfin dans le box du public, épuisée par cette bataille depuis 4 jours pour juste garder ma place dans ce balcon vitré surplombant la salle de l’audience. A 10 heure, l’audience n’a pas encore commencé mais c’est normal puisque la juge a promis d’examiner la demande de libération sous caution avant 10h30. L’agent de sécurité qui nous surveille en permanence exige immédiatement que nous éteignons nos portables.
Ce dernier jour, plusieurs jeunes avocats sont assis au dernier rang à coté de Mc McGrath, de Stella Morris, de Jennifer Robinson revenue après une journée d’absence et de Renata Avila qui apparait pour la première fois. Comme les jours précédents, Gareth Peirce est assise au deuxième rang avec ses assistantes, Mark Summers et Edward Fitzgerald au premier. A leur droite se tient le procureur Lewis et le staff de l’accusation que malheureusement nous ne voyons pas depuis la galerie vitrée. Nous ne pouvons qu’écouter ce qu’il dit lorsque le micro fonctionne correctement. La juge Baraitser entrera sur une estrade, Julian Assange sera enfermé dans le box des accusés pile en face d’elle au fond de la salle. Près de la porte, pas moins de 26 journalistes sont triés sur le volet, les autres restent dans une annexe ou ils doivent se contenter d’un écran.
Justement, nous nous levons rapidement de nos sièges sur un signe de notre surveillant. La juge est arrivée et au même moment Julian Assange entre avec le gardien vêtu de l’uniforme de Belmarsh par la porte de derrière dans le box des accusés. Immédiatement la juge Baraitser commence la séance par une solution pratique : comme Julian Assange avait fait savoir qu’il n’entendait rien dans ce box, l’huissière en cheffe de la Westminster Court, que nous cotoyons depuis 6 mois, lui apporte des écouteurs. Julian Assange les prend, dit quelque chose, les met, puis les essaye. Mais on sent qu’il ne veut pas, qu’il boycotte cette situation. Il enlève sa veste grise et reste en chemise blanche, s’assied sur le banc. Enfin, il enlève les écouteurs et les pose. Qu’à cela tienne, l’audience commencera, qu’il entende ou pas. Son teint est toujours aussi blafard, il a les traités tirés, je le sens irrité, tendu, crispé sur le siège, mais pas prêt à s’effondrer comme la veille.
A ma grande surprise et déception il n’est question d’aucune requête de libération, malgré ce que la juge avait décidé la veille. On enchaine immédiatement avec ce qui avait été interrompu la veille à cause de l’état de santé de Julian Assange : la définition de « political offense » selon l’accusation américaine. Le procureur Lewis reprend son monologue comme s’il ne s’était rien passé et comme si une soirée et une nuit ne s’étaient pas écoulés entre temps. Je suis sans voix. Comment peut-on à ce point violer les procédures ? Si une cour de justice décide d’un acte il doit être exécuter. Si les avocats ne déposent pas la demande de libération, ils doivent le dire à haute voix devant la cour et le juge doit acter et justifier son refus de la requête à formellement. Mais la rien de tel ne se passe. Toute le salle fait comme s’il ne s’était rien passé la veille, comme si rien n’avait été dit. La proposition de Baraitser est passée à la trappe, comme dans des oubliettes médiatiques. Comme si elle n’avait jamais prononcé ces mots que j’avais reportés dans mon article écrit cette nuit même et comme si Fitzgerald n’avait pas discuté avec Julian Assange devant nous de cette éventualité. Il n’est pas possible qu’un homme mourant n’ait pas envie d’être libéré. Julian Assange a certainement approuvé formellement le dépôt de cette requête (Application for bail, formulaire IS 91R., formulaire très simple à remplir selon les guides conseillant les migrants polonais, les détenus peuvent les faire eux même sans avocats[1]). Alors, que s’est-il donc passé ?
Je le saurai pas. Il n’y aura pas de demande de libération et donc de libération. Et il n’y aura aucune explication de la part des avocats. Julian Assange a l’air d’avoir mal au dos, son visage est crispé, il essaye de trouver une place à peu très confortable sur le banc entre les deux gardiens. Après une heure de logorrhée accusatrice, il baille plusieurs fois, épuisé. Nous aussi nous en avons marre depuis une semaine et certains dans le public dorment déjà. A 11h30 nous avons droit à la petite pause de dix minutes mais nous devons rester stockés dans le sas face à la sortie de secours-entrée du public pour ne pas perdre notre place. L’agent de sécurité m’interdit même d’aller aux toilettes proches de la galerie. Le reste de la matinée l’avocat Edward Fitzgerald expose les différentes législation britanniques, common law, européenne, afin de prouver que le traité bilatéral d’extradition de 2003 interdit bien les extraditions pour opinion politique contrairement au traité de 1870. Julian Assange écrit quelque chose tout au long de la plaidoirie, il fait parvenir trois papiers écrits de sa main à Summers. Je me dis qu’il a l’air d’aller mieux, mais c’est vraiment dommage que les avocats n’aient pas saisi la perche tendue par la juge pour le faire libérer sous caution. Certes, une caution voudrait dire devoir verser une somme d’argent et prouver qu’il possède un revenu, mais tout est faisable. Après tout de nombreux artistes sont venus le soutenir, il doit être possible de réunir une certaine somme d’argent et Julian Assange en tant qu’actionnaire majoritaire de la Sunshine Press Production, entreprise islandaise, pourra disposer enfin des bénéfices de son entreprise.
Avant la pause de midi, la juge et les avocats discutent déjà de l’organisation du prochain procès au mois de mai. Il est question de décider comment préserver l’anonymat des personnes qui ont fait fuiter les videos de surveillance de UC Global et qui sont témoins et dans la procédure instruite par l’Etat espagnol. Lorsque j’entends la juge prononcer la phrase « nous allons débattre des problèmes qui se sont posés la veille », je garde l’espoir de voir la demande de libération apparaitre l’ordre du jour.
Nous devons passer hélas la pause dans l’étrange sas, coincés entre le RIA dans sa boite et les deux portes coupe-feu. J’amène des cafés et un croissant achetés dans la petite cafétéria du tribunal ou je croise les usagers de l’aide droite du bâtiment, mécontents de la queue inhabituelle qu’ils doivent faire pour pouvoir déjeuner. Les journalistes, les avocats, les procureurs et le public du procès de Julian Assange mangent en effet tous dans ce même lieu. A vrai dire, j’ai hâte d’en finir mais j’ai aussi envie de revoir Julian Assange, de comprendre sa situation, son état de santé. A 14h00, l’agent de sécurité nous fait entrer dans l’escalier de secours puis dans la galerie du haut. Le gardien fait entrer Julian Assange qui s’assied recroquevillé les genoux serrés. C’est Mark Summers qui mène les opérations. Il pose la problématique de la séance : Assange n’entend pas même avec les écouteurs et du fait de sa « situation psychiatrique » il ne devrait pas se trouver dans ce box. Summers argumente que même en Russie on ne maintient pas les accusés dans une cage de verre mais on leur permet de se trouver avec leurs conseils pour pouvoir communiquer. Baraitser répond qu’ils peuvent très bien communiquer ensemble via le système des petits papiers qu’Assange écrit et transmet aux barrister ou qu’ils peuvent interrompre la séance pour qu’ils puissent lui parler. Summer objecte que cela leur fera interrompre la séance toutes les 20 minutes pour 3 minutes de discussion. Baraitser lui enjoint de ne pas exagérer. Alors que j’attends toujours avec espoir que la demande de libération apparaisse, Summers, Lewis et Baraitser discutent de la légalité de la cabine de verre dans laquelle Assange est enfermé. Un peu avant 15 heures, Baraitser coupe court et affirme son autorité : bien sûr, elle est garante pour le « fair trial » de Monsieur Assange. Alors elle décide qu’il est capable de participer à son procès, que les avocats n’ont aucune difficulté d’accéder à lui, que s’il n’entend pas et qu’il y a du bruit c’est la faute des perturbateurs qui manifestent dehors (les Gilets Jaunes sont visés !) et qu’il n’a qu’à lever la main et on interrompra la séance pour répéter. Elle n’est pas responsable de la « psychiatric vulnéralibity » de Julian Assange. Brusquement Baraitser se lève et ordonne une pause de 5 minutes. Nous avons le droit de rester dans notre box.
Je comprends que « l’application for bail » ne sera pas faite. Baraitser revient, fixe les dates des prochaines audiences, discute de formalités avec Fitzgerald : le 25 mars prochain audience de prolongation de détention à la Westminster et audience de management le 7 avril à Woolwich. Il est 15 heures, la fin est un peu chaotique. Julian Assange se lève, les jeunes avocats se tournent vers lui, Joseph Farell apparait, il était présent à l’intérieur de la salle alors qu’il n’est pas avocat et n’était pas parmi les journalistes. L’agent de sécurité privé a envie de finir son travail et nous vire rapidement.
Nous sortons par la grille d’entrée sur laquelle figure le panneau « Her Majesty Courts Services ». Je suis triste. Julian Assange est resté enfermé. Le premier round est fini. Nous continuons.
Le deuxième jour du procès il fait froid, mais ma chambre n’est à qu’à 10 minutes de marche dans le lotissement en face de la prison, j’arrive donc devant la grille du tribunal à 5h45. Je suis la sixième personne dans la file, derrière Patrick Henningsen et un homme et une femme Américains. L’homme est volubile, il tente d’égayer l’atmosphère alors que le jour se lève et nous grelotons emmitouflés dans nos doudounes, manteaux, chapeaux et bonnets. Il chante des airs ironiques à l’attention des policiers et des agents de sécurité. J’apprends plus tard qu’il s’appelle Randy Credico. La conversation s’engage alors cordialement, et je veux alors croire que nous sommes tous ensemble dans le même but : la libération de Julian Assange. C’est une collègue qui me signale la présence de Angela Richter qui munie d’une béquille passe devant nous et parvient à se faire ouvrir la grille. Encore une bonne heure d’attente et nous nous retrouverons devant la porte du bâtiment avant d’être admis à travers les portiques de sécurité. Le deuxième jour il y a nettement moins de monde : les journalistes ont déjà déserté les lieux ce matin et les cars de Gilets Jaunes n’étaient prévus par leur organisateurs que pour une journée. Je pense donc ne pas avoir à subir les bagarres de la veille, même lorsqu’arrivée dans le fameux « sas d’attente » je constate que je suis troisième derrière Henningsen et Richter déjà appuyée sur sa béquille devant la porte de l’escalier de secours. Le sas est vite rempli par notre file et nous patientons encore jusqu’à 9h50. Je suis rassurée également par le fait que Randy Credico, parti chercher un café, reprend naturellement sa place à l’avant même si je vois à l’expression de son visage que la nécessité de se battre pour conserver cette place ne l’enchante guère.
Devant la Woolwich court dans le froid le 25 février 2020
Ma surprise est donc grande lorsque, ayant justement entrevu l’agent de sécurité chargé de déverrouiller la porte, je vois Patrick Henningsen fondre sur moi, me prendre par les épaules, et approcher son visage menaçant tout près du mien. « Tu ne dois pas être là, tu dois partir d’ici » dit-il en substance. Avant que je n’aies le temps de réagir, un autre événement se produit : Sevim Dagdelen, la députée de die Linke entrée avant nous avec une carte de presse, arrive en trombe dans le sas. Elle crie que Kristinn Hrafnsson a été arrêté par la sécurité à l’entrée car il ne faisait pas partie des 18 premières personnes et qu’il faut « donc » que quelqu’un lui cède sa place. C’est alors que tous les regards de l’hostile assistance se tournent vers moi, comme si j’étais la gêneuse dont il faut se débarrasser à tout prix. Sous le choc, je ne trouve pas d’autres mots que mes arguments habituels « j’ai le droit d’être là comme vous, nous sommes tous égaux » mais le ton de la députée se fait agressif.
Sevim Dagdelen, députée de die Linke et mon agresseure du 25 février 2020
Brusquement ce sont trois personnes qui me somment de déguerpir comme si elles avaient un droit naturel à décider de ce que je peux faire et de ce qui me serait interdit. Rebecca Vincent emboite le pas à Sevim Dagdelen : elle crie « tu ne fais pas partie des soutiens de Wikileaks tu n’as pas ta place ici » ! J’avais remarqué qu’elle ne me portait aucune sympathie mais je n’imaginais pas une seconde que des personnalités ayant des positions sociales aussi honorables (députée au Bundestag, journaliste…) puissent sonner une espèce d’hallali contre la citoyenne lambda que je suis. On dirait une ambiance de secte ou seuls les initiés ont le droit de passer la porte du saint des saints. Or, c’est un tribunal, un lieu public et je ne suis pas obligée de « soutenir Wikileaks » pour avoir le droit d’être là, n’importe qui peut venir ici comme simple observateur. Je suis réellement effrayée mais j’essaye de leur rappeler qu’une association de défense des droits de l’homme, telle que Wikijustice, n’a vocation à défendre que des êtres humains, pas des organisations, en l’occurrence un homme, Julian Assange, pour la défense duquel je suis ici. Les deux personnalités féminines se font menaçantes et dans l’étroitesse de l’espace du sas je crains pour ma sécurité physique : « vous avez vu, elle ne soutient pas Wikileaks » ! crient-elles. Devant moi Angela Richter a l’air d’être de leur côté, les autres baissent la tête. Alors, je fais face à mon premier assaillant et je hausse le ton également. Cela attire enfin l’agent de sécurité qui cesse de se planquer dans les recoins et fait venir deux hommes habillés d’uniformes de police. Troisième surprise, les deux hommes me rendent responsable de la situation et menacent de m’expulser des lieux alors même que je me tais et que Patrick Hennigsen continue de m’insulter tranquillement devant eux. La scène est surréaliste. C’est la manageuse Rosie Sylvester qui me sauve du lynchage qui se prépare : elle apparait dans le sas, calme le jeu, donne des ordres à l’agent de sécurité. Les policiers s’en vont. Je reste silencieuse au milieu de la pièce, incapable de bouger.
Sevim Dagdelen et Heike Hänsel, députées de die Linke, hostiles et agressives vis à vis de moi le 25 février 2020 au procès de Julian Assange
Je crois malgré tout que la tension va se calmer et que nous allons bientôt entrer dans l’escalier. D’ailleurs, la raison du conflit a disparu car Kristinn Hrafnsson traverse le sas suivi par Jennifer Robinson, en robe verte et saluant les présents, et par les avocats Summers, Fitzgerald, Peirce et Lyon. Tous se dirigent vers la salle d’audience. Mais c’était sans compter avec les furies déclenchées : voilà que Rebecca Vincent resquille toute la file pour se planter devant Rosie Sylvester. Elle me désigne du doigt, lui dit à quel point je suis indésirable et d’autres horreurs que j’essaye d’oublier depuis. Je n’en crois pas mes oreilles, je n’ai pas vécu pareil harcèlement direct et absurde depuis que j’ai quitté l’école… Je dois défendre mon honneur et l’image de mon organisation. Toujours immobile au milieu du sas, entourée d’ennemis, je supplie Madame Sylvester de ne pas écouter ces propos diffamatoires… Elle me fait un signe mêlé de compréhension et d’impuissance. Néanmoins elle commence à préparer le passage vers la galerie et demande à « la famille » de se tenir prête à entrer. John Shipton, son frère, Gabriel Shipton et un autre jeune homme fendent la foule pour s’approcher d’elle et tout le monde les laisse passer. Mais alors encore un coup de théâtre a lieu : l’agent de sécurité préposé à notre surveillance dans la galerie apparait dans le sas et crie à tout va : «Monsieur Kristinn Hrafnsson est interdit d’entrer dans le public sur ordre du tribunal ! ». Les exclamations d’indignation fusent alors que Kristinn Hrafnsson revient de la salle d’audience dans le sas. Il exprime sa colère et son incompréhension. Alors John Shipton dit qu’il va annoncer aux médias que la famille boycottera l’audience. Aussitôt dit, aussitôt fait. Entre temps, l’agent de sécurité a enfin déverrouillé la porte menant à l’escalier de secours et je cours m’assoir dans la galerie. Curieusement j’accède à une des meilleures places pour voir Julian le plus près possible : le deuxième fauteuil du premier rang. Je ne suis pas inquiète pour Kristinn Hrafnsson et j’ai raison : à peine tous les spectateurs assis, il revient avec les trois membres des Shipton s’installer triomphalement sur les sièges réservés à la famille, suivi de Fidel Narvaez et de Craig Murray. L’audience se met en place laborieusement, la juge Baraitser n’est pas là et Julian Assange est absent du box. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. D’ailleurs, les députées allemandes Heike Hänsel et Sevim Dagdelen continuent de twitter sur l’incident sans que cela ne gêne notre surveillant alors qu’il est 10 heures passées.
Rebecca Vincent qui m’a agressée dans la Woolwich Court le 25 février 2020
Le public se lève enfin pour la juge Baraitser. Le troisième jour, Kristinn Hrafnsson décidera que nous devons nous lever pour l’arrivée de Julian Assange ce qui est fait de bonne grâce. Mais ce mardi, avant son arrivée, je vois la manageuse discuter avec la juge et Baraitser lève un regard interrogateur et courroucé vers le public. C’est l’une des rares fois où on la voit nous scruter. Peu après Julian Assange arrive dans le box avec les deux gardiens. Il s’assied au milieu du banc et je le vois de beaucoup plus près, cinq à six mètres en dessous du balcon de la galerie. Il porte le même costume gris que la veille et dans les mains non pas le volumineux classeur, mais un cahier A4. Il n’a plus de lunettes, et fait tout de suite signe en portant sa main à son oreille qu’il n’entend pas. Il a l’air très abattu et il ne salue ni ne regarde personne. Je vois son visage marqué, ses yeux paraissent enfoncés dans les orbites. Il a l’air de souffrir intérieurement, et son immobilité pendant la journée confirmera cette première impression.
photo fuitée de la salle d’audience. Zoom sur l’espace des journalistes. Assange est invisible au fond à gauche
Edward Hamilton Fitzgerald s’engage d’abord dans un dialogue avec la juge concernant la transcription des débats. Alors qu’il objecte que c’est une entreprise privée qui effectue ce compte-rendu, la juge Baraitser lui répond que cela ne fait pas de différence. Pour l’avocat c’est une question de coûts qui devraient être partagés par les deux parties. Il n’a pas tord : nous avons fait établir un devis pour la transcription de l’audience du 23 janvier et il s’élevait à plus de 100 livres pour 45 minutes de procès, je n’ose imaginer combien le public devrait payer pour bénéficier de l’intégralité des actes qui devraient être gratuits et accessibles, la justice en démocratie devant demeurer un service public…La présence la veille de manifestants français aguerris dans les luttes contre les privatisation du service public prend alors tout son sens. D’ailleurs, ils ont galvanisé les manifestants anglais dont on entend ce matin les slogans et les chants dans cette salle même.
Ensuite Hamilton Fitzgerald aborde la question des violences auxquelles les gardiens auraient soumis Julian la veille : menottes et fouilles au corps répétées. Je sais que le dernier rapport d’inspection de la prison Belmarsh stipule pourtant que les personnes en détention provisoire ne doivent pas être menottées et surtout le scanner corporel dont la prison est équipée rend désormais inutiles et interdites les fouilles au corps, ces pratiques sadiques d’un autre âge[1]. Je suis surprise que la juge Baraitser renvoie l’avocat à « d’autres autorités » alors qu’elle est juge et garante du « fair trial », du procès équitable. Elle rajoute cependant qu’il « doit être bien traité » comme si c’était une faveur et non pas un droit essentiel dans un Etat de droit. L’avocat bégaye « qu’il espère aussi que l’autorité va se pencher sur le problème ». Julian Assange reste immobile et on ne sait s’il entend ce qui est dit. Ses gestes répétitifs de douleurs reprennent : il frotte ses doigts, bascule la tête vers le plafond en clignant des yeux… On sent encore plus fort qu’il cherche à s’évader de cet endroit et qu’il ne peut le faire qu’en quittant son corps dans une forme de dissociation. Quelques minutes plus tard, alors que Mark Summers commence sa plaidoirie, Julian Assange balance imperceptiblement son corps d’avant en arrière. Il ne se lèvera même pas pour prendre le dossier que lui tend Gareth Peirce lorsque Summers aborde le vif du sujet.
Points d’orgues et zones d’ombres de la plaidoirie – qui est le responsable pour « Wikileaks »
Mark John Summers annonce d’une voix forte qu’il va prouver que les trois accusations portées par le procureur contre Julian Assange sont fausses : la première concerne le hacking du mot de passe avec Chelsea Manning, la deuxième d’avoir sollicité Manning pour la livraison de 4 bases de données, la troisième d’avoir prétendument mis des personnes en danger par les publications. Summers dit s’appuyer sur l’analyse du professeur Grotov qui a décortiqué les dépositions de Chelsea Manning lors de son procès. Il apparait selon ces dépositions, que Manning aurait eu accès aux documents incriminés via un « Protocoll SIPA », c’est-à-dire une base de données accessible à au moins 1000 analystes militaires sans qu’il lui soit nécessaire de forcer le moindre mot de passe. L’avocat insiste que c’est une preuve d’innocence de Manning connue du gouvernement états-unien car confirmée par l’attorney (procureur). Concernant le fait que Julian Assange aurait «sollicité » Manning pour lui fournir les documents, Summers explique à la juge que Wikikeaks fonctionne sur le même principe collaboratif que Wikipedia et que n’importe qui peut « à tout moment collaborer en fournissant des documents ». Ce n’est pas tout à fait exact, parce que du fait du système de cryptage mis en place pour les documents soumis, le site « Wikileaks.org » fonctionne plutôt comme un portail que comme une plateforme. Dans une plateforme celui qui propose un service ou un bien en reste propriétaire et garde le contrôle de ce qui est publié alors que dans un portail l’envoyeur de données se dessaisit du contrôle et de la propriété de ses documents au profit du propriétaire du site. Il est clair qu’une fois les documents envoyés à Wikileaks, le lanceur d’alerte ne décide plus de ce qui en sera fait. Je crains que cette description non pertinente du fonctionnement du site de « Wikileaks » par son avocat ne porte préjudice à Julian Assange. Il aurait été plus judicieux de démontrer que Julian Assange n’est pas responsable des publications sur le site car ce n’est pas lui mais John Shipton qui est propriétaire du nom de domaine du site. Par ailleurs il aurait été possible de rappeler, sur la base du rapport d’activité de la Wau Holland Stiftung, que Julian Assange avait signé le 21 décembre 2010 avec cette structure un contrat de coordinateur de projet assez léonin qui lui liait les mains et ne lui donnait aucune latitude sur le choix des documents à publier. Pis, dans la période incriminée, selon les rapports mêmes de la fondation, il est littéralement pressuré par ses donneurs d’ordre, les chefs de la Wau Holland, pour publier le plus rapidement tous les documents fuités. Il ne maitrise ni le rythme du travail de publication, ni le budget du projet ni même le choix de l’embauche de ses collaborateurs[1]. Dans son rapport d’activité de 2010 la Fondation Wau Holland assume clairement la pleine responsabilité du projet Wikileaks : « Es ist das bisher größte Projekt der Stiftung und stellt damit neue Anforderungen an die Abwicklung und das Controlling »[2] (« C’est jusqu’à présent le plus grand projet de la Fondation et ainsi il nous pose de nouveaux défis en terme d’implémentation et de contrôle de la réalisation »).
Andy Müller Maghun, le président de la Wau Holland Stiftung, le vrai boss de Wikileaks. Absent au procès.
Pour Summers, ce qui compte est le fait que les documents de Manning ne figuraient pas sur une liste précise de publications « Wikileaks » et ainsi il n’y aurait pas de preuve des sollicitations pour les obtenir, d’autant plus que l’analyste a toujours affirmé les avoir téléchargés de son propre chef. Pendant que l’avocat récuse l’appellation de « matériel sensible » puisque de nombreux salariés de l’armée américaine auraient eu accès aux documents, Julian Assange a l’air d’aller de plus en plus mal. Il prend sa tête entre ses mains, croise les bras et serre ses mains sous ses aisselles, s’agite doucement sur le banc, frotte encore ses doigts d’un contre l’autre… C’est comme une protestation muette.
Son menton est figé, ses traits crispés. Il prend son étui à lunettes, le repose, son avocat réfute alors l’accusation de « mise en danger d’autrui » en expliquant le partenariat que « Wikileaks » avait signé avec des « organisations sérieuses », les grands médias comme le New York Times, le Guardian, El Pais et Le Monde afin que ceux-ci notifient à « Wikileaks » les documents problématiques pour en expurger les noms. John Goetz est notamment cité comme témoin qui certifiera comme journaliste du « Spiegel » que « Wikileaks protégeaient les noms » alors que le professeur Grotov fournit la preuve que le comportement de l’organisation n’est pas coupable de « recklessness », d’indifférence face aux conséquences. Pour moi, la lecture des comptes rendus annuels de la Wau Holland Stiftung montre que Julian Assange n’avait pas un plein pouvoir de décision sur la façon dont les documents étaient réécrits par l’équipe de 11 à 25 personnes qui ont été salariés sur le projet « 04 Wikileaks Informationsfreiheit verteidigen» (« Projet 04 Wikileaks, défendre la liberté d’expression ») de décembre 2010 à décembre 2011 (journalistes-rédacteurs, chef de projet médias, production de vidéos, traduction, chefs de projet, assistant de direction, organisation événémentielle, développement informatique, préparation technique et mise en ligne des documents, chef de projets…)[3] mais le véritable responsable du projet, Andy Müller Maguhn, délégué du CA de la fondation pour un suivi plutôt tatillon du projet. Par ailleurs, une analyse détaillée des tâches sur chaque poste prouverait à coup sûr que le travail de réécriture des documents a effectivement été très important. Il devrait même être possible de prouver par quel processus et par quel salarié de la fondation Wau Holland chaque nom incriminé par l’accusation a été expurgé de la publication finale.
Andy Müller Maguhn contrôle le travail de Julian Assange en 2011
Il est dommage que l’avocat de Julian Assange laisse dans l’ombre tant de pistes importantes pour l’innocentement de son client. Mais hélas comme aucune collaboration entre l’équipe d’avocat et les soutiens militants n’est prévue, mon avis ne sera pas entendu. Vers 11h45 la juge Baraitser interrompt la plaidoirie pour la pause de 10 minutes. Je suis forcée de redescendre dans le sas ou je crains désormais les débordements agressifs des personnalités. Je reste debout dans la partie centrale du sas, craignant qu’on me pousse dehors si je reste derrière. Cependant je glisse doucement en Allemand à Madame Dagdelen quelque mots sur l’égalité, une notion qu’elle devrait s’approprier en tant que députée du peuple allemand et élue sur les listes du parti héritier de toutes les traditions historiques de la gauche allemande. J’aurais aimé aussi lui dire que je ne reconnais pas dans son comportement vis-à-vis de moi le parti dont j’ai été membre de 2007 à 2012. J’y ai milité au sein de la section femmes LISA ou j’ai œuvré à l’élaboration du programme « pour un service public de la petite enfance » en coopération avec les féministes françaises et l’écrivaine Frigga Haugg, j’ai participé aux réunions avec Lothar Bisky pour inclure ce document dans le programme général du parti. J’ai aussi beaucoup coopéré avec ma collègue Christiane Reymann à la création de relations avec les féministes polonaises et les partis de gauche en Pologne. Je me demande ce qui est arrivé depuis pour que j’ai à vivre des scènes aussi terribles qu’absurdes de la part de l’élue d’un parti où je garde des amitiés. Un seul incident dédramatise mes tristes constats: une collègue me désigne Angela Richter qui délestée de sa béquille qu’elle a utilisée pour entrer la première comme « handicapée », se dégourdit les jambes tranquillement. Nous sourions de concert : être actrice est un métier utile en toutes circonstances !
Heureusement que la pause ne dure pas longtemps. Je me précipite dans la galerie dès que je peux, j’y ai perdu ma bonne place mais je suis soulagée de voir qu’avant que les débats ne reprennent Julian Assange a l’air un peu moins en souffrance. Il est vrai que Baltzar Garzon vient lui serrer la main avec empathie et qu’il peut échanger quelques mots avec les avocats espagnols. De plus, ma place plus lointaine ne m’empêche pas de remarquer que peu après il me regarde droit dans les yeux. Je lui souris et je fais un signe de la main tout en prenant soin de ne pas me faire trop remarquer du surveillant.
Pendant ce temps Summers narre la cyberattaque dont le site Wikileaks avait été victime et raconte la scène du film « Risk » dans laquelle Julian Assange téléphone à Hillary Clinton en compagnie de Sarah Harrison, salariée de « Wikileaks ». Puis il cite les médias et sites qui ont rediffusé les mêmes documents (dont le Spiegel et Cryptome) et aucun n’a été accusé par la justice états-unienne. Il conclut que la demande d’extradition n’est pas « fair, raisonnable, correcte» puisqu’elle discrimine un des acteurs de la même action. La plaidoirie continue mais certains ne tiennent plus en place dans le public. Gabriel Shipton prend congé des personnalités qu’il connait et quitte la pièce. Les personnalités assises devant moi partagent une tablette de chocolat et discutent entre elles comme au spectacle. L’avocat donne quelques précisions pour réfuter l’accusation d’intrusion informatique. Assange écrit quelque chose dans le cahier et passe le petit mot à Stella Morris. Summers aborde le téléchargement par Manning des « rules of engagement », « le droit d’engager » c’est-à-dire le permis de tuer par les soldats américains, directement lié, selon lui, au film « Collateral murder ». Manning aurait téléchargé cette video du meurtre de civils irakiens et de journalistes de Reuters juste après avoir pris connaissance des «règles de tuer » et aurait décidé seul de sa publication immédiatement après. C’est un peu dommage que Summers fasse l’impasse sur le travail des techniciens, journalistes et députés islandais qui ont «réécrit », ou « re-monté » la vidéo[1], qui figurent au générique du film et qui logiquement sont autant responsables pour sa publication que les Allemands de la Wau Holland pour leur « projet Wikileaks 04» en général[2]. Mais cette omission me parait pour l’heure moins grave du moment que Julian Assange n’est pas poursuivi pour cette production, même si dans la bouche de l’avocat l’homme accusé disparait encore une fois au profit de « l’entité inconnue Wikileaks ». Baraitser finit la séance en reconnaissant que le « gouvernement aurait effectivement dû mettre les publications dans leur contexte ». L’avocat parait avoir gagné la bataille. Enfin. On aurait presque eu envie de l’applaudir. Il est 13 heures, le juge Baraitser décide de la pause. Julian Assange s’anime, se lève. Il salue Garzon, appelle Summers et lui dit quelque chose en affichant un air mécontent. Je reste pour le voir partir entre deux gardes et je reconnais à sa démarche hésitante qu’il est fatigué, puis je suis sommée de quitter les lieux.
Julian Assange en juillet 2010 – il n’y a plus aucune photo de lui nette et de près en 2019 ni 2020
Baraitser a déjà commencé à écourter les débats : de 45 minutes le lundi, la pause midi rallonge à une heure mardi et jusqu’à une heure et demie le dernier jour. Cela m’arrange car je peux quitter le sas étouffant et rempli d’agressivité pour m’acheter un en-cas et un café à la petite cafétéria du tribunal. Je fais mon compte rendu des agressions subies en téléphonant à la direction de Wikijustice et j’observe par la baie vitrée du premier étage Baltazar Garzon quitter le bâtiment définitivement avec son staff. Je remarque le personnel judiciaire de la Woolwich Crown Court habillés de costumes noirs et de perruques sortir de l’aile droite du bâtiment pour passer leur pause dans le hall, la cafeteria ou le jardin. Puis je n’ai pas d’autre choix que de retourner dans le sas pour ne pas être éjectée de la file. Les « personnalités » occupent déjà la première place, elles discutent entre elles de problèmes familiaux et domestiques. Randy Credico, toujours un peu dépassé par l’étrange atmosphère, tente de détendre l’ambiance par des blagues. Des journalistes venus de leur annexe ou ils disent avoir du mal à entendre le procès, se sont précipités pour occuper notre espace public si réduit. Le risque d’être éliminée revient, je dois être donc présente. Je remarque alors que les trois quarts des présents dans ce sas sont des Allemands. C’est curieux. La tension avec les « personnalités » de die Linke semble s’être calmée mais je ne peux éviter une légère altercation avec un jeune homme allemand qui me pousse sans ménagement vers l’arrière. Il est surpris que je lui réponde en Allemand. Lorsque l’heure tourne et que les avocats rentrent de pause, Angela Richter nous annonce qu’elle a réussi à obtenir une place dans la salle d’audience parmi les journalistes. Elle exprime sa joie, reprend sa béquille-outil de lutte et sort du sas en clopinant.
Angela Richter, une des militantes agressives avec moi le 25 février 2020
Cette fois l’agent de sécurité demande leur pièce d’identité à la « famille ». John Shipton sort un passeport bleu marine neuf, mais je n’ai pas le souvenir que Kristinn Hrafnsson ait dû présenter le sien. Le frère et le fils de Shipton sont partis, il y aura des places libres dans la pièce en général, je presse mes amis restés dehors de tenter d’entrer, mais les agents postés devant le bâtiment les en empêchent. D’ailleurs, malgré quelques sièges vides, je ne peux récupérer dans la galerie qu’une place assez éloignée de Julian Assange.
Quand Julian Assange entre dans le box, il ne salue pas ni ne regarde le public. Il s’assied à la même place, jambes jointes et mains sur les cuisses. J’ai l’impression qu’il a l’air intimidé cette fois ci. Et je me demande si dans la pause on lui donne à manger, car il n’a toujours pas de bouteille d’eau dans le box que je devine inconfortable. Dès que la juge arrive, Mark Summers reprend son argumentation: prouver que Chelsea Manning n’avait pas besoin de craquer un mot de passe pour accéder aux documents classifiés. En ce qui concerne les « war diaries », les « journaux de guerre », il existait un réseau d’échange de données interne à l’armée, « Sydney I » pour l’Irak et « Sydney A » pour Afghanistan. Il était possible d’accéder à ces bases par un métalien pour les télécharger et c’est ce que Manning a fait, car « selon sa conscience il était nécessaire que le public connaisse le nombre de victimes civiles et les assassinats par drone ». Pour l’avocat, Julian Assange n’a donc pas sollicité de posséder ce matériel et le procès n’est donc pas « juste équitable et raisonnable ». Quant à la récurrente question des « noms sensibles » contenus dans les documents, Summers explique que Manning n’a jamais voulu garder les noms de code SIGAD (indicateur alphanumérique qui identifie les stations d’écoute des USA) et que 20% des documents sur l’Afghanistan n’ont pas été publiés précisément à cause des noms afghans y figurant.
Julian Assange en tant que coordinateur du projet 04 Wikileaks pour la fondation allemande Wau Holland – extrait du rapport d’activité de la fondation 2011
Julian Assange est resté immobile accoudé au dossier du banc pendant toute la tirade. A ce moment précis, John Shipton ne lève et quitte la galerie du public, son téléphone à la main. C’est alors qu’Assange regarde vers nous et je peux croiser son regard. Il reste un moment dans cette position, le visage tendu vers le haut, comme lorsqu’on fait pour se relaxer les épaules tendues. Mark Summers prend alors de la hauteur pour «expliquer l’approche de Wikileaks » à la juge. En fait il cite des conversations entre deux journalistes du « Spiegel », Schmitt et Goetz, qui décrivent « l’assistance technique » dont « Wikileaks » aurait besoin pour que son « équipe réécrive les mauvais endroits ». Finalement selon eux « Wikileaks » aurait demandé plus de temps et a fini par être critiqué pour avoir « over-redacted » (modifié trop largement) les documents. Nous savons que ce n’est pas pour rien que des acteurs allemands sont cités dans le dossier, puisque c’est la Wau Holland Stiftung, fondation allemande, qui sous la houlette de Andy Müller Maguhn, délégué du CA pour la supervision du projet 04 Wikileaks qui a dirigé l’équipe chargé de re-rédiger les documents. Les rapports d’activités de 2010, 2011 et 2012 de la fondation nous apprennent même que plusieurs journalistes étaient payés par la fondation pour ce travail et qu’en 2011 ils ont touché pour ce faire[3]58 578 Euros. Malheureusement l’avocat ne cite pas la Wau Holland comme témoin clé voire acteur du processus de rédaction.
[3] « 5.8 Journalistische Aufbereitung Zur journalistischen Aufbereitung, insbesondere der Kontextualisierung zugegangenen Materials und der erklärenden Beleuchtung von Hintergründen und Zusammenhängen, wurden verschiedene Journalisten engagiert und ihr Aufwand entsprechend vergütet. Im Jahr 2011 waren damit insgesamt 6 Journalisten als Hilfskräfte in diesem Aufgabenbereich tätig. »,( « Pour la mise en forme journalistique, en particulier la mise en contexte des documents et l’explication du contexte historique et des relations, différents journalistes ont été engagés et leurs efforts indemnisés en conséquence. En 2011 en tout 6 journalistes ont été actifs comme « personnel aidant » dans ce domaine »)
Wikileaks, l’Allemagne, et la Wau Holland Stiftung
Sur ce la juge Baraitser décide d’une pause de 10 minutes. Je suis fatiguée car je ne me repose absolument pas dans l’ambiance hostile du sas. Mais l’après-midi avance et l’attrait du procès s’émousse visiblement. En effet, les députées de die Linke ne reviennent plus ni dans le sas ni dans la galerie. Je sympathise avec Volker, un des militants allemands qui a témoin de l’agression du matin qui l’a visiblement choqué. Nous discutons un peu de l’état de Julian Assange et de ce que nous voyons en partageant dans la pause un café et une barre de céréales. Il trouve intéressante ma façon de prendre des notes. L’ambiance s’adoucit même si le public reste étrangement à plus de 80% composé d’Allemands et de germanophones. Il en sera ainsi les jours suivants, le 26 et 27 février.
A notre retour, Summers décrit la messagerie Jabber que les soldats américains utilisaient pour leurs loisirs et cite des supérieurs hiérarchiques de Manning qui auraient certifié qu’il était courant pour les soldats de jouer à cracker mutuellement leurs mots de passe. Manning était même tellement douée qu’elle en aurait fait une activité commerciale, validée par une de ses chefs qui lui aurait demandé carrément d’installer un logiciel interdit. Conclusion : Manning n’avait pas besoin des compétences informatiques d’Assange pour s’introduire dans des bases interdites. A cette évocation visiblement douloureuse, Julian Assange se balance légèrement d’avant en arrière puis revient dans sa prostration initiale. L’avocat conclut que les accusations n’ont pas pris en compte le contexte et sont donc abusives. Pour le prouver, il abandonne la jurisprudence états-unienne qui était sa référence jusqu’alors (toute l’analyse du comportement de Manning étant contenu dans son dossier juridique selon le droit américain), mais détaille la jurisprudence européenne en se servant des cas Castillo, Murua et le Polonais Sekrewski. Les deux plaignants auraient gagné à la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg contre une demande d’extradition en prouvant les abus de procédures. Je vérifie sur les jugements dans la base de données HUDOC de la Cour de Strasbourg : seul le jugement de Algar Castillo est répertorié[1]. Pendant que l’avocat invoque le droit européen pour juger un Australien poursuivi par les Etats Unis, Assange regarde les 25 journalistes assis derrière des pupitres à sa gauche. Ses gestes nerveux reviennent. Il n’y a aucun signe de connivence avec ceux qui devraient être ses confrères de métier.
Rapport d’activité de la fondation allemande Wau Holland en 2009 – les projets TOR, Jabber et Wikileaks sont décidés
Baraitser interrompt alors l’avocat pour lui demander si Manning avait été déclarée coupable. Oui, doit admettre Summers, mais le procès a été contesté, reprend-il. Mais il n’argumente pas que les aveux de Manning ont été arrachés après torture ce qui les rend en réalité non recevables… du fait justement de la torture. Il reprend son discours sur la jurisprudence européenne et rappelle la déjà longue histoire des abus juridiques que subit Julian Assange : les « accusations suédoises », l’impossibilité de quitter les locaux de l’Equateur… Face à l’historique connu qui l’agace peut-être, Baraitser questionne l’avocat sur les faits : oui ou non la page internet Wikileaks sollicitait elle le public pour lui envoyer des documents secrets ? Le procureur intervient alors: pour lui les sollicitations sont clairement exprimés sur la page internet « Wikileaks ». Dans un vrai procès, il est d’usage de produire devant le public les passages discutés : le grand écran qui trône dans la salle aurait pu servir à voir le site incriminé, mais il reste éteint et le juge ne demande pas au procureur de prouver ses dires. De même l’avocat ne se sert pas du fait que le propriétaire du site n’est pas Julian Assange mais John Shipton pour invalider l’accusation de « sollicitation actives », alors même que John Shipton ne risque rien puisqu’qu’il a déjà gagné en février 2009 en Californie le procès contre la banque Julius Baer. Le jugement du tribunal californien a bien invoqué le premier Amendement, le« droit de recevoir des informations » pour débouter Julius Baer de sa demande de fermeture du site Wikileaks appartenant à John Shipton après publication de ses listings bancaires[2]. Le jugement californien est valide alors même que Wikileaks y est qualifiée « d’entité inconnue », ne possédant donc ni siège social ni structure. Julian Assange ne devrait donc pas être condamné pour la même chose pour laquelle son père a été relaxé. Hélas, en ne posant pas ces arguments, j’ai le sentiment que Mark Summers donne quartier libre au procureur qui affirme que Julian Assange aurait dit à Manning « je suis curieux de voir tous les documents », là encore sans amener la moindre preuve matérielle (une retranscription des conversations sur Jabber par exemple). Le procureur martèle que le sort de Julian Assange doit être déterminé aux Etats Unis car « Julian Assange décidait de publier sur le site internet Wikileaks ». Le rôle des Allemands de la Wau Holland Stiftung est passé ainsi à la trappe. On comprend que l’accusation américaine ne veut pas brusquer son plus précieux allié en Europe, l’Allemagne, en l’impliquant dans un procès gênant. Mais j’avoue que je comprends moins la stratégie des avocats de plutôt sauver Andy Müller Maghun et les autres membres du CA de la Wau Holland Stiftung que Julian Assange qui est leur client.
John Shipton comme propriétaire de l’entité inconnu Wikileaks
Pendant la tirade du procureur, alors qu’il paraissait très fatigué, Julian Assange se lève et appelle Gareth Peirce. Elle met un certain temps à l’entendre et à venir vers lui, puis elle se rassied. Assange parle alors à Jennifer Robinson qui a pris le siège laissé par Garzon. Jennifer Robinson incite Peirce à sortir de sa réticence et revenir écouter son client même si elle ne le regarde toujours pas lorsqu’elle s’adresse à lui. Enfin, lorsque Summers a fini son argumentation, Edward Hamilton reprend l’organisation de la défense. Il propose à la juge de déposer un « sommaire des vices de procédures » le lendemain. Hélas, en l’absence de micro on n’entend pas ce que dit Julian Assange à ses conseils. Il est 16 heures, Baraitser se lève. Nous sommes tous très fatigués et la cérémonie du départ est réduite. Mais demain, je serais fidèle à mon poste ici.
Pour la Woolwich Court, le procès Assange n’existe pas. Le planning ne prévoit pas d’audience salle 2 pour le 25 février 2020
Salle 2 Woolwich Court photo originale du 24 février 2020
Lundi 24 février 2020
Le Tribunal du « Que le plus fort gagne »
Julian Assange sous surveillance, 2011
Introduction : cet article a été fini juste avant les événements actuels. Il ne contient donc aucune allusion, sauf involontaire, à la crise que nous vivons. J’ai décidé de le publier car le système répressif n’est pas suspendu : ceux dont les droits sont violés ont plus que jamais besoin de nous. Comme il est interdit de prendre les photos à l’intérieur du tribunal, j’ai réalisé les dessins pour montrer les lieux.
Fidel Narvaez, Patrick Henningsen, Greekemmy, Christian Mihr, Rebecca Vincent, Christophe Deloire et moi meme… devant l’entrée de la Woolwich Court le 24 février 2020
Pour l’association Wikijustice, depuis sa création, il n’y a pas d’audience « non importante » en contraste avec une « procès important ». C’est pour cela que nous ne nous sommes pas focalisés sur ces jours de fin février annoncée en grande pompe par les médias comme « le procès d’extradition du siècle ». Au contraire, depuis 6 mois nous avons déployé tous les efforts nécessaires pour être présents à toutes les audiences de la Westminter Magistrate Court, ce qui n’était pas évident – obtenir les informations fiables à temps, franchir les obstacles pour assister aux audiences du 181 avenue Marylbone. Chaque brève rencontre avec Julian Assange, direct ou en vidéo, était pour nous une preuve de vie et l’occasion de témoigner sur son état de santé et sa situation. Après ce travail intense depuis août dernier, soulagée de le savoir vivant, j’étais également heureuse de savoir que j’allais pouvoir le voir 4 jours durant, lui apporter notre soutien et notre sympathie et peut être pouvoir communiquer avec lui et transmettre un message de sa part. Tous nos efforts sont tendus pour sa libération pleine et entière, nous aimerions tellement qu’il le sache et qu’il soit prêt pour ce moment dont nous ne doutons pas de l’imminence.
J’ai donc pu assister pendant 4 jours au procès dans les locaux du tribunal jouxtant la prison Belmarsh, dans la localité de Thamesmead dans la banlieue de Londres et j’ai pu voir Julian Assange 5 à 6 heures chaque jour.
Entrée de la Woolwich Court le 24 février 2020
Lundi 24 février 2020
Le Tribunal du « Que le plus fort gagne »
Christophe Deloire secrétaire général de Reporters Sans Frontières
Mais d’abord il a fallu entrer dans les locaux. Je n’ai pu prendre le métro et le bus de banlieue de Londres qu’à 5h30 du matin et arriver sur place qu’à 6h45. D’emblée j’ai remarqué le camping de tentes dans le petit parc attenant à la grille de la prison et de la cour. Jamais une police n’aurait permis en France à des militants de camper devant les murs d’une prison. L’Angleterre n’en finit pas de m’étonner avec son système laxiste sur certains points, tolérant des passe droits, des discriminations, des violences et encourageant le viol des règles, des procédures et des droits dans d’autres circonstances. Justement la règle du « premier arrivé premier servi » pour laquelle nous avions tant lutté à la Westminster court est en passe d’être violée une nouvelle fois : Il y a 14 personnes devant la file d’attente devant la grille et Greekemmy a déjà crée une liste illégale sur laquelle elle inscrit les gens après leur avoir dument arraché leur nom sous la menace de ne pas pouvoir entrer malgré avoir attendu. Juste devant moi se tiennent Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières, Christian Mihr, son homologue de la filiale en Allemagne et Rebecca Vincent, responsable du bureau de RSF en Grande Bretagne. Je proteste à haute voix contre l’apparition de la liste. Je sais d’expérience que de nouvelles personnes arrivées plus tard y seront inscrites et que du fait de cette resquille je ne pourrai pas entrer. Greekemmy fonce vers moi, élève le ton, me menace d’être expulsée du tribunal. Je prends Christophe Deloire à témoin, en Français. Il a l’air de soutenir la liste de Greekemmy alors que je lui dis qu’il ne tolérerait certainement pas ce genre de situation en France, qu’une personne lambda prenne le nom de gens dans l’espace public et décide de qui a le droit d’entrer dans un tribunal, alors pourquoi accepte – t-il cela dans le cadre du procès de Julian Assange. Il ne me répond pas, mais lorsque d’autres personnes arrivées plus tard passent devant nous, une Américaine vivant en France, qui se tient derrière nous décide elle aussi de ne plus se laisser faire. Nous restons ainsi une heure à discuter sur les aspects culturels de notre aventure alors qu’arrivent l’avocat Edward Hamilton Fitzgerald, Gareth Peirce, mais surtout de très nombreux journalistes et caméramans qui entrent directement dans le bâtiment après présentation d’une carte de presse aux agents de sécurité. Cependant, toutes les cartes de presse ne se valent pas car les membres de Wikijustice qui montrent la leur sont refoulés. Des policiers, probablement municipaux arrivent aussi et saluent Greekemmy et ses proches d’un air débonnaire. Ils demandent juste à un jeune homme derrière nous d’enlever son masque d’Anonymous et signalent qu’il n’y aura que 18 places pour le public.
Cohue violente devant la Woolwich Court sous l’oeil impassible et moqueur des policiers et des agents de sécurité
L’ambiance se tend néanmoins lorsque les agents de sécurité nous font entrer dans le jardin et nous stockent devant la porte du bâtiment entre deux rangées de barrières de sécurité. Nous sommes déjà 30 dans la file alors que des supposés journalistes fendent notre groupe pour se retrouver devant. Les journalistes entrent également facilement par la file de droite délimitée par deux autres barrières de sécurité. Il y aura plus de 100 journalistes entrant et sortant en permanence du tribunal, 26 auront une place directement dans la salle d’audience. C’est le moment que choisit Greekemmy pour m’agresser une nouvelle fois avec force insultes tout en me filmant avec son portable alors que je proteste contre son comportement. Je vois surtout qu’elle se donne pour mission de détourner l’attention de la resquille d’une toute jeune fille qui arrive de derrière et pousse brutalement mes camarades pour se mettre devant nous. Nous protestons mais lorsque je lui touche le bras pour l’inciter à arrêter elle se met à hurler « don’t touch me » avec une arrogance cynique qui nous plonge dans la stupeur. Elle est secondée par son compagnon, le garçon au masque d’Anonymous pendant que Greekemmy continue de m’agresser verbalement. Le ton et la violence monte dans la file, les agents de sécurité ne font rien pour désamorcer le conflit mais lorsque je me tourne vers les policiers qui nous regardent à 1 mètre de là, pour qu’ils ramènent un peu d’ordre, je suis stupéfaite de constater que voir des gens se battre pour entrer dans un tribunal les fait rire. Ils ont l’air d’attendre que le plus fort gagne. Décidemment le système anglais n’en finira plus de m’agacer. J’explique à mes compagnes d’infortune que lorsqu’on commence par trouver normal les passe droits et violences dans une file d’attente devant la cour, il ne faut pas s’étonner qu’on finisse par s’habituer aux viols de droits et aux vices de procédures par la même cour dont Julian Assange est victime depuis plusieurs années.
L’organisation du tribunal est également on ne peut plus étrange. Le panneau suspendu sur la grille d’entrée signale « HMCS », « Her Majesty Court Services », soit l’administration des tribunaux. Sur un panneau en métal devant le bâtiment avant les barrières de sécurité il est indiqué « Woolwich Crown Court », mais lorsque je me trouve devant la porte de gauche ou nous orientent les agents de sécurité, je vois une simple feuille A4 collée dessus avec une flèche vers la gauche et une inscription « Belmarsh Magistrate Court ». Sur la porte de droite, par laquelle entre d’autres usagers, une feuille similaire indique « Woolwich Crown court ». Pendant que le procès de Julian Assange a lieu dans l’aile de gauche, la vie continue donc dans l’aile droite du bâtiment ou travaille la vraie Woolwich Crown Court. De plus, dans l’aile gauche du bâtiment nous retrouverons presque tous le personnel que nous connaissons de la Westminster Magistrate Court. Alors, ou nous trouvons nous vraiment ? La « Belmarsh Magistrate Court » n’a l’air d’avoir qu’une existence très formelle : le site du ministère de la justice britannique lui donne comme adresse le 1 London Road à Bromley[1], dans la banlieue sud de Londres alors que le site the Law pages donne 4 Belmarsh road à Thamesmead[2]. Cependant sur le plan de Thamesmead le 4 Belmarsh Road est introuvable, le numéro 2 étant l’adresse de la Woolwich Court, c’est-à-dire le bâtiment devant lequel nous nous trouvons alors qu’à 1 London Road à Bromley se trouve en réalité la Bromley Magistrate Court[3].
Pas de procès Assange salle 2 dans la planning de la Woolwich Court. Pourquoi?
Nous sommes épuisés lorsqu’enfin un jeune agent de sécurité, affolé et débordé, déverrouille la porte et nous pousse pour empêcher la foule qui nous appuie par derrière de se précipiter à l’intérieur. Il exige de nous des pièces d’identité et ne fait entrer que 6 personnes à la fois. En effet, lorsque je suis venue les deux fois précédentes pour information, la Woolwich Crown Court ne disposait que d’un seul portique de détection de métaux, visiblement suffisant pour l’activité assez clairsemée de l’institution. Aujourd’hui un autre portique est installé pour les usagers de la Woolwich Crown Court à droite de l’entrée tandis que des tables sont disposées à gauche pour gérer de façon plutôt artisanale le contrôle des visiteurs du procès de Julian Assange. Sur les tables se trouvent des petits casiers en plastique dans lesquels il faut mettre l’ordinateur, les manteaux et les écharpes, les ceintures, les chaussures… cela fait très « aéroport». Dans tous les débordements, les deux jeunes resquilleurs de derrière se retrouvent évidemment devant nous. Je cours le plus vite possible à l’étage, renseignement pris auprès de deux agents de sécurité, car le procès Assange n’est indiqué nulle part, ni sur l’écran qui affiche les audiences du jour, ni sur le panneau d’information à gauche du hall.
L’entrée du complexe de tribunaux de la Woolwich Court. Impossible de déterminer dans quel tribunal a lieu le procès de Julian Assange
Je m’engouffre dans un couloir, puis dans un espace équipé de fauteuils comme une salle d’attente, puis dans un espèce d’étroit boyau-couloir, j’arrive dans une autre antichambre et là je vois la porte de la salle d’audience. J’entre, et j’aurais pu y rester car personne ne me demande rien, mais comme je ne suis pas sûre que j’ai le droit de rester, je préfère chercher mes camarades et attendre avec le public pour ne pas perdre la précieuse place. L’endroit où quelqu’un leur a dit d’attendre s’avère ce minuscule boyau entre deux couloirs, ou nous sommes bientôt serrées les uns contre les autres devant une porte verrouillée et un petit panneau en plastique marqué « public gallery » avec une flèche. La resquille violente continue car nous sommes 25, les agents de sécurité ont laisser entrer bien plus que les 18 places prévues. Pire, lorsqu’un agent de très petit gabarit tentera d’amadouer la foule, il faudra qu’il crie fort pour annoncer que 6 places doivent être réservées à la famille…
Dessin du sas dans lequel le public est stocké avant de passer à l’envers en montant un escalier de secours dont la porte est vérouillée – que de règles de sécurité incendie violées lors du procès de Julian Assange!
La tension est telle que je ne remarque que deux jours plus tard que le « boyau » ou nous allons passer beaucoup de temps d’attente est en fait un sas, que les 25 personnes stockées dedans empêchent donc le dégagement des CHC (Circulation Horizontale Commune[1]) et leur présence bloque le RIA (Robinet d’Incendie Armé) enfermé dans une gaine –cette situation viole les normes de sécurité incendie communément admises, en Grande Bretagne comme en France. Pire, je remarque bientôt que la porte verrouillée devant laquelle nous attendons est une… sortie de secours ! Une sortie de secours donnant sur un escalier de de secours ne doit jamais être verrouillée car en cas d’incendie nous ne pourrons pas évacuer et nous pouvons tout simplement mourir. Justement, peu avant 10 heures, l’agent de sécurité déverrouille la sortie de secours et nous fait entrer dans un escalier qui est visiblement un escalier de secours. Nous devons monter par là pour arriver sur un palier ou nous passons une porte coupe-feu, nous nous trouvons dans une antichambre ou se trouve des toilettes femmes à droite et homme à gauche, et d’où deux couloirs mènent à droite à la « court 3 » et à gauche à la « court 2 ». La notre est la salle 2, il faut encore entrer dans un autre espace ou se trouvent deux portes qui probablement sont les accès vers la galerie en temps normal. Un autre agent de sécurité, grand rouquin sévère, ouvre une troisième porte et nous indique les sièges à occuper. Derrière une baie vitrée, surplombant la salle d’audience de 10 mètres au moins, se trouve la galerie du public avec 18 sièges disposés en deux rangées. Au fond se trouve encore une porte verrouillée.
Patrick Henningsen, journaliste à RT International, mon agresseur du 24 février 2020. Photo de 2019 devant la Westminster Court
Je n’ai pas le loisir de réfléchir à l’étrange disposition des lieux ce premier jour du procès : au moment ou l’agent ouvre la sortie de secours, un homme de type méditerranéen, corpulent, qui se trouvait en première place de la file avec Greekemmy m’arrête en me prenant le bras et me somme de laisser ma place « à la Courage Foundation » qui vient d’arriver. Stupéfaite, je réponds sans hésitation « non » et lorsque l’homme, sur un ton menaçant me dit « comment j’ose refuser ma place à la fameuse et célèbre Courage Foundation », je réponds que j’ai aussi le droit à être là. Puis je cours dans l’escalier sans demander mon reste et arrivée dans la galerie, je ne peux m’installer qu’à une place centrale du deuxième rang d’où je ne verrai Julian Assange que d’assez loin. Cependant les deux membres de la Courage Corp, un jeune homme roux barbu, peut être Nathan Fuller, le gérant de l’entreprise new yorkaise comme on peut le vérifier sur le site du du NYS Departement of State Division of Corporation[2], et une femme de 60 ans, ont pris place juste à gauche de notre groupe. La femme fera plusieurs photos de Julian sans que l’agent de sécurité ne l’inquiète. De même la jeune arrogante qui a poussé tout le monde ce matin prend une place à côté de son compagnon, mais elle s’éclipsera de la salle pendant toute la matinée et l’après midi elle prendra plusieurs photos de Julian. L’agent de sécurité l’expulsera enfin après la quatrième photo.
Aujourd’hui je ne suis pas encore revenue de ma surprise ayant constaté que l’homme qui voulait me chasser de la cour était Patrick Henningsen, journaliste à Russia Today International. L’hostilité déclaré de ce journaliste à ma personne me surprend d’autant plus que je le vois pour la première fois et que des membres de Wikijustice travaillent sans problème avec Russia Today, un des journalistes de RT France doit m’interviewer ici même tout à l’heure.
[1] Espace qui doit être rester dégagé en permanence pour permettre l’évacuation du public dans un Etablissement recevant le public.
Les meilleures places du premier rang sont occupées par les représentants de RSF assis à côté de Kristinn Hrafnsson et Fidel Narvaez. Après la pause, les députés du parti de gauche allemand die Linke Sevim Dagdelen et Heike Hänsel arriveront et deux jeunes leurs céderont leur place. Angela Richter, la femme de théâtre allemande, sera assise sur la 5 place du premier rang en partant de la gauche. A droite au premier rang on nous annonce la famille de Julian Assange : John Shipton, son fils Gabriel Shipton, un homme âgé, grand et bien bâti, une femme de 55 ans aux longs cheveux châtains bouclés et un jeune homme brun au nez pointu. Je me renseigne – il parait qu’il s’agit du frère de John Shipton, de la femme du frère et de leur fils. Tout au bout à droite Craig Murray est assis avec la famille. Ce qui m’a frappé est que pendant toute l’audience aucune de ces personnes n’a montré la moindre émotion, sauf peut-être un peu Murray. Julian n’a pas salué ces gens qui se disent « sa famille », il n’a eu aucun signe de connivence avec eux, aucun geste, pas même avec Shipton. Quand Julian Assange tournait la tête vers cette partie de la galerie, on aurait dit qu’il voyait des étrangers. Il y avait dans leur comportement des aspects « je regarde un spectacle » assez déplaisants. Certains membres de la famille ne pouvaient s’empêcher d’êtres sur leur téléphone malgré l’interdiction formelle énoncée par le surveillant.
En contrebas je retrouve du regard tout le personnel de la Westminster Court telle qu’on l’a connue depuis septembre. Je vois Rosie Sylvester, la manageure, un des greffiers que j’ai déjà vu. Je vois le procureur Lewis mais l’équipe « d’Américains » et Clair Dobbin sont par le balcon de la galerie car ils sont assis tout au bout de leur banc à droite, au premier rang. Sur le coté gauche de ce banc prennent place Edward Hamilton Fitzgerald et Mark Summers. Gareth Peirce est assise derrière eux avec ses deux assistantes et Alistar Lyon. Enfin, surprise car je ne savais pas qu’un avocat d’un autre barreau européen pouvait participer à un procès en Grande Bretagne (quelle directive européenne rend elle cela possible ?), je constate la présence de Baltazar Garzon dans la rangée de derrière, à ses cotés Jimenez Martinez, Stella Morris et le jeune Mc McGrath. Jennifer Robinson est assise avec trois hommes sur un banc perpendiculaire aux avocats, juste devant les rangées ou prennent place les 26 journalistes qui ont la chance d’avoir été admis dans la salle. Le long box des accusés avec sa baie vitrée se trouve donc juste derrière Baltazar Garzon qui sera le seul avocat à saluer Julian Assange deux fois, à lui serrer la main dans la jointure des vitres. De même, lorsque Julian Assange essaiera de communiquer avec Gareth Peirce, il fera passer d’abord des petits papiers écrits de sa main à Baltazar Garzon pour que celui-ci les donne à l’avocate. L’ancien juge paraitra nerveux pendant la lecture de l’acte d’accusation et sortira plusieurs fois de la salle. La juge Baraitser trônera derrière une longue table sur une estrade faisant face à la salle. De lourds dossiers de documents se retrouveront éparpillés sur les pupitres au fur et à mesure que les audiences avancent, à côté de stabilos et d’ordinateurs, des documents tomberont par terre, mais certains avocats passeront aussi du temps sur leur téléphone portable, ce qui se voit très bien d’en haut.
Mon dessin de la salle 2
L’émotion est palpable lorsque Julian Assange entre par la porte du fond du box. Il est encadré par deux gardes, un homme noir en uniforme de Mitie (tous les agents de sécurité présents sont salariés de l’entreprise Mitie) et un autre, blanc et costaud en chemise blanche et pantalon noir. Ce dernier jette des coups d’œil suspicieux au public dans la galerie et sera celui qui avertira son collègue lorsqu’une de mes collègues s’aventurera à faire une photo de Julian Assange. Il semble au premier abord plutôt correct avec son prisonnier. Julian Assange porte un costume gris, avec un pull gris et une chemise blanche. Ses cheveux sont coupés court, il est rasé et porte deux paires de lunettes- une sur son front et l’autre il la tiendra à la main pour s’en servir lorsque parfois il consultera l’énorme dossier qu’il pose à coté de lui sur le banc. Comme il s’assied au milieu du banc, j’arrive à le voir de ma place. J’aperçois qu’il a du mal à se mouvoir, même à rester assis, il doit s’agripper au dossier du banc. De même, lorsqu’il met sa jambe gauche sur son genoux droit il me semble que c’est pour pouvoir tenir en équilibre le gros dossier sur ses genoux. Le plus souvent il reste les mains jointes, les doigts croisés, dans une attitude de prostration et de résignation. Je vois son visage triste, surtout lorsqu’il lève les yeux vers le plafond, le ciel qu’il ne voit pas, dans l’attitude de celui qui veut s’échapper à tout prix d’ici… Il cligne des yeux en renversant la tête en arrière, répète ce tic toutes les 10 minutes environ. Lorsque son regard balaye alors la première rangée de la galerie, je crois déceler dans son regard une expression de colère, de dégout, un sentiment de trahison peut être. Parfois je vois dans ses traits quelque chose de plus négatif encore, un rictus de douleur, peut-être de la haine, et de la peur. Alors il se frottent nerveusement les doigts d’un contre l’autre, les mêmes gestes répétitifs que nous avons pu observer auparavant et que le médecin de Wikijustice a dument analysé comme symptômes de souffrance dus à la torture.
L’acte d’accusation justifiant l’extradition – la question de la responsabilité juridique
D’emblée la juge Baraitser donne la parole au procureur et nous assisterons toute la matinée à la présentation de l’acte d’accusation. C’est important de l’entendre enfin, tant de rumeurs ont circulé à son sujet. Néanmoins il est douloureux d’entendre proclamer avec tant de dureté des assertions qui nous paraissent monstrueuses. En effet immédiatement le procureur détaille les deux chefs d’accusation : Julian Assange est accusé de « computer misuse » et de « conspiracy » avec Chelsea Manning en vue de voler des documents classifiés puis de dissémination de ses mêmes documents avec mise en évidence des noms, ce qui a conduit à la mise en danger de ces personnes, collaborateurs de l’armée américaine en Irak et Afghanistan qui risquaient ainsi la mort ou la torture. En clair, intrusion informatique et vol en réunion… il est très perturbant d’entendre cela. De plus, le procureur s’appuie curieusement sur les « preuves » données par les médias : il cite des articles de journaux (El Pais, Le Monde, Guardian…) qui à l’époque en 2010 avait accusé « Wikileaks » de publier des milliers de documents « unredacted », « non expurgés ». Cette partie de l’acte d’accusation s’entend déjà comme un procès de la presse, puisqu’on s’appuie sur la presse pour fournir les preuves d’une accusation, sans que cependant le procureur n’explicite le rôle exact de Julian Assange dans la structure ou organisation « Wikileaks ». Le lien entre « Julian Assange, homme physiquement présent ici et « Wikileaks », dont le procureur ne précise pas « ce que c’est » (association ? entreprise ? Site internet ? Selon les lois de quel pays ?), n’est pas prouvé autrement que par les assertions du procureur : Julian Assange serait « Wikileaks founders » ou « the puppet master » (le marionnettiste).
Pour nous qui savons depuis un certain temps que John Shipton est propriétaire des noms de domaines de Wikileaks au sein de la société californienne Dynadot[1] et que Julian Assange n’était que salarié de la Fondation Wau Holland qui pilotait le projet « 04 Wikileaks » d’Allemagne[2], il apparait que ce n’est pas Julian Assange qui est responsable juridiquement des agissements de « Wikileaks » mais justement John Shipton et les dirigeants de la Wau Holland Stiftung comme Andy Müller Maguhn, Bernd Fix, Jens Ohlig, Winfried Motzus et Hendrik Fulda. Le procureur enfonce le clou en citant des points de son documents… 15, 16 et 17, Julian Assange n’aurait rien de moins que facilité la vengeance des talibans après avoir hacké des ordinateurs et volé les documents d’Etat en association de malfaiteurs. Il ne serait donc pas journaliste. Curieusement cependant, il n’est « chargé » que des documents publiés de septembre 2010 à novembre 2011. Il n’est pas accusé pour le film « collateral murder » ni pour les « Spy files », ces fameux documents d’espionnage généralisé qui ont tant énervé la chancelière Merkel lorsqu’elle a découvert par eux que son portable personnel était écouté par la CIA. Ces documents étaient si importants pour les dirigeants de la Wau Holland Siftung qu’ils ont été trois à se déplacer à Londres pour préparer la conférence de presse de lancement de ces publications du 1 décembre 2011[3]. Le procureur finit la tirade en moquant les médias écrivant sur les « 175 ans de prison ». Selon lui la jurisprudence montrerait que les peines pour ce type de délit ne vont que de 48 à 65 mois de prison. Mais juste après que nous reprenons espoir, il assène que dans ce procès, nul besoin de preuves, puisque c’est un procès d’extradition. Les preuves seraient présentées aux Etats Unis quand Julian Assange y sera.
On a l’impression d’assister à une levée de rideau d’un spectacle d’horreur. Baraitser se lève, nous sommes chassés de la salle. Julian Assange parait résigné mais pourtant il lève le poing, sans toutefois regarder le public. L’agent de sécurité nous chasse de l’escalier de secours et nous nous retrouvons dans le sas, avec toute la foule. Je comprends vite qu’il n’est pas question de profiter de notre pause de 10 minutes car nous perdrons notre place chèrement acquise. Je reste donc devant la porte de secours, à essayer de raisonner avec mes camarades la jeune resquilleuse qui continue son comportement asocial et perturbateur : elle nous pousse du coude, crie qu’elle est la plus importante et doit le rester, répond fièrement qu’elle a 23 ans lorsque nous lui demandons médusés ce qui lui donne à penser qu’elle a droit à tant de privilèges. Elle parait comme sous emprise de substances et c’est déroutant de voir quelqu’un se comporter ainsi dans un tribunal et d’assister à la passivité totale de l’agent chargé de l’ordre, qui la laisse même revenir devant tout le monde dans la galerie. Privilégiée, absolument. Pourquoi, nous ne le savons alors pas.
Assurément privilégiée, la jeune resquilleuse violente du 24 février est peut être la fille de Alicia Castro, ancienne ambassadrice de l’Argentine à Londres. Ici photo d’avant 2019
L’audience reprend dès que Julian Assange revient, porteur du classeur et d’un cahier dans lequel il essaiera d’écrire ses petits mots. Son visage prend un air accusateur lorsqu’il lève les yeux vers la première rangée du public. Le procureur continue sa charge : les milliers de documents fuités sont détaillés, Julian Assange est accusé d’avoir encouragé Manning à voler les documents en l’aidant à craquer un mot de passe pour accéder à un intranet de l’armée. Il voulait donc attenter à la sécurité des Etats Unis, surtout que « Wikileaks » sur son site internet « sollicite le public à lui livrer des documents secrets ». Pour appuyer ses dires et amener un semblant de liens entre Julian Assange et « Wikileaks » le procureur cite la conférence du Chaos Computer Congress à Berlin de fin décembre 2009 lors de laquelle Assange aurait présenté ce projet comme « le service de renseignement du peuple ». La Wau Holland Sitftung n’apparait curieusement pas dans la tirade du procureur, alors qu’elle s’assume comme pleinement responsable du projet Wikileaks dans ses propres rapports d’activités de 2006 à 2014, comme si l’Etat britannique voulait épargner une institution allemande, en pleine négociations avec l’Allemagne autour du Brexit. Manning aurait donc répondu aux sollicitations de Julian Assange et aurait alors téléchargé les documents cryptés de de février jusqu’à son arrestation le 27 mai 2010. Le lien entre Manning et Assange serait fourni par leur communication sur la messagerie Jabber de novembre 2009 à avril 2010. Je suis surprise d’entendre parler de la relation entre Julian Assange et Chelsea Manning. J’étais restée sur les dénégations de Julian Assange qui avait toujours affirmé ne pas avoir été en contact avec le soldat Manning et j’avais cru que Manning avait lâché ses informations en discutant avec le hacker Adrian Lamo[1], assassiné mystérieusement en 2016 et c’est ainsi que l’armée avait pu trouver son identité. La messagerie Jabber a aussi été un projet de la fondation Wau Holland depuis 2008[2]. Il va falloir que le procureur fournisse les preuves techniques des conversations sur Jabber, des relevés issus des fournisseurs d’accès internet, et non pas des aveux de Manning arrachés après torture.
Malgré la situation dramatique, le frère de John Shipton s’endort alors sur son siège. Julian Assange regarde Kristinn Hrafnsson d’un air résigné mais rempli de colère. Les hommes de RSF partent. Garzon a l’air énervé. Alors le procureur passe à l’étape supérieure : des Talibans au Pakistan se seraient servis des documents publiés pour commettre des crimes, Julian Assange aurait donc donné des « informations utiles pour l’ennemi », il savait qu’il mettait ses sources en danger. C’est très différent de la première phase des publications qui ne ciblaient que les Chinois et les Syriens. Bref, si Julian Assange a sciemment donné des informations à l’ennemi il peut être accusé « d’intelligence avec l’ennemi », donc d’espionnage. On entend la clameur des Gilets Jaunes monter en puissance. Julian Assange l’entend sûrement aussi… C’est fort.
Il s’agite sur son banc, cherche une position, écrit quelque chose, ne peut pas se départir de ce tic qui lui fait cligner des yeux et chercher la lumière en levant le visage vers le haut, vers nous. Maintenant le procureur va prouver pendant 1 heure que la loi sur la « conspiration » est la même en Grande Bretagne qu’aux Etats Unis, et réfuter déjà les arguments de la défense sur le « abuse of authorities », abus de pouvoir, c’est-à-dire les vices de procédure. Julian Assange semble aller mieux – il écrit un petit papier à l’attention de Garzon. Baraitser est bien obligée de demander des débuts de preuves au procureur. Celui-ci explique que si les journaux ont aidé à la dissémination de l’information à l’ennemi, alors oui, ils pourront aussi être inculpés. En clair dans « certaines circonstances », le traité d’extradition permet bien l’extradition pour raisons politiques, toute personne, qu’elle soit de nationalité britannique ou non.
C’est alors que je vois Julian Assange lever la tête et poser son regard sur Angela Richter, assise au milieu du premier rang. Il lui fait un geste de main comme quand on veut chasser quelqu’un, lui signifier qu’il faut qu’il parte. Il lui désigne clairement la porte. J’ai l’impression que Richter est gênée, elle regarde autour d’elle pour voir si quelqu’un d’autre a compris ce qui se passe. Le procureur déclare qu’il n’a pas besoin de soumettre des preuves, ce qu’il dit est « selfsufficient », se suffit à soi-même, curieuse catégorie du droit tout de même. A ce moment-là Julian Assange parait très fatigué. Il n’a même pas un verre d’eau devant lui, contrairement aux avocats et aux journalistes. Il croise et décroise les doigts, regarde les journalistes… puis il veut parler ! Il se lève, se tient les mains jointes devant la vitre et parle. Baraitser veut le couper lui enjoignant de parler à travers ses avocats. Mais lui insiste et veut parler lui-même. Nous n’entendons pas ce qu’il dit, car il n’y a pas de micro et nous n’entendons que ce qui est dit directement dans les micros. En se concentrant sur sa voix étouffée par les barrières, on croit l’entendre se plaindre de ne pas entendre. Et ce n’est surement pas les slogans décidés des Gilets Jaunes qui le gênent, contrairement à ce que soutiendra Baraitser. On ne le laisse pas continuer à parler. Un carton est posé sous le micro de Fitzgerald pour augmenter le volume… Enfin, à 13 heures passées Fitzgerald a le droit de commencer la défense. 20 minutes plus tard Baraitser suspend la séance pour la pause de déjeuner. Nous sommes sommés de quitter les lieux par l’escalier de secours.
le 24 février 2020 la relation de Julian Assange avec Angela Richter n’est plus ce qu’elle était: il lui signifie de partir d’un geste de main
Nous n’avons que 45 minutes, la cafétéria est minuscule et la queue vite énorme. Je suis épuisée et je prends un café au distributeur avant de regagner le sas. Mon amie qui a fait la photo lorsque Julian Assange a parlé a été immédiatement expulsée du bâtiment, elle n’insiste pas. J’essaye d’en savoir plus sur ce que Julian a dit en le demandant à Fitzgerald dans un couloir du tribunal. Peine perdue, il reste évasif. Je me dépêche de regagner le sas, car même s’il y a moins de monde l’après-midi, c’était prévisible que certains soient plus intéressés par leurs relations publiques que par le procès, Greekemmy veille au grain pour introduire les siens.
Qu’est ce exactement que Wikileaks ? Plaidoirie de Me Hamilton Fitzgerald
Je réussis sans trop de dommage à revenir dans la galerie après attente dans le sas et le passage par l’escalier de secours, malgré ma peur de nouveau subir des pressions de la part des présents pour céder ma place à quelqu’un de « haut placé ». Les sièges libérés sont remplis rapidement : Sevim Dagdelen et Heike Hänsel sont assises à coté d’Angela Richter. Le copain de la jeune resquilleuse cligne des yeux assis derrière moi. Julian Assange entre à 14 heures dans le box. Il est toujours aussi triste, assis les mains jointes, il ne regarde pas la famille, ne sourit à personne… Hamilton Fitzegerald reprend son discours : il veut s’appuyer sur l’article 10 du traité d’extradition, présenter les « abuse of procedures », vices de procédures et prouver « sur la base de la jurisprudence Castillo et Murua » (probablement Adgar Castillo contre l’Espagne – jugement de la Cour Européenne des Droits de l’homme en 1998) que Julian Assange avait dans son action des opinions politiques, qu’il est donc poursuivi pour ces opinions et que par conséquent le traité d’extradition serait violé si l’extradition venait à s’appliquer à son cas. Par ailleurs, son extradition risquerait de l’exposer à des traitements inhumains et dégradants, au risque de suicide, et au risque de la peine de mort. Par la suite l’avocat cite les témoins qui vont comparaitre : des universitaires et journalistes spécialisés dans les questions d’espionnage et de fuites de données informatiques, Jamil Jabber de l’université de Columbia, Michael Tigar, attorney et professeur américain, et aussi le très célèbre Noam Chomsky. Puis l’avocat refait le récit des publications « Wikileaks » : il raconte comment Bradley Manning a déclaré avoir de lui-même téléchargé les documents, contacté le Washington Post, puis décidé en février 2010 de tout donner au site internet « Wikileaks », notamment le film de « l’attaque aérienne sur des civils innocents en Irak » et, le 8 mars 2010, les documents relatifs au bagne de Guantanamo, guidé par l’idée qu’il était « dans l’intérêt du public » de les éditer. Passant rapidement sur le fait que ce fut l’administration Obama qui a initié les hostilités contre Julian Assange, l’avocat charge le président Trump en rappelant ses tirades violentes contre la profession de journaliste. Gareth Peirce va alors vers Julian Assange et lui tend un document. Il se lève difficilement pour le prendre, se rassied et regarde fixement devant lui sans bouger.
Edward Hamilton brosse alors de quelques phrases flatteuses la « saga Wikileaks » qui a duré quelques mois, un an maximum en 2010 et 2011. Dans sa bouche Julian Assange se mélange à « Wikileaks » sans qu’on sache trop qui décide de quoi. Il crédite même le site de « catalyseur des révolutions arabes en exposant la corruption du clan Ben Ali en Tunisie» ce qui me fait sourire un peu jaune. Par les amis de l’UGET, de Redeyef, du Parti Patriote Démocrate que j’ai soutenus dès 2011, je sais bien que les Tunisiens n’avaient pas besoin d’Occidentaux pour se rendre compte de la violence et de la corruption de la dictature dans laquelle ils vivaient. Je sais aussi que la vraie Révolution de décembre 2010 est bien partie de manifestations lancées par les militants de l’UGET, l’une des plus vieilles organisations syndicales de l’Afrique, de même que le mouvement de la « Kasbah 1 » en février 2011 a été initié par deux jeunes filles désespérées par la répression, Zahra et Hawra Khammassi, Zahra étant responsable du syndicat UGET à la Faculté du 9 avril. J’espère un jour pouvoir faire rencontrer à Julian Assange les vrais protagonistes de cette histoire, mais pour cela il faut le sortir de cette taule. Pendant que l’avocat continue d’exposer le déroulé de l’affaire, je vois enfin que Julian Assange me regarde fermement, je répond immédiatement en soutenant son regard. Puis il parait plus fatigué et les gestes auto-centrés et répétitifs réapparaissent : il se frotte les doigts et de nouveau lève la tête vers le plafond comme quand on a mal au dos. Mais je vois alors encore mieux son regard qui dit sa souffrance.
Les vrais révolutionnaires de Tunisie: Ramy Sghayer, militant de l’UGET et un des leader de la Kasbah 1, janvier 2011
Fitzgerald fait alors le procès de l’entreprise UnderCover Global, de l’espionnage qu’elle a exercé sur les avocats comme Gareth Peirce qui sera d’ailleurs témoin, comment elle a « empoisonné » les relations dans les locaux du 3 rue Hans Crescent en abusant de la bonne foi de Fidel Narvaez, responsable sécurité de la diplomatie équatorienne. C’est dans ce contexte que Fitzgerald place l’histoire qu’il raconte alors : celle de Dana Rohrabacher, sénateur proche de Trump venu en 2016 promettre à Julian Assange de le laisser sortir de sa captivité en échange d’informations prétendument donnés par les Russes. Fitzgerald condamne encore une fois l’administration de Trump comme pratiquant le chantage politique, cherchant à extorquer des bénéfices sur le dos de son client. Je pense que le récit politique s’égare un peu : pour ma part j’aurais aimé en savoir davantage sur les motivations de la Wau Holland Stiftung lorsqu’elle a décidé en décembre 2006 de « fördern », c’est-à-dire à la fois soutenir et faire exécuter, le projet 04 Wikileaks[1].
Pour ce qui est de l’Allemagne, les journalistes du Spiegel joueront un rôle important comme témoins de la défense – Fitzgerald cite John Goetz et même Jacob Augstein, le fils de Rudolf Augstein, le fondateur du magazine comme témoins ayant toujours affirmé que Julian Assange protégeait ses sources et n’avait jamais participé au hacking des documents classifiés. Malheureusement alors que l’avocat fait le portrait d’un homme politiquement engagé, champion de la transparence et de la lutte anti impérialiste, multimédaillé, l’éloge flatteur n’a pas d’effet sur le moral de Julian Assange qui parait immobile, enfermé dans sa souffrance. Je commence moi aussi à me sentir mal d’assister à sa souffrance et ce ne sont pas les mots de Fitzgerald citant une charge de Chomsky sur Trump qui vont me donner me redonner confiance, Obama étant largement aussi responsable de la « chasse à l’homme Julian Assange ». Enfin, l’avocat aborde le plus dur mais le plus évident : l’extradition mènera Julian Assange à subir « des traitements dégradants et inhumains », le risque d’une condamnation à la prison à vie est évoqué, et les conditions de l’emprisonnement aux Etats Unis détaillés. Enfin, Fitzgerald expose que les conditions de vie de son client, le fait « d’être exposé avec sa famille en tant que cible », d’être « exposé à l’isolement » a mené son client, selon deux médecins cités, Dr Crosby et Prof. Malon, à une « clinical depression ». L’extradition va aggraver « son état de santé fragile » (« fragile state fo health ») et le mener au suicide.
Le rideau tombe. Baraitser lève sa séance. Julian Assange lève le poing mais parait épuisé. Je refuse de sortir de notre box tant que lui n’a pas quitté le sien. J’observe sa démarche, ses gestes, j’observe les gardiens. J’ai néanmoins pu croiser son regard une dernière fois. Lorsque je sors du bâtiment, une centaine de journalistes, certains agenouillés, recueillent religieusement la parole de John Shipton. Je reconnais et salue certains amis Gilets Jaunes. Il faut se débriefer et se reposer, comprendre ce qui se passe. Demain je reviendrai.
Julian Assange, vu en vrai le 13 janvier 2020, salle 1 de la Westminster Magistrate Court.
Julian Assange – undated photo, probably 2008, or 2009 or 2010
Monika Karbowska
My tenth trip to London to attend a pre-trial hearing of Julian Assange. Some people told me that since the « big trial » starts with a lot of media coverage next Monday, it’s not worth exhausting myself on these express trips. Indeed, tired I may be by this incessant battle to organise and finance the trip and the stay, sleeping in the uncomfortable Flixbus without forgetting the perpetual uncertainty of not knowing if I will have access to the courtroom as a public. But each hearing is the only opportunity to see Julian Assange, to testify tirelessly about his condition, to mark by our presence the refusal to see him walled up in the dungeons of indifference. Nothing is better than facing the raw reality of the courtroom to make me aware of the illusions of media storytelling, ever more implausible with regard to Julian Assange’s situation.
This time it’s even worse: my bus is 4 hours late. Without any plausible explanation other than a beaded strike, several ferries of the Calais-Dover line are cancelled in the night of 18 to 19 February. When our bus finally crosses the channel and heads for London, I already know that I will be too late for court. Arriving around 7am in the suburbs, the bus gets lost in the morning traffic jams of the capital. I am nervous but resigned to letting go because I know that in this case anything can happen. Indeed, surprise: at 7.30 a.m., my friend John gives me the news on the phone: since the day before the rumour has been going around that the court would have postponed Julian Assange’s hearing until the afternoon. But as nobody trusts the court’s announcements any more, the activists are waiting. It’s a pity that the lawyers didn’t take the trouble to warn us of this change of schedule. As soon as I get out of Victoria Station, I run to the metro. It is 9.30am when I arrive at Westminster Court, the door is already open. Julian Assange’s name is, as usual, at the top of the list of 25 names of Poles and Romanians to be extradited today.
I find the activists and journalists scattered in the waiting room. I greet friends and acquaintances. Finally, at the end of these long months spent here, we form a sort of « family of hearts » of Julian Assange present here in the heart of the turmoil against all odds, despite our differences. The atmosphere is warmer when there is no official « jail guard » to control our conversations. We exchange sceptical remarks about the court decision. What is the real reason? An elderly man is upset because he has travelled from the north of England at night to attend the hearing and will not be able to stay in the afternoon. John comforts him. I am answering questions from a Sputnik journalist about Wikijustice’s strategy. We are also discussing the threat to us that the Belmarsh Magistrate Court will not allow the public free access next week at the full extradition hearing. When at 10.00 am the secretary comes out of room 3 and announces that the hearing of Mr Julian Assange is postponed to 3.15 pm nobody believes him. Everyone waits, we take turns at the information desk or the annoyed employee refuses to answer us. The secretary has to go over it several times to convince us that he is telling the truth.
Naomi Colvin and Mc McGrath as journalists at the Center for Investigative Journalism in 2017
After 10.30 am, we resign ourselves to go and wait at the « café des avocats » and we stay there for several hours. A little before 1 p.m. I decide to return to the waiting room of the court. I don’t want to lose my place in the queue after a 12-hour journey. Around 2 p.m. the space fills up. The journalists are back, I notice the presence of Naomi Colvin as well as the absence of « Greekeemmy ». I know the importance of the press conference in Paris the next day, I tell myself that the « official relatives » are preparing it. In the end, 14 journalists will be present at the door and 11 will be able to enter with an accreditation card. Most of them are the same as at the previous hearings. In front of the door are two English men whom I thought were journalists, and who will finally be the first to take their place among the public. At their pace and their political conversations, I understand that they may be left-wing activists. We form a tight line in front of the door behind which the hearings of the last 4 accused on the list, Slovakian, Polish and Lithuanian, are taking place. The court will be empty when the case of Julian Assange is discussed.
Shortly before 3 pm, Gareth Peirce and Edward Fitzgerald arrive. I see the young MC MacGrath similarly, all dressed in black, joining them. On the accusation side, I notice Clair Dobbin’s collaborator, but not the latter. Mitie’s security guards are accompanied by a tall, stern-looking woman wearing a police uniform. She will check that our mobile phones are switched off at the entrance to the hall and will watch us in the box. Is it the effect of our emotional outbursts on the end of hearings or our criticism of the passes that Mitie gives to some « officials » at the expense of others? Perhaps both. However, it is always Mitie’s manager who manages the admissions. At 3.10 pm we meet in the public box. I am forced to sit too far in the back which will prevent me from seeing Julian on the right screen. But I can’t do otherwise.
The lawyers are quickly in place, but Mc McGrath is given the name « scholar » by the secretary and has to sit in the back row. The prosecution is represented by a young, red-haired man, different from the prosecutor of 19 December. At 3.12 pm, when the judge is not yet there, the secretary takes the remote control and calls « officer, Belmarsh please ». The screen lights up in a room with dark walls, in the centre two armchairs, also dark, black or purple. Behind the armchairs is a large ‘HMP Belmarsh’ panel and at the back is a door. For a moment we see a strong guard in a black uniform. The secretary tells him to bring « Mr. Assange ». The man goes out and then we see the silhouette of Julian Assange appear in the doorway. As always, I am seized by emotion and so I don’t notice that the guard follows him into the stall.
Julian Assange is wearing black jogging trousers, a beige jumper and a white shirt with the collar out over the jumper. His hair is properly cut and styled, he has shaved his. He wears glasses that he puts on his head as a headband. I have the impression that he is less slimmed down than he was a month ago but maybe the jogging is hiding his real stoutness. His face looks less emaciated, rounder, and his features less hollowed out, but maybe it’s just the effect of the camera filming him more closely. I can make out his sad expression, an absent look, but I can’t say more because I’m too far from the screen. On the other hand, I’m sure I can see his gait not very confident. He looks like he limps as he enters the box, especially as he carries a large binder full of white paper in both hands. When he sits down, he first puts the file on his lap with his hands flat on it and doesn’t move. He then places his left leg on his right knee, leaning slightly to the left. Then he puts his left leg on his right knee, bends a little to the left, holds the heavy file on his knees, opens it slowly and starts to read the left page. He stays at least 5 minutes this way, he doesn’t raise his head, doesn’t look at the court, nor at his lawyers, nor at the judge when she comes in. His lawyers don’t greet him either, which will never cease to amaze me, whereas the official storytelling, particularly at the press conference in Paris on Thursday 20 February, mentions the fighting of an « international team » of French, Spanish, English and Belgian bar leaders that he is supposed to lead.
Press conference on Julian Assange in Paris on 20 February 2020: Baltazar Garzon, Christophe Deloire and lawyer Dupont Moretti in the middle. Left sites: John Shipton. He never answered the question of Wikijustice: why is he the owner of the Wikileaks.org domain name and he is not prosecuted instead of Assange?
It has to be said that sometimes the contradictions in the storytelling take on surrealist overtones. For example, all autumn and winter long, I’ve heard Gareth Peirce here complain that he never gets to see his client. In Paris, on February 20, I learned that the talented French Dupont Moretti managed in a flash what the poor British woman could not manage to get: while he was never Julian Assange’s lawyer, and is not one of his close friends, he was able to make a 3-hour visit to Belmarsh prison, having barely waited 2 weeks to book it! I could push a nationalist « cock-a-doodle-doo » if I wasn’t so sceptical about the contradictions in the discourse. In the same way, Dupont Moretti now describes in the media the hard fight he is waging to obtain the right of asylum on the basis that Julian Assange would have stayed in France from 2007 to 2010. France requires all non-EU nationals to have an employment contract in order to obtain a work permit, a residence permit and social security. Julian Assange must therefore have benefited from all this if his stay was « legal ». If this is true, then there is no need to embark on complicated asylum application procedures, a simple renewal of the residence permit is enough!
Veronique Pidancet Barrière from Wikijustice speaks about the hearing of the 23 January and the press conference in Paris
Far from Paris, the reality of the London court shows me a man who discovers his file on the eve of his trial. And again, I don’t have the impression that he is reading, but rather that he is looking at it distractedly, as if he were indifferent to all this hullabaloo around him. I watch carefully to note when he turns the pages and try to determine whether he is reading or whether he is perhaps obliged to participate in a staging designed to make us believe that he finally has access to his documents. In 45 minutes, Julian Assange turns 4 pages and raises his head 3 or 4 times to look at the courtyard before returning to the binder. When he lowers his head towards the filing cabinet, he puts his glasses back on, to see the room, he takes them off. These will be all his gestures. Only once, when the prosecutor speaks loudly, Julian Assange rubs his fingers and hands together with a nervous gesture. The rest of the time, he remains motionless, as if absent. And that doesn’t shock anyone in the audience.
John Shipton the owner of the Web site www.wikileaks.org in CaliforniaCredits of the movie « Collateral Murder » – Julian Assange is the creative producer and creative direction of a fiction movie
Judge Baraitser enters at 3.25 pm, we get up but Julian Assange remains seated behind the camera. She immediately asks him to confirm « your full name ». He answers her in a clear and more assertive voice than the last times: « my name is Julian Assange 3 July 1971 ». But maybe it’s also because they have turned up the sound… That’s all he will say. Once again the hearing takes place without his participation. The hearing will consist of a dialogue between the young prosecutor, lawyer Fitzgerald and Judge Baraitser. The subject is the organisation of next week’s trial. It is therefore a case management hearing which we are attending. As on previous occasions, I cannot understand everything, so I am paying attention to certain expressions that come up in the conversation and which I could supplement with my post-hearing debriefing with friends and acquaintances.
Ingi Ragnar Ingason, the icelandic creator of the fiction movie « Collateral murder ». Today he is the Director of the Sunshine Production Press compagny, the islandic company subcontracted by the Wau Holland foundation to lead the « Wikileaks 04 Project ». Julian Assange is only a employee of the Wau Holland Stiftung
Lawyer Fitzgerald begins by thanking the judge for the reply to one of his emails. There is then talk of a « preliminary decision » which will not be made next week. Then the judge talks to the prosecutor about the filing of « evidence ». Julian Assange is still reading the first page of the file, he puts his glasses back on, he is now leaning to the right. I don’t have the impression that he is listening or hearing the court. I wonder then, a little desperate, what evidence does the prosecution have at its disposal? After all, there is no crime. Moreover, after watching the long version of « Collateral Murder » I don’t feel like I’m looking at a leaked video since many technicians worked on its design. Julian Assange is credited as « producer, creative director ». If there is a » creative director « , it is because there is creation. The film’s credits also include a host of technicians from RUV, Iceland’s public television. Gudmundur Ragnar Gudmundsson, chief operator of this television station is responsible for online content, Borgnyr Thoroddsen is sound technician, Kristinn Hrafnsson is story developer and Ingi Ragnar Ingason is visual editor. Icelandic MP Birgita Jondsottir is the scriptwriter for the film while her colleague and founder of the Pirate Party, Samari Mac Carthy, is co-producer of the film with former hacker and head of the Chaos Computer Club, Rop Ronggrijp. When historians of the future look at this document, they will certainly not be able to consider it as a primary source of knowledge on the US war on Iraqi soil in the years 2003 to 2010. Rather, they will treat it as a fictional image, a particular vision produced by Westerners who are opposed to this war.
The credits of the fictional movie « Collateral Murder » – people who created the movie a from Island, France and Germany. Where is the original movie given by Chelsea Manning?
However, if today this film is the « crime » that is being judged today, then these Icelandic technicians should be considered at least as responsible as Julian Assange and Chelsea Manning. Moreover, I think that nobody has seen the original film transmitted by Manning. I also think that we have not seen any evidence, other than her confessions extracted under torture, that she transmitted anything to Julian Assange, neither the « Afghan Logs » nor the « Iraq Files » which may, however, be the subject of the accusation. In a modern legal system, confessions, unlike justice in the Middle Ages, have less weight than material evidence and confessions under torture are only evidence of torture. Moreover, in the 8 months since the trial, we have not yet been able to attend the reading of the indictment. Will it finally take place on Monday 24 February?
I think I hear Baraitser saying that she « would not make a decision next week ». This allows Edward Fitzgerald to say, at 3.30 pm, how much he « respects her proposal » and that he agrees to study the « abuses » in the first few days. The « abuses » would be procedural flaws, including the fact that the 2003 extradition treaty prohibits extradition for political reasons. I am very pleased that the defence is finally getting to the heart of the matter. On the other hand, I am worried by the fact that Julian Assange seems even more passive and absent, he is now reading the second page of the file. I also notice that Mitie’s manager is still present in the room. Fitzgerald explains at length that he will file a chronological document retracing the « abuses », the judge urges him to conclude by next week. At 3.34 p.m., Julian Assange raises his glasses and looks at the court, then he lowers his head towards his file. Baraitser is conciliatory to the lawyer’s speech. She assures that she will « hear his critical remarks ». Afterwards, however, something embarrassed Fitzgerald and he speaks in a hesitant and barely audible voice. When the judge asked him if he was the « spanish witnesses », the witnesses in the Spanish proceedings, Assange took off his glasses and listened. It is 3:37 p.m. The prosecutor then launches an offensive and demands by Monday « the complete documents including the arguments on procedural flaws ». It is then that Julian Assange rubs his hands in a nervous gesture. Baraitser urges the lawyer to file next week a summary of his defence case. Fitzgerald stammers more and more, ends up saying that he will « discuss with his client » and then bring « a chronological summary in relation to the procedural flaws ». At 3.43 p.m., the question of witnesses is reviewed. Fitzgerald spoke at length about the difficulty of obtaining testimony, and dwelt on the case of Chelsea Manning, whose testimony before the military commission was classified. At this point, Julian Assange listens, leaning to the left. I understand that the witnesses will not actually take the stand but will send documents. However, although bringing witnesses is complicated, it is often necessary and it is sometimes easier for a person to speak than to write.
The prosecutor and the lawyer then consult a document together. The prosecutor’s lawyer moves around and whispers something in the ear of the prosecutor. Baraitser admits that there is « a lot of bundles » in the file. I understand this word to mean ‘many ramifications’ or ‘bundles’. We don’t know if Julian Assange understands what is going on. He’s becoming more and more invisible as we talk about him. The judge invites the parties to « conclude ». It is then that Fitzgerald mentions three additional witnesses. To everyone’s surprise, he cites Jennifer Robinson as a witness, as well as a certain Durkin and Rohrabacher, the politician close to Trump, who will be widely covered in the media the next day. For my part, I wondered how Jennifer Robinson could appear at the Paris press conference as Julian Assange’s lawyer while being a witness. The question was resolved by her absence at this event. Because what legitimacy can the testimony of a lawyer who is supposed to be in charge of the case have? Normally, no lawyer, with regard to the rule of confidentiality, testifies in a case for which he is in charge. Yet another procedural flaw? The hearing is concluded by a discussion between judge, lawyer and prosecutor about the deadlines for filing documents.
At 3.55 pm, the judge Baraitser finally turns to Julian Assange and tells him that he will physically appear in court on Monday. She concludes her layus with a « do you hear ». Assange looks at her without answering, obviously he didn’t hear or understand. Then, to everyone’s surprise, the prison guard’s arm appears on the screen. He waves his hand in front of Julian Assange as if he wants to wake him up or check if he can see in front of him. It is only at this moment that I realise the presence of the guard, who is very present facing Julian Assange in the box while he is hidden from our gaze. I do not imagine that a trial in which the accused is locked in a box and subjected to the constant gaze of a guard can be considered fair, without the court being able to check that the guard does not intimidate the accused and that the accused retains his freedom of conscience, if not his freedom of movement. I realise that Julian Assange was probably simply afraid, hence his absent and self-effacing appearance. The 2017 inspection report of Belmarsh Prison may well show modernized prisoner-guard relations, but the detention system remains a system of domination and a guard has such power over the detainee that it is impossible to talk about freedom of expression when the accused must face the judge while at the same time confronting his guard!
The guard, however, questions the judge. He reminds her that Julian Assange’s arrest expires today and that if nothing is said, he will be forced to release him! For 30 seconds, because of Mrs. Baraitser’s distraction, Julian Assange could have seen the door of his glove open: you can leave, you are free! The judge Baraitser is visibly offended by his oblivion: she declares in a loud voice to adjourn the trial to Monday « and you, Mr. Assange, remain in detention ». Julian Assange does not react. She also forgets to ask him if he understood. The screen is already off, the judge leaves and we are told to get out of here.
Still stunned by the injustice and the many procedural flaws, I come to my senses through discussions with the activists. We make the film of the hearing again to make sure we understand what is going on. The lawyers lock themselves in a consultation room, leaving MC McGrath outside. While John goes to talk to him, I talk to the others. Then when the young man pretends to leave, I come and talk to him. He nods affirmatively when I ask him if he is MC McGrath hacker and developer of counter surveillance software. I compliment him on his work and tell him that he is right to go to law school now. In a few years, he may find himself in Julian Assange’s shoes, seeing how the system is closing in on us to control us. And he will need to know the law to defend himself. I’m thinking of Karl Koch, a young hacker prodigy of the 1980s, who died in 1988, at the age of 23, in very troubled circumstances after having already been used by the media in a massive storytelling about « the pro-Russian hacker spy » and then pressed by the German secret services.
Karl Koch, the young hacker who died in 1989 manipulated by the Chaos Computer Wau Holland’s and the west german secret services BND. Assange probably knew him
Assange had known Karl Koch, he probably participated with him in the hacking of the Vax 25, ARPANET and MILNET systems, the first internet networks. His book written with Suelette Dreyfus, in 1992-1997, describes in a romanticised way the scandal of the 16 year olds who became the first international hackers. But a review of the German press at the time confirms that these children, all linked to the Chaos Computer Club created by Wau Holland and Andy Müller Maguhn in 1981, were under constant surveillance by the BND secret services who were planning to use them against the Soviets. Andy Müller Maguhn was also 16 years old in 1981 but very quickly became the head of the CCC structures and later of the Wau Holland Stiftung in which he developed the 04 Wikileaks project from 2009 onwards. The « Wikileaks » project, of which Julian Assange was the executing project coordinator, was as harmful to him as hacking under the control of the secret services was to Karl Koch. The leaders of the Chaos Computer Club, however, were never worried about their legal liability: Bernd Fix developed a virus called Fix virus by the BND in 1985, which served as the first trojan horse against Soviet computers. Today he is a highly respected leader of the Wau Holland Foundation, alongside his colleague Müller Maghun, who is the referent on the Board of the same foundation for the Wikileaks project in 2009-2014 . It is time that 16 year olds and even unconscious young adults were protected from manipulators who mediate their exploits and then abandon them to their fate when the repression of the system falls upon them.
One of the real bosses of Wikileaks- Bernd Fix, the boss of the Wau Holland foundation in Berlin and HamburgAndy Müller-Maguhn the real boss of the « 04 Projekt Wikileaks », président of the Wau Holland Foundation in Hamburg and Berlin
This is what I am trying to explain, perhaps awkwardly, to MC McGrath who listens to my sermon before running away. But I am 48 years old, the age of Julian Assange. It is normal that I warn activists younger than me. I know so well that the capitalist and police system doesn’t give gifts to the real Spartacus.
The journalist Anna Loll’s SWR2 radio program about German and American hackers and the power of German and American foundations. Title: « Who pays the hackers »? A hacking well integrated in the State?Hackers working for Soros, Ford and Peter Thiel of the Palantir company.Andy Müller Maguhn, boss of the German Wau Holland Foundation and boss of the Wikileaks 04 Project of the foundation
« The Impact of Project RAHAB and the Chaos Computing Congresses (CCC) on the Future of Computer-Network Mediated Espionage: Cuckoo’s Egg Prequel or Perfect Storm? »